COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15e chambre
Renvoi après cassation
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 31 AOUT 2022
N° RG 21/00726
N° Portalis DBV3-V-B7F-ULJQ
AFFAIRE :
[E] [P] épouse [L]
C/
S.A.S.U BUFFET CRAMPON
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 novembre 2016 par le Conseil de Prud’homme de Mantes-la-Jolie – Formation paritaire –
Section : Encadrement
RG : 16/00190
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me David METIN
Me Florence FROMENT MEURICE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE ET UN AOUT DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant, fixé initialement au 11 mai 2022, prorogé au 08 juin 2022, puis au 06 juillet 2022 et au 31 août 2022, les parties ayant été avisées, dans l’affaire entre :
DEMANDERESSE ayant saisi la cour d’appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 02 mars 2021en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation du 03 février 2021 – Arrêt n°155 F-D – cassant et annulant l’arrêt n° 280 rendu le 12 septembre 2019 par la 6ème chambre de la cour d’appel de Versailles sous le RG 16/05261
Madame [E] [P] épouse [L]
née le 12 Juin 1962 à [Localité 6] (94), de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me David METIN de l’AARPI METIN & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159
****************
DÉFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
S.A.S.U. BUFFET CRAMPON
N° SIRET : 445 363 518
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Florence FROMENT MEURICE de la SELAS KARMAN ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R245
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 mars 2022, Madame Régine CAPRA, Présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,
et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,
dans l’affaire,
Greffier, lors des débats : Madame Carine DJELLAL
EXPOSE DU LITIGE
Mme [E] [P] épouse [L], dite ci-après Mme [L], a été engagée à compter du 12 mai 2008 par la société Buffet Crampon (registre du commerce et des sociétés 562 009 431) en qualité de directrice des ressources humaines et des affaires juridiques groupe, position III C, coefficient 240. Elle a ensuite été engagée à compter du 1er avril 2009, avec reprise d’ancienneté à compter du 12 mai 2008, en la même qualité et avec le même statut, par la société Buffet Crampon Holdings (registre du commerce et des sociétés 445 363 518), ultérieurement dénommée à compter du 1er janvier 2012 la société Buffet Group,
Mme [L] a été désignée le 21 février 2011 conseillère du salarié pour une durée de trois ans.
Selon avenant en date du 16 juillet 2012 à effet au 1er mai 2012, Mme [L] a été nommée directrice des ressources humaines et affaires sociales groupe.
La société Buffet Group a été dénommée à compter du 31 août 2012 la société Buffet Crampon, après fusion-absorption de la société du même nom.
Les relations entre les parties sont soumises à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
Mme [L] a été en arrêt de travail pour maladie du 24 au 28 septembre 2012, du 2 octobre 2012 au 5 mai 2013 et de manière ininterrompue à compter du 26 septembre 2013.
Le 6 mars 2013, Mme [L] a effectué une déclaration d’accident du travail auprès de la Cpam en invoquant un accident du travail en date du 2 octobre 2012, qu’après enquête l’organisme de sécurité sociale, estimant que la preuve d’un fait accidentel survenu par le fait ou à l’occasion du travail n’était pas rapportée, a refusé de prendre en charge dans le cadre de la législation relative aux risques professionnels par décision notifiée le 11 juillet 2013. Son recours devant la commission de recours amiable ayant été implicitement rejeté, la salariée a formé un recours contre la décision de cette commission auprès du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine. Celui-ci, qui n’était saisi d’aucun moyen en l’absence de comparution de Mme [L] à l’audience, a, par jugement du 15 mars 2016, déboutée celle-ci de son recours.
Par requête reçue au greffe le 10 octobre 2013, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Mantes-La-Jolie afin de demander la résiliation judiciaire de son contrat et obtenir le versement de diverses sommes.
L’affaire a été radiée le 8 septembre 2014, puis réinscrite au rôle le 16 mars 2015, puis de nouveau radiée le 4 mai 2015.
A l’issue de la visite de reprise de Mme [L] du 5 juin 2015, le médecin du travail a conclu : ‘Inapte au poste-1ère visite Art. R4624-31 du code du travail: Inapte au poste de directrice des ressources humaines groupe et affaires sociales. Une étude de poste et des conditions de travail sont à prévoir ainsi qu’une seconde visite.
En attendant, l’état de santé de la salariée ne lui permet pas d’être affectée à un poste dans l’établissement.’
A l’issue de la seconde visite, le 22 juin 2015, le médecin du travail a conclu : ‘Inapte au poste-2ème visite Art. R4624-31 du code du travail: Inapte au poste de directrice des ressources humaines et affaires sociales groupe dans l’entreprise Buffet Crampon de Mantes-la-Ville. Pas de possibilité de proposition
d’aménagement du poste en fonction de l’état de santé de la salariée et de l’étude de poste réalisée le 16/06/2015. Compte-tenu de l’état de santé de la salariée et après étude des postes, aucune proposition en vue d’un reclassement ne peut être faite.’
La société Buffet Crampon a convoquée Mme [L] par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 15 juillet 2015 à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s’est déroulé le 27 juillet 2015, puis lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 30 juillet 2015. Elle lui a versé une indemnité de licenciement d’un montant de 26 426,10 euros.
L’affaire a été réinscrite au rôle sur demande de Mme [L] en date du 25 avril 2016.
Par jugement du 14 novembre 2016, auquel la cour renvoie pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Mantes-La-Jolie a :
– dit le licenciement de Mme [L] fondé sur une cause réelle et sérieuse,
– fixé la moyenne des salaires à 11 033,83 euros par mois.
– pris acte que Mme [L] reconnaît devoir la somme de 2 514,60 euros au titre du remboursement du maintien de salaire.
– condamné la société Buffet Crampon à payer à Mme [L] les sommes suivantes :
* 3 957 euros au titre des congés payés,
* 1 405 euros à titre de remboursement de retenue sur salaire pour paiement d’amendes,
* 66 202 euros au titre du préavis,
* 6 620 euros au titre des congés payés afférents,
– ordonné la compensation des sommes dues par chacune des parties,
– dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2013 , date de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation par la défenderesse, conformément à 1′ article 1153 du code civil,
– rappelé que l’exécution est de droit à titre provisoire sur les créances salariales,
– condamné la société Buffet Crampon à verser à Mme [L] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté Mme [L] du surplus de ses demandes,
– débouté la société Buffet Crampon de ses demandes reconventionnelles,
– dit que la société Buffet Crampon supportera les entiers dépens qui comprendront les éventuels frais d’exécution.
Mme [L] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 24 novembre 2016.
Par arrêt du 12 septembre 2019, auquel la cour renvoie pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, la cour d’appel de Versailles a :
– infirmé partiellement le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie le 14 novembre 2016 ;
– débouté Mme [L] de sa demande tendant au paiement de jours de congés payés qu’elle aurait été contrainte de prendre ;
– débouté Mme [L] de sa demande tendant au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;
– débouté Mme [L] de sa demande au titre des frais irrepétibles de première instance ;
– condamné Mme [L] au paiement des dépens de première instance ;
– confirmé le jugement pour le surplus ;
– débouté Mme [L] de sa demande de dommages-intérêts pour dénigrement de l’employeur à son égard;
– condamné Mme [L] à payer à la société Buffet Crampon une somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
– condamné la société Buffet Crampon à payer à Mme [L] les intérêts moratoires dus à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances contractuelles et à compter de l’arrêt pour les créances indemnitaires ;
– condamné Mme [L] à payer à la société Buffet Crampon en cause d’appel une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné Mme [L] au paiement des entiers dépens.
Mme [L] a formé un pourvoi contre cette décision.
Par décision du 3 février 2021, la chambre sociale de la cour de cassation a :
– cassé et annulé, sauf en ce qu’il déboute Mme [L] de sa demande tendant au paiement de jours de congés payés, l’arrêt rendu le 12 septembre 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;
– remis, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Versailles autrement composée ;
– condamné la société Buffet Crampon aux dépens ;
– en application de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société Buffet Crampon et l’a condamnée à payer à Mme [L] la somme de 3 000 euros.
Mme [L] a saisi , par déclaration du 2 mars 2021, la cour d’appel de Versailles désignée comme cour de renvoi.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 2 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, Mme [L] demande à la cour de la recevoir et de la déclarer bien fondée en ses demandes et :
¿ Sur les demandes afférentes à l’exécution du contrat de travail :
– Dire que la pièce adverse 47 est irrecevable ;
– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes formulées au titre de l’exécution de son contrat de travail ;
– Juger qu’elle a été victime de discrimination en raison de son état de santé et de harcèlement moral ;
– Condamner la société Buffet Crampon à lui verser à titre de dommages-intérêts les sommes suivantes:
*20 000 euros pour discrimination en raison de l’état de santé,
*20 000 euros pour harcèlement moral,
*10 000 euros pour inertie face aux dénonciations de harcèlement et de discrimination ;
– Juger que la société Buffet Crampon n’a pas exécuté loyalement le contrat de travail,
– Condamner la société Buffet Crampon à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
¿ Sur les demandes afférentes à la rupture du contrat de travail :
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Buffet Crampon à lui verser la somme de 66 202 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 6 620 euros au titre des congés payés afférents :
– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée des autres demandes formulées au titre de la rupture de son contrat de travail ;
– Ordonner la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la la société Buffet Crampon ;
– Condamner la société Buffet Crampon à lui verser la somme de 100 000 euros nets de charges sociales et de CSG CRDS à titre d’indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse;
– Juger que son licenciement est nul ;
– Condamner la société Buffet Crampon à lui verser la somme de 100 000 euros nets de charges sociales et de CSG CRDS à titre d’indemnité pour licenciement nul ;
– Juger que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse ;
– Condamner la société Buffet Crampon à lui verser la somme de 100 000 euros nets de charges sociales et de CSG CRDS à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
¿ Sur les autres demandes :
– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de rappel de salaire pour la période du 13 mai 2013 au 28 juillet 2013 ainsi que de sa demande au titre de la prime de vacances ;
– Condamner la société Buffet Crampon à lui verser :
* 21 115 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 13 mai 2013 au 28 juillet 2013,
* 2 111 euros au titre des congés payés afférents ;
* 510 euros à titre de prime de vacances ;
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Buffet Crampon à lui verser la somme de 1 405 euros à titre de remboursement de la retenue sur salaire ;
– Condamner la société Buffet Crampon à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice subi postérieurement à la rupture en raison du dénigrement de la société à son égard ;
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la compensation de la somme de 2 514,60 euros qu’elle doit avec les condamnations prononcées à l’encontre de la la société Buffet Crampon ;
-Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de remise de documents conformes ;
– Ordonner la remise de l’attestation destinée au pôle emploi et des bulletins de salaire conformes à la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans les 30 jours suivant la notification de l’arrêt ;
– Se réserver la liquidation de l’astreinte sur simple requête en application de l’article L. 131-3 du code des procédures civiles d’exécution ;
– Confirmer le jugement en ce qu’il lui a alloué la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance ;
– Condamner la société Buffet Crampon à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que ces sommes porteront intérêts à compter du 11 octobre 2013, date de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation ;
– Condamner la société Buffet Crampon aux entiers dépens y compris les éventuels frais d’exécution de l’arrêt à intervenir ;
– Débouter la société Buffet Crampon de toutes ses demandes.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 2 juin 2021 , auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, la SAS Buffet Crampon demande à la cour de :
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– Dit le licenciement de Mme [L] fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
– Pris acte que Mme [L] reconnaissaît devoir la somme de 2 514,60 euros au titre du remboursement du maintien de salaire ;
– Débouté Mme [L] de :
-sa demande de dommages-intérêts pour discrimination en raison de l’état de santé;
-sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
-sa demande de dommages-intérêts pour inertie de la société ;
-sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
-sa demande de rappel de salaire pour la période du 13 mai 2013 au 28 juillet 2013 ;
-sa demande au titre de la prime de vacances ;
– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à payer à Mme [L] les sommes suivantes :
*1 405 euros au titre au titre du remboursement de la retenue sur salaire pour paiement d’amendes ;
*66 202 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
*6 620 euros au titre des congés payés afférents ;
*1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Débouter Mme [L] de l’intégralité de ses demandes ;
– Ordonner le remboursement de la somme de 17 617,40 € au titre des salaires versés indument à Mme [L] alors qu’elle percevait les IJSS et que la société Buffet Crampon subrogeait la sécurité sociale ;
– Condamner Mme [L] à lui verser la somme de 155 187,10 euros à titre de dommages-intérêts pour faute lourde;
– Condamner Mme [L] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner Madame [L] aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 19 janvier 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande tendant à ce que la pièce communiquée par la société Buffet Crampon sous le n°47 soit écartée des débats
La société Buffet Crampon produit en pièce 47 une attestation en date du 6 mai 18 établie par M. [S] [L], dont Mme [L] demande qu’elle soit déclarée irrecevable, comme étant non conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile.
Si l’attestation litigieuse, établie par le mari de Mme [L], qu’un divorce conflictuel oppose à celle-ci, ne répond pas aux prescriptions de l’article 202 du code de procédure civile, il y a lieu de relever d’une part, qu’en matière prud’homale, la preuve est libre, et, d’autre part, que les dispositions de l’article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité. Il n’y a pas lieu en l’occurrence d’écarter des débats cette attestation régulièrement communiquée, qui permet d’identifier sans difficulté son auteur, dont elle mentionne l’identité et l’adresse. Il appartiendra à la cour d’apprécier la valeur probante à lui accorder.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l’article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La cour constate la réalité des faits suivants :
– des courriers électroniques de reproches adressés par le président de la société Buffet Crampon à Mme [L] le 26 juillet 2012 et le 2 octobre 2012, étant précisé qu’après avoir reçu le courrier électronique du 2 octobre 2012, Mme [L] a prévenu l’assistante de M. [W] qu’elle quittait son bureau parce qu’elle ne se sentait pas bien, ainsi que ce dernier en a convenu lors de l’enquête de la Cpam ;
– la mise en oeuvre de trois procédures de licenciement successives en moins d’un an, la première engagée le 23 octobre 2012, laissée sans suite après l’entretien préalable du 6 novembre 2012, la deuxième, engagée le 26 février 2013, qui a donné lieu à un refus d’autorisation de licenciement de l’inspecteur du travail du 2 mai 2013, la troisième, engagée en septembre 2013, qui a donné lieu à un refus d’autorisation de licenciement de l’inspecteur du travail du 17 décembre 2013 ;
– le refus de l’employeur d’aménager le temps de travail de la salariée pour trois mois dans le cadre d’un temps partiel thérapeutique et les pressions exercées sur celle-ci pour qu’elle accepte de signer un avenant temporaire impliquant une rétrogradation ;
– la décision de l’employeur de considérer la salariée en absence injustifiée du 13 mai 2013 au 28 juillet 2013 et de ne pas la rémunérer durant cette période ;
– la durée excessive séparant la mise à pied conservatoire de la salariée de la saisine de l’inspecteur du travail;
– la mise en demeure adressée à la salariée le 12 février 2014.
Les arrêts de travail prescrits à Mme [L] mentionnant comme raison médicale le 2 octobre 2012, cervicalgies, le 12 octobre 2012 lombalgies mécaniques, puis à partir du 26 octobre 2012 souffrance au travail, dépression, insomnie, anxiété, épuisement physique et psychique, asthénie, les prescriptions médicales qui lui ont été délivrées et notamment celles pour affection de longue durée reconnue, qui lui ont été délivrées du 23 avril 2013 au 18 juillet 2014, le certificat du 18 février 2013 du médecin psychiatre, qui qu’il la suit depuis novembre 2012 pour un état dépressif majeur, sévère, avec épuisement physique et psychique établissent la réelle dégradation de l’état de santé de Mme [L].
Les faits matériellement établis ci-dessus retenus, pris en leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Il incombe dès lors à la société Buffet Crampon de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Dans le courrier électronique du 26 juillet 2002 M. [W], président de la société Buffet Crampon, a reproché à Mme [L] de tarder depuis le 29 mars 2012 à lui retourner l’avenant à son contrat de travail signé et de s’être présentée avec 40 mn de retard au rendez-vous qu’elle avait avec lui le 20 juillet à 11h30, de sorte que ce rendez-vous n’a pu se tenir, et de créer par cette désinvolture une situation difficile, concluant qu’il attend à l’avenir une meilleure attitude et davantage de respect. Mme [L] établit que l’avenant proposé comportait des erreurs et limitait le périmètre de ses missions, ce qui justifiait une réflexion et des discussions, et que le 20 juillet 2012, elle assistait avec M. [W] et M. [J] à la réunion du comité d’entreprise, qui a débuté à 8h30 et s’est terminée à 12 heures. Les reproches faits à la salariée étaient donc infondés et la société Buffet Crampon ne les justifie par aucun élément objectif étranger à tout harcèlement.
Dans le courrier électronique du 2 octobre 2012, M. [W] a reproché à Mme [L] d’être arrivée avec 30 mn de retard au rendez-vous avec l’inspecteur du travail et seulement après avoir été relancée par son assistante.
Il ressort des échanges de courriers électroniques produits :
– que M. [W], informé par un courrier électronique de Mme [L] du 30 septembre 2012 de son départ le lendemain matin à [Localité 5] avec un retour prévu le 2 octobre dans l’après-midi, lui a indiqué dans un courrier électronique du 1er octobre que l’inspecteur du travail venait dans l’entreprise le 2 octobre au matin et que sa présence à ce rendez-vous était indispensable ;
– que par courrier électronique du même jour, Mme [L] lui a confirmé qu’elle avait reporté certaines actions prévues à [Localité 5] et qu’elle serait présente le lendemain au bureau ;
– que Mme [L] a répondu au reproche de M. [W] du 2 octobre 2012 concernant son retard au rendez-vous avec l’inspecteur du travail qu’elle était présente au bureau à 9h30 et attendait son appel pour le rejoindre car l’inspecteur du travail avait annoncé vouloir le voir seul, qu’elle avait appelé l’assistante du président à plusieurs reprises mais celle-ci n’étant pas arrivée, ses appels étaient basculés directement sur le poste de l’accueil, qu’elle se tenait à sa disposition et était montée dès que l’assistante l’avait appelée.
Le reproche fait à la salariée était donc infondé et la société Buffet Crampon ne le justifie par aucun élément objectif étranger à tout harcèlement.
Mme [L] a été convoquée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 23 octobre 2012 à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s’est tenu le 6 novembre 2012, au cours duquel il lui a été fait de nombreux reproches, que la salariée a contestés point par point. Elle a rappelé à l’employeur qu’en qualité de conseillère du salarié, elle était salarié protégé.
Il ressort de la pièce 37 de Mme [L] et 35 de la société Buffet Crampon que cette dernière, qui avait envisagé à l’origine un licenciement disciplinaire, n’a pas donné suite à cette première procédure de licenciement pour la raison suivante :’ fragilité des moyens écrits: autorisation administrative compromise.’ La société Buffet Crampon, qui ne rapporte pas la preuve du bien fondé des nombreux reproches faits à la salariée lors de l’entretien préalable, ne justifie l’engagement de cette procédure de licenciement par aucun élément objectif étranger à tout harcèlement.
Mme [L] a été convoquée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 26 février 2013 à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s’est tenu le 7 mars 2013, au cours duquel l’employeur a déclaré que le licenciement était envisagé au motif que l’absence prolongée de la salariée désorganisait le fonctionnement de l’entreprise et rendait nécessaire son remplacement définitif.
Saisi par courrier du 8 mars 2013 d’une demande d’autorisation du licenciement, l’inspecteur du travail retenant que si, compte-tenu de ses fonctions, l’absence de Mme [L] peut être considérée comme préjudiciable au fonctionnement de l’entreprise, Mme [L] a présenté lors de l’enquête contradictoire du 29 avril 2013 un certificat médical attestant de sa reprise du travail à la date du 6 mai 2013, de sorte que la demande de licenciement ne repose sur aucun motif, a, par décision du 2 mai 2013, refusé à la société Buffet Crampon l’autorisation de procéder au licenciement de Mme [L]. Par courrier du 7 mai 2013, la société Buffet Crampon a saisi l’inspecteur du travail d’une demande de recours gracieux contre cette décision, qui a été réputée tacitement rejetée à la date du 13 juillet 2013.
Si l’absence prolongée de Mme [L] pouvait être considérée comme préjudiciable au fonctionnement de l’entreprise et si la société Buffet Crampon justifie avoir entendu procéder au recrutement d’un salarié pour remplacer Mme [L], il n’est pas établi que le remplacement définitif de l’intéressée était nécessaire, ce remplacement pouvant être effectué par un intervenant temporaire.
Mme [L] a fait l’objet le 25 avril 2013 d’une visite de préreprise du médecin du travail, mais n’a pas souhaité que le médecin du travail adresse des informations à son employeur, ainsi qu’il ressort de la décision de l’inspecteur du travail du 1er août 2013.
L’arrêt de travail pour maladie de Mme [L] ayant pris fin le 5 mai 2013, la société Buffet Crampon a demandé à la salariée, le 6 mai 2013, de ne pas reprendre son poste avant la visite de reprise du médecin du travail fixée au 13 mai 2013.
A l’issue de la visite de reprise, le 13 mai 2013, le médecin du travail a conclu en ces termes :’ Apte à reprise au poste avec aménagement à temps partiel thérapeutique pour une durée prévisible de 3 mois. A revoir à l’issue du temps partiel thérapeutique.’
Par courrier électronique du 14 mai 2013, la société Buffet Crampon a écrit à Mme [L] que la préconisation d’aménagement de poste du médecin du travail n’était pas suffisamment précise pour être applicable, qu’elle allait sollliciter celui-ci pour qu’il précise son avis sur le travail à temps partiel préconisé (horaires, durée, répartition) et la nature des tâches qu’elle pourrait accomplir, qu’elle avait rendez-vous à cette fin avec le médecin du travail le jeudi 16 mai, qu’elle n’était pas en mesure de la réintégrer dans son poste, compte-tenu des aménagements à réaliser et, affirmant que le contrat de travail restait suspendu, lui a demandé, dans l’attente, de ne pas se présenter à son poste.
Par courrier électronique du jeudi 16 mai 2013, l’employeur écrit à Mme [L] qu’elle ne pensait pas que la reprise à temps partiel thérapeutique soit compatible avec le poste de DRH groupe compte-tenu de l’organisation de l’entreprise et de la nature du poste, ainsi qu’il l’a exposé ce jour au médecin du travail et qu’il allait rechercher un poste de reclassement compatible avec les préconisations du médecin du travail (mi-temps, pas de voyages) et lui adresser l’avenant contractuel correspondant et lui a proposé de la recevoir le mardi 21 mai pour échanger sur les éventuelles possibilités de reclassement.
Mme [L] lui ayant répondu le jour-même que l’avis d’aptitude à son poste de travail avec aménagement à temps partiel thérapeutique pour une durée prévisible de 3 mois avait pour seule conséquence qu’ils devaient définir un emploi du temps qui convienne à chacun, que cet avis n’entraînait en aucun cas un reclassement sur un autre poste et qu’elle se présentera le lendemain vendredi 17 mai à son poste de travail et qu’ils pourront échanger le mardi 21 mai sur son emploi du temps mais pas sur d’éventuelles possibilités de reclassement, l’employeur l’a informée par courrier électronique du 17 mai qu’elle refusait que le poste de DRH groupe soit exercé à mi-temps et qu’elle ne pouvait pas reprendre son poste ce jour et qu’elle ne pourrait pas la recevoir le mardi 21 mai.
A l’issue d’un entretien du 22 mai 2013, la société Buffet Crampon, affirmant à Mme [L] que son contrat demeurait suspendu, a confirmé à Mme [L] par lettre remise en main propre qu’elle pouvait rentrer chez elle, tandis que celle-ci faisait observer qu’elle n’avait pas reçu de proposition d’avenant sur les modalités de la reprise à temps partiel de son travail.
Mme [L] s’étant présentée le 23 mai 2013 pour reprendre son poste, la société Buffet Crampon, par courrier électronique, a réaffirmé qu’il était impossible d’aménager un mi-temps thérapeutique sur son poste et qu’elle entendait lui proposer un avenant contractualisant un reclassement, et lui a enjoint de quitter immédiatement les locaux de l’entreprise.
Mme [L] s’étant présentée le 30 mai 2013, la société Buffet Crampon lui a notifié, par lettre remise en main propre un avertissement formel et lui a demandé de quitter immédiatement les lieux.
Par courrier électronique du 6 juin 2013, la société Buffet Crampon, réaffirmant que seul un avis d’aptitude régulièrement émis par le médecin du travail, clair et sans réserve pouvait mettre fin à la suspension de son contrat de travail, a adressé à Mme [L] une proposition d’avenant temporaire à son contrat de travail prévoyant qu’elle exercera à compter du 28 mai 2013, les fonctions de responsable projets ressources humaines, statut cadre position IIIB, coefficient 135 , pour 17,5 heures de travail par semaine, moyennant une rémunération inférieure à celle de son poste actuel, a estimé qu’il était urgent qu’elle accepte cet avenant et reprenne le travail et qu’elle était donc attendue le mardi 11 juin.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 10 juin 2013, Mme [L] a fait observer à son employeur que l’avis du médecin du travail, qui était un avis d’aptitude, s’imposait à lui, qu’il ne pouvait lui imposer, au prétexte d’un pseudo reclassement, la rétrogradation qui résultait de l’avenant proposé, et qu’au regard de son statut de salarié protégé, il devait saisir au préalable l’inspecteur du travail de cette modification.
Par courrier du 17 juin 2013, la société Buffet Crampon a saisi l’inspecteur du travail d’une contestation de l’avis du médecin du travail du 13 mai 2013.
Par lettre remise en main propre le 26 juin 2013, la société Buffet Crampon a demandé à Mme [L] de quitter l’entreprise dans les plus brefs délais.
Par décision du 1er août 2013, prise après avis du médecin inspecteur régional du travail, l’inspecteur du travail retenant que Mme [L] est actuellement apte à occuper son poste à temps plein, a infirmé l’avis du médecin du travail du 13 mai 2013 et a déclaré Mme [L] apte au poste de directrice des ressources humaines et des affaires sociales du groupe à temps complet.
Il résulte des articles L. 4624-1, R. 4624-22 et R.4624-23, dans leur rédaction applicable au litige que le salarié bénéficie d’un examen de reprise par le médecin du travail après une absence d’au moins trente jours pour maladie. Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des travailleurs. L’employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus de faire connaître les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, l’employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l’inspection du travail. Ce dernier prend sa décision après avis de l’inspecteur du travail.
La visite de reprise du 13 mai 2013 à l’issue de laquelle Mme [L] a été déclarée apte à reprendre le travail avec aménagement à temps partiel thérapeutique ayant mis fin à la suspension du contrat de travail, la société Buffet Crampon était tenue de reprendre le paiement de la rémunération de la salariée, qui se tenait à sa disposition, peu important le recours exercé contre la décision du médecin du travail devant l’inspecteur du travail le 17 juin 2013.
L’employeur ne justifie par aucun élément objectif étranger à tout harcèlement le fait de ne pas payer la rémunération de la salariée du 13 mai au 28 juillet 2013 et de s’être borné à lui verser seulement les indemnités de congés payés pour la période du 29 juillet au 24 août 2013.
La pression exercée sur Mme [L] par courrier pour qu’elle accepte de signer un avenant temporaire impliquant une rétrogradation et la pression financière résultant de l’absence de rémunération versée ne sont justifiées par aucun élément objectif étranger à tout harcèlement.
Par courrier électronique du 2 septembre 2013, la société Buffet Crampon a notifié à Mme [L] une dispense d’activité rémunérée à effet du 2 au 10 septembre 2013.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 9 septembre 2013, la société Buffet Crampon a notifié à Mme [L] une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au mercredi 24 septembre 2013 avec une mise à pied conservatoire dans l’attente de la décision à intervenir.
Mme [L] ayant fait remarquer par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 17 septembre 2013 que le mercredi 24 septembre 2013 ne correspondait pas à un jour du calendrier, la société Buffet Crampon lui a adressé par courrier électronique du 19 septembre 2013 une convocation toujours datée du 9 septembre 2013 pour un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au mardi 24 septembre 2013 avec une mise à pied conservatoire dans l’attente de la décision à intervenir.
Mme [L] ayant contesté la régularité de la procédure aux motifs que la convocation qui permettait de déterminer la date de l’entretien ne lui avait pas été adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et 5 jours ouvrables avant la date de l’entretien, la société Buffet Crampon lui a adressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 25 septembre 2013 une convocation à un entretien préalable fixé au 14 octobre 2013, avec une mise à pied conservatoire dans l’attente de la décision à intervenir.
Lors de l’entretien préalable qui s’est tenu le 14 octobre 2013, l’employeur a déclaré que le licenciement était envisagé pour faute grave pour manquement à l’obligation de loyauté pendant la suspension du contrat de travail.
Il a saisi par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 24 octobre 2013, reçue le 28 octobre 2013, l’inspecteur du travail d’une demande d’autorisation de licenciement. Par décision du 17 décembre 2013, l’inspecteur du travail considérant que la demande d’autorisation de licenciement devait être présentée à l’inspecteur du travail dans un délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied conservatoire ou, à tout le moins, dans un délai aussi court que possible eu égard à la gravité d’une telle mesure, et que l’employeur, qui avait notifié à la salariée le 9 septembre 2013 une mise à pied conservatoire qu’il n’avait pas levée malgré l’annulation de la première convocation, ne l’avait saisi de la demande d’autorisation de licenciement que 46 jours plus tard, ce qui caractérisait un délai excessif, qu’aucun élément ne justifiait, ce qui rendait la procédure irrégulière, a refusé la demande d’autorisation de licenciement sollicitée.
La société Buffet Crampon ne rapporte pas la preuve de la faute grave qu’elle allègue et ne justifie en tout état de cause par aucun élément objectif étranger à tout harcèlement moral le délai écoulé entre la mise à pied conservatoire notifiée à la salariée le 9 septembre 2013 et la saisine de l’inspecteur du travail par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 24 octobre 2013, reçue le 28 octobre 2013.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 12 février 2014, la société Buffet Crampon a mis Mme [L] en demeure de justifier de l’origine professionnelle des dépenses d’un montant de 6 291,50 euros (3 604,87 euros au titre des dépenses de septembre 2013 et 2686,63 euros au titre des dépenses de novembre 2013) effectuées à l’aide de sa carte bancaire affaires débitées sur son compte personnel dont le paiement avait été rejeté par la banque dont l’entreprise était caution solidaire, de faire effectuer, comme cela lui a été demandé de manière répétée, la révision de son véhicule de fonction dans un délai de huit jours et de lui rembourser dans les plus brefs délais les contraventions d’un montant total de 592,60 euros payées par l’entreprise pour des infractions commises avec son véhicule de fonction.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 18 février 2014, Mme [L] a répondu :
– que le montant de 3 604,87 euros avait été régularisé début février 2014, après que la société Buffet Crampon qui ne lui avait plus versé de salaire durant de très nombreux mois, l’asphyxiant financièrement, lui ait payé ses salaires de la période de mise à pied conservatoire;
– que la somme de 2686,63 euros prélevée sur son compte le 2 décembre 2013 n’avait jamais fait l’objet d’un rejet ;
-qu’elle va lui adresser ses notes de frais des derniers mois ;
– que la révision de son véhicule de fonction sera effectuée dans la semaine et qu’ayant été privée de l’accès à sa boîte mail professionnelle depuis plusieurs mois, elle n’a pas connaissance des courriers adressés par son employeur sur celle-ci ;
– qu’elle n’a pas eu pour la même raison connaissance d’une demande de remboursement de contraventions pour infractions au code de la route, qu’elle n’a aucun justificatif de leur montant et que l’employeur ne peut réclamer le remboursement des amendes qu’il a payées.
Au vu des éléments soumis à l’appréciation de la cour, cette mise en demeure n’est pas justifiée par un élément objectif étranger à tout harcèlement.
Le harcèlement moral dont Mme [L] a été victime est caractérisé. Elle lui a causé un préjudice que la cour fixe à la somme de 10 000 euros. Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner l’employeur à payer à la salariée la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts de ce chef.
Sur la discrimination
Selon l’article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations,notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.
En application de l’article L. 1134-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
La mise en oeuvre de trois procédures de licenciement successives en moins d’un an, la première engagée le 23 octobre 2012, ayant donné lieu à un entretien préalable en date du 6 novembre 2012 au cours duquel, selon le compte-rendu qu’en a établi le salarié qui assistait Mme [L], M. [W] a déclaré que l’absence de Mme [L] a été un handicap pour la reprise de B&S car il y avait une dimension ressources humaines majeure pour traiter ce dossier avec les comités d’entreprise des diverses sociétés, laissée sans suite, la deuxième, engagée le 26 février 2013, qui a donné lieu à un refus d’autorisation de licenciement de l’inspecteur du travail du 2 mai 2013, la troisième, engagée en septembre 2013, qui a donné lieu à un refus d’autorisation de licenciement de l’inspecteur du travail du 17 décembre 2013, le refus de l’employeur d’aménager le temps de travail de la salariée pour trois mois dans le cadre d’un temps partiel thérapeutique et les pressions exercées sur elle pour qu’elle accepte de signer un avenant temporaire impliquant une rétrogradation, la décision de l’employeur de considérer la salariée en absence injustifiée du 13 mai 2013 au 28 juillet 2013 et de ne pas la rémunérer durant cette période, la durée excessive séparant la mise à pied conservatoire de la salariée de la saisine de l’inspecteur du travail, la mise en demeure adressée à la salariée le 12 février 2014 laissant supposer l’existence d’une discrimination, il incombe à la société Buffet Crampon de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Alors que ces éléments laissent supposer l’existence d’une discrimination, la société Buffet Crampon ne rapporte pas la preuve que ses décisions sont justifiées par un élément objectif étranger à toute discrimination, ainsi qu’il a été ci-dessus exposé.
La discrimination liée à l’état de santé dont Mme [L] a été victime est caractérisée. Elle lui a causé un préjudice que la cour fixe à la somme de 8 000 euros. Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner l’employeur à payer à la salariée la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts de ce chef.
Sur le manquement à l’obligation de sécurité
Mme [L] sollicite la condamnation de la société Buffet Crampon au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison de l’inertie de la société face aux dénonciations de harcèlement et de discrimination.
En application de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers ses salariés, prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de l’article L. 4121-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2017-1389 du 22 septembre 2017 et de l’article L. 4121-2 du même code dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, est distincte de la prohibition du harcèlement moral instituée par l’article L. 1152-1 du code du travail et de la prohibition de la discrimination instituée par l’article L. 1132-1 du même code et ne se confond pas avec elles.
L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, notamment en matière de discrimination et de harcèlement moral, manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail d’agissements de harcèlement moral ou de discrimination.
Bien que la salariée l’ait informée dans sa lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 23 mai 2013 d’un harcèlement moral subi et dans sa lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 10 juin 2013 d’une discrimination liée à son état de santé et qu’elle ait eu connaissance de la dégradation de l’état de santé de la salariée, la société Buffet Crampon n’a pris aucune mesure concrète pour remédier à la situation et n’a donc pas mis en place les mesures nécessaires permettant d’assurer la sécurité de la salariée et protéger sa santé physique et mentale conformément aux articles L. 4121-1 et 4121-2 du code du travail. Le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité est caractérisé.
En ne réagissant pas aux courriers de Mme [L] invoquant un harcèlement moral et une discrimination et en manquant ainsi à son obligation de sécurité, la société Buffet Crampon a aggravé la souffrance morale de l’intéressée, lui causant un préjudice moral que la cour fixe à la somme de 3 000 euros. Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner l’employeur à payer à la salariée la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts de ce chef.
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail
Lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, le juge doit rechercher si la demande est justifiée. Si tel est le cas, il fixe la date de la rupture à la date d’envoi de la lettre de licenciement.
Le harcèlement moral subi par la salariée constitue un manquement de l’employeur à ses obligations suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Buffet Crampon à effet au 30 juillet 2015, date du licenciement, qui devient dès lors sans objet.
Sur les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat de travail
La résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [L] aux torts de l’employeur étant fondée sur des faits de harcèlement moral, cette rupture produit les effets d’un licenciement nul en application des dispositions de l’article L. 1152-3 du code du travail.
Le salarié dont la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul, a droit d’une part, aux indemnités de rupture, et d’autre part, à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite de son licenciement, dont le montant doit être au moins égal à celui prévu par L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, soit un montant égal aux salaires bruts des six derniers mois.
Il est établi par les bulletins de paie produits qu’au cours des douze derniers mois travaillés, soit la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012, Mme [L] a perçu une rémunération mensuelle brute moyenne de 11033,83 euros. Le préavis fixé par l’article 27 de la a convention collective applicable étant de six mois pour le salarié âgé de 50 à 55 ans s’il a cinq ans de présence dans l’entreprise, ce qui est le cas de Mme [L], qui est née le 12 juin 1962 et a été engagée le 12 mai 2008, il convient confirmer le jugement entrepris ayant condamné la société Buffet Crampon à payer à payer à l’intéressée la somme de 66 202 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 6 620 euros au titre des congés payés afférents euros, qui non contestée en son montant, est justifiée par les bulletins de paie produits, ainsi que la somme de 6 620 euros au titre des congés payés afférents.
La salariée a également le droit de conserver l’indemnité de licenciement qui lui a été versée à son départ de l’entreprise.
En raison de l’âge de la salariée au moment de la rupture de son contrat de travail, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi ainsi que des justificatifs produits, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu’elle a subi, du fait du caractère illicite de son licenciement, la somme de 80 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul, sans préjudice de la législation fiscale et sociale le cas échéant applicable.
Sur la demande de rappel de salaire pour la période du 13 mai 2013 au 28 juillet 2013
La visite de reprise du 13 mai 2013 ayant mis fin à la suspension du contrat de travail, la société Buffet Crampon était tenue de reprendre le paiement de la rémunération de la salariée, qui se tenait à sa disposition, peu important le recours exercé contre la décision du médecin du travail devant l’inspecteur du travail le 17 juin 2013.
Il convient en conséquence de condamner la société Buffet Crampon à payer à Mme [L] la somme de 21 115 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 13 mai 2013 au 28 juillet 2013 ainsi que la somme de 2 111 euros au titre des congés payés afférents.
Sur la demande de prime de vacances
Mme [L] sollicite le paiement de la somme de 510 euros à titre de prime de vacances pour l’année 2013, dont elle indique qu’elle a été versée aux salariés de l’entreprise le 31 juillet 2013. A l’appui de sa demande, elle produit le procès-verbal de la réunion des délégués du personnel mentionnant que la direction déclare que le montant de la prime de vacances, qui avait été fixé à 500 euros en 2012, était fixé à 510 euros en 2013.
La société Buffet Crampon, qui conteste être redevable de cette prime, produit le document suivant daté du 24 juillet 1979:
‘Prime de vacances/
Congé sans solde (suite arrêt maternité), et quelque soit la période de congé sans solde prise dans l’année:
la prime est égale au prorata de la présence de travail rémunérée pour les douze mois. (elle est versée au moment de la reprise).
-militaires appelés : 100% au retour (sans changement)
-maladie longue durée : 100%
-femme en arrêt de maternité : 100% (sans changement)
départ en cours d’année, pas de prime de vacances (ou entière ou au prorata).’
La prime de vacances, qui trouve son origine dans un engagement unilatéral de l’employeur, constitue un élément de salaire obligatoire pour lui dans les conditions fixées par cet engagement. Ne peut constituer une condition d’application d’un engagement unilatéral de l’employeur qu’une clause précise définissant objectivement l’étendue et les limites de l’obligation souscrite.
Il n’est pas établi que Mme [L] ait été en congé sans solde.
La société Buffet Crampon est donc redevable de la prime de vacances. Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Buffet Crampon à payer à Mme [L] la somme de 510 euros à titre de prime de vacances pour l’année 2013.
Sur la demande en paiement de la somme de 1 405 euros objet d’une retenue sur le solde de tout compte
Mme [L] sollicite le paiement de la somme de 1 405 euros que la société Buffet Crampon a retenue le 3 août 2015 sur son solde de tout compte. La société Buffet Crampon fait valoir que cette somme correspond au montant des contraventions qu’elle a payées pour les infractions au code de la route commises avec le véhicule de fonction attribué à Mme [L].
Le bien fondé de la retenue effectuée sur le solde de tout compte de Mme [L] pour le remboursement de contraventions afférentes au véhicule de fonction mis à sa disposition n’est justifié par aucune pièce. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris ayant condamné la société Buffet Crampon à payer à Mme [L] la somme de 1 405 euros pour retenue indue.
Sur la demande de dommages-intérêts pour dénigrement
Mme [L] sollicite le paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice subi postérieurement à la rupture en raison du dénigrement de la société à son égard, ne rapporte la preuve du dénigrement allégué, que l’attestation de M. [K] ne suffit pas à caractériser. Il convient en conséquence de la débouter de cette demande.
Sur la demande reconventionnelle en remboursement de salaires
La société Buffet Crampon sollicite la condamnation de Mme [L] à lui payer la somme de 17 617,40 euros en remboursement des salaires indus versés à Mme [L].
Pour les mois de décembre 2013 et janvier 2014, la société Buffet Crampon a maintenu à Mme [L] son salaire en totalité mais n’a pas perçu les indemnités journalières de la sécurité sociale, la Cpam n’ayant pas mis en place la subrogation de l’employeur dans les droits de la salariée et ayant versé les indemnités journalières directement à Mme [L]. Cette dernière reconnaît devoir de ce chef à la société Buffet Crampon la somme de 2 514,60 euros correspondant aux des indemnités journalières de la sécurité sociale qu’elle a perçues du 3 décembre 2013 au 31 janvier 2014.
Pour le surplus, le salaire versé à Mme [L] l’ayant été conformément aux dispositions conventionnelles applicables au salarié en arrêt de travail pour maladie et l’indemnité de licenciement lui ayant été versée conformément aux dispositions conventionnelles applicables en cas de rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul, il n’y a pas lieu de condamner Mme [L] à les rembourser. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour faute lourde
La société Buffet Crampon sollicite la condamnation de Mme [L] à lui payer la somme de 155 187,10 euros à titre de dommages-intérêts pour faute lourde.
A l’égard de son employeur la responsabilité pécuniaire d’un salarié ne peut résulter que de sa faute lourde.
La faute lourde, dont il appartient à l’employeur de rapporter la preuve, est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise.
La société Buffet Crampon ne rapporte la preuve ni de la faute imputée à la salariée, ni de son intention de nuire, qu’il ne caractérise d’ailleurs pas.
Il y a lieu de relever en effet que les éléments produits par la société Buffet Crampon, qu’il convient d’examiner avec circonspection comme émanant du mari de Mme [L], en conflit avec elle, sont contredits par les attestations et documents produits par Mme [L], qui établissent qu’elle n’a effectué une mission pour le groupe Réminiscence qu’en 2012, même si elle n’en a perçu la rémunération qu’en 2014 et 2015, et qu’elle n’a pas travaillé ensuite pour ce groupe avant son embauche comme secrétaire générale par contrat de travail à durée déterminée à effet du 15 janvier 2016 au 30 mai 2016.
La société Buffet Crampon est au surplus mal fondée à prétendre que Mme [L] aurait violé la clause d’exclusivité stipulée au contrat de travail du 6 mars 2009, alors que par courrier électronique du 21 janvier 2011, M. [W], président de la société lui a confirmé son accord pour lever la clause d’exclusivité de son contrat de travail et lui permettre d’exercer des missions de conseils et de formation au sein de différents organismes et a précisé: ‘Ce mail vaut avenant. Laisse une copie dans ton dossier. Merci.’ et qu’aucun élément sérieux ne permet de mettre en doute l’authenticité de ce document.
Il convient en conséquence de débouter la société Buffet Crampon de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.
Sur les intérêts des sommes allouées
L’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents produiront intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2015, date d’effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail.
Les autres créances salariales sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, soit le 11 octobre 2013 pour les créances réclamées à cette date ou à la date de la demande qui en a été faite en justice, pour les créances réclamées postérieurement, à moins que les créances réclamées ne soient devenues exigibles postérieurement à la demande qui en a été faite, auquel cas ils sont dus à compter de leur date d’exigibilité.
Les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur la demande de compensation
Il convient d’ordonner la compensation de la somme de 2 514,60 euros que Mme [L] reconnaît devoir à la société Buffet Crampon avec les créances indemnitaires dues par la société Buffet Crampon à Mme [L].
Sur la demande de remise de documents sociaux rectifiés
Il convient d’ordonner à la société Buffet Crampon de remettre à Mme [L] un bulletin de paie récapitulatif et une attestation destinée à Pôle emploi conformes au présent arrêt. Il n’est pas nécessaire de prononcer une astreinte.
Sur les dépens et l’indemnité de procédure
La société Buffet Crampon, qui succombe pour l’essentiel dans la présente instance, doit supporter les dépens de première instance et d’appel. Il y a lieu de la débouter de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à Mme [Y] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel, en sus de la somme de 1 500 euros qui a été allouée à cette dernière en première instance.
S’il peut être rappelé qu’aux termes de l’article L 111-8 du code des procédures civiles d’exécution, à l’exception des droits proportionnels de recouvrement et d’encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans les conditions fixées en Conseil d’Etat, les frais de l’exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s’il est manifeste qu’ils n’étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés, et qu’aux termes de l’article 11 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 modifié, le droit de recouvrement ou d’encaissement à la charge du créancier visé à l’article 10 dudit décret n’est pas dû lorsque le recouvrement ou l’encaissement est effectué sur le fondement d’un titre exécutoire constatant une créance née de l’exécution d’un contrat de travail, la demande de Mme [L] tendant à ce qu’il soit dit que les dépens comprendront les éventuels frais d’exécution de l’arrêt à intervenir est irrecevable, faute d’intérêt à agir, en l’absence de contestation née à ce jour de ce chef.
PAR CES MOTIFS :
La COUR,
Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,
Vu l’arrêt de la cour de cassation du 3 février 2021,
Infirme partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie en date du 14 novembre 2016 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [E] [L] aux torts de la société Buffet Crampon à effet au 30 juillet 2015, date du licenciement qui devient sans objet ;
Dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement nul ;
Condamne la société Buffet Crampon à payer à Mme [E] [L] les sommes suivantes:
*10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
*8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination en raison de l’état de santé,
*3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour inertie face aux dénonciations de harcèlement et de discrimination ;
*80 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, sans préjudice de la législation fiscale et sociale le cas échéant applicable ;
*21 115 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 13 au 28 juillet 2013 ;
*2 111 euros au titre des congés payés afférents ;
*510 euros au titre de la prime de vacances pour l’année 2013 ;
Dit que l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents produiront intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2015, date d’effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail,
Dit que les autres créances salariales sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, soit le 11 octobre 2013 pour les créances réclamées à cette date ou à la date de la demande qui en a été faite en justice, pour les créances réclamées postérieurement, à moins que les créances réclamées ne soient devenues exigibles postérieurement à la demande qui en a été faite, auquel cas ils sont dus à compter de leur date d’exigibilité;
Dit que les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Ordonne à la société Buffet Crampon de remettre à Mme [E] [L] un bulletin de paie récapitulatif et une attestation destinée à Pôle emploi conformes au présent arrêt,
Dit n’y avoir lieu de prononcer une astreinte,
Confirme pour le surplus, dans la limite de la cassation, les dispositions non contraires du jugement entrepris ;
Y ajoutant :
Dit la pièce 47 de la société Buffet Crampon recevable,
Déboute Mme [E] [L] de sa demande de dommages-intérêts pour dénigrement,
Déboute la société Buffet Crampon de sa demande de dommages-intérêts pour faute lourde de Mme [E] [L],
Déboute la société Buffet Crampon de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel,
Condamne la société Buffet Crampon à payer à Mme [E] [L] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel,
Condamne la société Buffet Crampon aux dépens d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,