RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 20/02447 – N° Portalis DBVH-V-B7E-HZ6K
MS/EB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE NIMES
07 septembre 2020 RG :F 18/00039
[N]
C/
S.A.S. DLM CONCEPT
Grosse délivrée
le
à
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 31 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de NIMES en date du 07 Septembre 2020, N°F 18/00039
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
M. Michel SORIANO, Conseiller
Madame Leila REMILI, Conseillère
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 10 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANT :
Monsieur [D] [N]
né le 17 Octobre 1975 à MAROC
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Anne-sophie TURMEL, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Ratiba OGBI, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Olivier BAGLIO, avocat au barreau d’AVIGNON,
INTIMÉE :
S.A.S. DLM CONCEPT
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Delphine ANDRES de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 27 octobre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 31 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
M. [D] [N] a été engagé par la SAS DLM CONCEPT à compter du 13 avril 2015 en qualité de chef de chantier, niveau F de la convention collective nationale des Employés Techniciens et Agents de Maîtrise des Travaux Publics, suivant contrat à durée indéterminée du 09 avril 2015.
A dater du 9 novembre 2016, le salarié était placé en arrêt de travail pour maladie simple.
Selon avis du médecin du travail du 16 mai 2017, M. [N] était déclaré inapte à son poste de travail, avec les précisions suivantes :
‘1) Inaptitude définitive au poste de chef de chantier (sur un ancien formulaire)
2) L’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi
dans l’entreprise Art. L. 1226-2-1″
Par courrier en date du 26 mai 2017, M. [N] était convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement, fixé au jeudi 08 juin 2017.
Par courrier daté du 12 juin 2017, il était licencié en ces termes :
« Comme nous vous l’avons expliqué lors de notre entretien préalable qui s’est déroulé dans nos bureaux situés, [Adresse 4], à [Localité 2], le jeudi 08 juin 2017 à 8 h 30, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement, du fait de votre inaptitude à votre poste et à l’impossibilité de pourvoir à votre reclassement.
Faisant suite à votre maladie du 09 novembre 2016 et à l’issue des arrêts de travail qui en ont résulté, vous avez été déclaré définitivement inapte au poste de « chef de chantier » en un seul examen (article R.4624.31 du Code du Travail) par le docteur [S] [E], lors de la visite médicale à la demande du médecin du travail, le 16 mai 2017.
Après une étude de poste, nous ne sommes malheureusement pas parvenus à trouver un emploi disponible qui corresponde à votre qualification et qui respecte les prescriptions du médecin du travail à savoir « l’état de santé ne permet pas de faire des propositions de reclassement ».
Du fait de l’origine non professionnelle de votre inaptitude, conformément au texte de l’article L. 1226-4 du Code du Travail, votre préavis d’une durée d’un mois ne sera pas exécuté et ne donnera pas lieu au versement d’une indemnité compensatrice.
Par conséquent, votre contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement (‘) »
Par requête, en date du 22 janvier 2018, M. [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes afin de voir requalifier le licenciement en licenciement nul et obtenir la condamnation de l’employeur au paiement de diverses sommes à caractère salarial et indemnitaire, lequel par jugement du 07 septembre 2020 a condamné la société au paiement de la somme de 180,00 euros à titre de remboursement de la retenue sur salaire opérée au mois de septembre 2015 et débouté le salarié du surplus de ses demandes.
Par acte du 30 septembre 2020, M. [D] [N] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 24 décembre 2020, M. [D] [N] demande à la cour de :
Sur la rupture du contrat de travail :
A TITRE PRINCIPAL,
Vu les articles L.1152.1 et suivants du Code du Travail,
Vu les articles L.4121.1 et suivants du Code du Travail,
Vu la jurisprudence,
Infirmer le jugement rendu le 07 septembre 2020 RG 18/00039 formation de départage
Le licenciement de M. [D] [N] par la SAS DLM CONCEPT est nul
A TITRE SUBSIDIAIRE,
Vu les articles L.4121.1 et suivants du Code du Travail,
Vu les articles L. 1226.2 et suivants du Code du Travail,
Vu la jurisprudence,
Si la cour ne devait pas retenir la nullité du licenciement en raison du harcèlement
moral vécu,
Elle retiendra à tout le moins,
– le licenciement de M. [D] [N] par la SAS DLM concept dépourvu
de cause réelle et sérieuse,
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE,
– condamner la SAS DLM concept au paiement de la somme de 10960 euros nets de CSG et de CRDS à titre de dommages intérêts venant réparer la perte de l’emploi subie,
– condamner la SAS DLM concept au paiement de la somme de 6 000 euros nets de CSG et de CRDS à titre de dommages intérêts pour le préjudice moral subi,
– condamner la SAS DLM concept au paiement de la somme de 5 209.24 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés y afférents de 520.94 euros,
– ordonner le remboursement de la somme de 180 euros abusivement déduite sur le bulletin de paie de septembre 2015 correspondant à une contravention imputée à tort au salarié,
Sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé :
Vu l’article L.3171-4 du Code du Travail,
Vu les articles L.8221-5 et suivants du Code du Travail,
Vu la jurisprudence,
– condamner la SAS DLM concept au paiement de la somme de 760 euros outre les congés payés y afférents de 76 euros au titre du règlement de la majoration pour heures supplémentaires à 125% correspondant à 38 heures sur l’année 2015,
– condamner la SAS DLM concept au paiement de la somme de 2048 euros outre les congés payés de 204.80 euros au titre du règlement de la majoration pour heures supplémentaires à 150% correspondant à 51 heures 20 sur l’année 2015,
– condamner la SAS DLM concept au paiement de la somme de 2 612 euros outre les congés payés y afférents de 261.20 euros au titre du règlement de la majoration pour heures supplémentaires à 125% correspondant à 130 heures 50 sur l’année 2016,
– condamner la SAS DLM concept au paiement de la somme de 1 982.40 euros outre les congés payés y afférents de 198.24 euros au titre du règlement de la majoration pour heures supplémentaires à 150% correspondant à 82 heures 50 sur l’année 2016,
– ordonner la délivrance d’un bulletin de paie rectificatif sous astreinte de 50 euros par jour de retard suivant le huitième jour après notification du jugement,
– condamner la SAS DLM concept au paiement de la somme de 15 627 euros à titre d’indemnité forfaitaire de six mois de salaire pour travail dissimulé,
Sur les grands déplacements :
Vu la Convention Collective,
– condamner la SAS DLM concept au paiement de la somme de 3020 euros au titre du solde des grands déplacements dus au titre de l’année 2015 et 2016,
Sur le repos de onze heures consécutives :
Vu les articles L.3131.1 et suivants du Code du Travail,
Vu la jurisprudence,
– condamner la SAS DLM concept au paiement de la somme de 1800 euros à titre de dommages intérêts,
– condamner la SAS DLM concept au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.
M. [D] [N] soutient que :
– sur la nullité du licenciement
– il a fait l’objet d’un harcèlement moral justifiant la nullité du licenciement.
– il produit des éléments concrets et objectifs que l’employeur ne pouvait combattre tels que :
– le prélèvement illégal sur ses salaires de contraventions liée au dépassement de stationnement du véhicule de l’entreprise ne le concernant pas.
– le défaut de paiement correct des heures supplémentaires et des grands déplacements.
– le saucissonnage de ses salaires nullement justifié par un souci économique ou de trésorerie.
– l’inspecteur du travail qui a enquêté après son départ de l’entreprise rappelle que l’employeur était en infraction.
– un collègue de travail rappelle les irrégularités qu’il a vécues lui aussi.
– son médecin traitant rappelle au médecin du travail l’état de stress et d’anxiété de son patient qu’il a reçu plus de 20 fois.
– à compter de sa demande d’explication, l’employeur a durci le ton en s’adressant à lui de façon de plus en plus agressive et en utilisant des mesures punitives.
– l’employeur s’est permis à différentes reprises de l’insulter ou encore de le faire travailler dans des conditions stressantes sur des chantiers non correctement préparés comme le rappelle M. [G] [T].
– durant son arrêt maladie, les mesures de rétorsion ont continué par le reversement volontairement tardif de son complément de salaire.
– le médecin du travail après étude des conditions de travail l’a déclaré inapte à son poste sans reclassement possible avec la mention que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans l’entreprise ».
– sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse
– un licenciement pour inaptitude ayant pour origine un manquement à l’obligation de sécurité doit être jugé sans cause réelle et sérieuse.
– il démontre un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité aussi bien dans l’organisation du travail que du paiement du salaire.
– la société DLM conceptCONCEPT ne fait aucune allusion à la consultation des délégués du personnel dans la lettre de licenciement.
– l’employeur a fabriqué pour les besoins de la cause, une pseudo consultation de l’unique déléguée du personnel qui est aussi la secrétaire de direction de l’employeur.
– le médecin du travail a rendu son avis sur la base des anciens textes avant la réforme issue de la loi du 08 août 2016 entrée en vigueur au 1er janvier 2017 alors qu’il a été licencié sous le régime de la loi nouvelle. Il appartenait ainsi à l’employeur de faire préciser par le médecin du travail son avis médical voire refaire sa fiche de visite médicale selon les préconisations de la loi du 08 août 2016 et d’indiquer les voies de recours.
– sur les heures supplémentaires
– l’employeur s’est soustrait à la déclaration et au règlement du nombre exact d’heures établies dans le mois dans le but de s’exonérer du règlement de la part majorée notamment à 50 % du salaire pour heures supplémentaires.
– il produit des tableaux et des fiches de trajet étayant sa demande.
– l’employeur devait produire l’intégralité de ses relevés d’heures de travail et il n’en a rien fait.
– l’inspecteur du travail s’est rendu dans l’entreprise et a procédé à un contrôle le 23 février 2017.
Il a constaté que l’examen croisé des documents de décompte de la durée de travail ainsi que des bulletins de paie produits pour plusieurs salariés révélait des dépassements de durées maximales journalières et hebdomadaires de travail ainsi que des irrégularités relatives aux majorations de salaires dues au titre des heures supplémentaires.
– face à l’inspecteur du travail, l’employeur a reconnu « des erreurs » et a indiqué régulariser sur les bulletins de paie de mars 2017. Or, il était en arrêt de travail pour maladie à cette époque et son employeur ne lui a transmis ni bulletin de paie ni chèque portant régularisation de son dû.
– sur les frais de déplacements
– lorsqu’il était au-delà de la zone 5 prévue par la convention collective, l’employeur ne le réglait pas correctement et pire encore ne payait que l’aller et pas le retour.
– sur le non-respect du repos de 11 heures consécutives
– à diverses reprises, l’employeur n’a pas respecté le repos minimal de 11 heures consécutives à la lecture des plannings de travail produits.
En l’état de ses dernières écritures en date du 8 mars 2021 contenant appel incident, la SAS DLM concept, nouvellement société Braja Vesigne équipement et signalisation demande à la cour de :
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nîmes du 7 septembre 2020 en toutes ses dispositions,
– constater l’absence de toute heure supplémentaire réalisée et non-rémunérée,
– dire et juger l’infraction de travail dissimulé non caractérisée,
– dire et juger les dispositions conventionnelles relatives aux indemnités de déplacement respectées,
– constater l’absence de toute violation des dispositions légales relatives au repos quotidien,
– constater l’absence de toute situation de harcèlement moral,
– dire et juger le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de M. [D] [N] bien fondé,
En conséquence,
– débouter M. [D] [N] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner M. [D] [N] au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [D] [N] aux entiers dépens.
La SAS Braja Vesigne équipement et signalisation concept (la société Braja) fait valoir que :
– sur les heures supplémentaires
– la quasi-totalité des mois travaillés a donné lieu à paiement d’heures supplémentaires en nombre varié.
– le décompte établi unilatéralement par le salarié ne prend nullement en considération les temps de trajet et de déplacement n’entrant pas en compte dans le calcul de la durée du travail puisque n’étant pas du temps de travail effectif.
– ce même décompte inclu les jours de repos ainsi que les jours fériés dans le calcul des heures supplémentaires.
– ce décompte ne saurait être considéré comme un élément précis et probant de nature à étayer ses prétentions.
– le document n’est pas concordant avec les relevés d’heures produits ni même avec la réalité des heures de travail accomplies.
– les photos produites par le salarié ne permettent d’avoir aucune certitude quant à la réelle datation de ses photos, ni même quant à leur auteur. Et pour cause, M. [N] était en arrêt maladie ce jour-là.
– les éléments de décompte du temps de travail et les bulletins de salaire contredisent incontestablement le tableau établi par le salarié.
– il ressort de la correspondance de l’inspecteur du travail produite par l’appelant que des anomalies ont été relevées concernant la majoration des heures effectuées au-dela de 44 heures hebdodomadaires par les salariés sur la période de novembre 2016 à janvier 2017. Les salariés concernés ont vu leur situation régularisée.
– M. [N] n’ayant pas réalisé d’heures supplémentaires n’avait aucun droit à une quelconque régularisation.
– en tout état de cause, les demandes formulées par le salarié n’ont jamais porté sur la majoration des heures supplémentaires. C’est donc vainement qu’il tente de tirer profit du courrier de l’inspecteur du travail.
– sur les indemnités de déplacements
– le courrier de M. [X], inspecteur du travail, du 11 mars 2019 ne fait jamais état de la moindre difficulté concernant le paiement des indemnités de déplacement.
– la demande du salarié n’est étayée par aucun élément sérieux et repose sur une lecture volontairement erronée de la convention collective applicable.
– le salarié ne prétend jamais s’être trouvé dans l’impossibilité de regagner son domicile à la fin de ses journées de travail sur les chantiers situés au-delà de 50 kms du siège social de la société.
– la condition essentielle d’application du régime des grand déplacements n’a donc jamais été remplie.
– sur le repos quotidien
– le salarié est incapable de justifier du bien-fondé de sa demande.
– sur la retenue opérée sur le salaire du mois de septembre 2015
– le véhicule mis à la disposition de l’appelant a fait l’objet de deux infractions au code de la route au cours du mois de septembre 2015, justifiant ainsi la retenue opérée.
– sur la nullité du licenciement
– aucune des allégations censées fonder le harcèlement moral invoqué par le salarié n’est étayée par des éléments précis, concrets et concordants.
– les échanges de courriels versés aux débats par le salarié démontrent qu’elle a toujours apporté une réponse rapide aux interrogations de ce dernier.
– sur le bien-fondé du licenciement
– M. [N] n’a jamais subi le moindre retard dans le paiement de son salaire. En tout état de cause, cela ne pourrait en aucun cas constituer une violation de l’obligation de sécurité.
– la lecture des SMS produits par l’appelant montre que les précisions données de ‘dernière minute’ ne concernent que les lieux ou heures précis du chantier d’ores et déja programmé et inscrit sur les plannings des salariés.
Il n’existe donc aucun manquement en termes d’organisation du travail.
– en l’absence de proposition de reclassement, aucune disposition légale n’exige que l’employeur consulte les délégués du personnel sur une proposition qui n’existe pas.
La consultation des délegués du personnel était dès lors sans objet.
– en tout état de cause, elle a consulté la représentante du personnel qui a émis un avis favorable.
– concernant l’avis d’inaptitude, le salarié ne l’a pas contesté.
– le médecin du travail s’est positionné en faveur d’une dispense de recherche de reclassement en raison de l’état de santé du salarié. Aucune recherche de reclassement interne ne devait donc être effectuée.
– elle a tout de même procédé à une recherche de reclassement externe, en vain.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 6 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 27 octobre 2022 à 16 heures et fixé l’examen de l’affaire à l’audience du 10 novembre 2022.
MOTIFS
Sur les heures supplémentaires
Aux termes de l’article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
À défaut d’éléments probants fournis par l’employeur, les juges se détermineront au vu des seules pièces fournies par le salarié
Après analyses des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l’opposition à l’exécution de celle-ci de l’employeur se trouvant alors indifférente.
Le salarié peut revendiquer le paiement d’heures supplémentaires à raison de l’accord tacite de l’employeur.
Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l’employeur de la réalisation d’heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l’absence d’opposition de l’employeur à la réalisation de ces heures.
En l’espèce, M. [N] produit les éléments suivants :
– des tableaux et des fiches de trajet,
– des relevés d’heures,
– un tableau de décompte des heures semaine par semaine,
– un courrier de l’inspection du travail adressé à M. [N] le 11 mars 2019, aux termes desquels l’inspecteur a constaté des dépassements de durées maximales journalières et hebdomadaires de travail en méconnaissance des dispositions des articles L.3121.34 et 35 du code du travail ainsi que des irrégularités relatives aux majorations de salaires dues au titre des heures supplémentaires en méconnaissance des dispositions des articles L.3121.26 et suivants du code du travail et concernant le taux de majoration appliqué aux heures supplémentaires accomplies à compter de la 44ème heure hebdomadaire de travail.
Le salarié produit ainsi des éléments suffisamment précis permettant à l’employeur d’y répondre utilement.
En défense, l’employeur conteste le décompte présenté par le salarié dans la mesure où il ne prend nullement en considération les temps de trajet et de déplacement n’entrant pas en compte dans le calcul de la durée du travail puisque n’étant pas du temps de travail effectif et qu’il inclut les jours de repos ainsi que les jours feriés dans le calcul des heures supplémentaires.
C’est par une exacte appréciation des faits et des pièces produites par les parties que les premiers juges ont débouté le salarié de sa demande de ce chef.
En effet, le jugement détaille très précisément les incohérences entre les décomptes et les tableaux d’heures produits par le salarié, sur lesquelles ce dernier ne donne aucune explication en cause d’appel, ni ne modifie ses prétentions, alors que :
– le mois de décembre 2015 ne comporte pas le même nombre d’heures supplémentaires prétendument réalisées : 19 heures en pièce n°17-1 et 17,5 heures sur un tableau agraphé à la pièce n°14 (bulletins de salaire)
– le salarié indique avoir réalisé 14 heures de travail le 28 juillet 2016 alors que le bulletin de salaire correspondant mentionne cette journée en absence pour cause de maladie, de même que son relevé d’heures,
– le 29 juillet 2016, il mentionne dans son relevé d’heures avoir réalisé 7 heures de travail contre 4 heures dans son décompte,
– le 22 août 2016, il indique dans son relevé d’heures avoir été en repos et mentionne la réalisation de 7 heures dans son décompte,
– les 25 et 26 août 2016, il fait état de deux fois 7 heures de travail dans son relevé d’heure, lesquelles ne figurent pas dans son décompte,
– le 6 mai 2016, il indique avoir été en repos dans son relevé d’heures et mentionne la réalisation de 7 heures dans son décompte,
– le 9 septembre 2016, il porte la mention ‘intempérie’ sur son décompte avec néanmoins la réalisation de 7 heures de travail, lesquelles ne sont pas reprises dans son relevé d’heures,
– le 12 septembre 2016, il mentionne dans son relevé d’heures avoir réalisé 4 heures de travail contre 7 heures dans son décompte,
– le 14 septembre 2016, il porte la mention ‘intempérie’ sur son décompte avec néanmoins la réalisation de 7 heures de travail, lesquelles ne sont pas reprises dans son relevé d’heures,
– le 6 octobre 2016, il mentionne dans son relevé d’heures avoir réalisé 7h30 de travail contre 8 heures dans son décompte,
– le 2 novembre 2016, il mentionne dans son relevé d’heures avoir réalisé 10h30 de travail contre 7 heures 30 dans son décompte,
– le 9 novembre 2016, il soutient avoir réalisé 5 heures de travail alors qu’il était en arrêt maladie ainsi qu’il résulte du bulletin de salaire du mois.
Les premiers juges avaient par ailleurs relevé que les pièces produites par le salarié ne mentionnaient pas les heures d’arrivée et de départ, les temps de pause, ni les temps de trajet.
L’appelant soutient avoir pallié cette carence dans sa pièce n°16, laquelle concerne, pour certains relevés d’heures, d’autres salariés, M. [N] apparaissant en qualité de chef d’équipe, et dont la plupart des relevés concernant ce dernier ne comportent pas plus les éléments manquants relevés dans le jugement critiqué.
C’est donc fort justement que le jugement a débouté le salarié de sa demande de ce chef, ajoutant en outre que les bulletins de salaire sur la période litigieuse font état de paiements réguliers d’heures supplémentaires.
Ce faisant, M. [N] devra également être débouté de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé par confirmation du jugement critiqué.
Sur les frais de déplacement
M. [N] sollicite le paiement des indemnités de grands déplacements à hauteur de la somme de 3020 euros.
L’article 8.10 de le Convention Collective Nationale des ouvriers des Travaux
Publics dispose que :
‘ Est réputé en grand déplacement l’ouvrier qui travaille dans un chantier métropolitain dont l’éloignement lui interdit – compte tenu des moyens de transport en commun utilisables – de regagner chaque soir le lieu de résidence, situé dans la métropole, qu’il a déclaré lors de son embauchage et qui figure sur son bulletin d’embauche.
…’
L’article 8.11 du même texte précise que :
‘L’indemnité de grand déplacement correspond aux dépenses journalières normales qu’engage le déplacé en sus des dépenses habituelles qu’il engagerait s’il n’était pas déplacé.
Le montant de ces dépenses journalières, qui comprennent :
a) le coût d’un second logement pour l’intéressé,
b) les dépenses supplémentaires de nourriture, qu’il vive à l’hôtel, chez des particuliers on en cantonnement,
c) les autres dépenses supplémentaires qu’entraîne pour lui l’éloignement de sonfoyer,
Est remboursé par une allocation forfaitaire égale aux coûts normaux du logement et de la nourriture (petit déjeuner, déjeuner, dîner) qu’i1 supporte.
Dans le cas où le déplacé, prévenu préalablement qu’il vivra dans un cantonnement, déciderait de se loger ou de se nourrir (on de se loger et de se nourrir) en dehors dudit cantonnement, une indemnité egale à celle versée aux ouvriers qui y vivent lui sera attribuée.’
En application de ces textes, il incombe au salarié de rapporter la preuve de ce que l’éloignement du chantier sur lequel il travaille lui interdit, compte tenu des moyens de transport en commun utilisables, de regagner chaque soir son lieu de résidence.
C’est ainsi fort justement que le jugement dont appel a retenu l’absence de preuve du salarié de l’impossibilité d’utiliser un moyen de transport, quel qu’il soit, pour regagner son domicile à l’issue des journées de travail concernées.
M. [N] ne soutient d’ailleurs aucunement avoir été dans l’impossibilité de regagner son domicile, estimant que l’indemnité litigieuse doit lui être attribuée automatiquement dans la mesure où elle est prévue dans la convention collective applicable.
Le jugement entrepris sera dans ces circonstances confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ce chef.
Sur le non-respect du repos de 11 heures consécutives
L’article L3131-1 du code du travail dispose que :
« Tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives ».
La preuve du respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires incombe à l’employeur.
Le salarié se fonde sur les plannings produits, lesquels n’ont pas été retenus dans le cadre de la demande de rappel d’heures supplémentaires.
Ce faisant, et afin que l’employeur puisse rapporter la preuve du respect des temps de repos quotidiens, il revient dans un premier temps au salarié de préciser les jours concernés, ce que l’appelant ne fait pas.
Le jugement querellé ayant débouté M. [N] de ce chef de prétention encourt dès lors la confirmation.
Sur le harcèlement moral et la nullité du licenciement
Aux termes de l’article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l’article L. 1154-1 du Code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du Code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, M. [N] soutient avoir été victime de harcèlement moral de la part de son employeur dans la mesure où :
– il a fait l’objet d’un prélèvement illégal sur ses salaires de contraventions liée au
dépassement de stationnement du véhicule de l’entreprise ne le concernant pas,
– il n’a pas été réglé de ses heures supplémentaires, ni de ses indemnités de grands déplacements,
– ses salaires ont fait l’objet d’un ‘saucissonnage’ nullement justifié par un souci économique ou de trésorerie,
– son médecin traitant rappelle au médecin du travail l’état de stress et d’anxiété de son patient qu’il a reçu plus de 20 fois,
– à compter de sa demande d’explication, l’employeur a durci le ton en s’adressant à lui de façon de plus en plus agressive et en utilisant des mesures punitives tel que ‘ne vient pas travailler demain car tu es rentré tard du chantier, je ferai travailler une autre équipe’,
– l’employeur s’est permis à différentes reprises de l’insulter ou encore de le faire travailler dans des conditions stressantes sur des chantiers non correctement préparés,
– durant son arrêt maladie les mesures de rétorsion ont continué par le reversement
volontairement tardif de son complément de salaire,
– de le programmer pendant qu’il est de repos ou sciemment le mettre en congés lui et son équipe sur un chantier pour éviter qu’il ne se déplace pas pour participer au vote des élections des délégués du personnel,
– lui demander de venir chercher une contravention le 04 novembre 2016, alors qu’elle ne le concerne pas.
A l’appui de ses allégations M. [N] verse les pièces suivantes :
Le prélèvement illégal sur ses salaires de contraventions liée au
dépassement de stationnement du véhicule de l’entreprise ne le concernant pas
L’article 954 précise, en son alinéa 1, que les conclusions doivent ‘ formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation.’
Au soutien de sa prétention, l’appelant n’a visé aucune pièce , et ce en contradiction avec les dispositions de l’article 954 du code de procédure civile sus-cité, ne permettant pas à la cour de vérifier le bien fondé de ses prétentions et faisant obstacle à la nécessité d’un débat loyal.
M. [N] ne précise pas plus le mois concerné par le prélèvement invoqué.
Les heures supplémentaires et les indemnités de grands déplacements
La cour a rejeté supra les demandes présentées à ce titre par le salarié.
Le ‘saucissonnage’ des salaires
Le salarié renvoie à ses bulletins de salaire sans préciser les mois considérés et à un courrier de l’employeur du 10 novembre 2016 dont le numéro de pièce n’est pas plus précisé.
A la lecture du bordereau de communication de pièces, les éléments y afférents sont listés en pièces n°5 et 6.
Cependant, la pièce n°5 concerne le paiement des jours de carence, des indemnités journalières et du complément de salaire eu égard à l’arrêt maladie du salarié, ainsi que du paiement des congés payés par la caisse de congés payés du bâtiment.
La pièce n°6 est constituée d’un courrier que lui a adressé l’employeur le 10 novembre 2016, ayant pour objet le salaire du mois d’octobre 2016, ainsi libellé:
‘Monsieur,
Nous sommes dans le regret de vous informer que vous ne recevrez pas la totalité de votre salaire cette semaine.
Un acompte de 1 800.00 € vous a été versé le 10/11/2016, le solde sera effectué la semaine prochaine.
…’
Les visites auprès de son médecin traitant plus de 20 fois
L’article 954 précise, en son alinéa 1, que les conclusions doivent ‘ formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation.’
Au soutien de sa prétention, l’appelant n’a visé aucune pièce, et ce en contradiction avec les dispositions de l’article 954 du code de procédure civile sus-cité, ne permettant pas à la cour de vérifier le bien fondé de ses prétentions et faisant obstacle à la nécessité d’un débat loyal.
A compter de sa demande d’explication, l’employeur a durci le ton en s’adressant à lui de façon de plus en plus agressive et en utilisant des mesures punitives tel que ‘ne vient pas travailler demain car tu es rentré tard du chantier, je ferai travailler une autre équipe’
Le salarié ne produit aucun élément à ce titre.
L’employeur s’est permis à différentes reprises de l’insulter ou encore de le faire travailler dans des conditions stressantes sur des chantiers non correctement préparés
Le salarié vise l’attestation de M. [T], dont le numéro de pièce n’est pas précisé mais figurant sur le bordereau de communication de pièces sous le n°27, ainsi libellée :
‘ J’ai été en contrat au sein de l’entreprise DLM Concept en septembre 2015
à janvier 2017 au poste de machiniste, dans l’équipe béton dirigée par [D]
[N].
…
Souvent Mr [I] a eu des débordements de langages, insulte envers toute l’équipe y compris [D] [N] que l’on était pas rentable et que
l’on était des bon à rien malgrés que les chantiers étaient bien réalisés en temps et en heure.’
Le témoignage de M. [T] est imprécis sur les propos qui auraient été spécifiquement tenus par M. [I] à l’encontre de M. [N], les circonstances dans lesquelles ils auraient été tenus et les dates et lieux des chantiers concernés, M. [T] indiquant en outre que M. [I] s’adressait à toute l’équipe.
Concernant les chantiers non correctement préparés, l’appelant produit des photographies en pièce n°32, non datées, et qui ne permettent pas de les rattacher à l’appelant et/ou une quelconque activité de ce dernier dans le chantier y figurant. Elles sont ainsi dénuées de caractère probant.
Le reversement volontairement tardif de son complément de salaire durant l’arrêt maladie
Les conclusions de l’appelant ne comportent aucun renvoi à des pièces avec leur numérotation à l’appui de sa prétention.
Cependant, la cour, dans l’exploitation des pièces visées par le salarié au soutien du paiement ‘saucissonné’ de ses salaires, a retenu à ce titre que la pièce n°5 concernait le paiement des jours de carence, des indemnités journalières et du complément de salaire eu égard à l’arrêt maladie du salarié, ainsi que du paiement des congés payés par la caisse de congés payés du bâtiment.
Il résulte de ces documents que des retards sont bien intervenus dans le paiement des jours de carence et du complément de salaire, sur certains mois, au demeurant non détaillés par le salarié, mais non contestés par l’employeur dans les échanges d’emails produits.
Le programmer pendant qu’il est de repos ou sciemment le mettre en congés lui et son équipe sur un chantier pour éviter qu’il ne se déplace pour participer au vote des élections des délégués du personnel
Le salarié produit un échange de SMS en pièces n°29 et 30, des 1er et 2 août 2016 (pièce n°29) et du 11 août 2016 (pièce n°30).
Les SMS du 1er août 2016 ne comportent aucune sollicitation de l’employeur, M. [N] étant à l’origine de la communication.
Les SMS du 11 août 2016 concernent la restitution par le salarié d’un outillage conservé par ce dernier pendant ses congés.
Ces communications ne peuvent dès lors constituer des actes de harcèlement.
Concernant les élections des délégués du personnel, l’employeur est libre d’organiser lesdites élections aux dates par lui choisies, les premiers juges ayant relevé, sans être utilement contredits par M. [N], que ce dernier était en congé le jour du scrutin.
Demander de venir chercher une contravention le 04 novembre 2016, alors qu’elle ne le concerne pas
L’appelant vise la pièce n°31 constituée d’un échange de SMS concernant la contravention litigieuse, lequel ne peut constituer un acte de harcèlement, l’employeur sollicitant des explications à ce titre, lesquelles lui ont été apportées par M. [N].
La cour relève encore que si le Dr [R], psychiatre, diagnostique un état dépressif, il ne peut en déterminer l’origine sauf à reprendre les éléments qui lui sont fournis par son patient.
L’avis d’inaptitude du salarié n’est pas éclairant puisqu’il ne détermine pas l’origine de celle-ci à savoir professionnelle ou non professionnelle.
Il résulte des explications et des pièces reprises supra que les seuls agissements de l’employeur pouvant être retenus concernent le paiement tardif des jours de carences et du complément de salaire suite à l’arrêt maladie du salarié, ainsi que le paiement en plusieurs fois du salaire du mois d’octobre 2016.
La cour relève sur ces points que les échanges d’emails versés aux débats par le salarié
demontrent que l’employeur a toujours apporté une réponse rapide aux interrogations de M. [N], les réponses de son cabinet comptable étant en outre annexées aux courriels adressés au salarié afin de démontrer ses diligences et son absence d’intention malveillante.
Le paiement échelonné reproché à l’employeur n’est intervenu que pour le mois d’octobre et s’agissant d’un fait unique, il ne peut constituer, à lui seul, un acte de harcèlement.
Une situation de harcèlement moral se déduit essentiellement de la constatation d’une dégradation préjudiciable au salarié de ses conditions de travail consécutive à des agissements répétés de l’employeur révélateurs d’un exercice anormal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs d’autorité, de direction, de contrôle et de sanction.
Il apparaît ainsi que le salarié ne présente pas d’éléments de fait de nature à laisser supposer l’existence d’une situation de harcèlement moral en présence de laquelle l’employeur se doit d’établir que les comportements et faits qui lui sont reprochés étaient justifiés par des éléments objectifs à tout harcèlement moral.
Il convient dans ces circonstances de confirmer le jugement entrepris qui a débouté M. [N] de sa demande de réparation à ce titre et de nullité du licenciement.
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
M. [N] invoque un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ‘ aussi bien dans l’organisation du travail, que du paiement du salaire’, mais ne donne aucune précision à ce titre ni ne vise aucune pièce à l’appui de ses allégations.
M. [N] soutient encore que les délégués du personnel n’auraient pas été consultés, l’avis de ces derniers étant prévu par l’article L 1226-2 du code du travail.
Aux termes de l’article L.1226-2 du code du travail dans sa version applicable au présent litige (du 01/01/2017 au 24/09/2017), ‘lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu’ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.’
Il est précisé à l’article L.1226-2-1 du même code dans sa version applicable au 1er janvier 2017 issue de la loi nº 2016-1088 du 8 août 2016, que ‘lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement.
L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.
S’il prononce le licenciement, l’employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre.’
Il apparaît en effet que le médecin du travail a utilisé un formulaire qui n’est pas celui résultant de la loi nº 2016-1088 du 8 août 2016.
Cependant, le nouveau formulaire d’avis d’inaptitude visant expressément les cas de dispense de l’obligation de reclassement de l’article L. 1226-2-1 du code du travail n’a été diffusé qu’à partir du 1er novembre 2017 (arrêté du 16 octobre 2017 fixant le modèle d’avis d’aptitude, d’avis d’inaptitude, d’attestation de suivi individuel de l’état de santé et de proposition de mesures d’aménagement de poste, publié au Journal officiel du 21 octobre 2017, et dont l’article 5 prévoit qu’il entre en vigueur le 1er novembre 2017). L’avis d’inaptitude résultant de la loi nouvelle est ainsi prévu en son annexe 3.
Cependant, hormis les délai et voie de recours, l’avis d’inaptitude respecte la nouvelle nomenclature en ce qu’il précise :
– le type d’examen médical : visite de reprise
– la date de mise à jour de la fiche d’entreprise
– la date de l’étude de poste
– le cas de dispense de l’obligation de reclassement : ‘l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans l’entreprise’
L’exception à toute recherche de reclassement implique que le médecin du travail doit avoir expressément apposé sur l’avis la mention « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à la santé du salarié » ou la mention « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
Ladite mention figurant dans l’avis d’inaptitude litigieux, l’employeur était ainsi dispensé de toute recherche de reclassement et de solliciter l’avis des délégués du personnel.
Pour autant, les voie et délai de recours mentionnés dans l’avis d’inaptitude sont erronés.
M. [N] ne peut cependant arguer d’aucun grief dans la mesure où il n’a pas contesté l’avis du médecin du travail, lequel s’impose donc aux parties.
Ce faisant, eu égard aux observations développées au titre de la forme de l’avis d’inaptitude litigieux, le licenciement de M. [N] ne saurait être déclaré sans cause réelle et sérieuse pour le motif tiré de l’utilisation par le médecin du travail d’un formulaire incorrect.
Le jugement querellé sera dans ces circonstances confirmé en ce qu’il a débouté M. [N] de ses demandes à ce titre.
La demande du salarié au titre d’un préjudice moral n’étant pas argumentée et détaillée devra également être rejetée par confirmation du jugement dont appel.
Sur les mesures accessoires
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’intimée les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’exposer en cause d’appel et qui ne sont pas compris dans les dépens, lesquels seront mis à la charge de M. [N].
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 7 septembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Nîmes en toutes ses dispositions querellées,
Condamne M. [D] [N] à payer à la SAS Braja Vesigne équipement et signalisation concept la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Laisse les dépens d’appel à la charge de M. [D] [N],
Arrêt signé par le président et par la greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,