N° de minute : 26/2022
COUR D’APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 05 Mai 2022
Chambre sociale
Numéro R.G. : N° RG 21/00042 – N° Portalis DBWF-V-B7F-R7P
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Avril 2021 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG n° :19/21)
Saisine de la cour : 25 Mai 2021
APPELANT
M. [U] [V]
né le 29 Juin 1972 à HOUAILOU (98816), demeurant Tribu de Boeareu – BP 383 – 98816 HOUAILOU (bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/001086 du 06/08/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NOUMEA), représenté par Me Gustave TEHIO membre de la SELARL TEHIO, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉ
COMMUNE DE HOUAILOU, représentée par son Maire en exercice, Mairie de HOUAILOU – Lot 22 – Village – 98816 HOUAILOU, représenté par Me Raphaële CHARLIER membre de la SELARL RAPHAËLE CHARLIER, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 24 Mars 2022, en audience publique, devant la cour composée de Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président, M. François BILLON, Conseiller, M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de M. [K] [S].
Greffier lors des débats et de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE
ARRÊT contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, signé par Monsieur Philippe DORCET, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
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PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
M. [U] [V] a été embauché par la commune de HOUAILOU le 1er juin 2004 en qualité de soudeur, affecté aux services techniques municipaux. Son salaire brut en son dernier état s’élevait à la somme de 264 915 F CFP.
Le 1er mars 2018, le directeur technique, M. [R], a surpris à 6h30 M. [V] consommant du cannabis derrière l’atelier de soudure. Il a rédigé un rapport contresigné par le salarié. Par courrier daté du 2 mars 2018, M. [V] a été convoqué à un entretien disciplinaire le 15 mars 2018 pour ces faits.
Par lettre du 20 mars 2018, il a été licencié pour faute simple. ll lui a été reproché d’avoir consommé du cannabis durant ses heures de service, constatée le jeudi 1er mars vers 6h30, en violation du règlement intérieur alors qu’il exerçait des fonctions de soudeur qui requièrent la manipulation d’outils dangereux sollicitant beaucoup d’attention et de concentration et qu’il avait déjà fait l’objet de deux suspensions de service de 8 jours avec retenue sur salaire.
Par arrêté n°16/2018 daté du 16 avril 2018, la commune de HOUAILOU a notifié au salarié, le 30 mai 2018, sa décision de le licencier pour faute ainsi que le règlement de son préavis d’une durée de deux mois et son indemnité compensatrice de congés payés (27 jours).
Le 30 mai 2018, M. [V] a signé son solde de tout compte sur lequel était visée l’indemnité de congés payés (27,5 jours) correspondant à la somme de 273.495 F CFP.
M. [V], par requête introductive d’instance enregistrée au greffe le 28 janvier 2019, a fait citer la commune de HOUAILOU devant le tribunal du travail de Nouméa aux fins suivantes :
– DIRE et JUGER que le licenciement intervenu le 20 mars 2018 est sans cause réelle, ni sérieuse ;
– CONDAMNER la défenderesse à lui payer, outre les dépens, les sommes suivantes :
* 3 178 980 F CFP à titre de dommages-intérêts ;
* 1 504 222 F CFP au titre de l’indemnité de licenciement ;
– FIXER les unités de valeur allouées à son conseil intervenant au titre de l’aide judiciaire n° 2018/001531.
M. [V] a contesté ainsi avoir consommé du cannabis sur son lieu de travail le 1er mars 2018 à 6h30 et a soutenu qu’en l’absence de tests salivaires, urinaires ou sanguins pratiqués, l’employeur n’avait pas rapporté la preuve des faits qui lui étaient reprochés. Il a fait ainsi valoir que les propos de M. [R], qui souhaitait le voir quitter son emploi, l’avait incriminé sans preuve et étaient mensongers.
La commune de HOUAILOU a répliqué que la faute était établie par le rapport rédigé par M. [R], contresigné par M. [V] qui avait déjà été sanctionné antérieurement et qui avait reconnu les faits lors de leur découverte et lors de l’entretien préalable à licenciement. Elle a soutenu que les faits reprochés étaient qualifiés par la jurisprudence de faute grave puisqu’ils étaient constitutifs d’une infraction pénale mais qu’elle avait décidé de le licencier pour faute simple afin de lui permettre de percevoir l’indemnité de préavis. Elle a cependant admis avoir omis de lui rémunérer son indemnité de licenciement qui, selon elle, devait être fixée selon les dispositions de l’article Lp. 122-27 du Code du travail à la somme de 441 525 F CFP et s’est engagé à lui verser cette somme.
‘ Par jugement du 7 avril 2021, le tribunal du travail de Nouméa a statué ainsi qu’il suit :
DIT que le licenciement de M. [U] [V] pour faute simple est justifié ;
En conséquence,
DEBOUTE M. [U] [V] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;
CONDAMNE la commune de HOUAILOU à payer à M. [U] [V] la somme de 441 525 F CFP au titre de l’indemnité de licenciement ;
ORDONNE l’exécution provisoire sur l’intégralité de cette somme ;
FIXE à 264 915 F CFP la moyenne des trois derniers mois de salaires ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE la commune de HOUAILOU aux dépens qui seront recouvrés selon les règles de l’aide judiciaire ;
FIXE à quatre (4) unités de valeur le coefficient de base servant au calcul de la rémunération de Maître Gustave TEHIO, avocat au barreau de Nouméa, désigné au titre de l’aide judiciaire.
PROCÉDURE D’APPEL
M. [V], par requête en date du 25 mai 2021, a interjeté appel de la décision.
Dans son mémoire ampliatif enregistré au RPVA le 28 juin 2021, il fait valoir pour l’essentiel :
– qu’il n’a aucunement fumé du cannabis dans l’atelier de soudure le 1er mars 2018 à 6h30 comme son employeur l’en accuse ;
– que M. [R] ne lui a pas demandé de se présenter à la direction municipale pour un examen approfondi de la salive ou de l’urine voire une analyse sanguine qui aurait pu être faite au dispensaire de HOUAILOU et qui seule aurait pu démontrer une faute.
‘ En conséquence, M. [V] demande à la cour de statuer ainsi qu’il suit :
DIRE l’appel recevable ;
REFORMER le jugement entrepris ;
DIRE et JUGER que le licenciement intervenu le 20 mars 2018 est sans cause réelle, ni sérieuse ;
CONDAMNER la COMMUNE DE HOUAILOU à payer à M. [U] [V] la somme de 3 178 980 F CFP à titre de dommages-intérêts ;
LA CONDAMNER à payer à M. [U] [V] la somme de 1 504 222 F CFP au titre de l’indemnité de licenciement ;
LA CONDAMNER aux entiers dépens ;
FIXER les unités de valeur allouées à Maître [C] [T] au titre de l’aide judiciaire en cours.
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Par conclusions enregistrées au greffe le 31 août 2021, la commune de HOUAILOU fait valoir, pour l’essentiel :
– que les faits reprochés à M. [V] sont parfaitement établis, qu’il les a reconnus en contresignant le rapport de M. [R], ainsi que lors de l’entretien préalable devant le maire de HOUAILOU ;
– que les faits étant établis, la position adoptée par la Cour de cassation est claire, l’usage de cannabis sur le lieu de travail constitue une faute grave justifiant un licenciement (Soc. 1er juillet 2008 n° 07-40053 et n° 07-40054).
‘ En conséquence, la commune de HOUAILOU demande à la cour de statuer ainsi qu’il suit :
CONFIRMER le jugement du tribunal du travail en date du 7 avril 2021 ;
DEBOUTER M. [V] de l’intégralité de ses demandes ;
CONDAMNER M. [V] à payer la somme de 300 000 F CFP à la commune de HOUAILOU au titre de l’article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie.
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L’ordonnance de fixation de la date de l’audience a été rendue le 15 février 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
De la cause réelle et sérieuse du licenciement
Attendu que la contestation de la cause réelle et sérieuse de son licenciement par M. [V] ne repose sur aucun élément sérieux alors même qu’il a contresigné, sans le contester, le rapport de son chef d’atelier constatant qu’il consommait du cannabis en infraction à l’article 27-2 du règlement intérieur du personnel communal, et qu’il a reconnu les faits lors de l’entretien préalable à son licenciement ; que les faits, qui constituent en réalité une faute grave, sont ainsi parfaitement établis sans qu’il soit nécessaire d’en obtenir la preuve par des tests médicaux ; qu’ils constituent bien une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
Attendu que la présente décision entend ainsi se réapproprier les motifs des premiers juges ;
De l’indemnité de licenciement
Attendu que l’employeur a fait une application particulièrement bienveillante en ne retenant qu’une faute légère et non une faute lourde qui aurait privé M. [V] de toute indemnité de licenciement ; que les premiers juges ont justement fixé cette indemnité à la somme de 441 525 F CFP qu’il convient de confirmer ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt déposé au greffe,
Déclare l’appel recevable ;
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,
Déboute M. [U] [V] de ses demandes plus amples ou contraires ;
Condamne M. [V] à payer la somme de 300 000 F CFP à la commune de HOUAILOU au titre de l’article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;
Condamne M. [V] aux dépens de la procédure d’appel ;
Fixe à DEUX (2) le nombre d`unités de valeur alloué à Maître Gustave TEHIO, Avocat à la Cour, désigné au titre de l’aide judiciaire totale.
Le greffier,Le président.