Retenues sur salaire : 30 novembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 19/04242

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Retenues sur salaire : 30 novembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 19/04242

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 NOVEMBRE 2022

N° RG 19/04242

N° Portalis DBV3-V-B7D-TSZB

AFFAIRE :

[Z] [H]

C/

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 2]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 octobre 2019 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : AD

N° RG : F 18/01938

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Anne BRULLER

Me Mathieu HANJANI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [Z] [H]

née le 2 mars 1948 à [Localité 6]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Anne BRULLER, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0388

APPELANTE

****************

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 2]

représenté par son syndic le cabinet IMMO + MORILLON

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentant : Me Mathieu HANJANI, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0435

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 octobre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [H] a été engagée par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndic, la société André Degueldre, Philippe Degueldre & Cie, en qualité de concierge à service permanent, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 26 juillet 2000.

Le syndicat des copropriétaires a ensuite été représenté par son syndic, le cabinet Immo-Morillon situé [Adresse 4] [Localité 5].

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective des gardiens, concierges et employés d’immeubles.

En application de l’article 4 de son contrat de travail, la salariée bénéficiait d’un logement de fonction.

La salariée a été en arrêt de travail à plusieurs reprises au cours de sa période d’activité au sein de la copropriété.

Le 18 juillet 2006, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Paris aux fins de faire reconnaître l’existence d’un harcèlement moral et d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, de solliciter le document unique d’évaluation des risques professionnels et d’obtenir le paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire. Les parties n’ont pas précisé le sort réservé à cette procédure, pour laquelle, à ce jour, aucun arrêt de la cour d’appel de Paris n’a été rendu.

Par lettre du 15 décembre 2009, la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 4 janvier 2010.

Elle a été licenciée par lettre du 21 janvier 2010 pour absence prolongée entraînant une désorganisation du service et nécessitant son remplacement définitif, dans les termes suivants :

« En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s’agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l’entretien précité du 4 janvier 2010 à savoir votre absence prolongée depuis le 1er juillet 2009 qui désorganise le service de gardiennage de l’immeuble et la nécessité dans laquelle nous nous trouvons de devoir procéder à votre remplacement définitif pour assurer un fonctionnement normal de ce service.

En effet, depuis plusieurs mois :

– La surveillance et le gardiennage de l’immeuble ne sont plus assurés : les personnes extérieures à l’immeuble peuvent facilement y accéder

– Les agents ne peuvent plus accéder à l’immeuble pour assurer le relevé des compteurs (eau, électricité…)

– La surveillance et le nettoyage des ascenseurs ne sont plus assurés : les pannes et les dysfonctionnements de l’ascenseur nous sont signalés par les copropriétaires eux-mêmes

– L’entretien et le nettoyage des parties communes et du parking intérieur ne sont plus assurés

– La vérification de l’exécution des tâches des préposés d’entreprises extérieurs n’est plus assurée

– Le salage des entrées de l’immeuble est assuré par une entreprise extérieure et génère un coût supplémentaire pour la copropriété

– L’arrosage du jardin n’est plus mis en marche par vos soins et les copropriétaires assurent eux-mêmes cette tâche

– Nous ne pouvons plus procéder à la visite générale de l’immeuble étant donné que vous êtes en possession de l’ensemble des clés des parties communes

– Nous ne pouvons pas assurer la réalisation de travaux de réfection de votre loge

Le recours à un prestataire extérieur pour assurer uniquement le nettoyage et les sorties des poubelles s’avère largement insuffisant au motif que celui-ci ne peut effectuer les multiples tâches qui sont les vôtres dans un immeuble de grand standing, ce qui caractérise le besoin définitif de votre remplacement.

La date de première présentation de cette lettre fixera le point de départ du préavis de trois mois, au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu.

Nous vous demandons également de bien vouloir libérer, à l’expiration de votre préavis, le logement de fonction que vous occupez actuellement (…) »

Le 17 avril 2013, Mme [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre, dans sa formation de référé, aux fins notamment de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir sa réintégration et le maintien dans son logement de fonction.

Par ordonnance de référé du 23 mai 2013, le conseil de prud’hommes de Nanterre l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes.

Le 8 octobre 2015, Mme [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement, faire reconnaître l’existence d’un harcèlement moral et d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et obtenir le paiement de diverses sommes de nature indemnitaire.

Par jugement du 16 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Nanterre (section activités diverses) a :

– dit que le licenciement de Mme [H] était bien fondé,

– débouté Mme [H] de toutes ses demandes,

– débouté le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndic la société Immo-Morillon, de sa demande d’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– condamné Mme [H] aux éventuels dépens de l’instance.

Par déclaration adressée au greffe le 27 novembre 2019, Mme [H] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 15 février 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 février 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [H] demande à la cour de :

– la dire recevable et bien fondée en son appel,

en conséquence,

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 octobre 2019 par le conseil de prud’hommes de Nanterre,

– condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] représenté par son syndic à lui verser les sommes de :

. 50 000 euros au titre de son préjudice consécutif au harcèlement moral dont elle a fait l’objet, en application des articles L et suivants du code du travail, (sic)

. 50 000 euros au titre de son préjudice tant physique que moral en conséquence des manquements de son employeur à l’obligation de sécurité, en application de l’article

L 4121-1 du  code du travail,

. 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et de nul effet, en application des articles L 1131-1 et L 1132-4 et 1153-1 à 1153-4 du code du travail,

– subsidiairement, dire le licenciement qui lui a été notifié le 21 janvier 2010 sans cause réelle ni sérieuse,

– condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] représenté par son syndic à lui verser les sommes :

. 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, tant pour la perte d’emploi que la perte de son logement,

. 25 000 euros au titre de son préjudice correspondant à la dette à laquelle son employeur l’a exposée auprès de la préfecture, du fait de son comportement abusif,

. 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] représenté par son syndic à tous les dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 mai 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndic la société Immo-Morillon, demande à la cour de :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre du 16 octobre 2019 en toutes ses dispositions,

– débouter Mme [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner Mme [H] à lui payer la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [H] en tous les dépens en application de l’article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les demandes liées à l’exécution du contrat de travail

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l’article L. 1154-1 dans sa version applicable à l’espèce, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l’application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, la salariée invoque un harcèlement moral subi entre 2000 et 2010 qui s’est manifesté par une agression physique, une multiplicité de lettres de reproches injustifiés, des retenues sur salaire abusives, une privation de ses heures de repos et une sanction disciplinaire disproportionnée et infondée.

– Sur l’agression physique

Le 30 décembre 2009, la salariée a déposé plainte contre M. [R], copropriétaire, en raison de violences volontaires exercées par ce dernier à son encontre près de sa loge le 28 décembre 2009.Selon la salariée, M. [R] lui a reproché d’avoir agressé sa femme, ce qu’elle a contesté et il l’a alors « prise par le pull en la plaquant contre le mur et en appuyant son poing sur son sternum » et lorsqu’elle s’est échappée, l’a rebousculée et a agrippé ses vêtements puis a mis fin à cette agression lorsqu’il a entendu la porte d’un locataire s’ouvrir, ces faits entraînant une

incapacité temporaire de travail de 10 jours, prescrite le 5 janvier 2010.

Par jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 1er juin 2010, M. [R], qui a reconnu cette agression physique,a été reconnu coupable de violences suivies d’une incapacité temporaire de 8 jours.

Le fait est établi.

– Sur les lettres de reproches et les retenues sur salaires injustifiés

Il ressort des pièces communiquées que l’employeur a adressé à la salariée trois lettres de reproches en 2005 :

* une lettre du 10 mai 2005 relative à un défaut d’information sur des arrêts de travail pour maladie de la salariée, pour laquelle les éléments versés aux débats ne permettent pas d’établir les faits reprochés à la salariée.

* deux lettres des 28 septembre 2005 et 25 novembre 2005, relatives à un manque d’entretien des parties communes y compris le parking, dont la salariée ne conteste pas la réalité des griefs mais fait valoir qu’elle était fragilisée au niveau du bras, que la médecine du travail lui avait déconseillé les travaux en hauteur etde réaliser des tâches qui ne se situent pas à hauteur d’homme.

Toutefois, les avis du médecin du travail versés au débat ne contiennent aucune restriction médicale au travail de la salariée.

La lettre du 28 septembre reproche également à la salariée son comportement à l’égard de certains copropriétaires et produit à cet égard, le courriel de Mme [T] qui, compte-tenu du différend l’opposant à la salariée , ne suffit pas à établir la réalité de ce grief.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que, si le comportement de la salariée à l’égard de Mme [T] n’est pas justifié, les autres reproches figurant dans ces lettres sont fondés.

Par ailleurs, la salariée produit de nombreuses lettres de reproches adressées par l’employeur entre 2006 et 2009 : 25 octobre 2006, 5 décembre 2006, 6 mai 2009, 15 mai 2009 et 17 juin 2009, dont la salariée a contesté les faits à l’exception de ceux relatifs aux services qu’elle rendait aux copropriétaires pendant ses horaires de travail et qui ne relevaient pas de ses missions.

Dès lors que l’employeur ne justifie pas du bien-fondé de ses remarques, excepté s’agissant des services rendus aux copropriétaires, les faits de reproches injustifiés sont établis.

Enfin, la salariée invoque une retenue sur salaire pour la période du 5 au 8 mai 2005 qui n’est toutefois pas établie, et une retenue sur salaire en décembre 2005, portant son salaire à 12 euros et la conduisant à une interdiction bancaire, qui est établie par le bulletin de salaire de décembre 2005.

En synthèse sont établis des lettres de reproches injustifiés entre 2005 et 2009 et une retenue sur salaire injustifiée en décembre 2005.

– Sur les sanctions disciplinaires injustifiées

Par lettre du 25 juillet 2005, l’employeur a reproché à la salariée l’absence d’entretien du parking et son comportement à l’égard des entreprises extérieures intervenant dans l’immeuble.

La salariée ne conteste pas l’absence d’entretien du parking mais évoque son état de santé qui serait incompatible avec l’exécution de cette tâche, ce qu’elle n’établit pas, et le fait que cette tâche ne relève pas de ses missions, ce qui est contredit par l’annexe 1 de la convention collective applicable, à laquelle l’article 2 du contrat de travail renvoie.

Par ailleurs, le comportement de la salariée à l’égard de M. [M], technicien de la société Intellecthabitat est établi.

L’avertissement du 25 juillet 2005, dont l’annulation n’a pas été sollicitée par la salariée, est donc justifié.

De plus, par lettres des 23 février 2006 et 7 octobre 2009, la salariée a fait l’objet de deux avertissements en raison, pour le premier, de son attitude grossière et incorrecte à l’égard d’une copropriétaire, d’un manque d’entretien de l’immeuble et d’un défaut d’entretien du parking et, pour le second, pour avoir indiqué à l’entreprise chargée des espaces verts de ne plus entretenir le jardin d’une copropriétaire.

Par lettres des 14 mars 2006 et 18 mars 2006, la salariée a contesté avoir adopté un comportement inadéquat à l’égard de Mme [T], indiquant qu’au contraire elle est harcelée par cette copropriétaire, a répliqué que son contrat prévoit l’entretien de l’allée de circulation et détritus, ce qu’elle a réalisé fin décembre 2005, que pendant son arrêt maladie, il appartenait à la société la remplaçant de le faire, ce qui n’a pas été fait et qu’elle ne possède pas le karcher demandé depuis deux ans pour procéder au nettoyage, et enfin, que c’est sur demande de Mme [F] que les jardiniers n’interviennent plus chez elle car cette copropriétaire s’occupe elle-même de son gazon, excepté lors de son absence.

Les griefs retenus par l’employeur à l’encontre de la salariée étant contestés par cette dernière, il appartient à l’employeur de justifier du bien-fondé de ses avertissements, ce qu’il ne fait pas.

Dès lors, le fait tiré du caractère injustifié des avertissements des 23 février 2006 et 7 octobre 2009 est établi.

– Sur les temps de repos 

Dans un courrier non daté mais intitulé « revendication de Mme [H] pour l’assemblée générale du 26 juin 2006 », la salariée indique qu’elle ne peut pas bénéficier de ses temps de pauses obligatoires avant(19h-20h) et après (7h-8h) l’astreinte de nuit en raison du passage des éboueurs, que les interventions des entreprises extérieures ne doivent pas intervenir pendant sa pause de 12h à 15h, ce qui a été le cas à plusieurs reprises dont elle justifie.

Dans son courrier du 26 juin 2006, la salariée a sollicité vainement que son temps de pause intervienne avant l’astreinte de nuit plutôt qu’après.

Le fait est établi.

Ainsi sont établis l’agression physique du 28 décembre 2009, une retenue sur salaire injustifiée en décembre 2005, des lettres de reproches injustifiés entre 2005 et 2009, des avertissements injustifiés en mars 2006 et octobre 2009 et de vaines demandes de modification de ses temps de repos.

La salariée établit une dégradation de son état de santé, notamment par des arrêts de travail pour dépression à compter du 27 mai 2009.

Ces éléments de fait permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L’employeur fait valoir que l’agression physique de la part de M. [R] du 28 décembre 2009 ne lui est pas imputable, raison pour laquelle seul ce dernier a été condamné à réparer le préjudice subi.

Toutefois, le syndic représentant légal du syndicat, seul responsable de sa gestion, est tenu au titre de l’administration de l’immeuble de mettre en oeuvre les mesures propres à assurer la sécurité des personnes au service de la copropriété.

Par ailleurs, l’employeur était informé d’un différend entre Mme [R] et la salariée puisqu’il a fait le reproche à la salariée de son comportement à l’égard de la copropriétaire le 15 mai 2009, que la salariée a contesté par lettre du 2 juillet 2009.

Or, l’employeur ne justifiant pas des démarches entreprises pour faire cesser le différend et, en tout état de cause, assurer la santé et la sécurité de sa salarié, cette agression physique lui est dès lors imputable.

S’agissant des autres faits établis, en l’occurrence une retenue sur salaire injustifiée en décembre 2005, des lettres de reproches injustifiés entre 2005 et 2009, des avertissements injustifiés en mars 2006 et octobre 2009 et de vaines demandes de modification de ses temps de repos, l’employeur ne produit aucun élément démontrant que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Ainsi, le harcèlement moral est établi.

Infirmant le jugement, il y a lieu d’allouer à la salariée la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts de ce chef.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité

La salariée soutient que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité compte-tenu de la dégradation de ses conditions de travail, de l’absence de visites médicales de reprise, de l’absence de mesures prises concernant le harcèlement moral subi, du fait qu’il ait lui-même participé au harcèlement moral et de l’absence de document unique d’évaluation des risques professionnels.

L’employeur réplique que les arrêts de travail de la salariée n’étaient pas liés à ses conditions de travail, qu’elle a bénéficié des visites médicales obligatoires, qu’il n’a pas harcelé la salariée et qu’il a respecté ses obligations.

Il a été précédemment retenu que la salariée a subi des faits de harcèlement moral de la part de son employeur qui a conduit à une dégradation de son état de santé et que l’employeur n’a pris aucune mesure visant à la protéger sa salariée de l’agression physique dont elle a été victime de la part d’un copropriétaire.

Par lettres des 13 mai 2005, 20 mai 2005, 5 avril 2006, 3 juin 2009 et 2 juillet 2009, la salariée démontre avoir alerté l’employeur sur des faits de harcèlement moral sans que ce dernier ne justifie avoir quelconque mesure visant à le faire cesser.

Il est établi en outre que la salariée n’a bénéficié que d’une visite médicale de reprise, le 11 décembre 2008 , alors même qu’elle a été en arrêt de travail notamment pour la période du 5 janvier au 11 février 2006 à l’issue de laquelle, s’agissant d’une interruption de plus de trois semaines, elle aurait dû bénéficier d’une visite médicale de reprise en application de l’article R773-12 du code du travail alors en vigueur.

Enfin, l’employeur ne démontre pas avoir réalisé le document d’évaluation des risques professionnels imposé depuis le décret n°2001-1016 du 5 novembre 2001 portant création d’un document relatif à l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, prévue par l’article L. 230-2 du code du travail et modifiant le code du travail, codifié à l’article R. 230-1 puis R. 4121-1 du code du travail, dans leur version applicable au litige.

L’ensemble de ces éléments caractérisent un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Ainsi, infirmant le jugement, il sera alloué à la salariée la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts de ce chef.

Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail

Sur la nullité du licenciement

La salariée soutient notamment que son licenciement est nul dès lors qu’il est causé par la dégradation de son état de santé liée à son harcèlement moral.

Il a été précédemment retenu que la salariée a subi des faits de harcèlement moral de 2005 à 2009 et il lui a été alloué des dommages-intérêts de ce chef.

La dégradation de son état de santé, précédemment retenue, a conduit à son licenciement pour absence prolongée depuis le 1er juillet 2009 perturbant le bon fonctionnement de l’entreprise et nécessitant son remplacement définitif.

Dès lors, la cour retient que la salariée a été victime d’un harcèlement moral, à l’origine de son inaptitude, ce dont il résulte que son licenciement est nul, en application de l’article L. 1152-3 du code du travail. Le jugement sera infirmé de ce chef.

La salariée victime d’un licenciement nul qui ne demande pas sa réintégration a droit à une indemnisation qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, laquelle a mis fin à son droit de jouissance du logement, du montant de la rémunération versée à la salariée (1 330,04 euros bruts), de son âge au moment de la rupture (61 ans), de son ancienneté (9 ans et 5 mois), et de sa difficulté à retrouver un emploi du fait de son état de santé et de son âge, il y a lieu de condamner l’employeur à lui payer la somme de 10 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul.

Sur les dommages-intérêts pour la perte de l’emploi et la perte du logement

La salariée soutient avoir subi un préjudice du fait de la perte de son emploi et la perte de son logement de fonction, ce que conteste l’employeur.

Les pièces versées au débat démontrent qu’en raison du refus de Mme [H] de libérer son logement de fonction à l’issue de son préavis le 22 avril 2010, le syndicat de copropriété a engagé une action en expulsion à son encontre.

Par jugement du tribunal d’instance de Courbevoie du 24 novembre 2011 et par arrêt confirmatif de la cour d’appel de Versailles du 15 janvier 2013, Mme [H] a été condamnée à libérer le logement de fonction et verser une indemnité d’occupation de 500 euros par mois à compter du 23 avril 2010.

A la suite de diverses actions du syndicat pour procéder à l’exécution de l’arrêt de la cour d’appel et de diverses procédures entamées par Mme [H] pour conserver son logement de fonction, Mme [H] a libéré le logement de fonction le 18 janvier 2016, soit à plus de 67 ans, âge auquel elle pouvait prétendre à une pension de retraite.

Par ailleurs, la salariée ne précise pas les conditions de logement dans lesquelles elle s’est trouvée après le 18 janvier 2016.

Il résulte de ces éléments qu’elle ne justifie pas du préjudice subi du fait de la perte de son logement de fonction ni d’un préjudice distinct de celui déjà réparé par l’indemnité pour licenciement nul qui indemnise la salariée de la perte injustifiée de son emploi.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour la perte de l’emploi et la perte du logement.

Sur les dommages-intérêts au titre du préjudice ‘correspondant à la dette à laquelle son employeur l’a exposée auprès de la préfecture du fait de son comportement abusif’

La salariée soutient avoir subi un préjudice financier à raison des frais engagés pour sa défense dans le cadre des différentes procédures judiciaires engagées par l’employeur et par sa condamnation à payer une indemnité d’occupation dont le montant total s’élève à 25 000 euros.

Toutefois, dès lors que la salariée occupait sans titre son ancien logement de fonction, les actions judiciaires et sa condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation étaient fondées.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de cette demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, l’employeur sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.

Il sera également condamné à payer à la salariée la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :

CONFIRME le jugement mais seulement en ce qu’il déboute Mme [H] de ses demandes de dommages-intérêts pour la perte d’emploi et la perte de logement, et de dommages-intérêts au titre du préjudice ‘correspondant à la dette à laquelle son employeur l’a exposée auprès de la préfecture du fait de son comportement abusif’, et en ce qu’il déboute le le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] représenté par son syndic, la SARL Immo-Morillon de sa demande d’article 700 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

DIT le licenciement de Mme [H] nul,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndic, la SARL Immo-Morillon, à payer à Mme [H] les sommes suivantes:

. 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

. 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,

. 10 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndic, la SARL Immo-Morillon à payer à Mme [H] la somme de  3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndic, la SARL Immo-Morillon aux dépens de première instance et d’appel.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président

 


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