Arrêt n°
du 7/12/2022
N° RG 21/02134
MLB/FJ
Formule exécutoire le :
à :
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 7 décembre 2022
APPELANT :
d’un jugement rendu le 29 novembre 2021 par le Conseil de Prud’hommes de REIMS, section Activités Diverses (n° F 21/00027)
Monsieur [O] [V]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Sandy HARANT, avocat au barreau de REIMS
INTIMÉE :
SAS AMBULANCES CLOVIS
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par la SELARL G.R.M.A., avocats au barreau de REIMS
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 septembre 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargé du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 26 octobre 2022, prorogée au 7 décembre 2022.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Christine ROBERT-WARNET, président
Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Madame Lozie SOKY, greffier placé
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Monsieur [O] [V] a été embauché par la SARL Ambulances Clovis Reims, suivant contrat de travail à durée déterminée à temps complet en date du 19 janvier 2009, en qualité de chauffeur, jusqu’au 17 avril 2009.
Le contrat de travail à durée déterminée s’est poursuivi au-delà de son terme.
Le 27 juillet 2010, la SARL Ambulances Clovis Reims a notifié à Monsieur [O] [V] un avertissement.
Monsieur [O] [V] a été en arrêt de travail du 6 au 12 septembre 2010.
Monsieur [O] [V] s’est vu notifier un nouvel avertissement par courrier daté du 9 décembre 2010.
Le 1er juin 2011, la SARL Ambulances Clovis Reims a notifié à Monsieur [O] [V] une mise à pied de trois jours à effet du 14 au 16 juin 2011.
Par courrier du 26 juillet 2011, Monsieur [O] [V] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.
Le 1er juin 2012, Monsieur [O] [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Reims de différentes demandes à l’encontre de la SARL Ambulances Clovis Reims.
Le 3 septembre 2012, le conseil de prud’hommes a rendu une décision constatant la caducité.
Le 13 septembre 2012, Monsieur [O] [V] a saisi le conseil de prud’hommes d’un relevé de caducité.
Le 22 octobre 2012, le conseil de prud’hommes a rendu une décision constatant la caducité.
Le 5 novembre 2012, Monsieur [O] [V] a de nouveau saisi le conseil de prud’hommes de Reims.
Par jugement en date du 12 mai 2014, le conseil de prud’hommes a dit et jugé irrecevable la demande de Monsieur [O] [V] de relevé de caducité prononcée le 22 octobre 2012 et débouté Monsieur [O] [V] de ses demandes.
Par arrêt en date du 3 juin 2015, la cour d’appel a infirmé le jugement du 12 mai 2014, déclaré Monsieur [O] [V] recevable en sa demande et renvoyé l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Reims aux fins de jugement des prétentions de Monsieur [O] [V].
Suivant arrêt en date du 7 décembre 2016, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’employeur formé contre l’arrêt de la cour d’appel.
Le conseil de prud’hommes a procédé à la radiation de l’affaire le 24 janvier 2019.
Le 31 décembre 2019, la SARL Ambulances Clovis Reims a été absorbée par la SAS Ambulances Clovis.
Le conseil de prud’hommes a procédé à la réinscription de l’affaire le 20 janvier 2021.
Par jugement en date du 29 novembre 2021, le conseil de prud’hommes a :
– pris acte de la fusion-absorption de la SARL Ambulances Clovis Reims par la SAS Ambulances Clovis à dater du 31 décembre 2019 et de la reprise par la SAS Ambulances Clovis de l’ensemble du passif de la société Ambulances Clovis Reims, et fait droit en cela à la demande de Monsieur [O] [V] ;
– jugé irrecevables car prescrites les demandes tant principales que subsidiaires de Monsieur [O] [V] ;
– déclaré toutes les demandes, tant principales que subsidiaires, de Monsieur [O] [V] sans objet, de par la prescription ;
– débouté la SAS Ambulances Clovis de sa demande de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour attitude abusive et déloyale ainsi que pour procédure abusive et vexatoire ;
– condamné Monsieur [O] [V] à payer à la SAS Ambulances Clovis la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties de toutes autres et plus amples demandes ;
– condamné Monsieur [O] [V] aux dépens.
Le 1er décembre 2021, Monsieur [O] [V] a formé une déclaration d’appel.
Dans ses écritures en date du 29 avril 2022, Monsieur [O] [V] demande à la cour :
– d’annuler le jugement en ce qu’il a déclaré prescrites l’ensemble des demandes qu’il a présentées et l’en a débouté ;
en tout état de cause ;
– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes, condamné au paiement d’une indemnité de procédure et aux dépens ;
– de rejeter la fin de non-recevoir liée à une prétendue prescription de ses demandes d’annulation de sanctions et de remboursement de retenue sur salaire ;
– d’annuler les avertissements qui lui ont été notifiés le 27 juillet 2010 et le 9 décembre 2010 ;
– d’annuler la mise à pied disciplinaire du 1er juin 2011 ;
– de condamner la SAS Ambulances Clovis à lui payer les sommes de :
. 228,41 euros indûment retenus au titre de la mise à pied disciplinaire du 1er juin 2011, outre les congés payés y afférents ;
. 337,75 euros indûment retenus à la suite de son accident du travail, outre les congés payés y afférents ;
. 100,40 euros indûment retenus au titre de la période du 27 au 28 mai 2011, outre les congés payés y afférents ;
. 1255,32 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires, outre les congés payés y afférents ;
. 1556,81 euros au titre du temps d’habillage et de déshabillage, outre les congés payés y afférents ;
– de requalifier sa prise d’acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– de condamner la SAS Ambulances Clovis à lui payer les sommes de :
. 3274,46 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents ;
. 870,95 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;
. 15000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;
– d’ordonner à la SAS Ambulances Clovis de lui remettre les bulletins de paie rectifiés des mois de juillet, août et septembre 2011 et l’attestation Pôle Emploi et le certificat de travail rectifiés ;
– de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la SAS Ambulances Clovis de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
– de condamner la SAS Ambulances Clovis à lui payer la somme de 3000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel, de débouter la SAS Ambulances Clovis de sa demande à ce titre et d’infirmer le jugement du chef de sa condamnation au paiement d’une indemnité de procédure ;
– de condamner la SAS Ambulances Clovis aux dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés directement par son conseil.
Dans ses écritures en date du 14 juin 2022, la SAS Ambulances Clovis demande à la cour :
– à titre principal, de confirmer le jugement sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages-intérêts et de condamner Monsieur [O] [V] à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour attitude abusive et déloyale ainsi que pour procédure abusive et vexatoire, celle de 4000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel et aux dépens.
– à titre subsidiaire, :
. de juger que sont irrecevables car prescrites les demandes de Monsieur [O] [V] tendant à l’annulation des deux avertissements et de la mise à pied disciplinaire et de condamnation au paiement des sommes de 228,41 euros et de 337,75 euros, outre les congés payés y afférents ;
. de débouter Monsieur [O] [V] de toutes ses autres demandes ;
. d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages-intérêts et de condamner Monsieur [O] [V] à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour attitude abusive et déloyale ainsi que pour procédure abusive et vexatoire, celle de 4000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel et aux dépens.
– à titre infiniment subsidiaire, de débouter Monsieur [O] [V] de ses demandes et d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages-intérêts et de condamner Monsieur [O] [V] à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour attitude abusive et déloyale ainsi que pour procédure abusive et vexatoire, celle de 4000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel et aux dépens ;
– en tout état de cause, de condamner Monsieur [O] [V] à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour attitude abusive et déloyale ainsi que pour procédure abusive et vexatoire, celle de 4000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel et aux dépens.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé.
En raison de problème de greffe, le délibéré initialement fixé au 9 novembre 2022 a été prorogé au 7 décembre 2022.
Motifs :
– Sur l’annulation du jugement :
Monsieur [O] [V] demande à la cour d’annuler le jugement en ce que les premiers juges n’ont pas respecté le principe du contradictoire, en appliquant la prescription à l’ensemble de ses demandes, sans inviter les parties à s’expliquer sur ce point, alors que la SAS Ambulances Clovis n’avait soulevé la prescription que sur une partie de ses demandes.
Il ressort de l’exposé des faits et des prétentions des parties repris au jugement que la SAS Ambulances Clovis n’avait soulevé la prescription des demandes de Monsieur [O] [V] qu’au titre de l’annulation des avertissements et de la mise à pied disciplinaire et de la condamnation au paiement d’un rappel de salaire au titre de la mise à pied disciplinaire et d’un accident du travail.
Dans ces conditions, en appliquant aussi une telle prescription aux autres demandes de rappels de salaire de Monsieur [O] [V] et à celles liées à la rupture du contrat de travail, sans avoir au préalable invité les parties à s’expliquer sur une fin de non-recevoir -qu’ils ne pouvaient au demeurant soulever d’office- les premiers juges n’ont pas respecté le principe du contradictoire.
Une telle violation entraîne l’annulation du jugement.
– Sur la prescription des demandes d’annulation des sanctions disciplinaires, du rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire et du rappel de salaire au titre du mois de septembre 2010 :
La SAS Ambulances Clovis soutient que les demandes de Monsieur [O] [V] au titre de l’annulation des sanctions disciplinaires du 27 juillet 2010, du 9 décembre 2010 et du 1er juin 2011 -et du rappel de salaire correspondant- seraient prescrites dès lors qu’elles ont été sollicitées pour la première fois par Monsieur [O] [V] dans ses écritures du 20 janvier 2021 et qu’elles n’ont donc pas été contestées dans le délai de 5 ans, alors applicable, de leur notification. Elle soutient que la demande de rappel de salaire au titre du mois de septembre 2010 est également prescrite en ce qu’elle n’a pas été présentée avant le 6 septembre 2015.
Monsieur [O] [V] réplique à raison que par sa saisine du conseil de prud’hommes le 1er juin 2012 relative à des demandes portant sur le contrat de travail du 19 janvier 2009 le liant à la SARL Ambulances Clovis Reims, et en application des articles R.1452-1 et R.1452-6 du code du travail alors applicables, la prescription a été interrompue, même si les demandes en cause, qui portent sur le même contrat de travail, ont été présentées en cours d’instance.
Il convient en outre de préciser que celles-ci ont bien été présentées au cours de la même instance puisqu’il ressort de l’arrêt du 3 juin 2015 que Monsieur [O] [V] a été déclaré recevable en sa demande de relevé de caducité relative à sa saisine du 1er juin 2012 et que l’affaire a été renvoyée devant le conseil de prud’hommes de Reims aux fins de jugement de ses prétentions.
Les demandes de Monsieur [O] [V] au titre de l’annulation des sanctions disciplinaires, du rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire et du rappel de salaire au titre du mois de septembre 2010 sont donc recevables.
– Sur l’annulation des sanctions disciplinaires :
Monsieur [O] [V] demande à la cour d’annuler les 3 sanctions disciplinaires qui lui ont été décernées, demande à laquelle s’oppose la SAS Ambulances Clovis.
Aux termes de l’article L.1333-1 du code du travail ‘En cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié’.
Aux termes de l’article L.1333-2 du code du travail ‘Le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou disproportionnée à la faute commise’.
. Sur l’avertissement du 27 juillet 2010 :
Le 27 juillet 2010, l’employeur a notifié à Monsieur [O] [V] un avertissement, motif pris d’un abandon de fonctions. Il lui était reproché d’avoir quitté son poste le 4 juin 2010 à 12h15 alors qu’il aurait dû continuer son service.
Monsieur [O] [V] avait contesté un tel avertissement par un courrier du 18 août 2010. Il expliquait alors avoir obtenu l’accord de Monsieur [T] pour un départ à 13 heures le 4 juin 2010 dans le cadre de congés, avoir formulé une telle demande au mois de février 2010 par le biais du carnet de rendez-vous de l’entreprise dont il avait alors produit une photocopie.
Il ressort de la copie produite que figure, insérée entre des rendez-vous du mois de février 2010, une demande de congés ainsi formulée ‘souhaiterai quitter à 13h le 4 juin 2010 puis prendre le 7 et le 8 juin 2010″ avec la mention OK.
La SAS Ambulances Clovis ne conteste pas qu’il s’agit du carnet de rendez-vous de l’entreprise mais fait valoir que la mention ‘OK’ a pu être ajoutée par le salarié, sans produire pour sa part l’original du carnet en cause, de sorte que sa contestation à ce titre est vaine.
Dans ces conditions, Monsieur [O] [V] ayant été autorisé à quitter son travail le 4 juin 2010 à 13 heures et dès lors qu’il n’est pas établi par ailleurs que celui-ci l’aurait quitté dès 12h15, aucune faute n’est caractérisée à l’encontre de ce dernier, de sorte qu’il doit être accueilli en sa demande d’annulation de l’avertissement injustifié.
. Sur l’avertissement du 9 décembre 2010 :
Le 9 décembre 2010, la SARL Ambulances Clovis Reims délivrait un nouvel avertissement à Monsieur [O] [V], lui reprochant un comportement fautif à l’occasion du transport de Madame [M] à la suite de sa dialyse.
Monsieur [O] [V] avait contesté toute faute de sa part par courrier du 6 janvier 2011.
Il n’est pas établi que Monsieur [O] [V] se soit montré désagréable avec Madame [M] lors de sa prise en charge, alors que la SAS Ambulances Clovis produit à ce titre, non pas une attestation de Madame [M], mais un courrier de son mari qui n’était pas alors présent.
L’employeur n’est pas davantage fondé à reprocher à Monsieur [O] [V] d’avoir emprunté un itinéraire plus long que celui habituellement pratiqué alors que l’appelant lui oppose l’avoir fait afin d’éviter des embouteillages.
Enfin, la SARL Clovis Ambulances Reims reprochait à Monsieur [O] [V] de ne pas avoir raccompagné Madame [M] jusqu’à son domicile, ce qu’il aurait dû faire, et ce qu’il reconnaît ne pas avoir fait, en raison notamment de la présence de Monsieur [M] qui les attendait.
Ce manquement de Monsieur [O] [V] à ses obligations, ne justifie pas à lui seul un avertissement, et ce alors qu’il ressort des termes mêmes de la lettre de Monsieur [M] qu’il attendait effectivement son épouse devant son habitation.
La sanction disproportionnée doit donc être annulée.
. Sur la mise à pied disciplinaire du 1er juin 2011 :
La SARL Ambulances Clovis Reims a décerné le 1er juin 2011 à Monsieur [O] [V] une mise à pied disciplinaire de 3 jours pour non-respect des consignes administratives et non-respect de l’entretien du véhicule, que Monsieur [O] [V] avait contestée le 9 juin 2011.
Monsieur [O] [V] demande à la cour d’annuler une telle sanction, motif pris de l’inopposabilité du règlement intérieur -qu’il n’a pas soulevée au titre des deux avertissements-, faute d’avoir été adressé à l’inspection du travail.
Si la SAS Ambulances Clovis soutient avoir respecté une telle formalité, elle ne l’établit pas.
Dans ces conditions, la formalité prévue à l’article R.1321-4 du code du travail n’ayant pas été respectée, la sanction disciplinaire a donc été prise en dehors d’un règlement intérieur opposable à Monsieur [O] [V], de sorte qu’elle doit être annulée.
– Sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied disciplinaire :
La mise à pied disciplinaire de 3 jours étant annulée, Monsieur [O] [V] est bien-fondé en sa demande de rappel de salaire de la somme de 228,41 euros, outre les congés payés y afférents, correspondant à la retenue de salaire indûment effectuée.
La SAS Ambulances Clovis sera donc condamnée à lui payer ces sommes.
– Sur les autres retenues de salaire :
Monsieur [O] [V] réclame en premier lieu la condamnation de la SAS Ambulances Clovis à lui payer la somme de 337,75 euros, outre les congés payés, correspondant à la retenue sur salaire pratiquée par son employeur du 6 au 12 septembre 2010 alors qu’il soutient qu’il se trouvait en arrêt de travail consécutivement à un accident du travail.
La SAS Ambulances Clovis s’oppose à une telle demande au motif qu’il ne serait pas démontré que Monsieur [O] [V] ‘était en accident du travail’.
Or, contrairement à ce qu’elle soutient, la mention alors portée sur le bulletin de paie ‘Absence AT’ sur la base des éléments fournis par ses soins, suffit à le démontrer.
La SAS Ambulances Clovis sera donc condamnée à payer à Monsieur [O] [V] la somme de 337,75 euros et celle de 33,77 euros au titre des congés payés y afférents.
Monsieur [O] [V] réclame ensuite la condamnation de la SAS Ambulances Clovis à lui payer la somme de 100,40 euros correspondant à une retenue sur salaire pratiquée les 27 et 28 mai 2011, alors qu’en arrêt-maladie du 24 au 26 mai 2011, son employeur lui avait ensuite refusé l’accès à son poste de travail.
La SAS Ambulances Clovis s’oppose à tort à une telle demande.
En effet, il ressort du courrier qu’elle produit en date du 6 juin 2011, qu’elle a modifié dès le 24 mai 2011 la permanence du samedi soir et du dimanche soir, alors que Monsieur [O] [V] l’avait informé le même jour d’un arrêt de travail du 24 au 26 mai 2011, et ce au demeurant sans l’informer de son remplacement au titre de la permanence.
C’est donc à tort dans ces conditions qu’elle lui a refusé l’accès à son poste de travail au titre de ladite permanence et lui a déduit à ce titre la somme réclamée qu’elle sera donc condamnée à lui payer, outre les congés payés y afférents.
– Sur les heures supplémentaires :
Monsieur [O] [V] réclame la condamnation de la SAS Ambulances Clovis à lui payer la somme de 1556,81 euros au titre des heures supplémentaires effectuées et impayées au cours de la relation contractuelle.
La SAS Ambulances Clovis s’oppose à une telle demande au motif que le salarié a été rempli de ses droits à ce titre, dès lors qu’il a été procédé à un calcul de la durée hebdomadaire du travail sur deux semaines consécutives, dans les conditions de l’article 4 du décret n°83-40 du 26 janvier 1983.
Il ressort de la comparaison entre le décompte produit par le salarié en pièce n°40 au titre des heures réclamées et les feuilles de route hebdomadaires produites par l’employeur, que ce qui oppose les parties, est non pas la durée de l’amplitude qui permet de déterminer, après application du coefficient de décompte, la durée du travail effectif, mais les modalités de calcul de la durée hebdomadaire de travail : à la semaine par le salarié, sur 2 semaines consécutives par la SAS Ambulances Clovis.
C’est à tort que le salarié a fait ses calculs par semaine dès lors qu’il ressort de l’examen des feuilles de route que les 2 semaines consécutives comprennent 3 jours de repos et ne dépassent pas, après application des coefficients de décompte alors applicables entre 2009 et 2011, la durée maximale hebdomadaire de travail de 48 heures, conformément aux dispositions du décret susvisé, et permettaient dès lors le calcul revendiqué par l’employeur.
Monsieur [O] [V] doit donc être débouté de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.
– Sur le rappel de salaire au titre des temps d’habillage et de déshabillage :
Monsieur [O] [V] réclame la condamnation de la SAS Ambulances Clovis à lui payer la somme de 1556,81 euros à titre de rappel de salaire sur temps d’habillage et de déshabillage, au motif que portant une tenue imposée par l’employeur, il peut dès lors prétendre aux temps d’habillage et de déshabillage.
La SAS Ambulances Clovis s’y oppose au motif que de tels temps étaient compris dans le temps de travail du salarié et donc déjà rémunérés.
Il n’est donc pas contesté par la SAS Ambulances Clovis que les temps d’habillage et de déshabillage de Monsieur [O] [V] devaient donner lieu à rémunération.
Il appartient dès lors à la SARL Ambulances Clovis Reims d’établir qu’elle a en son temps réglé Monsieur [O] [V], ce qu’elle ne fait pas.
En effet, aucune des deux pièces qu’elle produit (pièces n°200 et 201) n’est contemporaine de la période d’embauche de Monsieur [O] [V], en ce qu’elles datent respectivement du 10 juin 2013 et du 11 décembre 2013.
Dans ces conditions, Monsieur [O] [V] est bien-fondé en son principe en sa demande en paiement au titre des primes d’habillage et de déshabillage.
Le temps d’habillage et déshabillage journalier réclamé -15 minutes- est excessif et sera fixé à 10 minutes.
Par ailleurs c’est à tort que Monsieur [O] [V] calcule le montant de la prime sur la base du taux horaire moyen sans lui appliquer les coefficients de décompte alors applicables au titre de l’amplitude -dont font partie les temps d’habillage et de déshabillage-, ce qu’il y a lieu de faire.
Le calcul de la prime s’établit donc de la façon suivante :
– 2009 : 255 jours x 10 minutes x 9,49 euros x 80% = 322,66 euros
– 2010 : 252 jours x 10 minutes x 9,65 euros x 83% = 336,39 euros
– 2011 : 137 jours x 10 minutes x 10,04 euros x 86% = 197,15 euros
soit la somme de 856,20 euros, outre les congés payés, que la SAS Ambulances Clovis sera condamnée à payer à Monsieur [O] [V].
– Sur la prise d’acte de la rupture :
Par courrier du 26 juillet 2011, Monsieur [O] [V] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la SARL Ambulances Clovis Reims.
Au regard des griefs établis selon lui à l’encontre de cette dernière, il demande à la cour de requalifier sa prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse tandis que la SAS Ambulances Clovis, qui conteste l’existence de tout manquement de la SARL Ambulances Clovis Reims, lui demande de la requalifier en démission.
Si les griefs invoqués sont réels et suffisamment graves, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, s’ils ne sont pas justifiés, elle produit les effets d’une démission.
Monsieur [O] [V] reproche à la SARL Ambulances Clovis Reims certains des griefs qui figurent dans sa lettre de prise d’acte de la rupture et d’autres qui n’y étaient pas repris, qu’il est en droit d’invoquer s’il prouve qu’il en a eu connaissance avant de prendre acte de la rupture de son contrat de travail.
Monsieur [O] [V] reprochait notamment à la SAS Ambulances Clovis de lui avoir décerné une série de sanctions disciplinaires injustifiées.
Il a été retenu ci-dessus qu’en l’espace de moins d’un an, Monsieur [O] [V] s’est vu décerner 3 sanctions disciplinaires injustifiées, dont une mise à pied de 3 jours, que l’employeur avait maintenues, nonobstant les contestations du salarié.
De tels manquements de l’employeur à ses obligations sont suffisamment graves à eux seuls pour avoir rendu impossible la poursuite du contrat de travail, de sorte que Monsieur [O] [V] doit être accueilli en sa demande tendant à voir produire à sa prise d’acte de la rupture de son contrat de travail les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– Sur les conséquences financières de la requalification de la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Au regard des effets de la requalification de la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, Monsieur [O] [V] peut prétendre à :
– une indemnité de préavis, en application de l’article L.1234-5 du code du travail, correspondant au salaire brut, assujetti au paiement par l’employeur des cotisations sociales, qu’il aurait perçu s’il avait travaillé pendant la durée du délai-congé. Au vu des derniers bulletins de paie produits et dans la limite de la somme réclamée, dès lors que la cour ne peut statuer ultra petita, il sera fait droit à la demande de Monsieur [O] [V], soit la somme de 3274,46 euros, outre les congés payés y afférents.
– une indemnité de licenciement, en application des articles R.1234-2 et R.1234-4 du code du travail alors applicables, calculée sur la base du douzième de la rémunération des douze mois précédant le licenciement, formule la plus avantageuse pour Monsieur [O] [V], soit la somme de 873,08 euros. La SAS Ambulances Clovis sera condamnée à payer à Monsieur [O] [V] la somme de 870,95 euros, correspondant à la somme réclamée, la cour ne pouvant statuer ultra petita.
– des dommages-intérêts en application de l’article L.1235-3 du code du travail alors applicable, qui ne peuvent être inférieurs à 6 mois de salaire au regard de l’ancienneté supérieure à deux ans de Monsieur [O] [V] et dès lors que la SAS Ambulances Clovis n’établit pas que la SARL Ambulances Clovis Reims employait habituellement moins de onze salariés à la date de la prise d’acte.
Monsieur [O] [V] était âgé de 28 ans lors de la prise d’acte. Postérieurement à celle-ci, il a occupé de nombreux emplois précaires et a perçu le RSA pendant quelques mois à compter de décembre 2011. Il ne justifie pas, au moyen de la seule ordonnance produite, de lien entre la perte injustifiée de son emploi et son état de santé.
Au vu de ces éléments, la SAS Ambulances Clovis sera condamnée à payer à Monsieur [O] [V] la somme de 10000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui apparaît de nature à réparer le préjudice subi.
– Sur les dommages-intérêts pour attitude abusive et déloyale et pour procédure abusive et déloyale :
La SAS Ambulances Clovis demande la condamnation de Monsieur [O] [V] à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour attitude abusive et déloyale et pour procédure abusive et déloyale.
Monsieur [O] [V] a initié une procédure en juin 2012, certes longue -sa longueur ne lui est en toute hypothèse pas exclusivement imputable au regard de l’arrêt d’infirmation de la cour d’appel et d’un pourvoi en cassation formé par la SAS Ambulances Clovis et rejeté- à l’issue de laquelle il voit ses prétentions en partie satisfaites.
En l’absence de toute faute de Monsieur [O] [V], la SAS Ambulances Clovis doit donc être déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
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Il y a lieu d’enjoindre à la SAS Ambulances Clovis de remettre à Monsieur [O] [V] le dernier bulletin de paie, l’attestation Pôle Emploi et le certificat de travail rectifiés conformément à la présente décision.
Les conditions s’avèrent réunies pour condamner l’employeur fautif, en application de l’article L.1235-4 du code du travail, à rembourser à l’organisme intéressé les indemnités chômage versées au salarié, du jour de son licenciement au jour de la décision judiciaire, dans la limite de six mois.
Partie succombante, la SAS Ambulances Clovis doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel -avec pour ceux d’appel application de l’article 699 du code de procédure civile-, déboutée de sa demande d’indemnité de procédure au titre des deux instances et condamnée en équité à payer à Monsieur [O] [V] la somme de 3000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.
Par ces motifs :
La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Annule le jugement du conseil de prud’hommes de Reims en date du 29 novembre 2021 ;
Déclare recevables les demandes de Monsieur [O] [V] au titre de l’annulation des sanctions disciplinaires, du rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire et du rappel de salaire au titre du mois de septembre 2010 ;
Annule les avertissements du 27 juillet 2010 et du 9 décembre 2010 et la mise à pied disciplinaire du 1er juin 2011 ;
Condamne la SAS Ambulances Clovis à payer à Monsieur [O] [V] au titre des retenues indues de salaire les sommes de :
– 228,41 euros et 22,84 euros au titre des congés payés y afférents ;
– 337,75 euros et 33,77 euros au titre des congés payés y afférents ;
– 100,40 euros et 10,04 euros au titre des congés payés y afférents ;
Déboute Monsieur [O] [V] de sa demande en paiement au titre des heures supplémentaires ;
Condamne la SAS Ambulances Clovis à payer à Monsieur [O] [V] la somme de 856,20 euros au titre des primes d’habillage et de déshabillage et 85,62 euros au titre des congés payés y afférents ;
Dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SAS Ambulances Clovis à payer à Monsieur [O] [V] les sommes de :
– 3274,46 euros au titre de l’indemnité de préavis ;
– 327,44 euros au titre des congés payés y afférents ;
– 870,95 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;
– 10000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Déboute la SAS Ambulances Clovis de sa demande de dommages-intérêts pour attitude abusive et déloyale et pour procédure abusive et vexatoire ;
Enjoint à la SAS Ambulances Clovis de remettre à Monsieur [O] [V] le dernier bulletin de paie, l’attestation Pôle Emploi et le certificat de travail rectifiés conformément à la présente décision ;
Condamne la SAS Ambulances Clovis à rembourser à l’organisme intéressé, dans la limite de six mois, les indemnités chômage versées au salarié, du jour de son licenciement à celui de la présente décision ;
Condamne la SAS Ambulances Clovis à payer à Monsieur [O] [V] la somme de 3000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel ;
Déboute la SAS Ambulances Clovis de sa demande d’indemnité de procédure au titre des deux instances ;
Condamne la SAS Ambulances Clovis aux dépens de première instance et aux dépens d’appel, avec application de l’article 699 du code de procédure civile pour les dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT