ARRÊT DU
30 Septembre 2022
N° 1483/22
N° RG 20/02137 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TH2O
AM/CH
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LILLE
en date du
18 Septembre 2020
(RG -section )
GROSSE :
aux avocats
le 30 Septembre 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANT :
M. [M] [T]
[Adresse 1]
représenté par Me Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Emmanuel RIGLAIRE, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Nicolas DEBAVELAERE, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉES :
M. [R] [G] en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ATELIER DU NORD (ADN) –
[Adresse 3]
représenté par Me Philippe LEFEVRE, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me Agathe SAUVAGE, avocat au barreau de LILLE
Association L’UNEDIC DELEGATION AGS, CGEA DE LILLE
[Adresse 2]
représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI, substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI
DÉBATS : à l’audience publique du 07 Juin 2022
Tenue par Alain MOUYSSET
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Séverine STIEVENARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Monique DOUXAMI
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Alain MOUYSSET, Conseiller et par Cindy LEPERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 07 juin 2022
FAITS ET PROCEDURE
Suivant contrat de travail à durée indéterminée M. [M] [T] a été embauché 15 juin 2015 par la société ATELIER DU NORD en qualité de directeur technique, bénéficiant à ce titre d’une rémunération forfaitaire mensuelle de base mais aussi de primes mensuelles de commissionnement de rendement.
Par avenant en date du 1er novembre 2016 le salarié a été promu au poste de directeur adjoint, se voyant à ce titre confié des missions managériales, étant précisé que les modalités de sa rémunération ont fait partie des clauses modifiées par cet avenant par rapport à celles mises en place par le contrat de travail initial.
Le 18 octobre 2017 le tribunal de commerce de Lille Métropole a prononcé la liquidation judiciaire de la société, Me [G] étant désigné en qualité de mandataire liquidateur de cette dernière.
Le 31 octobre 2017 le mandataire liquidateur a notifié au salarié son licenciement pour motif économique.
Le salarié a été ensuite destinataire d’une attestation pôle emploi, d’un reçu de tout compte et d’un bulletin de salaire pour le mois de novembre 2017 sur lequel figurait un rappel de prime tel que revendiqué par le salarié
Me [G] a informé le 18 janvier 2018 le salarié que l’AGS CGEA de Lille a refusé de prendre en charge une partie des sommes visées par le bulletin de salaire et le solde de tout compte, à savoir le rappel des primes qui n’auraient pas été payées par l’employeur.
L’AGS persistant dans son refus de règlement, le salarié a saisi le 10 juillet 2018 le conseil de prud’hommes de Lille, lequel par jugement en date du 18 septembre 2020 l’a débouté de sa demande en rappel des commissions et de celle au titre de l’article 700 du code de procédure civile en laissant à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Le 20 octobre 2020 le salarié a par deux actes interjeté appel de ce jugement, et par ordonnance du 17 novembre 2017 le magistrat en charge de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures.
Vu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 2 juin 2022 par le salarié.
Vu les conclusions déposées le 25 mars 2021 par Me [G] en sa qualité de mandataire liquidateur de la société.
Vu les conclusions déposées le 12 avril 2021 par l’UNEDIC délégation AGS CGEA de Lille.
Vu la clôture de la procédure au 17 mai 2022.
SUR CE
De la demande en rappel de commissions
Aux termes de l’article 6.3 du contrat de travail le salarié peut prétendre au paiement d’une prime mensuelle de commissionnement de rendement calculée sur la rentabilité des seuls projets dont il aura la responsabilité et qu’il aura suivis au sein de l’entreprise, correspondant à 10 % de la marge nette réalisée par projet.
Il est par ailleurs précisé dans cette même clause que cette prime ne sera cependant due qu’à compter du moment où le projet aura été complètement facturé et payé, et où les calculs de marge brute et de marge nette auront été totalement réalisées.
Le salarié reproche au conseil de prud’hommes d’avoir inversé la charge de la preuve en ne tenant pas compte de la force probante attachée au bulletin de paie du mois de novembre 2017, alors que l’UNEDIC et le mandataire liquidateur soutiennent qu’il lui appartient de démontrer que les conditions fixées par l’article six du contrat de travail ont bien été respectées, et qu’il est défaillant en la matière.
Toutefois le bulletin de salaire établi par le mandataire liquidateur en ce qu’il mentionne un rappel de prime constitue une présomption quant à l’existence de la créance du salarié, puisque ledit mandataire est censé avoir procédé à la vérification des éléments de nature à établir la réalité de la dette de l’employeur avant de la faire figurer sur le bulletin de salaire.
S’il s’agit d’une présomption simple, dans la mesure où un employeur peut remettre en cause les sommes figurant sur un bulletin de salaire faisant apparaitre une créance au profit du salarié en refusant de s’en acquitter, ou encore en procédant à une retenue sur salaire, voire par le biais d’une action en répétition d’indu, pour autant il lui appartient de rapporter la preuve du caractère erroné de telles mentions.
Or le mandataire liquidateur reproche au salarié de ne pas fournir des éléments de nature à démontrer la réalité de sa créance, ce que soutient également l’UNEDIC en y ajoutant qu’il n’établit pas l’existence de revendications en matière de paiement de ces commissions.
En procédant de la sorte le mandataire liquidateur renverse la charge de la preuve et ne tient pas compte de l’existence d’un bulletin de salaire, confirmé notamment par le solde de tout compte, dont l’établissement suppose une vérification préalable des éléments fournis par le salarié pour établir l’existence de sa créance.
Il apparaît même que le salarié fournit des éléments de nature à justifier de la réalité de sa créance.
Certes les modalités de sa rémunération ont évolué à la suite d’un avenant de sorte que le salarié ne peut pas revendiquer le paiement de primes pour des prestations réalisées au-delà de cette date, et le témoignage de M. [J] ne présente pas des garanties d’objectivité suffisantes en ce qu’il est lui-même en conflit avec la société.
Pour autant le salarié remet plusieurs attestations de clients de la société, dont l’une au moins est corroborée par des échanges de mail qui permettent de confirmer son implication dans la réalisation des prestations, pour lesquelles il revendique le bénéfice d’une prime.
Les intimés, qui conteste son calcul de la marge nette sur la base de laquelle doit être apprécié le montant des primes, ne fournissent aucun élément comptable de nature à remettre en cause l’évaluation du salarié fondé sur des éléments comptables que Me [G] se contente de remettre en cause, alors qu’il est lui-même censé être en leur possession, étant observé que la comptable de la société a attesté en faveur du salarié.
Par ailleurs le mandataire liquidateur se prévaut du fait que le salarié n’aurait pas pris en compte toutes les primes ayant été versées par la société durant la période d’exécution du contrat de travail initial, sans tirer les conséquences de tels versements, en ce qu’ils constituent la preuve d’une reconnaissance par la société de la créance du salarié, qui justifie par ailleurs avoir effectué une démarche auprès de son employeur concernant la prestation de travail ayant généré le rappel de le plus important.
S’il pouvait subsister un doute quant à la date de réalisation de l’opération Vendée Globe, celui-ci est levé aux termes d’une attestation faisant référence à une date de réception du 3 novembre 2016.
Il convient au regard de ces éléments de constater que les intimés ne fournissent aucun élément de nature à établir que les conditions de l’article 6.3 du contrat de travail n’ont pas été respectées, et par là même que les mentions du bulletin de paie sont erronées, et que les sommes y figurant ne sont pas dues.
Il y a lieu seulement de prendre en compte l’intégralité des primes versées par l’employeur durant la période de travail pouvant générer leur paiement, étant précisé que l’intitulé « prime exceptionnelle » n’est pas source de difficultés quant à leur nature, dans la mesure où il n’est ni allégué ni a fortiori démontré le droit pour le salarié au paiement d’autres primes, et où ce dernier a lui même retenu le paiement de telles primes pour les déduire de la somme revendiquée.
Il doit être déduit à ce titre deux sommes de 1100 euros, et celle de 3000 euros, de sorte que la créance du salarié s’élève à la somme 20163,77 euros.
Il y a lieu au regard de ces éléments de faire droit partiellement à la demande du salarié en fixant cette créance dans la procédure collective de la société en retenant la mise en oeuvre la garantie de l’AGS, et par voie de conséquence d’infirmer le jugement entrepris.
Des demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Des dépens
Chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau et ajoutant jugement entrepris,
Fixe la créance de M. [M] [T] dans la procédure collective de la société ATELIER DU NORD à la somme de 20163,77 euros à titre de rappel de primes qui sera inscrite sur l’état des créances déposées au greffe du commerce conformément aux dispositions de l’article L. 621-129 du code de commerce:
Précise que le jugement d’ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que tous intérêts de retard et majoration,
Dit la présente décision opposable à l’AGS et au CGEA de Lille dans les limites prévues aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,
Dit que l’obligation de l’AGS et du CGEA de Lille de faire l’avance de la somme ci-dessus énoncée ne pourra s’exécuter que sur présentation d’ un relevé par le mandataire judiciaire,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
Le Greffier
[Y] [B]
Pour le Président empêché
Alain MOUYSSET, Conseiller