ARRET
N°
S.A.S.U. NCI PROPRETE CENTRE FRANCE aux droits de laquelle vient la société COVED
C/
[J]
copie exécutoire
le 30/06/2022
à
AARPI NMCG
SCP FRISON
MVH/IL/BG
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 30 JUIN 2022
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N° RG 21/02618 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IDIQ
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 30 AVRIL 2021 (référence dossier N° RG F 20/00073)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.S.U. NCI PROPRETE CENTRE FRANCE aux droits de laquelle vient la SOCIÉTÉ COLLECTES VALORISATION ENERGIE DÉCHETS (COVED)
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau D’AMIENS, avocat postulant
concluant par Me Arnaud BLANC DE LA NAULTE de l’AARPI NMCG, avocat au barreau de PARIS
ET :
INTIME
Monsieur [S] [J]
né le 26 Mai 1978 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté et concluant par Me Christine HAMEL de la SCP FRISON ET ASSOCIÉS, avocat au barreau D’AMIENS
DEBATS :
A l’audience publique du 19 mai 2022, devant Mme Marie VANHAECKE-NORET, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.
Mme Marie VANHAECKE-NORET indique que l’arrêt sera prononcé le 30 juin 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Marie VANHAECKE-NORET en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,
Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 30 juin 2022, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.
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DECISION :
Vu le jugement en date du 30 avril 2021 par lequel le conseil de prud’hommes de Compiègne, statuant dans le litige opposant M. [S] [J] (le salarié) à son employeur la société (SASU) NCI Propreté Centre France (la société), a annulé la mise à pied disciplinaire du salarié du 2 au 6 mars 2020, condamné la société à lui payer les sommes précisées au dispositif de la décision à titre de rappel de salaire pour la période du 2 au 6 mars 2020 (517,45 euros) et de congés payés y afférents (51,74 euros), ordonné la remise sous astreinte d’un bulletin de paie rectificatif pour le mois de mars 2020, condamné la société à payer au salarié une indemnité de 1000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi, condamné la société à payer au salarié une indemnité de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ordonné l’exécution provisoire, dit que l’ensemble des condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2020 date de la saisine du conseil, débouté la société de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles ;
Vu l’appel interjeté le 18 mai 2021 par la société NCI Propreté Centre France à l’encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 3 mai précédent ;
Vu la constitution d’avocat de M. [S] [J], intimé, effectuée par voie électronique le 27 mai 2021 ;
Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 1er février 2022 par lesquelles la société Collectes Valorisation Energie Déchets (COVED) venant aux droits de la société NCI Propreté Centre France, appelante, soutenant que la matérialité des faits est établie et justifie le prononcé de la mise à pied à disciplinaire, que partant les demandes de rappel de salaire et de dommages et intérêts sont mal fondées, qu’en outre le salarié s’abstient de démontrer le préjudice allégué tant dans son principe que dans son ampleur, faisant valoir que la procédure initiée par M. [J] est abusive, sollicite la réformation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, prie la cour statuant à nouveau de dire bien fondée la mise à pied disciplinaire notifiée à M. [J] le 12 février 2020, le débouter de toutes ses demandes fins et conclusions, le condamner au paiement de la somme de 500 euros sur les fondements de l’article 32-1 du code de procédure civile, 1134 du code civil et L.1222-1 du code du travail, le condamner au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;
Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 15 février 2022 aux termes desquelles le salarié intimé et appelant incident, contestant les faits reprochés et soutenant le caractère illégitime de la sanction disciplinaire infligée, faisant valoir à l’appui de son appel incident que le préjudice moral qu’il a subi en raison de cette sanction et de la nature des accusations portées à son encontre a été insuffisamment réparé par les premiers juges, opposant que son action bien fondée n’est en rien constitutive d’une procédure abusive ou d’une exécution déloyale du contrat de travail, sollicite pour sa part la confirmation du jugement en ce qu’il a annulé la mise à pied disciplinaire, condamné la société à titre de rappel de salaire et de congés payés y afférents, ordonné la remise sous astreinte du bulletin de paie du mois de mars 2020 dûment rectifié, prie la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a limité la condamnation au titre des dommages et intérêts et de condamner à ce titre la société à lui payer la somme de 5000 euros en réparation du préjudice moral subi, de confirmer le jugement en ses dispositions sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, y ajoutant de condamner la société à lui payer une indemnité de 3000 euros pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel ainsi qu’aux dépens, de débouter la société de toutes ses demandes, de confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné l’exécution provisoire et en ses dispositions sur les intérêts au taux légal devant assortir les condamnations ;
Vu l’ordonnance de clôture en date du 4 mai 2022 renvoyant l’affaire pour être plaidée à l’audience du 19 mai suivant ;
Vu les dernières conclusions transmises le 1er février 2022 par l’appelante et le 15 février 2022 par l’intimé auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel ;
SUR CE LA COUR
M. [S] [J], né en 1978, a été recruté par la société SITA Normandie Picardie suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er décembre 2007 avec une reprise d’ancienneté au 1er juin 2007 en qualité d’équipier de collecte.
Plusieurs employeurs se sont succédés sur le site dont la société NCI Propreté Centre France aux droits de laquelle vient désormais la société COVED.
M. [J] a évolué dans ses fonctions bénéficiant d’une promotion à compter du 1er mars 2017 au poste de chef d’équipe niveau III position 4 coefficient 132 de la convention collective nationale des activités du déchet.
Au dernier état des relations contractuelles, le salaire mensuel brut de base s’élève à 2069,76 euros auquel s’ajoutent diverses primes et éléments de rémunération conventionnels.
Convoqué à un entretien préalable fixé le 24 janvier 2020 par lettre du 14 janvier précédent, M.[J] s’est vu notifier une mise à pied disciplinaire de cinq jours ouvrés prenant effet du 2 au 6 mars 2020 par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 12 février 2020 motivée comme suit :
«’Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 14 Janvier 2020, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu’au licenciement, le 24 Janvier à 08h00 sur notre exploitation de Compiègne ([Adresse 1]). Lors de cet entretien vous avez été assisté de Mr [B] [G].
Au cours de l’entretien nous avons évoqué les faits suivants :
Le 27 Décembre 2019, lors d’un point régulier sur l’activité et la formation de Mlle [L] [H], effectué en présence de Mr [U] [P], Directeur de Territoire, Mr [Z] [A], Responsable d’ Agence et Mr [T] [R], Chargé de Ressources Humaines, avec Mlle [L] [H], alternante QSE au sein de l’exploitation de [Localité 7], cette dernière nous a informé qu’elle subissait des propos injurieux et déplacé de la part de certain salarié et principalement de son chef d’équipe, Mr [S] [J].
Mlle [L] [H] nous a alors appris qu’un « jeu» avait été mis en place entre certains salariés de l’exploitation. Intitulé « Le Bachelor» en référence au jeu télévisé, il consistait à imaginer l’intégralité des ouvriers de l’exploitation comme des prétendants de Mlle [L] [H]. Vous, [S], aviez le rôle de définir qui, selon vous, « méritait» votre « assistante ».
Déjà choqué de ces propos, nous avons eu le déplaisir de découvrir qu’il ne s’agissait pas là de votre seul manquement aux règles élémentaires de respect et de savoir-être. Mlle [L] [H] nous a également informé qu’elle avait eu connaissance peu de temps après, d’un « pari », à hauteur de 20 euros, fait entre vous et un intérimaire, que ce dernier n’arriverait pas à « chopper» [L] [H].
Mlle [L] [H] nous a alors remis deux attestations signées de salariés ou ex salariés de l’entreprise, rapportant des propos tout aussi vulgaires qu’outrageants que vous avez tenu à l’encontre de Mlle [H]. La première, rapporte les propos suivants: « Elle doit être en train de sucer la bite d’un intérimaire. Elle aime les grosses bites de noirs ». La seconde, précise que vous avez qualifié Mlle [H] de « grosse pute» en ayant dit « elle revient lundi la grosse pute ».
Lors de votre entretien vous avez reconnu les faits, nous précisant: « tout cela était parti d’un jeu que j’ai initié. Cela a commencé lorsqu’elle est descendue dans le bureau de l’exploitation. Messieurs [V] et [W] ont participé au jeu. J’y ai également participé, et je reconnais n’avoir rien fait pour y mettre fin. »
Lorsque nous vous avons évoqués les propos sexuels contenus dans les attestations de salariés, vous n’avez pas nié les propos.
Nous vous rappelons que dans le cadre de vos fonctions, vous êtes soumis au règlement intérieur de l’entreprise et notamment à ses articles :
6.1- Discipline et comportement: « Dans l’exécution de son travail personnel (..). doit faire preuve de correction dans son comportement vis-à-vis de ses collègues et de la hiérarchie sous peine de sanction. »
9 : Règles générales: « Pour des questions d’hygiènes et de sécurité, le respect de la charte de la laïcité et de la diversité est imposé ».
13 : Sanctions: « Tout comportement violant les dispositions du règlement intérieur ou considéré comme constitutif d’une faute sera passible d’une sanction disciplinaire. ( … ) L’employeur adaptera la sanction à la gravité de la faute commise. Selon la gravité de la faute, ces mesures pourront être précédées d’une mise à pied à titre conservatoire ou d’une dispense d’activité. »
15.1- Harcèlement sexuel et agissement sexiste: « Selon l’article L1142-2-1 du code du travail, nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Tout manquement à ce principe est passible de sanctions disciplinaires
15.2 – Harcèlement moral: « Selon les dispositions des articles L1152-1 à L.1152-6 du Code du Travail: Ancun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ( … ) Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d’une sanction disciplinaire.
Par votre attitude inqualifiable et vos différents manquements à vos obligations professionnelles, vous vous êtes consciemment rendu coupable d’agissements sexistes, avez eu un comportement dégradant et offensant auprès d’une salariée dont vous avez la charge en tant que chef d’équipe.
S’agissant de surcroit d’une salariée en contrat de professionnalisation. Enfin, de par votre attitude vous avez consciemment violé les règles du vivre-ensemble. Ces faits sont d’autant plus graves qu’un précédant rappel à l’ordre vous avez été fait oralement par Monsieur [E] [N], Directeur Régional Nord, le 12 Décembre 2019, sur des faits similaires.
Compte tenu de la nature des faits qui vous sont reprochés, nous vous notifions une mise à pied disciplinaire de cinq jours ouvrés qui prendra effet du 02 au 06 Mars 2020.
Nous vous invitons vivement à prendre les résolutions nécessaires pour que de tels faits ne se reproduisent plus.’»
Contestant cette sanction disciplinaire et sollicitant diverses sommes de nature salariale et indemnitaire, M. [S] [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Compiègne qui statuant par jugement du 30 avril 2021, dont appel, a statué comme indiqué précédemment.
Sur le bien fondé de la mise à pied disciplinaire
Poursuivant l’infirmation du jugement entrepris, la société soutient que les faits sanctionnés sont établis par les pièces qu’elle produit non factuellement démenties par le salarié qui les conteste par des arguments inopérants. Elle ajoute que M. [J], s’il a tenté de minimiser la portée de ses actes et de ses dires, en a cependant reconnu la matérialité lors de l’entretien préalable.
Elle fait valoir que la gravité des manquements et de la violation des dispositions du règlement intérieur justifiait la sanction de mise à pied prononcée après évaluation de la situation, ce d’autant plus qu’elle est tenue d’une obligation de sécurité à l’égard de tous les salariés. Elle expose aussi que la mise à pied est prévue par le règlement intérieur qui n’impose aucune gradation du pouvoir disciplinaire.
M. [J] conteste les faits invoqués au soutien de la sanction qui lui a été notifiée et réfute les avoir reconnus.
Il relève que l’employeur ne produit pas d’attestation en bonne et due forme de Mme [H] et que celui-ci n’a pas saisi la commission harcèlement moral et sexuel ni diligenté une enquête avec l’appui des institutions représentatives du personnel ni encore prononcé de mise à pied conservatoire, qu’il lui a au contraire accordé une promotion.
M. [J] fait valoir que les témoignages versés sont irréguliers, qu’ils sont non probants à l’instar des courriels fournis, que l’employeur a tardé à produire ces documents, qu’il verse pour sa part plusieurs éléments qui combattent les allégations de l’employeur.
Il indique reprocher à l’employeur de ne pas avoir respecté la gradation des sanctions telle que prévue par le règlement intérieur, condition de validité de la sanction disciplinaire alors qu’il n’avait aucun antécédent.
Il oppose aussi que l’employeur tente de lui imputer des responsabilités à l’égard des salariés qui n’étaient pas les siennes.
Il expose avoir pris la défense de Melle [H] au cours du mois de novembre 2019 et signalé à la direction certaines difficultés que cette dernière connaissait.
Il soutient enfin que l’employeur a procédé de manière discriminatoire à son endroit en le sanctionnant seul pour des faits qu’il sait mensongers.
Sur ce,
La cour relève à titre liminaire sur le moyen tiré du caractère discriminatoire de la sanction disciplinaire, que M. [J] dans ses conclusions ne cite ni n’invoque expressément un des motifs prohibés ou critères illicites, limitativement énumérés par la loi, pour lequel cette sanction aurait été infligée.
En application de l’article L.1333-1 du code du travail, le juge prud’homal apprécie en cas de litige la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l’espèce, la société verse aux débats deux courriels adressés à son chargé des ressources humaines les 27 décembre 2019 et 2 janvier 2020 par Mme [L] [H], comme l’indique l’identité de l’expéditeur et sans que l’authenticité de ces courriers électroniques ne soit sérieusement contestée, dans lesquels cette salariée alors en contrat de professionnalisation mettant en cause nommément M. [J] rapporte les faits tels que relatés dans la lettre de sanction. Dans le premier courrier, elle indique que les propos dont elle précise la teneur, reprise dans la lettre de mise à pied disciplinaire, lui ont été remontés par deux salariés MM [F] et [M] en novembre et en semaine 51. Dans le second, elle fournit un récapitulatif des événements : la mise en place du jeu ‘le bachelor’ à l’initiative de M. [J], l’organisation d’un ‘pari’ entre ce dernier et un intérimaire sur le fait d’obtenir ou non de sa part des faveurs sexuelles, une discussion entre collègues dans le vestiaire au cours de laquelle a été proférée la phrase suivante ‘[L] elle aime les grosses bites de noirs’, les propos rapportés par MM [F] et [M].
Si Mme [H] n’a pas attesté en procédure, ses signalements sont contemporains des faits et ont été effectués pendant l’exécution de son contrat de professionnalisation, circonstances qui renforcent leur crédibilité. Ils sont en outre corroborés par les écrits de MM [F] et [M], daté du 27 décembre 2019 pour ce dernier. Si ces pièces ne constituent pas à proprement parler des attestations respectant les conditions de forme prescrites par l’article 202 du code de procédure civile, leurs auteurs sont parfaitement identifiables et elles ne récèlent aucun indice de nature à remettre en cause leur authenticité. M. [F] confirme avoir entendu M. [J] dire ‘[L] est actuellement en train de sucer la bite d’un intérimaire’, M. [M] que M. [J] l’a qualifiée de ‘ pute’ sans que les arguments et éléments du salarié ne permettent de remettre en cause la sincérité de ces écrits.
Si elle n’était plus présente dans la société au moment des faits reprochés, Mme [D] livre néanmoins un témoignage sur sa propre situation qui est de nature à conforter la réalité du comportement sanctionné et que ce dernier n’était pas inédit. En effet, cette ancienne intérimaire qui a travaillé au sein de la société durant l’été 2019 décrit notamment que M. [J] se permettait de lui faire des blagues qu’elle qualifie de ‘lourdes’, de blagues de ‘drague’, elle évoque des remarques sur son style vestimentaire qu’il jugeait trop court ou trop osé, elle relate que la première semaine, il l’a présentée de façon insistante à un salarié, qu’il lui demandait de choisir entre ‘untel’ et ‘untel’, elle précise que pour éviter d’être en sa présence, elle a préféré s’installer dans un bureau à l’étage, elle indique qu’il lui a été rapporté qu’il tenait des propos déplacés et insultants sur elle.
Enfin, la société produit le témoignage de M. [X], intérimaire, qui rapporte que M. [J] le taquinait à propos de Mme [H] dans les termes suivants ‘elle est bonne’, l’interpellant sur sa vie intime ‘tu te la tapes’ ou parlant d’elle en public en des termes obscènes et dégradants toujours en rapport avec la sexualité.
Ces éléments, dont la valeur et la portée ne sont pas utilement contestées, manifestement concordants émanent de diverses sources ce qui contredit l’hypothèse proposée par le salarié d’une machination, d’une ‘entente’ entre la direction et Mme [H] ou d’une vengeance. Ils ne sont pas démentis par les attestations fournies par M. [J], attestations dont la cour relève qu’elles émanent pour certaines de salariés nommément cités comme ayant participé au ‘jeu’ initié à l’insu de Mme [H] et qui ont donc tout intérêt à dédouaner leur collègue, pour d’autres de salariés placés sous sa responsabilité. Quant à M. [G], délégué syndical, la cour retient que selon son témoignage, M. [J] qu’il a assisté lors de l’entretien préalable a à tout le moins reconnu des paroles maladroites à l’endroit de Mme [H].
En conséquence, la cour considère que les faits reprochés sont établis et qu’ils sont constitutifs d’un comportement sexiste prohibé par le règlement intérieur dont l’échelle des sanctions comporte la mise à pied disciplinaire sans exclure cette dernière en cas d’absence d’antécédent disciplinaire.
Eu égard à la nature des manquements, aux fonctions de chef d’équipe exercées par M. [J] qui lui imposent un devoir d’exemplarité, l’employeur était légitime dans l’exercice de son pourvoir d’individualisation des mesures disciplinaires de sanctionner en particulier le salarié en prononçant une mise à pied disciplinaire de cinq jours avec retenue sur salaire correspondante, sanction qui est proportionnée à la faute commise.
En conséquence, il convient par infirmation du jugement entrepris, de dire la sanction disciplinaire justifiée et de débouter M. [J] de l’intégralité de ses demandes.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société
La société demande à la cour de lui allouer la somme de 500 euros faisant valoir que l’action de M. [J] s’analyse en une procédure abusive au sens des articles 32-1 du code de procédure civile, 1134 du code civil et L.1221-1 du code du travail.
Toutefois, si le salarié a fait une appréciation erronée de ses droits, les circonstances de l’espèce et la solution donnée aux différents points en litige ne permettent pas de retenir l’existence d’un préjudice moral dont aurait été victime la société et d’un abus de M. [J] dans l’exercice de son droit d’agir en justice ni de caractériser sa mauvaise foi.
Pour ce motif, cette demande doit être rejetée. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Eu égard à la solution donnée au litige en cause d’appel, les dispositions de première instance seront infirmées.
Succombant, M. [J] sera condamné en application de l’article 700 du code de procédure civile à payer à la société NCI Propreté Centre France aux droits de laquelle vient la société COVED en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile une somme que l’équité commande de fixer à 300 euros pour l’intégralité de la procédure.
Partie perdante, M. [J] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort
Infirme le jugement rendu le 30 avril 2021 par le conseil de prud’hommes de Compiègne sauf en ce qu’il a débouté la société NCI Propreté Centre France aux droits de laquelle vient la société Collectes Valorisation Energie Déchets de sa demande de dommages et intérêts ;
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant
Dit la mesure de mise à pied disciplinaire notifiée le 12 février 2020 à M. [S] [J] justifiée ;
Déboute M. [J] de sa demande tendant à l’annulation de cette sanction disciplinaire ;
Déboute M. [J] de l’intégralité de ses demandes ;
Condamne M. [S] [J] à verser à la société NCI Propreté Centre France aux droits de laquelle vient la société Collectes Valorisation Energie Déchets la somme de 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d’appel ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent arrêt ;
Condamne M. [S] [J] aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.