Retenues sur salaire : 3 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/12245

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Retenues sur salaire : 3 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/12245

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRET DU 03 NOVEMBRE 2022

(n° 2022/ , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/12245 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBDTX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Septembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F18/08254

APPELANTE

Madame [W] [V]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Benoît ROBINET, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.R.L. AMB prise en la personne de son représentant légal, Madame [S] [D], gérante,

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Gille GOASGUEN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Séverine MOUSSY, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat à durée indéterminée et à temps partiel à effet du 2 janvier 2014, la société ISGI SE a embauché Mme [W] [V] en qualité d’hôtesse standardiste, coefficient 140, niveau 1 moyennant un salaire mensuel brut de 1261 euros.

Le contrat a été repris par la SARL AMB devenue locataire-gérante de la société ISGI NE qui avait succédé à la société ISGI SE.

Dans le cadre de l’activité de prestataire de services de l’employeur, Mme [V] a effectué son travail sur site au [Adresse 5] jusqu’en décembre 2016, soit pendant trois ans.

La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire du 13 août 1999 et la société employait au moins onze salariés lors de la rupture de cette relation.

Par lettre recommandée envoyée le 5 avril 2017 et distribuée le 6 avril suivant, Mme [V] a notifié à la société AMB la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail. Elle reproche à son employeur de ne pas l’avoir informée de la perte du contrat de prestation d’accueil relatif à l’immeuble du [Adresse 5] à compter du 1er janvier 2017, de n’avoir eu confirmation de cette information que tardivement, de lui avoir demandé de démissionner, faute de poste à lui proposer, et de l’avoir invitée à se faire recruter par la société qui avait remporté le marché. Mme [V] reproche encore à son employeur de ne lui avoir donné aucune instruction ni aucune affectation nouvelle et de l’avoir privée en partie de son salaire de décembre 2016 afin de faire pression sur elle pour qu’elle démissionne.

Demandant que la prise d’acte de rupture de son contrat de travail produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [W] [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 4 mai 2017.

Par jugement du 20 septembre 2019 auquel il est renvoyé pour l’exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Paris (section commerce) a débouté Mme [V] de l’ensemble de ses demandes.

Mme [V] a régulièrement interjeté appel du jugement le 12 décembre 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions d’appelante reçues par voie électronique le 30 août 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [V] demande à la cour d’appel de :

– déclarer que la rupture de son contrat de travail est un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

en conséquence,

– condamner la société AMB à lui payer les sommes suivantes :

* 13 030 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 390,90 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

* 2 606 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ; 

* 260,06 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

* 561,79 euros au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés ;

* 282,23 euros au titre de l’indemnité compensatrice de droit individuel à la formation ;

* 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut d’organisation d’élection d’institutions représentatives du personnel ;

* 2 329,65 euros au titre des heures et jours décomptés de son salaire à titre «’d’absences non justifiées’» à tort ;

* 232,96 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur salaire ;

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé ;

* 3 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société AMB à lui remettre l’ensemble des documents de fin de contrat sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter du 10e jour suivant la notification de la décision à intervenir ;

– condamner la société AMB aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions d’intimée reçues par voie électronique le 31 août 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, la SARL AMB prie la cour de :

*sur la demande de requalification de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de Mme [V] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse :

– constater que Mme [V] ne démontre pas l’existence d’un manquement suffisamment grave empêchant la poursuite du contrat de travail ;

en conséquence :

– débouter Mme [V] de sa demande de requalification de sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– dire et juger que la prise d’acte par Mme [V] de la rupture du contrat de travail produit les effets d’une démission ;

– confirmer le jugement entrepris sur ce point ;

*sur les demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat de travail :

– débouter Mme [V] de sa demande de condamnation de la société AMB à lui verser les sommes suivantes :

* 13 030 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 390,90 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

* 2 606 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

* 260, 60 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

* 561,79 euros à titre d’indemnités compensatrice de congés payés ;

* 282,23 euros au titre d’une prétendue indemnisation de ses droits acquis de formation ;

– débouter Mme [V] de sa demande de remise sous astreinte à hauteur de 100 euros par jour de retard les documents de fin de contrat à compter du 10e jour suivant la notification de la décision à intervenir ;

en conséquence :

-confirmer le jugement entrepris ;

* sur les autres demandes de Mme [V] :

– débouter Mme [V] de ses demandes de versement des sommes de :

– 3 000 euros pour défaut d’organisation d’élection d’institutions représentatives du personnel ;

– 2 329,65 euros à titre de rappel de salaires, outre 232,96 euros de congés payés afférents ;

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral allégué ;

en conséquence :

-confirmer le jugement entrepris sur ces points ;

* à titre reconventionnel, sur la demande de condamnation de Mme [V] à lui verser l’indemnité compensatrice de préavis :

-constater que la prise d’acte par Mme [V] de la rupture du contrat de travail produit les effets d’une démission ;

en conséquence :

-condamner Mme [V] à lui verser la somme de 1 303 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

* en tout état de cause :

– débouter Mme [V] de sa demande à hauteur de 3 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [V] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

La clôture est intervenue le 31 août 2022.

MOTIVATION :

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur les effets de la prise d’acte de rupture du contrat de travail :

Mme [V] soutient, à l’appui de sa demande de requalification de la prise d’acte de rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu’en ne lui fournissant pas de travail à compter du 2 janvier 2017 et en ne lui versant que très tardivement l’intégralité de son salaire de décembre 2016, la société AMB a commis des manquements graves justifiant la prise d’acte de la rupture du contrat de travail.

Mme [V] fait valoir qu’elle apporte suffisamment d’éléments pour prouver que la société AMB ne lui a pas proposé de nouveau poste à partir de janvier 2017 et que rien ne prouve qu’elle avait débuté son travail avec la société Charleen dès le 2 janvier 2017; qu’en réalité, elle a commencé à travailler pour cette société à la fin du mois de janvier 2017.

La société AMB conteste avoir tenté de dissimuler la perte du contrat d’accueil et souligne que Mme [V] se contredit sur les circonstances dans lesquelles elle dit avoir appris le fait. Elle souligne encore que Mme [V] ne démontre pas l’avoir interrogée courant décembre 2016 sur la pérennité de son contrat de travail. La société AMB fait valoir qu’elle a, au contraire, confirmé le 30 décembre 2016 à Mme [V] la perte du contrat d’accueil et qu’elle serait réaffectée sur un nouveau site.

La société AMB relève que c’est la première fois en appel que Mme [V] soutient qu’elle n’avait pas l’intention de lui fournir un travail et que ce point n’est pas invoqué dans la lettre de prise d’acte de la rupture du contrat de travail. En tout état de cause, elle se prévaut du courriel envoyé le 30 décembre 2016 à Mme [V] pour démontrer qu’elle avait bien l’intention de lui fournir un travail.

Outre qu’elle affirme avoir réglé le salaire de décembre 2016 le 12 janvier 2017 (système du décalage de paie) – Mme [V] étant payée le 11 du mois suivant – la société AMB fait valoir qu’il appartient à Mme [V] de rapporter la preuve qu’elle n’a pas été payée comme elle le soutient.

La société AMB fait enfin valoir que Mme [V] échoue à démontrer qu’elle aurait tenté de la forcer ou de l’inciter à démissionner alors que Mme [V] ne s’est pas présentée au siège social le 2 janvier 2017.

La société AMB conclut donc à la confirmation du jugement en soutenant que la prise d’acte de la rupture doit produire les effets d’une démission.

La prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat. Il appartient au salarié de rapporter la preuve du ou des manquement(s) suffisamment grave(s) allégué(s) empêchant la poursuite du contrat de travail.

En l’espèce, Mme [V] invoque deux manquements :

– d’une part, l’absence de fourniture de travail à compter du 2 janvier 2017;

– d’autre part, le versement très tardif de l’intégralité de son salaire de décembre 2016.

La charge de la preuve incombe, dès lors, à Mme [V].

*sur l’absence de fourniture de travail à compter du 2 janvier 2017

Le contrat de travail de Mme [V] stipule, au titre de la «’mobilité’», que :

«’au vu de notre activité de prestataire de services, nous pouvons être amenés à vous demander de vous déplacer sur d’autres lieux de travail. Il est entendu que vous vous engagez à accepter cette mobilité et que pour notre part, nous nous engageons à ne vous faire déplacer que dans la région Ile-de-France et sur des sites accessibles par les transports en commun.’»

La clause ne précise aucun délai de prévenance du salarié.

En l’espèce, il ressort des éléments non contestés de la cause que la société ABM a effectivement perdu le contrat d’accueil s’exécutant sur le site [Adresse 5] et que, pour cette raison, Mme [V] n’avait plus vocation à travailler sur ce site à compter du 2 février 2017. A cet égard, la société AMB devait donc en informer Mme [V] dans un délai raisonnable et lui notifier une nouvelle affectation respectant les stipulations de la clause ci-dessus rappelée.

Mme [V] verse aux débats une attestation de Mme [I] [R] qui était sa collègue, aux termes de laquelle celle-ci déclare que :

– la société «’ISGI AMB’» n’a contacté ni elle ni Mme [V] pour les informer des changements opérés et leur offrir une nouvelle affectation;

– elle n’a jamais reçu de courriels de la société «’ISGI AMB’» sur sa messagerie électronique personnelle, y compris dans les courriers indésirables;

– Mme [V] et elle-même ont subi une très forte pression pour qu’elles donnent leur démission mi-janvier.

La société AMB oppose à Mme [V] l’envoi d’un courriel à son adresse électronique personnelle en date du 30 décembre 2016 mais ne justifie pas de l’envoi effectif de ce courriel l’invitant à se présenter le lundi 2 janvier 2017 au siège social. De surcroît, il sera relevé que le courriel litigieux a, au mieux, été envoyé un vendredi après-midi pour une demande de présentation au siège social le 2 janvier 2017 à 14h00 en vue de la notification d’une nouvelle affectation.

La cour observe que l’employeur n’a pas jugé utile d’envoyer une lettre recommandée avec avis de réception à Mme [V] à compter du 2 janvier 2017 lorsqu’il a constaté son absence au siège social ce jour-là afin de s’assurer que Mme [V] avait été effectivement informée qu’elle devait se présenter au siège social pour recevoir sa nouvelle affectation. Or, la société AMB avait l’obligation contractuelle de proposer à Mme [V] une nouvelle affectation en contrepartie de la mobilité acceptée par la salariée.

Mme [V] justifie donc ne pas avoir reçu de son employeur la notification d’une nouvelle affectation à compter du 2 janvier 2017.

*sur le versement très tardif de l’intégralité du salaire de décembre 2016

Mme [V] ne conteste pas avoir reçu son salaire du mois de décembre 2016 mais elle reproche un versement très tardif. Toutefois elle ne précise pas la date à laquelle elle a effectivement reçu le paiement intégral dudit salaire sur son compte bancaire alors que la société AMB produit un bulletin de paie pour décembre 2016 au nom de Mme [V] indiquant comme net à payer la somme de 946,27 euros réglée par virement du 11 janvier 2017 qu’elle entend conforter par un extrait de son logiciel de paie à la date du 12 janvier 2017 et son relevé bancaire faisant apparaître au 12 janvier 2017 un virement dont le montant correspond à la somme totale indiquée sur l’extrait du logiciel. A cet égard, il sera relevé, à la lecture des autres bulletins de paie produits par Mme [V], que le paiement du salaire intervenait depuis mai 2016 au 11 du mois suivant sans que cela ait été un point de contentieux entre les parties.

Dans ces circonstances, Mme [V] est défaillante à rapporter la preuve du caractère très tardif du paiement de l’intégralité de son salaire de décembre 2016.

Eu égard à l’ensemble de ces éléments, l’absence de fourniture de travail par l’employeur à Mme [V] à compter du 2 janvier 2017 est avérée et constitue un manquement grave de l’employeur à ses obligations empêchant la poursuite du contrat de travail. Par conséquent, la prise d’acte de rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Sur les effets du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

*sur l’indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [V] soutient que la somme allouée ne peut être inférieure à six mois compte tenu des circonstances particulièrement vexatoires dans lesquelles la rupture du contrat de travail est intervenue et du mépris affiché par l’employeur à son égard pendant des mois.

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction en vigueur entre le 1er mai 2008 et le 24 septembre 2017 applicable en l’espèce eu égard à la date de la rupture du contrat de travail, Mme [V] est en droit de percevoir une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Eu égard à son ancienneté de plus de deux ans, aux circonstances de la rupture mais également au fait que Mme [V] a été embauchée très rapidement par la société qui avait remporté le contrat d’accueil lui permettant de continuer à travailler sur le même site, il lui sera alloué une somme de 7 818 euros suffisante pour réparer son préjudice ‘ étant observé que le montant du salaire n’est pas discuté par la société AMB. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

*sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents

En application de l’article L. 1234-1 du code du travail et de l’article 19 de la convention collective, Mme [V], qui avait plus de deux ans d’ancienneté de services à la date de la rupture du contrat de travail, a droit à un préavis de deux mois soit la somme de 2 606 euros, outre les congés payés y afférents à hauteur de 260,60 euros. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

*sur l’indemnité de licenciement

Mme [V] sollicite le versement de l’indemnité conventionnelle de licenciement prévue à l’article 19 de la convention collective soit, pour un salarié ayant deux ans d’ancienneté, une indemnité égale à 1/10e de mois de salaire par année d’ancienneté ce qu’elle évalue à la somme de 390,90 euros. En application de l’article L. 1234-2 du code du travail et des articles 19 et 26 alinéa 2 de la convention collective, Mme [V] a effectivement droit à une indemnité de licenciement de 390,90 euros. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

*sur l’indemnité compensatrice de congés payés

Mme [V] relève que le dernier bulletin de paie de décembre 2016 fait état de 13,15 jours de congés payés et sollicite, à ce titre, le versement d’une somme de 561,79 euros.

Eu égard à l’information figurant sur le dernier bulletin de paie de Mme [V] faisant état de 13,15 jours de congés payés et à l’absence de preuve du règlement de cette somme par l’employeur, il sera alloué à Mme [V] une somme de 561,79 euros. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

*sur l’indemnité compensatrice de droit individuel à la formation

Mme [V] soutient qu’elle avait acquis un droit à 21,71 heures de formation et sollicite le versement d’une somme de 282,23 euros.

Mme [V], qui ne précise pas le fondement de sa demande ni les modalités de son calcul et ne justifie pas de la réalité de son préjudice, sera déboutée de sa demande. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

*sur les dommages-intérêts pour préjudice moral

Les circonstances de la rupture ayant déjà été prise en compte par la cour pour la fixation de l’indemnité sans cause réelle et sérieuse, Mme [V] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice distinct au titre du préjudice moral qu’elle allègue.

Mme [V] sera donc débouté de sa demande en dommages-intérêts et le jugement confirmé de ce chef.

*sur la remise des documents

La société AMB devra remettre à Mme [V] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle Emploi conformes à la présente décision sans qu’il soit nécessaire de prononcer une astreinte.

*la demande reconventionnelle de la société ABM au titre de l’indemnité compensatrice de préavis est sans objet dès lors que la cour d’appel n’a pas retenu que la prise d’acte produisait les effets d’une démission.

Sur l’exécution du contrat de travail

*sur les dommages-intérêts pour défaut d’organisation d’élection d’institutions représentatives du personnel

Mme [V] soutient que la société AMB aurait dû organiser des élections d’institutions représentatives du personnel et que sa défaillance lui a causé un préjudice car elle n’a pas pu se tourner vers ces représentants pour être informée et conseillée dans le cadre de ses relations avec l’employeur. Elle fait valoir que la société AMB est locataire-gérante de trois sociétés comptant chacune plusieurs dizaines de salariés et que la défaillance de l’employeur lui a nécessairement causé un préjudice.

La société AMB réplique qu’au regard de la législation applicable au 1er janvier 2016, date à partir de laquelle elle a pris en location-gérance de la société ISGI NE, les conditions légales à la mise en place de délégués du personnel, d’un comité d’entreprise et d’un comité d’hygiène et de sécurité n’était pas réunies puisqu’en 2014 et 2015, elle n’employait aucun salarié. A cet égard, elle produit ses bilans simplifiés et comptes de résultat de 2014 et 2015.

La lecture des pièces comptables des exercices 2014 et 2015 fait apparaître qu’à la date du 1er janvier 2016, date de la prise en location-gérance de la société ISGI NE, la société AMB n’avait pas un effectif d’au moins onze salariés pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes. Dès lors, la société AMB n’a pas commis de faute en n’organisant pas l’élection d’institutions représentatives du personnel en application de l’article L. 2312-2 du code du travail dans sa rédaction applicable en 2016.

En conséquence, Mme [V] sera déboutée de sa demande en dommages-intérêts et le jugement sera confirmé de ce chef.

*sur le rappel de salaires au titre des heures et jours décomptés du salaire pour de prétendues absences injustifiées

Mme [V] demande une somme de 2 329,65 euros et les congés payés y afférents sans toutefois expliciter cette somme de sorte que la cour n’est pas en mesure de déterminer les dates pour lesquelles elle estime qu’une retenue sur salaire a été opérée de manière injustifiée ‘ étant observé, après examen des bulletins de paie de Mme [V] depuis le mois de janvier 2014, que des retenues sur salaires pour absences non justifiées ou pour motif personnel ont été opérées dès décembre 2014 et donc avant même que la société AMB ne prenne la société ISGI NE en location-gérance et que Mme [V] ne justifie pas avoir jamais contesté lesdites retenues.

Partant, Mme [V] sera déboutée de sa demande en dommages-intérêts et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

* sur les intérêts

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

* sur les dépens et sur l’article 700 du code de procédure civile

La société AMB sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Mme [V] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

INFIRME le jugement sauf en ce qu’il a débouté Mme [W] [V] de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice moral et de ses demandes au titre du défaut d’organisation d’élection d’institutions représentatives du personnel, du droit individuel à la formation et du rappel de salaires;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que la prise d’acte de rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

CONDAMNE la société AMB à payer à Mme [W] [V] les sommes suivantes :

– 7 818 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 2 606 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

– 260,60 euros au titre des congés payés y afférents ;

– 390,90 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;

– 561,79 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés ;

ORDONNE à la société AMB de remettre à Mme [W] [V] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle Emploi conformes à la présente décision ;

DIT que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la société AMB aux dépens de première instance et d’appel ;

CONDAMNE la société AMB à payer à Mme [W] [V] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE

 


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