ARRÊT DU
30 Septembre 2022
N° 1591/22
N° RG 20/01030 – N° Portalis DBVT-V-B7E-S5VM
VCL/AA
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LENS
en date du
28 Janvier 2020
(RG F 18/00215 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 30 Septembre 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANTE :
ASSOCIATION HOSPITALIÈRE NORD ARTOIS CLINIQUES (AH NAC)
[Adresse 5]
[Adresse 5]
représentée par Me Mourad BOURAHLI, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE :
Mme [P] [X] divorcée [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Joëlle MARTEAU-PERETIE, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS : à l’audience publique du 23 Juin 2022
Tenue par Virginie CLAVERT
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Angelique AZZOLINI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre NOUBEL
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Marie LE BRAS
: PRESIDENTE DE CHAMBRE
Virginie CLAVERT
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022,les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Cindy LEPERRE, greffie auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 02/06/2022
EXPOSE DU LITIGE ET PRETENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :
L’ Association Hospitalière Nord Artois a engagé Mme [P] [X] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 21 mai 2002 en qualité d’infirmière de bloc opératoire, 477, en application de la convention collective de l’hospitalisation privée à but non lucratif.
Mme [P] [X] a suivi une formation de longue durée dispensée par l’Institut de formation des cadres de santé de [Localité 4].
Le 28 juillet 2015, l’AHNAC et Madame [P] [X] ont signé une convention de dédit formation au terme de laquelle il était convenu que :
– Madame [P] [X] pourrait partir en formation pour un volume global de 1 365
heures de formation du 3 septembre 2015 au 22 juin 2016 ;
– L’AHNAC prenait à sa charge le coût de la formation soit 58 559 € ventilés comme
suit :
– 9 256 € au titre des coûts pédagogiques et d’inscription ;
– 41 703 € au titre de la rémunération de Madame [P] [X] (salaires et charges sociales) ;
– 7 600 € au titre des frais de déplacement et d’hébergement.
En contrepartie de cet engagement de l’AHNAC, Madame [P] [X] s’est engagée à l’issue de sa formation à continuer à offrir ses services au sein de l’AHNAC pendant une durée de trois ans. A défaut, il a été prévu que Madame [P] [X] rembourserait :
– la totalité du coût supporté par l’AHNAC en cas de départ dans l’année suivant l’exercice de ses nouvelles fonctions ;
– le coût de la formation proportionnellement au nombre de mois restant à courir jusqu’à l’expiration du délai de trois ans en cas de départ au-delà de l’année suivant l’exercice des nouvelles fonctions.
Il était également prévu que : « L’employeur sera également en droit de recouvrer totalement ou partiellement les sommes qui lui sont dues par Madame [P] [X] via le mécanisme de la compensation ».
Madame [X] a achevé sa formation en juin 2016 et a été promue le 1 er août 2016, au poste de surveillante chef de bloc, qualification cadre, coefficient 537
Le 8 février 2018, Madame [P] [X] a remis sa démission
L’AHNAC a opéré, dans le cadre de la compensation les retenues suivantes :
– 1.654,54 € sur la paie du mois de mars 2018 ;
– 5.066,51 € sur les sommes dues au titre du solde de tout compte.
Contestant la validité de la clause de dédit formation et ses conséquences et réclamant diverses indemnités et rappels d’heures supplémentaires, Mme [P] [X] a saisi le 19 juillet 2018 le conseil de prud’hommes de Lens qui, par jugement du 26 mars 2019 a constaté la violation des dispositions de l’article R1412-1 du code du travail par l’AHNAC et a relevé sa compétence territoriale.
Puis par jugement du 28 janvier 2020, la juridiction prud’homale a rendu la décision suivante :
-Prononce la nullité de la clause de dédit formation ;
-Annule la créance de l’employeur à hauteur de 20.174 euros ;
-Condamne l’AHNAC à payer à Madame [X], les sommes suivantes :
– 6.721,05 euros brut au titre de la retenue sur salaire du mois de
mars 2018 ;
– 1.981,77 euros brut au titre des heures supplémentaires ;
– 198,17 euros brut au titre des congés payés sur heures supplémentaires;
– 3.284,61 euros net au titre de la discrimination subie par Mme [P] [X], tant en ce qui concerne le droit à la formation qu’en matière de salaire,
– Condamne l’AHNAC à payer à Mme [P] [X] la somme de 1500 euros net au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Déboute l’AHNAC de l’intégralité de ses demandes ;
-Précise que conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal ;
– A compter de la demande pour toutes les sommes de nature salariale
– A compter du prononcé du présent jugement pour toute autre somme
-Dit que le présent jugement bénéficie de l’exécution provisoire de droit conformément à l’article R145428 du code du travail ;
-Condamne l’AHNAC aux dépens.
L’association hospitalière Nord Artois cliniques a relevé appel de ce jugement, par déclaration électronique du 28 février 2020.
Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 15 juillet 2020 au terme desquelles l’AHNAC demande à la cour de :
-Réformer le jugement du Conseil de Prud’hommes de LENS, en ce qu’il a :
– Prononcé la nullité de la clause de dédit formation ;
– Annulé la créance de l’employeur à hauteur de 20 174 € ;
– Condamner l’AHNAC à payer à Madame [P] [X], les sommes suivantes :
-6 721,05 € brut au titre de la retenue sur salaire du mois de mars 2018 ;
-1 981,77 € brut au titre des heures supplémentaires ;
-198,17 € brut au titre des congés payés sur heures supplémentaires ;
-3 284,61 € net au titre de la discrimination subie par Madame [P] [X],
tant en ce qui concerne le droit à la formation qu’en matière de salaire.
– Condamné l’AHNAC à payer à Madame [P] [X], la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Débouté l’AHNAC de l’intégralité de ses demandes ;
-Constater la créance de l’AHNAC au titre de la clause de dédit formation pour un montant de 20 174 € ;
– Prendre acte des sommes prélevées sur le bulletin du mois de mars 2018 ainsi que sur le solde de tout compte pour un montant global de 6 721,05 € ;
-Condamner Madame [P] [X] à rembourser l’AHNAC de la somme de 13 452,95 € au titre de la convention de dédit formation ;
-Débouter Madame [P] [X] de ses demandes au titre de la clause de dédit-formation ;
-Débouter Madame [P] [X] de ses demandes au titre des prétendues heures supplémentaires;
-Constater l’absence de toute discrimination ou inégalité de traitement dont aurait été victime Madame [P] [X].
-En conséquence, débouter celle-ci de sa demande indemnitaire et de la demande de rappel de salaire pour discrimination ;
– Condamner Madame [P] [X] à verser à l’AHNAC la somme de 3 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, l’AHNAC expose que :
– Mme [P] [X] est tenue de respecter son obligation de dédit-formation, suite à la convention signée le 28 juillet 2015 pour une formation entamée le 3 septembre suivant.
– La clause de dédit-formation est valable, étant précisé que le coût de la formation s’est élevé à 50 736,21 euros et que l’AHNAC a perçu 18 241 euros de l’UNIFAF, organisme gestionnaire des fonds de la formation professionnelle au sein de la branche, et a supporté seule 32 494,55 euros incluant les salaires et cotisations sociales afférentes, les frais pédagogiques, les frais de déplacement et d’hébergement.
– Mme [X] ayant donné sa démission le 8 février 2018, elle était donc redevable de la somme de 20174 euros, soit un solde après retenue sur la paie de mars 2018 et le reçu pour solde de tout compte de 13 452,95 euros.
– Surtout, la formation dont a bénéficié Mme [X] ne relevait pas d’une adaptation au poste mais constituait une formation de qualification.
– L’employeur a, nonobstant une participation financière extérieure, supporté une partie du financement de cette formation et n’avait pas l’obligation, s’agissant d’une formation de développement de compétences, de maintenir le salaire pendant toute la durée de celle-ci.
– La clause de dédit formation est régulière, ce qui doit conduire au paiement du solde des sommes restant dues.
– Concernant les heures supplémentaires, le volume d’heures allégué ne constitue pas un nombre d’heures supplémentaires mais correspond à un volume d’heures de travail réalisé au delà de l’horaire de 35 heures compensables.
– Par ailleurs, Mme [X] enregistrait elle-même ses horaires ainsi que ceux de son équipe, sans validation de sa hiérarchie et alors qu’il existe une incohérence entre ce volume d’heures et le niveau d’activité du bloc de [Localité 2] lequel ferme deux heures avant celui de [Localité 3].
– En outre, la salariée ne justifie ni de ce que ces heures ont été commandées par son employeur, ni de ce que la charge d’activité en imposait la réalisation.
– Concernant la discrimination alléguée, Mme [X] se prévaut, en réalité, d’une inégalité de traitement laquelle n’est pas avérée, M. [W] ayant également signé un engagement de dédit formation, M. [D] disposant d’une ancienneté supérieure à elle et au sein de la polyclinique d'[Localité 3] dont l’activité était plus soutenue que celle de [Localité 2] et ayant également fait l’objet d’une clause de dédit formation.
– Aucune discrimination n’est, par conséquent, établie.
Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 12 août 2020, dans lesquelles Mme [P] [X], intimée, demande à la cour de :
-Confirmer l’annulation en son intégralité de la Clause de dédit formation ;
En conséquence :
– Confirmer la condamnation de l’association hospitalière Nord-Artois au versement de 21.621,05 € de remboursement au titre de la clause de dédit formation,
-Confirmer l’existence d’une discrimination tant en ce qui concerne le droit à la formation professionnelle qu’en matière de salaire ;
En conséquence :
-Confirmer la condamnation de l’association hospitalière Nord-Artois au versement de:
-3.284,61 € de dommages et intérêts pour discrimination,
-1.981,77 net de rappel de salaire et la somme de 198,17 € net au titre des congés payés afférents aux heures supplémentaires
– Confirmer la condamnation de l’association hospitalière Nord-Artois au versement de
– 1.500 € au titre de l’article du 700 du code de procédure civile,
– Intérêts légaux à compter du prononcé du jugement et exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel .
– Condamner l’association hospitalière Nord-Artois au versement de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’appel.
A l’appui de ses prétentions, Mme [P] [X] soutient que :
– Les clauses de dédit-formation sont licites, dans la mesure où elles constituent la contrepartie d’un engagement pris par l’employeur d’assurer une formation entrainant des frais réels au-delà des dépenses imposées par la loi, la convention collective, et dans la mesure où elles n’ont pas pour effet de priver le salarié de sa faculté de démissionner.
– La clause de dédit-formation doit préciser la date, la nature, la durée de la formation et son coût réel pour l’employeur ainsi que le montant et les modalités de remboursement à la charge du salarié.
-Il appartient à l’employeur d’apporter la preuve de ce que les frais de formation pour l’ensemble des salariés excèdent les obligations légales ou conventionnelles à la charge de l’entreprise en matière de formation professionnelle.
– Or, la formation de Mme [X] a été entreprise au titre de l’année 2015 par l’UNIFAF et au titre de l’année 2016 par la GPEC, c’est à dire par le plan de formation, de sorte que la somme sollicitée à la salariée au titre de la clause de dédit formation est nulle.
– Par ailleurs, cette clause n’est pas non plus conforme, en ce qu’elle englobe notamment le salaire correspondant à des heures de formation, lequel ne peut donner lieu à remboursement mais également des coûts que l’AHNAC n’a pas pris en charge effectivement s’agissant de financements extérieurs, lesquels lui ont, toutefois, été réclamés, seule l’intervention du syndicat CGC ayant conduit à la minoration des frais de formation réclamés par l’employeur.
– L’AHNAC doit être condamnée à restituer la somme de 6721,05 euros qui lui a été prélevée à tort.
– En outre, elle a subi une discrimination de la part de l’AHNAC, en s’étant vue imposer une clause de dédit formation alors que M. [O] [W] a bénéficié de la même formation sur la même période mais financée sur les fonds propres de l’établissement.
– Une discrimination est également avérée, en ce que M. [J] [D], chef de bloc non diplômé cadre de santé, bénéficie depuis septembre 2016 d’une rémunération supérieure à la sienne.
– De la même façon, alors qu’elle a commencé à exercer en qualité de chef de bloc cadre de santé à compter du 22 juin 2016, son statut officiel n’est apparu que sur le bulletin de paie du mois d’août 2016.
– Enfin, elle n’a pas été rémunérée des heures supplémentaires mentionnées sur le compteur temps de l’AHNAC à hauteur de 120,82 heures, l’employeur devant être condamné à les lui payer, outre les congés payés y afférents.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 2 juin 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la clause de dédit-formation :
Conformément aux dispositions de l’article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016 au regard de la date de signature de la convention de dédit formation, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Il résulte du contrat de dédit formation conclu le 28 juillet 2015 entre Mme [P] [X] et l’AHNAC que la salariée a bénéficié d’une formation longue durée de cadre de santé représentant 1365 heures de formation dispensées par l’institut de formation des cadres de santé de [Localité 4], ce afin d’acquérir la qualification de surveillante chef de bloc.
Les clauses de dédit-formation sont licites si elles constituent la contrepartie d’un engagement pris par l’employeur d’assurer une formation entrainant des frais réels au-delà des dépenses imposées par la loi ou la convention collective, si le montant de l’indemnité de dédit est proportionné aux frais de formation engagés et si elles n’ont pas pour effet de priver le salarié de la faculté de démissionner.
Pour être licite, une clause de dédit-formation doit, ainsi, préciser la date, la nature et la durée de la formation, son coût réel pour l’employeur ainsi que le montant et les modalités de remboursement à la charge du salarié.
Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve du coût réel qu’il a supporté et de ce que la formation dispensée excède ses engagements obligatoires.
En l’espèce, il n’est pas contesté que la clause litigieuse mentionne bien les date, nature et durée de la formation.
Concernant le coût de cette formation, l’article 3 de la convention de dédit-formation conclue entre les parties prévoyait expressément que le coût de la formation suivie par Mme [P] [X] s’élève à la somme totale de 58 559 euros soit :
-9256 euros au titre des coûts pédagogiques et d’inscription,
-41703 euros au titre de la rémunération de Mme [P] [X] (salaires et charges)
-7600 euros au titre des frais de déplacement et d’hébergement.
L’article 5 intitulé « rupture du contrat de travail avant le terme de l’engagement » prévoyait pour sa part, « En cas de départ à l’initiative de Mme [P] [X], non imputable au groupe AHNAC, cette dernière s’engage formellement à rembourser le groupe AHNAC des frais qu’il aura supportés à ce titre », détaillant, ensuite, les conditions.
Il se déduit de ces éléments que si le coût global de la formation se trouve mentionné à hauteur de 58 559 euros, tel n’est pas le cas du coût réel supporté par l’employeur lequel n’est pas précisé dans la convention précitée.
Par ailleurs, l’AHNAC ne rapporte pas la preuve du coût réel de la part de la formation qu’elle a supportée, se contentant de produire un tableau intitulé « Dépenses réelles durant la formation du 3 septembre 2015 au 22 juin 2016 : contrat de dédit formation durée trois ans » établi par ses soins et mentionnant la prise en charge au titre des frais de professionnalisation de la somme totale de 18 241,66 euros, sans qu’aucun justificatif de l’UNIFAF ne soit produit et alors même que le compte rendu de la commission de formation du groupe AHNAC du 17 juin 2016 mentionne expressément au titre de la formation diplômante suivie par Mme [X] : « NB : De septembre à décembre 2015, action de formation retenue au titre du plan de formation de l’établissement / De janvier à juin 2016 : action de formation retenue dans le cadre du dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ».
Par conséquent et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs allégués, la clause de dédit-formation se trouve entachée de nullité, faute de préciser le coût réel exposé par l’AHNAC et faute pour cette dernière de justifier du coût réel de la part de formation qu’elle a définitivement assumée.
L’AHNAC est, par suite, déboutée de sa demande en paiement de la somme de 13 452,95 euros et condamnée à restituer à Mme [P] [X] les sommes indument retenues sur son bulletin de salaire du mois de mars 2018 et sur son reçu pour solde de tout compte soit la somme totale de 6721,05 euros.
Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.
Sur les heures supplémentaires :
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant
En l’espèce, Mme [P] [X] verse aux débats une impression du compteur temps de l’AHNAC la concernant en date du 6 avril 2018 lequel fait apparaître un crédit d’heures supplémentaires de 120,82 heures.
La salariée produit, en outre, deux mails des 10 juillet et 13 novembre 2017 adressés par ses soins à la direction signalant, en particulier, des erreurs sur ses bulletins de salaire, une surcharge de travail occasionnant des incidents et conflits au sein du service. L’intéressée déplore également l’absence de coordinateur et fait état d’un dépassement de ses heures de travail ayant notamment été contrainte de rester jusqu’à 20h15 le vendredi précédent, ce afin de ne pas laisser son équipe en difficultés.
Elle communique également deux courriers établis en son nom par M. [M] [I] délégué syndical central adressés à la direction les 27 février et 29 mars 2018 au terme desquels il est notamment signalé la surcharge d’activité de Mme [X] qui occupe le poste de chef de bloc opératoire de la polyclinique de [Localité 2] et a dû pallier l’absence de l’infirmière hygiéniste en occupant également à mi temps un poste en stérilisation.
Mme [P] [X] présente, par suite, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Or, de son côté et alors même que l’intimée se prévaut d’un document issu du système de contrôle des heures de travail mis en place par son employeur, l’AHNAC ne produit aucun élément de nature à remettre en cause les 120h82 affichées sur le compteur temps de cette dernière se contentant de soutenir que l es heures n’ont pas été commandées par son employeur, ou encore que la charge d’activité n’en imposait pas la réalisation, alors même que plusieurs courriers font état d’une surcharge du service et notamment de Mme [P] [X], laquelle était contrainte de réaliser des heures supplémentaires afin de soutenir son équipe.
De la même façon et malgré plusieurs relances de sa salariée, l’AHNAC n’a jamais répondu à cette dernière ni contesté la surcharge de travail alléguée ou encore les heures déclarées par Mme [P] [X] sur le compteur temps.
Enfin, ni les bulletins de salaire ni le solde de tout compte ne démontrent le paiement de ces 120h82.
Par conséquent, la preuve de l’existence d’heures supplémentaires accomplies par Mme [P] [X] et non rémunérées se trouve établie.
La cour fixe, par suite, à 1981,77 euros le montant des sommes dues à cet égard, outre 198,17 euros au titre des congés payés y afférents.
Le jugement entrepris est également confirmé sur ce point.
Sur les dommages et intérêts pour discrimination :
Aux termes de l’article L.1132-1 du code du travail, «Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte « telle que définie à l’article 1er de la loi numéro 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations,notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap».
Il appartient au salarié qui s’estime victime d’une discrimination directe ou indirecte de présenter des éléments de fait laissant supposer son existence. Il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination étant rappelé que l’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés.
En l’espèce, Mme [P] [X] produit aux débats les éléments suivants :
-un compte rendu de commission de formation tenue le lundi 13 octobre 2014 et une liste d’engagement 2ème semestre du plan 2015 pour le site de [Localité 2] desquels il résulte que deux formations identiques « CADRE DE SANTE » ont été validées pour la période du 3 septembre 2015 au 31 décembre 2015, l’une au profit de Mme [P] [X] avec financement part 2016 GPEC, l’autre au profit de M. [O] [W], financée sur les fonds propres de l’établissement,
-un mail du 10 juillet 2017 au terme duquel la salariée s’est plainte d’un différentiel de salaire avec son homologue, pourtant non diplômé, du site d'[Localité 3],
-un courrier du 27 février 2018 établi par M. [I] [M], délégué syndical central, qui dénonce également une infériorité de salaire entre Mme [P] [X] et ce chef de bloc opératoire d'[Localité 3],le procès verbal de réunion du comité d’établissement en date du 24 avril 2015 évoquant l’analyse du rapport 2013 de situation comparée entre les hommes et les femmes évoquant notamment une disparité des rémunérations entre les hommes et les femmes cadres et praticiens au détriment des secondes ses bulletins de salaire faisant état du maintien de la qualification IDE SPECIALISE BLOC OP jusqu’au 31 juillet 2017.
Il résulte, par suite, de ces éléments pris dans leur ensemble, que Mme [P] [X] rapporte la preuve de faits matériellement établis qui permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’une discrimination en raison du sexe fondée sur les dispositions précitées.
De son côté, l’AHNAC à qui il incombe de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de discrimination et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination, se prévaut de ce que M. [J] [D], employé en qualité de surveillant chef de bloc opératoire à la polyclinique de [Localité 3], a bénéficié d’une formation au diplôme de cadre de santé et a également fait l’objet d’une clause de dédit formation, suivant protocole d’accord du 9 août 2018.
Surtout, l’employeur justifie par la production des bulletins de salaire de l’intéressé que, nonobstant son absence de diplôme, celui-ci présentait une ancienneté supérieure de 8 années à celle de Mme [P] [X], bénéficiait d’un coefficient identique puis inférieur (537) à celle-ci (537 puis 550) au titre du poste de surveillant chef de bloc et, enfin, travaillait au sein de la polyclinique d'[Localité 3] dont l’activité s’avérait supérieure à celle de la clinique de [Localité 2]. La comparaison entre les bulletins de salaire des deux employés conduit également à constater que, par rapport à son homologue masculin, Mme [P] [X] percevait un complément diplôme et un complément technicité supérieurs.
Dans ces conditions, il ne peut être retenu de discrimination ou d’inégalité de traitement au détriment de Mme [X], les deux salariés ne se trouvant pas dans une situation identique ou similaire.
Concernant la situation de M. [O] [W], il résulte de l’engagement du 2ème semestre du plan 2015 de [Localité 2] que la formation suivie par ce dernier présentait un caractère discontinu, à l’inverse de celle suivie par Mme [X], de sorte que là encore, la situation de l’intéressée et de ce dernier étaient différentes, pouvant justifier d’une différence de financement.
Enfin, l’avenant conclu entre Mme [X] et l’AHNAC actant de son changement de qualification au profit de celui de Surveillante chef de bloc fait état d’une prise de fonction au 1er août 2016, peu important que la formation se soit achevée le 30 juin précédant, aucune pièce ne permettant, en outre, de justifier d’une prise de fonction anticipée au 1er juillet 2016.
Par conséquent, au regard de l’ensemble de ces éléments, l’employeur démontre que les agissements reprochés par Mme [X] ne sont pas constitutifs de discrimination et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination.
Mme [X] est, par suite, déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination.
Le jugement entrepris est infirmé sur ce point.
Sur les autres demandes :
Les dispositions du jugement entrepris afférentes aux intérêts, aux dépens et frais irrépétibles de première instance sont confirmées.
En outre, l’AHNAC est condamnée aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à Mme [P] [X] 1500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement rendu le 28 janvier 2020 par le conseil de prud’hommes de Lens, sauf en ce qu’il a retenu l’existence d’une discrimination et condamné l’AHNAC à payer à Mme [P] [X] 3284,61 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination ;
ET Y AJOUTANT,
DIT que l’Association Hospitalière Nord Artois cliniques (AHNAC) n’a pas commis de discrimination au titre du droit à la formation professionnelle et en matière de salaire, vis à vis de Mme [P] [X] ;
DEBOUTE Mme [P] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination ;
CONDAMNE l’Association Hospitalière Nord Artois cliniques (AHNAC) aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à Mme [P] [X] 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
LE GREFFIER
Cindy LEPERRE
LE PRESIDENT
Pierre NOUBEL