Retenues sur salaire : 30 septembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01028

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Retenues sur salaire : 30 septembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01028

ARRÊT DU

30 Septembre 2022

N° 1563/22

N° RG 20/01028 – N° Portalis DBVT-V-B7E-S5TX

VCL/SST

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AVESNES SUR HELPE

en date du

07 Février 2020

(RG F 18/00083 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Septembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT :

M. [Y] [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Vincent SPEDER, avocat au barreau de VALENCIENNES, substitué par Me Dorothee FIEVET, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉE :

S.A.S.U. ATERNO

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Julie VALLEZ, avocat au barreau de VALENCIENNES, assisté de Me Philippe WITTNER, avocat au barreau de STRASBOURG,

DÉBATS : à l’audience publique du 23 Juin 2022

Tenue par Virginie CLAVERT

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Angelique AZZOLINI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Marie LE BRAS

: PRESIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022 les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Cindy LEPERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 2 juin 2022

EXPOSE DU LITIGE ET PRETENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :

La société ATERNO a engagé M. [Y] [K] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 13 octobre 2008 en qualité de VRP exclusif.

Ce contrat de travail était soumis à la convention collective nationale du 3 octobre 1975.

Le 5 juin 2018, M. [Y] [K] a fait l’objet d’un avis d’inaptitude à ses fonctions de VRP lequel a précisé que son état de santé faisait obstacle a tout reclassement dans un emploi.

Se prévalant de la dégradation de ses conditions de travail, sollicitant le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur et réclamant divers rappels de salaire et indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, M. [Y] [K] a saisi le 7 juin 2018 le conseil de prud’hommes d’Avesnes sur Helpe.

M. [Y] [K] a été licencié pour inaptitude médicale d’origine non professionnelle par courrier du 2 juillet 2018.

Par jugement du 7 février 2020, le conseil de prud’hommes d’Avesnes sur Helpe a rendu la décision suivante :

– déboute M. [Y] [K] de l’ensemble de ses demandes,

-déboute la société ATERNO de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de sa demande de remboursement du trop-versé sur le précompte professionnel,

– laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.

M. [Y] [K] a relevé appel de ce jugement, par déclaration électronique du 28 février 2020.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 9 novembre 2020 au terme desquelles M. [Y] [K] demande à la cour de :

– Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes d’Avesnes sur Helpe du 07 février 2020 en ce qu’il a débouté Monsieur [K] de l’intégralité de ses demandes ;

– Constater les manquements de l’employeur et prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [K] [Y] aux torts exclusifs de la SASU ATERNO ;

En conséquence,

– Dire et juger que la résiliation judiciaire produira les effets d’un licenciement sans

cause réelle et sérieuse,

-Condamner ainsi qu’il suit la SASU ATERNO à verser à Monsieur [K] [Y]

les sommes suivantes :

-40.000 Euros nets de CSG CRDS à titre de dommages et intérêts

-10.642,56 Euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

-1.064,25 Euros bruts à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis

-3.567 Euros à titre de solde d’indemnité de licenciement

-3.962 Euros nets à titre de remboursement sur retenue sur salaire injustifiée

A titre subsidiaire,

-Condamner la SASU ATERNO à verser à Monsieur [K] [Y] la somme de 5.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de sécurité de résultat du fait de l’absence de visites médicales périodiques.

En tout état de cause,

-Condamner la SASU ATERNO à verser à Monsieur [K] [Y] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers ,

frais et dépens.

– Ordonner à la SASU ATERNO de délivrer à Monsieur [K] [Y] les documents suivants :

– Un bulletin de paie reprenant l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre

-L’attestation Pôle Emploi reprenant les sommes dues au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail et le mode de rupture,

-Le tout sous astreinte de 50,00 euros par document et par jour de retard à compter du 8 ème jour de la réception de la signification de la présente décision

-Dire que les présentes condamnations pécuniaires (hors l’indemnité de procédure) porteront intérêt au taux légal à la date de leur exigibilité selon la nature de celles-ci conformément aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du Code civil.

Au soutien de ses prétentions, M. [Y] [K] expose que :

A titre principal,

– In limine litis, la demande en paiement de la somme de 8418,55 euros formée par la SAS ATERNO à son encontre est irrecevable, du fait de la prescription qui l’atteint en raison de l’écoulement d’un délai de trois ans depuis la connaissance par l’employeur en novembre 2013 du prétendu remboursement du précompte professionnel.

– Concernant la résiliation judiciaire du contrat de travail, la SAS ATERNO a gravement manqué à ses obligations en supprimant de manière unilatérale à compter du 10 octobre 2017 un élément de la rémunération de son salarié, en l’occurrence une allocation forfaitaire au titre des frais professionnels de 59 euros par jour ouvré dont il bénéficiait depuis 7 ans, en lui retenant sur son salaire la somme de 3962 euros au titre d’un indu non justifié correspondant au précompte professionnel versé à tort par l’employeur, en cessant, à compter de l’année 2017, de lui fournir du travail, par le biais des rendez vous commerciaux, pratique pourtant mise en oeuvre depuis son entrée en fonction, et en ne respectant pas son obligation de sécurité en matière de suivi médical du salarié mais également en soumettant l’intéressé à un harcèlement moral ayant conduit à un arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif sévère puis à son inaptitude.

– Ces agissements justifient du prononcé de la résiliation judiciaire aux torts de la SAS ATERNO avec application des dispositions de l’article L1235-3-1 du code du travail, compte tenu des faits de harcèlement moral subi.

– M. [K] est, ainsi, fondé à obtenir des dommages et intérêts pour licenciement nul d’un montant de 40 000 euros, une indemnité compensatrice de préavis de 3 mois conformément à la convention collective applicable, outre les congés payés y afférents.

A titre subsidiaire,

– Si la demande de résiliation judiciaire est rejetée, la SAS ATERNO doit être condamné au paiement de la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat du fait de l’absence d’actions de prévention des risques professionnels et du défaut d’actions d’information et de formation.

En tout état de cause,

– Il est également dû au salarié un rappel d’indemnité légale de licenciement de 3567 euros, l’employeur ne pouvant tenir compte des périodes de suspension du contrat de travail pour maladie pour la calculer.

– La SAS ATERNO est également redevable des sommes indûment retenues sur ses salaires soit 3962 euros, outre une indemnité au titre des frais irrépétibles.

– Elle doit également être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 8418,55 euros fondée sur un indu non justifié.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 17 août 2020, dans lesquelles la SAS ATERNO, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

– CONFIRMER le jugement rendu le 7 février 2020 par le Conseil de Prud’hommes d’AVESNES SUR HELPE en ce qu’il a dit et jugé que la demande de résiliation judiciaire de Monsieur [K] de son contrat de travail n’est pas fondée.

PAR CONSEQUENT,

– DEBOUTER Monsieur [Y] [K] de l’ensemble de ses prétentions.

– LE CONDAMNER aux entiers frais et dépens

– LE CONDAMNER à un montant de 2.000 € par application de l’article 700 du CPC

– PRENDRE ACTE que Monsieur [K] a été rempli de ses droits au titre de l’indemnité de licenciement

PAR CONSEQUENT,

– LE DEBOUTER du solde au titre de l’indemnité de licenciement

– INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes d’AVESNES SUR HELPE le 7 février 2020 en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande reconventionnelle de la société ATERNO.

STATUANT A NOUVEAU, A TITRE RECONVENTIONNEL,

– CONDAMNER Monsieur [K] à rembourser à la société ATERNO le montant de 8.418,55 € à titre de trop-versé sur le précompte professionnel.

A l’appui de ses prétentions, la SAS ATERNO soutient que :

– Elle n’a commis aucun manquement grave à ses obligations contractuelles pouvant justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [K].

– L’allocation forfaitaire de 59 euros par jour ne se justifiait plus et a donc été remplacée à compter du 1er novembre 2017 par un remboursement sur présentation des justificatifs, ce conformément au contrat de travail conclu entre les parties, étant précisé que les frais professionnels ne constituent pas un élément du salaire.

– En outre, M. [K] exerçant une activité professionnelle en Belgique, l’employeur a versé chaque mois le précompte professionnel aux services fiscaux belges, lesquels ont néanmoins reversé au salarié un trop versé de 12 612,92 euros qui devait revenir à l’employeur.

– Elle a donc dû procéder par retenue sur salaire, étant précisé que la prescription quinquennale est applicable, de sorte que la demande n’est pas prescrite et que M. [K] doit être condamné au paiement du solde soit 8418,55 euros et débouté de sa demande de restitution de la somme retenue.

– Par ailleurs, M. [K] a toujours bénéficié de la prise de rendez vous par les services commerciaux de la société lesquels dépendent également des campagnes marketing, seuls les arrêts maladie du salarié justifiant de la baisse du nombre de rendez vous et l’intéressé devant également réaliser des démarches personnelles.

– Concernant le suivi médical, le salarié a rencontré le médecin du travail à cinq reprises, avant les deux visites ayant conduit à son inaptitude et il est admis qu’un manquement au titre d’une visite médicale d’embauche n’est pas suffisamment grave pour justifier une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, dès lors que ce manquement n’a pas empêché la poursuite du contrat et est ancien.

– M. [K] n’a pas non plus été victime de harcèlement moral.

– Concernant la demande de solde d’indemnité de licenciement, celle-ci n’est pas justifiée, l’indemnité de licenciement ayant été calculée sur la base d’une moyenne des commissions et congés payés perçus sur la période de novembre 2016 à octobre 2017, conformément aux dispositions applicables.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 2 juin 2022.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse avec toutes ses conséquences de droit.

En l’espèce, M. [Y] [K] fonde sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail sur la suppression unilatérale d’une allocation forfaitaire au titre des frais professionnels de 59 euros par jour ouvré, d’une retenue opérée sur son salaire d’un montant de 3962 euros au titre d’un indu non justifié correspondant au précompte professionnel versé par l’employeur à l’administration fiscale belge, de l’arrêt de la fourniture de rendez vous commerciaux et du non-respect de l’ obligation de sécurité en matière de suivi médical du salarié mais également en soumettant l’intéressé à un harcèlement moral.

Concernant les frais professionnels :

Les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur, doivent lui être remboursés sans qu’ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu’il n’ait été contractuellement prévu qu’il en conserverait la charge moyennant le versement d’une somme fixée à l’avance de manière forfaitaire et à la condition, d’une part, que cette somme forfaitaire ne soit pas manifestement disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés, et, d’autre part, que la rémunération proprement dite du travail reste chaque mois au moins égale au SMIC.

En l’espèce, le contrat de travail à durée indéterminée conclu le 13 octobre 2008 prévoyait expressément en son article 10 (« rémunération ») le remboursement des frais professionnels exposés par M. [K] sur présentation de justificatifs, des frais engagés au titre de la représentation (dépense de repas, de carburant, de péage, de parking, de téléphone, d’hôtel et divers autres frais) et dans la limite du plafond mensuel de 680 euros.

Il est, toutefois, établi que, suivant un usage mis en oeuvre à compter du 8 décembre 2010, les remboursements des frais professionnels ont été réalisés forfaitairement, sans justificatifs, à raison d’une somme de 59 euros par jour.

Or, ce remboursement forfaitaire des frais professionnels consenti au salarié en vertu d’un usage d’entreprise n’a jamais été intégré au contrat de travail de M. [Y] [K], seul un remboursement sur justificatifs étant contractualisé. Il ne constituait pas non plus un élément de sa rémunération, de sorte que ce changement ne constituait pas une modification unilatérale du contrat de travail par l’employeur.

La société ATERNO pouvait donc, en vertu de son pouvoir de direction, supprimer unilatéralement cet usage, par écrit à condition d’en informer dans un délai suffisant les représentants du personnel et de manière individuelle chaque salarié concerné.

Tel a été le cas, suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 10 octobre 2017, au terme de laquelle l’employeur a informé M. [Y] [K] des nouvelles modalités de prise en charge des frais professionnels à compter du 1er novembre 2017 renvoyant désormais à un remboursement conforme aux dispositions contractuelles sur présentation des factures justificatives. Il n’est, par ailleurs, nullement soutenu le défaut d’information des représentants du personnel.

En outre, M. [Y] [K] ne soutient pas et ne démontre pas que le système de paiement des frais professionnels remis en place à compter du 1er novembre 2017 l’aurait contraint d’exposer définitivement des frais qui auraient dû lui être remboursés par la société ATERNO.

Par conséquent, aucun manquement de l’employeur à ses obligations contractuelles ne se trouve démontré à cet égard, pouvant justifier de la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Concernant la retenue sur salaire :

Aux termes de l’article L. 3251-1 du code du travail, l’employeur ne peut opérer une retenue de salaire pour compenser des sommes qui lui seraient dues par un salarié pour fournitures diverses, quelle qu’en soit la nature.

En vertu de l’article L. 3251-2 du code du travail, par dérogation aux dispositions de l’article L. 3251-1, une compensation entre le montant des salaires et les sommes qui seraient dues à l’employeur peut être opérée dans les cas de fournitures suivants :

1° Outils et instruments nécessaires au travail ;

2° Matières ou matériaux dont le salarié a la charge et l’usage ;

3° Sommes avancées pour l’acquisition de ces mêmes objets.

Il résulte, en outre, de l’article L3251-3 du même code qu’en dehors des cas prévus au 3° de l’article précité, l’employeur ne peut opérer de retenue de salaire pour les avances en espèces qu’il a faites que s’il s’agit de retenues successives ne dépassant pas le dixième du montant des salaires exigibles. Le trop-perçu par un salarié constaté par l’employeur s’analyse en une avance en espèces et se trouve donc soumis aux mêmes conditions de retenues.

Les bulletins de paie produits par M. [Y] [K] font état de retenues opérées sur ses bulletins de salaire à compter de mars 2014 pour un montant total de 3962 euros.

Néanmoins, il résulte des pièces produites par la société ATERNO que le salarié, tout comme 5 autres employés, a bénéficié du remboursement par l’administration fiscale belge d’un trop versé par son employeur au titre du précompte professionnel concernant l’impôt sur le revenu belge pour la période de janvier à août 2010.

L’employeur produit, ainsi, les éléments suivants :

-une lettre recommandée datée du 10 octobre 2017 réclamant à M. [Y] [K] le remboursement du précompte professionnel avancé par la société ATERNO et restitué par le fisc directement au salarié, ce pour un montant de 8700,92 euros, déduction faite des montants déjà récupérés,

-un courrier adressé par la société ATERNO aux services fiscaux belges le 20 novembre 2013 sur les déclarations de M. [K] au titre du précompte professionnel,

-une capture d’écran mentionnant le précompte versé par l’employeur à hauteur de 21 532,55 euros et le précompte retenu par le fisc pour un montant de 8919,63 euros,

-un mail du 20 novembre 2013 adressé à l’employeur par la société SECUREX, legal advisor fiscal, société comptable en lien avec le fisc belge, laquelle indique que « [F] [W] et [Y] [K] ont été remboursés intégralement du précompte professionnel que vous avez versé auprès de l’administration fiscale en 2010 pour ces deux personnes. C’est donc auprès de ces personnes qu’il convient de réclamer le précompte professionnel relatif à la période du 1er janvier 2010 au 31 août 2010 » soit pour M. [K] 12 612,92 euros.

-Un mail de réclamation du 25 novembre 2013 de la société ATERNO à M. [K] et 4 autres salariés leur demandant de vérifier les sommes restituées par l’administration fiscale.

-Un mail du 21 janvier 2014 de la société SECUREX à la société ATERNO confirmant qu’après échange avec l’administration fiscale, M. [K] a bien perçu directement le remboursement du précompte professionnel pour un montant de 12 612,92 euros.

-Un mail du 27 août 2015 de la DRH à M. [K] lui demandant de fixer les modalités de remboursement des sommes indûment perçues au titre du précompte professionnel.

-Les bulletins de salaire attestant de la mise en place par les autres salariés, MM. [F] [W], [N] [D], [L] [E], [O] [B] et [Z] [T], de retenues sur salaire afin de rembourser les sommes indûment perçues.

-Une attestation de M. [W] lequel indique avoir reçu de l’administration fiscale belge un remboursement d’un trop versé incluant les sommes réglées indûment par la société ATERNO qu’il a remboursées à son employeur.

Les éléments comptables et fiscaux produits établissent que M. [Y] [K] a perçu directement le remboursement d’un trop-versé par son employeur au titre du précompte professionnel, ce à hauteur de 12 612,92 euros et que contrairement aux autres salariés concernés, il n’a donné son accord à aucun remboursement, malgré les relances de son employeur à cet égard.

Dans ces conditions, si la société ATERNO a mis en place des retenues sur le salaire de l’appelant sans se trouver dans les conditions requises, ce manquement trouve son origine dans une faute du salarié lequel n’a proposé aucune modalité de remboursement des sommes destinées à son employeur et qui lui ont été restituées à tort et ne saurait caractériser un manquement grave de l’employeur ayant empêché la poursuite du contrat de travail.

A cet égard, il est relevé que les premières retenues sont intervenues à compter de mars 2014 et que le contrat de travail s’est poursuivi jusqu’au licenciement de M. [Y] [K] le 2 juillet 2018.

La retenue sur salaire ne saurait, dès lors, justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Concernant l’arrêt de la fourniture de rendez vous :

Le contrat de travail à durée indéterminée conclu le 13 octobre 2008 entre M. [Y] [K] et la société ATERNO prévoyait en son article 6 intitulé « obligations professionnelles » que le salarié s’engageait à se livrer à de la prospection personnelle, prendre ses rendez vous soit à partir des fiches prospects transmises par les services commerciaux de la société soit à partir de tout autre support que la société pourra mettre à sa disposition.

Il résulte de ces dispositions que les rendez vous auxquels devaient se rendre l’appelant étaient fixés soit par l’appelant lui-même soit par le service de prospection commerciale qui n’était, toutefois, pas le fournisseur exclusif de rendez vous.

Et si M. [Y] [K] se prévaut de la baisse du nombre de ses rendez vous, celui-ci ne rapporte pas la preuve de la faute de l’employeur à cet égard, ce d’autant que ce dernier fournit un décompte-listing duquel il ressort que le nombre total de rendez vous « CALL » c’est à dire fournis par le service commercial s’est élevé à 264 pour l’année 2016 et 217 pour l’année 2017, outre les rendez vous fixés par le biais de prospection personnelle.

Néanmoins, cette diminution de l’ordre de 47 rendez vous sur une année n’est pas significative, dès lors que le salarié a fait l’objet d’un arrêt maladie d’une durée non négligeable au cours de l’année 2017 et que le nombre de rendez vous fixés dépendait des campagnes de marketing ainsi que des retours faits auprès du service commercial.

Cette baisse ne caractérise, dès lors, pas de manquement grave de la société ATERNO à ses obligations.

Concernant le suivi médical :

Conformément aux dispositions de l’article R4624-10 du code du travail dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du décret du 27 décembre 2016, « le salarié bénéficie d’un examen médical avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai par le médecin du travail ».

Les articles R4624-16 et suivants du même code prévoient, en outre, des visites médicales périodiques par un médecin ou dans le cadre d’un entretien infirmier.

En l’espèce, la société ATERNO justifie des visites médicales suivantes :

-visite d’embauche le 18 décembre 2009,

-visites périodiques les 23 mai 2012, 17 juillet 2014, 19 septembre 2016 (entretien infirmier),

-visite médicale après accident ou maladie non professionnelle le 15 mai 2017.

Et si la visite médicale d’embauche a été réalisée plus d’une année après l’entrée au service de l’employeur de M. [Y] [K], ce rendez vous tardif n’a pas empêché la poursuite du contrat de travail pendant plusieurs années.

Il n’est, par ailleurs, nullement établi l’absence de visite médicale après un arrêt de travail de longue durée ou un accident du travail, ce alors que le salarié a fait l’objet d’un suivi régulier.

Par conséquent, l’unique manquement de la société ATERNO lié à la tardiveté de la visite d’embauche n’est pas suffisamment grave et n’a pas empêché la poursuite du

contrat de travail, de sorte qu’il ne peut servir de fondement à une demande de résiliation judiciaire aux torts de l’employeur.

Concernant le harcèlement moral :

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l’article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction applicable à l’espèce, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, M. [Y] [K] soutient avoir été victime de harcèlement moral, s’appuyant exclusivement sur les éléments repris ci-dessus, lesquels sont tous écartés.

En effet, il résulte des développements repris ci-dessus que le changement de pratique relative au remboursement des frais professionnels a été porté à la connaissance des salariés de l’entreprise par courrier du 10 octobre 2017 remettant en cause, à compter du 1er novembre suivant, l’usage instauré précédemment pour renvoyer à l’application des clauses contractuelles prévoyant un remboursement sur justificatifs. Ce fait n’est pas constitutif de harcèlement moral, ce d’autant qu’il n’est pas contesté que cette pratique a été appliquée à l’ensemble des salariés VRP de l’entreprise ATERNO.

Il en va, de même , concernant les retenues opérées à plusieurs reprises sur son salaire lesquelles résultent d’un trop versé par l’employeur au titre du précompte professionnel et remboursé directement à plusieurs salariés dont M. [K]. Ces retenues ont, en outre, été pratiquées sur l’ensemble des 5 salariés concernés.

Il n’est pas non plus établi l’arrêt de la fourniture de rendez vous par la société ATERNO à M. [Y] [K], conformément aux développements repris ci-dessus.

Enfin, le seul retard dans l’organisation de la visite médicale d’embauche n’est pas constitutif d’ agissements liés à des faits de harcèlement moral, ce d’autant que les certificats médicaux établis et notamment celui du Dr [U], médecin généraliste, daté du 16 avril 2018, ne mentionnent aucun lien entre le syndrome anxio-dépressif sévère dont souffrait le salarié et son activité professionnelle.

Dans ces conditions, au vu des éléments appréciés dans leur globalité, les faits évoqués par M. [Y] [K] ne permettent pas de présumer ou de laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail.

Par conséquent, au regard de l’ensemble de ces éléments, il n’est nullement établi que l’employeur a gravement manqué à ses obligations à l’égard de M. [Y] [K], de sorte que le prononcé de la résiliation judiciaire dudit contrat aux torts de l’employeur ne se justifie pas.

M. [Y] [K] est, par conséquent, débouté de sa demande formée à cet égard ainsi que de ses demandes subséquentes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande subsidiaire de dommages et intérêts pour non respect de l’obligation de sécurité de résultat:

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

L’obligation générale de sécurité se traduit par un principe de prévention au titre duquel les équipements de travail doivent être équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs .

Respecte l’obligation de sécurité, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail (actions de prévention, d’information, de formation…)..

La société ATERNO démontre avoir respecté son obligation de sécurité de résultat.

En outre, s’il est établi que la visite médicale d’embauche est intervenue plus d’une année après l’entrée du salarié au service de l’employeur, M. [Y] [K] ne justifie pas d’un quelconque préjudice.

Cette demande de dommages et intérêts est rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

Sur le rappel d’indemnité légale de licenciement :

En vertu de l’article L1234-9 du code du travail, « Le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement. Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire ».

Il résulte, en outre, de l’article R1234-2 du même code, dans sa version applicable à l’espèce, que « l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :
1° Un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans ;
2° Un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans ».

Concernant le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité légale, celui-ci se trouve déterminé par l’article R1234-4 du code du travail en référence à la formule la plus avantageuse pour le salarié :

« 1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion ».

En cas d’absence pour maladie non professionnelle , le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celui des douze ou des trois derniers mois précédant l’arrêt de travail pour maladie.

Dans ces conditions, il y a lieu de retenir comme salaire de référence la somme de 3547,52 euros calculée sur la base de la période de 12 mois antérieure à l’arrêt maladie de M. [Y] [K].

Au jour de son licenciement, M. [Y] [K] disposait d’une ancienneté de 9 ans et 8 mois.

L’intéressé aurait, ainsi, dû percevoir la somme de 8573,17 euros, au lieu et place de la somme de 5227,89 euros, soit un résiduel de 3345,28 euros.

La société ATERNO est, par conséquent, condamnée à payer à M. [Y] [K] 3345,28 euros à titre de rappel d’indemnité légale de licenciement.

Sur le précompte professionnel, la retenue sur salaire et les demandes respectives de restitution des sommes perçues ou retenues :

-Sur la demande de restitution des sommes retenues par la société ATERNO :

Il résulte des développements repris ci-dessus que M. [Y] [K] a bénéficié du paiement par l’administration fiscale belge de la somme totale de 12 612,92 euros correspondant au précompte professionnel trop versé par son employeur.

Le salarié est, par suite, mal fondé à solliciter la restitution de sommes dont il se trouvait redevable envers son employeur, suite à une erreur de versement de l’administration fiscale belge.

Cette demande est rejetée.

-Sur la demande de restitution des sommes perçues par M. [Y] [K] :

Conformément aux dispositions de l’article 1302-1 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.

L’action en répétition de l’indu, quelle que soit la source du paiement indu , se prescrit selon le délai de droit commun applicable de 5 ans, à défaut de dispositions spéciales.

Tel est le cas, en l’espèce, s’agissant d’une action tendant à obtenir le remboursement non pas d’un trop versé de salaire mais d’un remboursement d’impôt versés à tort.

Or, la société ATERNO qui a été informée par courrier électronique du 20 novembre 2013 du remboursement par l’administration fiscale belge à M. [K] de la somme

de 12 612,92 euros correspondant à un trop versé d’impôts par ses soins, ne justifie d’aucun acte interruptif de prescription dans le délai de 5 ans à compter du moment où elle a eu connaissance de cet indu.

L’action est donc prescrite depuis le 20 novembre 2018, de sorte que la demande en paiement formée par la société ATERNO à l’encontre de M. [Y] [K] est irrecevable.

Sur les intérêts :

Les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation à comparaître à l’audience de conciliation.

La créance de nature indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

Sur la demande de remise de documents sous astreinte :

Il convient d’ordonner à la société ATERNO de délivrer à M. [Y] [K] un bulletin de paie reprenant le rappel d’indemnité légale de licenciement ainsi qu’ une attestation destinée à Pôle Emploi conformes à la présente décision, sans qu’il soit nécessaire de prononcer une astreinte.

Sur les autres demandes :

Les dispositions du jugement entrepris afférentes aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles sont infirmées.

Succombant en partie à l’instance, la société ATERNO est condamnée aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à M. [Y] [K] 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

DIT que la demande en répétition de l’indu d’un montant de 8418,55 euros formée par la société ATERNO à l’encontre de M. [Y] [K] est irrecevable ;

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Avesnes sur Helpe en date du 7 février 2020, sauf en ce qu’il a débouté M. [Y] [K] de sa demande de rappel d’indemnité légale de licenciement, de sa demande de remise des documents de fin de contrat, de sa demande d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il a laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

CONDAMNE la société ATERNO à payer à M. [Y] [K] 3345,28 euros à titre de rappel d’indemnité légale de licenciement ;

ORDONNE à la société ATERNO de remettre à M. [Y] [K] un bulletin de paie reprenant le rappel d’indemnité légale de licenciement ainsi qu’ une attestation destinée à Pôle Emploi conformément au dispositif du présent arrêt ;

REJETTE la demande d’astreinte ;

DIT que la créance de nature indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt ;

CONDAMNE la société ATERNO aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à M. [Y] [K] 2000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

LE GREFFIER

Cindy LEPERRE

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL

 


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