Retenues sur salaire : 3 mars 2023 Cour d’appel de Bourges RG n° 22/00624

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Retenues sur salaire : 3 mars 2023 Cour d’appel de Bourges RG n° 22/00624

SD/SLC

N° RG 22/00624

N° Portalis DBVD-V-B7G-DOX7

Décision attaquée :

du 31 mai 2022

Origine : conseil de prud’hommes – formation paritaire de CHÂTEAUROUX

——————–

M. [D] [T]

C/

S.A. MMA GESTION

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Expéd. – Grosse

Me DE SOUSA 3.3.23

Me LECLERC 3.3.23

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 03 MARS 2023

N° 31 – 10 Pages

APPELANT :

Monsieur [D] [T]

[Adresse 1]

Représenté par Me Maria DE SOUSA de la SELARL AVELIA AVOCATS, avocat au barreau de CHÂTEAUROUX

INTIMÉE :

S.A. MMA GESTION

[Adresse 2]

Représentée par Me Marie-Thérèse LECLERC DE HAUTECLOCQUE de la SELAS LHP AVOCATS, avocate au barreau de HAUTS-DE-SEINE, substituée à l’audience par Me Antoine FOURCADE, avocat au barreau de BOURGES

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

et Mme CLÉMENT, présidente de chambre

en l’absence d’opposition des parties et conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre

Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

Mme CLÉMENT, présidente de chambre

DÉBATS : A l’audience publique du 13 janvier 2023, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l’arrêt à l’audience du 03 mars 2023 par mise à disposition au greffe.

Arrêt n° 31 – page 2

03 mars 2023

ARRÊT : Contradictoire – Prononcé publiquement le 03 mars 2023 par mise à disposition au greffe.

* * * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La société A2B Assurfinance exerce une activité d’agent général d’assurances MMA.

M. [D] [T], né le 18 mars 1978, a été embauché à compter du 1er février 2011 par cette société en qualité de collaborateur d’agence à dominante commerciale, statut employé, classe V, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 29 novembre 2010.

Cet emploi relève de la convention collective nationale du personnel des agences générales d’assurances du 2 juin 2003.

Par courrier du 15 juin 2018, la société MMA Gestion, qui emploie plus de 11 salariés, a informé M. [T] que son contrat de travail lui était transféré depuis le 5 juin précédent.

Un avenant au contrat de travail daté du 20 juillet 2018 a été signé en ce sens le 2 octobre 2018.

M. [T] a été placé en arrêt de travail pour maladie le 8 octobre 2018, puis du 5 novembre au 23 novembre 2018.

Par courrier du 19 décembre 2018, M. [T] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, initialement fixé au 4 janvier 2019, et a été mis à pied à titre conservatoire.

Il a été placé en arrêt de travail le même jour.

L’entretien préalable s’est tenu le 11 janvier 2019.

Par courrier du 18 janvier 2019, M. [T] a été licencié pour cause réelle et sérieuse, l’employeur lui reprochant notamment des actes d’insubordination, une attitude de contestation quasi-systématique, une présence injustifiée à l’agence un jour où elle devait être fermée, des absences injustifiées et une absence de saisie de ses clients et actes de gestion dans les outils d’entreprise.

Par courrier du 21 janvier 2019, le salarié a contesté les motifs de son licenciement.

Par courrier du 12 février 2019, la société MMA Gestion a maintenu le licenciement.

Contestant son licenciement, M. [T] a saisi le 23 décembre 2019 le conseil de prud’hommes de Châteauroux, lequel, par jugement du 31 mai 2022, a :

– débouté les parties de l’ensemble de leurs demandes,

– dit n’y avoir lieu à indemnité de procédure sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum M. [T] et la société MMA Gestion aux dépens.

M. [T] a régulièrement interjeté appel le 20 juin 2022 de la décision prud’homale, qui lui a été notifiée le 8 juin 2022, sauf en ce qu’elle a débouté la société MMA Gestion de l’ensemble de ses demandes.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 janvier 2023, M. [T] demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

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statuant à nouveau,

– fixer le salaire brut moyen mensuel à la somme de 3 317,79 euros,

– condamner la société MMA Gestion à lui régler les sommes suivantes :

> 7 230 euros bruts à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre 723 euros bruts au titre des congés payés afférents,

> 25 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour mise à pied vexatoire,

> 25 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

– dire et juger que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,

– condamner la société MMA Gestion à lui régler la somme de 26 542,32 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société MMA Gestion à lui régler la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– dire que les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter de la saisine,

– ordonner la remise de l’attestation Pôle Emploi, du certificat de travail et de bulletins de salaire conformes à l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par document, à compter du 8e jour de la notification de l’arrêt,

– condamner la société MMA Gestion aux entiers dépens ainsi qu’aux frais de signification et d’exécution.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 décembre 2022, la société MMA Gestion demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– débouter M. [T] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner M. [T] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.

SUR CE

1) Sur la demande en paiement d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires et des congés payés afférents

Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, il appartient au salarié de présenter préalablement, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande et détermine souverainement, au vu des éléments produits par chacune des parties, l’existence d’heures de travail accomplies et la créance salariale s’y rapportant.

En l’espèce, M. [T] sollicite le paiement de la somme de 7 230 euros bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, au motif qu’il a réalisé 300 heures supplémentaires au service de son ancien employeur et que la société MMA Gestion devait donc les lui régler.

Pour en justifier, il produit les pièces suivantes :

– une attestation de M. [AE] [N], l’un des deux gérants de la société A2B Assurfinance,

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datée du 6 décembre 2018, dans laquelle il affirme que M. [T] réalisait en moyenne 2 heures supplémentaires par jour (de 12h à 13h et de 18h à 19h) et 3 heures supplémentaires le samedi,

chaque semaine depuis janvier 2017, ce qui représentait un total de 300 heures supplémentaires en juin 2017. Il précise que M. [T] a toujours réalisé ces horaires et qu’il avait une lourde charge de travail,

– une attestation de Mme [U]-[R] [V], compagne de M. [M] [P], ancien supérieur hiérarchique de M. [T], qui affirme avoir vu, au cours de l’année 2017, M. [T] travailler à l’agence tard les soirs de semaine et les samedis, dans le but de diminuer la charge de travail de M. [P] durant sa maladie.

Au regard du contenu concordant de ces attestations, contrairement à ce que soutient l’employeur, M. [T] présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies.

La société MMA Gestion, qui conteste la réalité de ces heures supplémentaires, n’apporte aucun élément en réponse de nature à démontrer que M. [T] n’aurait pas effectué tout ou partie des heures alléguées.

En conséquence, infirmant le jugement entrepris, il y a lieu de condamner la société MMA Gestion à payer à M. [T] la somme de 7 230 euros bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre celle de 723 euros bruts au titre des congés payés afférents.

2) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral

Selon l’article L. 1152-1 du code du travail, le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l’article L. 1154-1 du même code, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

M. [T] allègue avoir été victime de harcèlement moral de la part de son employeur.

Il soutient premièrement que la société MMA Gestion a modifié unilatéralement son contrat de travail et fortement insisté, en allant jusqu’à le menacer, pour qu’il le signe en octobre 2018.

Il ne produit cependant aucune pièce au soutien de cette allégation, de sorte que ce premier fait n’est pas matériellement établi.

Le salarié allègue deuxièmement que son employeur lui a retiré ses moyens de travail, à savoir son téléphone, ses cartes de visite et son véhicule.

Il n’apporte toutefois aucun élément permettant d’établir qu’il utilisait un téléphone professionnel pour exercer ses missions, alors qu’il ressort au contraire des écritures et pièces produites par les parties que ses cartes de visite faisaient apparaître son numéro de téléphone

mobile personnel.

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Il est en revanche constant que M. [T] a reçu l’ordre de ne plus utiliser ses cartes de visite ni le véhicule de fonction qui appartenait à la société A2B Assurfinance, de sorte que ces deux

faits sont matériellement établis.

Le salarié affirme troisièmement avoir été ‘épié’ dans son travail par Mme [W], sa supérieure hiérarchique directe.

Pour en justifier, il produit les attestations de Mme [F], cliente de l’agence, qui affirme avoir été appelée le 16 janvier 2019 par Mme [W] pour savoir si M. [T] avait honoré son rendez-vous du 10 novembre 2018, et de Mme [B], qui relate que Mme [W] l’a appelée le même jour pour savoir si M. [T] avait honoré son rendez-vous du 10 décembre 2018 à son domicile.

Dans la mesure où les faits relatés datent de deux jours avant le licenciement, ils ne permettent pas d’affirmer que M. [T] aurait été ‘épié’ dans son travail.

M. [ST] atteste au demeurant que lors d’un rendez-vous du 18 novembre 2018, M. [T] est allé chercher un devis dont il venait de lancer l’impression sur l’imprimante de l’accueil et a vu sortir de cette dernière son emploi du temps, ce dont il s’est étonné, avant de le remettre à Mme [W] qui lui a répondu : ‘et alors  »

Le salarié se fonde enfin sur l’attestation de Mme [S], qui affirme que lors de l’un de ses rendez-vous à l’agence, ‘le bureau d’à côté’ a essayé d’écouter sa conversation avec M. [T], ce dernier ayant dû refermer à quatre reprises la porte de son bureau.

Le fait que l’emploi du temps de M. [T] ait été imprimé à l’insu de ce dernier et que la porte communiquant entre son bureau et celui de Mme [W] ait été ouverte, à plusieurs reprises, au cours d’un entretien client, ne permet cependant pas de conclure, sur la base de ces seuls éléments, que le salarié aurait été ‘épié’ dans son activité, l’employeur disposant, en tout état de cause, d’un pouvoir de contrôle de l’activité de son salarié.

Ce troisième fait n’est donc pas matériellement établi.

M. [T] prétend quatrièmement avoir été rabaissé par sa hiérarchie devant les clients.

Au soutien de cette allégation, il produit de nombreuses attestations de clients de l’agence ainsi que de sa concubine, Mme [L], qui ne fait cependant que rapporter les paroles de M. [T], sans qu’elle ait été directement témoin des faits dénoncés sur le lieu de travail.

S’agissant des clients, l’attestation de M. [J] fait seulement état de la dégradation de l’état de santé du salarié, sans établir de lien avec son travail.

Les attestations de Mme [XZ], laquelle affirme que la responsable de l’agence l’a appelée en septembre 2019, soit bien après la rupture du contrat de travail, et l’a incitée à dénigrer M. [T], et de M. [G], qui relate que la personne qui répondait aux appels à l’agence indiquait mensongèrement que M. [T] n’était pas présent, ne font pas état de faits de harcèlement moral subis par M. [T].

Les attestations de Mme [E], Mme [O], M. [G], M. [Y] et Mme [I], si elles font état d’un rabaissement, de pressions, d’un harcèlement ou d’un mauvais traitement de M. [T] par sa direction, ne sont pas suffisamment précises et circonstanciées pour pouvoir emporter la conviction de la cour.

M. [K] atteste enfin avoir été témoin d’une scène au cours de laquelle M. [T] a été rabaissé par l’inspectrice de l’agence, à savoir Mme [W], dans la mesure où cette dernière lui

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aurait dit au cours d’une conversation : ‘vous attendez, c’est moi d’abord’ d’un ton froid.

Mme [A] [C] témoigne seulement de faits similaires qui seraient intervenus à son encontre

ce qui ne permet pas d’établir la réalité de tels faits pour le cas particulier de M. [T].

Ainsi, à la lumière de la seule attestation suffisamment circonstanciée, à savoir celle de M. [K], relatant que l’inspectrice de l’agence ait pu s’adresser de manière froide à M. [T] devant un client, est insuffisant à établir la matérialité du quatrième fait invoqué au soutien du harcèlement moral.

M. [T] soutient finalement que les faits de harcèlement moral qu’il dénonce l’ont conduit à être placé en arrêt de travail et à prendre des antidépresseurs.

Il produit à cet effet un arrêt de travail pour la journée du 8 octobre 2018 ainsi qu’une ordonnance lui prescrivant des médicaments antidépresseurs mais celle-ci est datée du 4 mai 2021, soit plus de deux ans après les faits.

En tout état de cause, ces pièces médicales ne mettent en exergue aucune problématique de harcèlement moral entre septembre et décembre 2018.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, ne permettent pas de supposer que M. [T] a subi de son employeur des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles d’altérer sa santé.

Le jugement entrepris est donc confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

3) Sur la contestation du licenciement

a) Sur la cause du licenciement

Il résulte de l’article L. 1235-1 du code du travail que le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La cause réelle est celle qui présente un caractère d’objectivité. Elle doit être existante et exacte, ce qui oblige le juge à vérifier que d’autres faits allégués par le salarié ne sont pas la véritable cause du licenciement. La cause sérieuse est celle d’une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.

Seuls les manquements volontaires à une obligation professionnelle ou les erreurs profes-sionnelles consécutives à la mauvaise volonté délibérée du salarié peuvent être considérés comme fautifs.

L’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige. Les griefs avancés doivent être fondés sur des faits exacts, précis, objectifs et matériellement vérifiables.

À défaut, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, M. [T] a été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée du

18 janvier 2019 mentionnant les griefs suivants :

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– des actes d’insubordination, une attitude de contestation quasi-systématique, allant jusqu’à l’ingérence dans le fonctionnement de l’agence, ou le refus de respecter les consignes,

– avoir refusé, le 18 décembre 2018, de se rendre à un rendez-vous avec son supérieur

hiérarchique, M. [GU] [Z], en prétextant d’abord des rendez-vous en clientèle alors

que son agenda était initialement vide, puis en apportant une explication relative à l’hospitalisation de sa mère,

– avoir été présent, le 14 décembre 2018, en dehors des horaires d’ouverture habituels de l’agence et en procédant à sa réouverture sans l’accord de sa responsable,

– avoir, par courriel du 18 décembre 2018 adressé à Mme [W], contesté ses décisions et consignes, critiqué l’une de ses collègues et s’être ingéré dans le fonctionnement de l’agence,

– avoir eu des pratiques non conformes relatives à l’utilisation de cartes professionnelles sur lesquelles figuraient son numéro de téléphone personnel et l’utilisation du véhicule de la société A2B Assurfinance,

– des difficultés au sujet de ses congés payés le 2 novembre 2018 ayant nécessité l’arbitrage de sa responsable,

– avoir systématiquement remis en cause les réponses de sa responsable, entre le 27 novembre 2018 et la mi-décembre 2018, relatives à l’utilisation de son téléphone portable, des places pour des matchs de foot, les calendriers pour les clients et l’achat de chocolats,

– avoir refusé, le 11 décembre 2018, de se conformer à une consigne de sa responsable pour l’utilisation du ‘crédit MBA’ et aux horaires de l’agence pour les journées des 24 et 31 décembre 2018,

– avoir refusé, le 14 décembre 2018, de remettre son plan d’action commercial pour l’année 2019,

– un niveau important d’anomalies de souscription et de ‘GED’, concernant par exemple la mise en place de notes de couverture sans l’ensemble des justificatifs de souscription,

– des incohérences dans la déclaration de son activité, et plus précisément dans la saisie de ses rendez-vous, dans son agenda pour les journées des 10 et 18 décembre 2018,

– des absences injustifiées sous couvert de rendez-vous en clientèle inexistants.

Il est observé, de manière préalable, que si M. [T] soutient que la procédure de licenciement est irrégulière, il n’en tire aucune conséquence juridique, étant précisé en tout état de cause que l’absence de délégation de pouvoir du représentant de l’employeur à l’entretien préalable n’a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

S’agissant de la matérialité des griefs invoqués dans la lettre de licenciement, la première série de griefs porte sur l’existence d’un comportement incessant de contestation, notamment à l’égard de M. [Z], son responsable hiérarchique, et de Mme [W], manager, ainsi que de rapports conflictuels avec Mme [H], sa collègue.

Les pièces produites par les parties établissent l’existence d’un échange de courriels intervenu le mercredi 18 décembre 2018 entre M. [Z] et M. [T], le premier écrivant au second qu’il souhaite s’entretenir avec lui le vendredi 21 décembre à 9h30 et le remerciant de libérer son agenda. M. [T] lui a répondu : ‘je ne suis pas disponible vendredi, on s’est vu vendredi dernier toute la journée déjà’. M. [Z] a alors répondu : ‘ce matin à 12h, j’ai fait vérifier votre agenda par votre manager et aucun RDV n’était positionné. Suite à mon invitation, vous avez entré des RDV dans celui-ci. Je vous rappelle mon message : merci de décaler vos RDV car je souhaite m’entretenir avec vous ce vendredi 21 décembre à 9h30 à l’agence’, ce à quoi le salarié a répondu : ‘je ne refuse pas votre rendez-vous, mais vendredi je ne suis pas disponible, je vous emmène en rendez-vous chez le client si vous le souhaitez’. M. [Z] lui a alors écrit : ‘je pense que nous ne nous comprenons pas : en tant que votre responsable hiérarchique N+2, je vous demande d’être présent à l’agence des Marins le vendredi 21 décembre 2018 à 9h30 pour un entretien (vous n’êtes pas en congé). Merci d’annuler vos RDV. Ceci n’est pas une option !’.

Nonobstant la réponse initiale du salarié, qui caractérise une certaine insubordination, il n’est

pas contesté que M. [T] s’est finalement rendu à l’entretien auquel M. [Z] l’avait

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convoqué, de sorte que sa résistance initiale n’est pas suffisante pour caractériser un manquement fautif.

S’agissant de l’attitude de contestation qu’il aurait adoptée envers Mme [W], l’employeur se limite à se référer à des courriels envoyés par cette dernière au salarié, dans lequel elle lui adresse un certain nombre de reproches, sans que ceux-ci soient étayés par des éléments

objectifs.

Si le salarié ne conteste pas avoir entretenu des rapports conflictuels avec Mme [H], il n’est cependant pas établi qu’il en soit à l’origine. L’attestation de Mme [H], directement impliquée, et le courriel de Mme [W] du 2 juillet 2018 ainsi que celui du 3 octobre 2018 ne pouvant, à eux seuls, en l’absence d’éléments objectifs, apporter cette preuve, ce d’autant que M. [T] produit en réponse de nombreuses attestations de clients portant sur le comportement inadapté de Mme [H].

S’agissant de la deuxième série de griefs, relative à ‘la remise en cause des consignes et décisions managériales, des règles de fonctionnement en matière de cartes professionnelles, des pratiques non conformes de souscription, des problèmes de congés payés, de non-respect des horaires de l’agence et de critiques de collègues’, ainsi que l’employeur choisit de la formuler dans ses dernières écritures, il est tout d’abord reproché au salarié d’avoir fait figurer sur ses cartes de visite son numéro de téléphone mobile avec un abonnement personnel, alors qu’il bénéficiait d’un téléphone fixe professionnel, ce que ne conteste pas M. [T].

Au demeurant, pour justifier de la deuxième série de griefs, l’employeur produit uniquement des courriels envoyés par Mme [W], M. [Z] et M. [X], contenant des reproches à l’encontre de M. [T] et de son travail, et sans que ces courriels soient accompagnés des réponses du salarié.

Or, ces courriels, eu égard à l’identité des personnes dont ils émanent, à savoir des membres de l’encadrement de l’entreprise, et à l’absence d’éléments objectifs venant étayer les propos qui y sont contenus, ne peuvent suffire à apporter la preuve de la matérialité des griefs reprochés au salarié.

Cela vaut notamment pour les statistiques citées par M. [X] dans son courriel du 9 juillet 2018 et visant à démontrer les manquements professionnels de M. [T], en l’absence de production des éléments sur lesquels reposent ces chiffres.

Le tableau ‘comparatif producteurs’, en l’absence d’explications complémentaires fournies par l’employeur, ne permet pas davantage de justifier de manquements professionnels du salarié.

En ce qui concerne la troisième série de griefs relative à la ‘déclaration d’activité non conforme aux procédures applicables, aux incohérences, à la déclaration de tâches dans l’agenda ne correspondant pas à une activité réelle et aux absences injustifiées’, l’employeur fait tout d’abord valoir que M. [T] a été relancé par courriel du 6 juin 2018 pour compléter le questionnaire MMA Gestion, mais n’explique pas en quoi cette relance caractériserait l’existence d’une faute du salarié en lien avec sa déclaration d’activité.

De plus, le courriel envoyé par Mme [W] à M. [T] le 13 juillet 2018, dans lequel elle lui adresse des reproches, ainsi que les courriels envoyés par M. [Z] à M. [T] le 29 novembre 2018, dans lesquels il lui signale des anomalies dans ses dossiers, ne permettent pas, en l’absence d’éléments objectifs venant étayer les propos qui y sont connus, d’apporter la preuve du non-respect des procédures de souscription par le salarié.

Il en va de même pour les prétendues absences injustifiées du salarié, qui sont contestées par

ce dernier et sont uniquement étayées par des courriers envoyés à M. [T] par ses

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supérieurs hiérarchiques, étant précisé que les ajouts ou changements de dernière minute dans l’agenda personnel de M. [T] ne sont pas de nature à prouver qu’il y inscrivait des rendez-vous inexistants.

Il résulte donc de l’ensemble de ces considérations, auxquelles s’ajoutent l’ancienneté du salarié et l’absence de passé disciplinaire, que le licenciement de M. [T] doit être considéré comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse.

b) Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, et à défaut de réintégration dans l’entreprise employant habituellement plus de onze salariés, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est fixé entre trois et huit mois de salaire brut pour les salariés ayant huit années complètes d’ancienneté dans l’entreprise comme en l’espèce.

En l’espèce, au regard des seuls éléments portés à la connaissance de la cour, et notamment l’âge de M. [T] (40 ans) au moment de la rupture, des conditions de celle-ci, et de son niveau de rémunération tel qu’il résulte des pièces produites, il convient de lui allouer la somme de 18 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris est infirmé en ce qu’il l’a débouté de cette demande.

4) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour mise à pied vexatoire

M. [T] sollicite l’allocation d’une somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour mise à pied vexatoire, demande à laquelle s’oppose l’employeur en faisant valoir que le fait qu’il ne l’ait pas maintenue ne démontre pas son caractère vexatoire.

Cependant, même si l’employeur n’a finalement procédé à aucune retenue sur salaire, une mise à pied d’un mois alors qu’il a été précédemment constaté que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse présente un caractère vexatoire avéré à l’origine d’un préjudice moral subi par le salarié qui sera exactement réparé par l’allocation à celui-ci de la somme de 2 000 euros nets.

5) Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles

Compte tenu de ce qui précède, il sera ordonné à la société MMA Gestion de remettre à M. [T] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et des bulletins de salaire conformes au présent arrêt, dans un délai de quinze jours suivant la signification dudit arrêt, sans qu’il soit néanmoins nécessaire de prononcer une astreinte à cette fin.

Les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2019, date de réception par l’employeur de la convocation à comparaître à l’audience de conciliation, tandis que les sommes allouées à titre indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de l’arrêt.

Par ailleurs, en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, la société MMA Gestion sera condamnée d’office à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [T] du jour de son licenciement au jour de l’arrêt, dans la limite de six mois d’indemnités.

Partie principalement succombante, la société MMA Gestion est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

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L’issue de l’appel, l’équité et les circonstances économiques commandent enfin de la condamner à payer à M. [T] une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa propre demande d’indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

INFIRME la décision déférée, sauf en ce qu’elle a débouté M. [D] [T] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT le licenciement de M. [D] [T] sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SA MMA Gestion à payer à M. [D] [T] :

– 7 230 € bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre 723 € bruts au titre des congés payés afférents,

– 18 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour mise à pied vexatoire,

DIT que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2019,et que les sommes allouées à titre indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de l’arrêt,

ORDONNE à la SA MMA Gestion de remettre à M. [D] [T] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et des bulletins de salaire conformes au présent arrêt, dans un délai de quinze jours suivant la signification dudit arrêt mais DIT n’y avoir lieu à astreinte,

CONDAMNE la SA MMA Gestion à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [D] [T], du jour de son licenciement au jour de l’arrêt, dans la limite de six mois d’indemnités,

CONDAMNE la SA MMA Gestion à payer à M. [D] [T] une somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA MMA Gestion aux dépens de première instance et d’appel et la DÉBOUTE de sa propre demande d’indemnité de procédure.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE

 


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