Retenues sur salaire : 29 mars 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/06003

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Retenues sur salaire : 29 mars 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/06003

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

————————–

ARRÊT DU : 29 MARS 2023

PRUD’HOMMES

N° RG 19/06003 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LKAO

Monsieur [S] [O]

c/

SARL SECURITAS FRANCE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 octobre 2019 (R.G. n°F 18/01111) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d’appel du 14 novembre 2019,

APPELANT :

Monsieur [S] [O]

né le 01 Janvier 1971 à [Localité 4] ([Localité 4]) de nationalité Française Profession : Agent de sécurité, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Olivier MEYER de la SCP GUEDON – MEYER, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SARL Sécuritas France, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 304 497 852

représentée par Me Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, assistée de Me Marie FENIE substituant Me Magali PROVENCAL de la SELAFA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 janvier 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et Madame Bénédicte Lamarque, conseillère chargée d’instruire l’affaire,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [S] [O], né en 1971, a été engagé en qualité d’agent d’exploitation par la société ECSAS Gardiennage par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 10 mai 1999, transféré à compter du 1er novembre 2011 à la société Securitas France.

En dernier lieu, M. [O] avait la qualité d’agent de sécurité cynophile.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985.

Dans le cadre de ses missions, M. [O] recevait en fin de mois un planning prévisionnel pour le mois suivant détaillant les jours, heures et secteurs de ses vacations.

Par courrier du 4 mai 2017, M. [O] a fait part à son employeur de son refus d’appliquer le planning du mois de mai 2017, n’ayant pas été formé pour effectuer les rondes sur les sites Seveso et l’employeur ne respectant pas les accords pris par la direction avec les représentants du personnel.

La société a mis demeure une première fois M. [O] de justifier son absence depuis le 2 mai 2017, par courrier du 5 mai 2017, et une seconde fois par courrier du 10 mai 2017. M. [O] rappellera à l’employeur qu’il se tient à sa disposition pour la fixation d’un nouveau planning et informera le même jour l’inspection du travail.

Par lettre datée du 26 mai 2017, M. [O] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 13 juin 2017 avec mise à pied à titre conservatoire.

M. [O] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 19 juin 2017 en raison de ses absences non justifiées sur le mois de mai.

A la date du licenciement, M. [O] avait une ancienneté de 18 ans et 1 mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des rappels de salaires, M. [O] a saisi le 13 juillet 2018 le conseil de prud’hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 15 octobre 2019, a :

– maintenu la qualification de licenciement pour faute grave à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée de M. [O] avec la société Securitas France,

– débouté M. [O] de toutes ses demandes,

– condamné reconventionnellement M. [O] à verser à la société Securitas France la somme de 100 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– laissé les dépens à la charge de M. [O].

Par déclaration du 14 novembre 2019, M. [O] a relevé appel de cette décision, notifiée le 16 octobre 2019.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 11 février 2020, M. [O] demande à la cour de :

– réformer le jugement rendu le 15 octobre 2019 par le conseil de prud’hommes de Bordeaux en ce qu’il a maintenu la qualification de licenciement pour faute grave à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée de M. [O] avec la société Securitas France, débouté M. [O] de toutes ses demandes, condamné reconventionnellement M. [O] à verser à la société Securitas France la somme de 100 euros à titre d’indemnité sur les fondements de l’article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens à la charge de M. [O],

– dire que le licenciement pour faute grave de M. [O] en date du 19 juin 2017 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– dire que la retenue sur salaire correspondant à la période de réserve militaire du 18 février 2017 au 5 mars 2017 n’est pas conforme à l’engagement unilatéral de la société Securitas France,

– dire que la suppression de la prime d’entretien à compter de décembre 2011 s’analyse en une modification unilatérale et illicite du contrat de travail,

– condamner la société Securitas France à verser à M. [O] les sommes suivantes:

* rappel de salaire afférent à la mise à pied conservatoire : 1.106,81 euros,

* indemnité de congés payés afférents : 110,68 euros,

* indemnité compensatrice de préavis : 4.329,82 euros,

* indemnité de congés payés afférents : 432,98 euros,

* indemnité légale de licenciement : 10.223,19 euros,

* rappel de salaire au titre de mai 2017 : 1.757,13 euros,

* indemnité de congés payés afférents : 175,71 euros,

* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:

38.970,00 euros,

* rappel de salaires du 18 février au 5 mars 2017 : 537,77 euros,

* indemnité de congés payés afférents : 53,78 euros,

* prime d’entretien de juin 2014 à juin 2017 : 1.440 euros,

* indemnité de congés payés afférents : 144 euros,

* indemnité sur le fondement de l’article 700, 1°, du code de procédure civile :

3 000 euros,

– débouter la société Securitas France de ses demandes,

– condamner la société Securitas France aux dépens de première instance et d’appel.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 mai 2020, la société Securitas France demande à la cour de’:

Sur le licenciement :

A titre principal,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le licenciement pour faute grave de M. [O] était parfaitement fondé,

– débouter en conséquence M. [O] de l’intégralité de ses demandes afférentes,

A titre subsidiaire,

– dire que le licenciement de M. [O] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

– limiter le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 3.915,12 euros outre les congés payés afférents pour un montant de 391,51 euros,

– limiter le montant de l’indemnité de licenciement à la somme de 9.527,23 euros,

– limiter la demande de rappel de salaire pour absence non autorisées au cours du mois de mai 2017 à la somme de 1.528,89 euros,

– débouter M. [O] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre infiniment subsidiaire,

– limiter le montant des dommages et intérêts alloués à 6 mois de salaire ; soit 12.110,88 euros,

Sur la demande de rappel de salaire au titre de la réserve militaire :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la demande de M. [O] est infondée,

– débouter en conséquence M. [O] de sa demande,

Sur les rappels de prime d’entretien matériel :

A titre principal,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la demande de M. [O] est prescrite,

A titre subsidiaire,

– dire que la demande de M. [O] est infondée,

– le débouter en conséquence de sa demande,

Sur les frais irrépétibles et les dépens,

– condamner M. [O] à payer à la société Securitas France la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– le condamner en tous les dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 janvier 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 30 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement en date du 19 juin 2017 qui fixe l’objet du litige est ainsi rédigée :

 » Par la présente, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour faute grave suite à vos absences injustifiées depuis le 2 Mai 2017.

Malgré nos courriers recommandés des 5 mai et 10 mai 2017 vous demandant de justifier vos absences injustifiées, et 2 mises en demeure de reprendre le travail adressées par courrier recommandé et télégramme les 10 mai et 18 Mai 2017, vous persistez à ne pas reprendre votre travail sur le Centre des Opérations Local d'[Localité 3].

Vous ne vous êtes pas présenté sur votre lieu de travail à 12 reprises les 2, 3, 5, 6, 7, 8, 10, 11, 15, 16, 23, 24 et 25 Mai. Ces absences n’ont jamais fait l’objet d’une quelconque justification de votre part, ni d’un éventuel arrêt maladie qui aurait pu les expliquer.

Vous avez indiqué lors de l’entretien que vous aviez refusé votre planning du mois de mai car vous étiez planifié le 15 mai sur un secteur (Tournée 55) sur lequel vous n’étiez pas formé.

Vos explications ne modifient pas notre appréciation des faits car vous avez refusé de vous présenter à sur votre lieu de travail à 11 reprises sur le secteur 51, secteur sur lequel vous êtes formé.

Nous ne pouvons continuer à accepter cette situation. Le fait de ne plus vous présenter à votre poste de travail de façon continue depuis le 2 mai 2017, sans fournir de justificatif, constitue un manquement grave à vos obligations dans l’exécution de votre contrat de travail.

Aussi, compte tenu de la gravité des agissements fautifs qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible y compris pendant la durée de votre préavis. Cette mesure prend donc effet immédiatement et votre solde de tout compte sera arrêté à la date de présentation de cette lettre.

La période de mise à pied conservatoire qui a débuté le 27 Mai 2017 ne vous sera pas rémunérée. »

L’employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d’un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise.

L’employeur reproche à M. [O] une absence non justifiée de douze jours sur le mois de mai 2017, après trois mises en demeure, refusant délibérément d’exécuter ses fonctions.

La société conteste l’usage selon lequel les salariés pourraient contester leur planning, en dehors des seules erreurs de programmation telles que les absences pour maladie ou pour congés.

S’agissant des affectations sur les différents secteurs, la société se fonde sur la « fiche de renseignements secteurs » dans laquelle M. [O] avait indiqué avoir une préférence pour les secteurs 42, 45 et 51, choix qu’il a confirmés dans son courriel du 18 novembre 2016. La société fait toutefois valoir qu’elle n’a pas d’obligation de respecter ces préférences si les nécessités de services imposent d’affecter le salarié sur un autre secteur. Elle justifie ainsi que M. [O] a déjà été affecté sur le secteur 55 au mois de janvier 2017.

M. [O] conteste l’affectation qui lui a été notifiée sur les secteurs 51 et 55, s’appuyant sur un usage de l’entreprise quant la possibilité de demander la modification de son planning. Il produit ainsi un courriel d’avril 2013 aux termes duquel il a demandé à l’employeur de relever des erreurs sur certains jours où il était absent en raison d’un arrêt de travail pour maladie mais également pour être planifié sur le secteur 71SD alors qu’il n’était pas formé sur ce secteur ainsi qu’un courriel du 18 novembre 2016 suite à une affectation sur le secteur 55 aux termes duquel il demande qu’il soit tenu compte de ce que ce secteur ne faisait pas partie des trois secteurs qu’il faisait « habituellement ».

Le 20 avril 2017, un planning initial pour le mois de mai a été remis à M. [O]. Conformément à l’usage invoqué par M. [O] et reconnu par la société, un planning rectificatif lui a été communiqué le 27 avril 2017 en supprimant les 3 jours qui lui avaient été libérés précédemment pour raisons familiales, par accord du supérieur hiérarchique.

Le planning que M. [O] a refusé d’exécuter ne prévoyait donc plus d’erreurs en fonction de journées de congés préalablement posées, M. [O] étant affecté onze jours sur le secteur 51 et une journée sur le secteur 55.

Si M. [O] produit deux précédents courriels aux termes desquels il a porté l’attention de son employeur sur sa programmation sur un secteur non habituel il ne justifie pas de ce que l’employeur a fait droit à sa demande de changement de planning. Il est au contraire démontré que M. [O] a été affecté une fois en décembre 2016 et deux fois en janvier 2017 sur le secteur 55, sans qu’il n’ait fait alors valoir un refus total d’y travailler, aucun élément nouveau n’étant invoqué depuis lors.

Comme l’a en outre relevé la société, les secteurs contestés dans le courrier de mai 2017 correspondent à ceux sur lesquels M. [O] s’est positionné en 2016 au titre de ses « préférences ».

Il ressort par ailleurs du compte-rendu de la réunion des délégués du personnel du 16 novembre 2016 que la société ne s’est jamais engagée à ne pas affecter les salariés sur des secteurs autres que ceux mentionnés au titre de leur préférence en fonction des effectifs et des contraintes de service, répondant ainsi à la demande de mieux répartir les vacations du secteur 55 afin que ce ne soient pas toujours les mêmes qui les fassent avec la pénibilité des sites [Z] [E] et [J] :  » la direction rappelle que les planning doivent être conformes à la législation, et tenant compte des différentes dispositions y figurant ainsi que les contraintes de service, il n’est pas toujours possible de répondre à tous les critères et souhaits demandés ».

Le recours à des contrats de travail à durée déterminée sur le secteur 55 a par ailleurs été abordé lors de réunions des délégués du personnel du 26 juin 2016

Sur le différend concernant le site 51, la société ne reconnaît pas l’existence d’un engagement unilatéral pris par l’employeur de répartir les agents à tour de rôle sur le secteur 51 et ne plus y affecter M. [O].

Si M. [O] produit un courriel du 3 mai 2017 adressé par le délégué du personnel attirant l’attention de la direction sur la nécessité de trouver du personnel pour les secteurs 51 et 55 en souffrance du fait de la surcharge des rondes, l’auteur du courriel relate un engagement de répartir le secteur 51 sans que cela n’ait été fait, mais ne peut verser aux débats cet engagement unilatéral.

Il ressort des comptes-rendus des réunions des délégués du personnel qui se sont tenus sur 2016 et 2017 que les discussions de novembre 2016 ont porté uniquement sur le secteur 55, et qu’aucun engagement spécifique à M. [O] n’a été pris de ne plus l’affecter spécifiquement sur un secteur donné.

Si la pénibilité des rondes sur le secteur 51, notamment au regard de leur durée sur le site [J], a bien été évoquée lors des réunions, la société en avait alors pris note pour tenter de recruter de nouvelles personnes et de répartir les agents formés, à tour de rôle.

M. [O] a été positionné sur le secteur 51 depuis 2013 sans qu’il ne s’en soit plaint avant le refus de mai 2017.

La société verse aux débats les attestations du médecin du travail qui conclut à chaque visite à l’aptitude sans réserve de M. [O], lequel ne justifie pas d’une adaptation des rondes.

Sur le différend concernant le site 55, la société soutient que selon que les agents prénétrant ou non sur au sein des bâtiments, il faut une formation spécifique, (ainsi pour le site Breentage) ce qui n’était pas le cas de M. [O] sur [X] [E], la ronde ne se faisant que le long de la clôture du site, sans pénétration dans les bâtiments. La société soutient en tout état de cause que M. [O] a reçu une formation sur les secteurs 45 et 55 et que même si [X] [E] figurait avant 2016 sur le secteur 45, M. [O] avait indiqué ce secteur comme faisant de ses préférences.

Enfin, la société soutient avoir mis un plan de prévention des risques avec le site [X] [E] comprenant des consignes de ronde à tenir et que l’absence de signature de ce plan par M. [O] ne le lui rend pas inopposable. Toutefois la société s’étonne de ce que M. [O] n’en aurait jamais pris connaissance ayant déjà été affecté sur le site 45 et 55 ; ce plan de prévention faisant partie des documents à retirer avant le départ en tournée.

M [O] fait valoir son impossibilité d’être affecté sur le site 55 qui comprend [X] [E], classé Seveso dès lors qu’il n’a pas signé de plan de prévention des risques et qu’il n’a pas été formé pour ce secteur particulier. Il soutient que même sur le chemin de ronde il existe un risque auquel il n’a pas été formé, relevant que l’attestation de formation sur le secteur 55 produite par la société et datant de 2013 a été falsifiée. M. [O] demande que soit portée attention à la composition des différents secteurs qui a changé au fil des années, le site [X] [E] figurant avant août 2016 dans le secteur 45 et que l’attestation de formation sur le secteur 55 en 2013 ne signifie pas qu’il ait été formé aux sites Seveso.

Il n’est pas contesté par les parties que le site Asko [E], classé Seveso, faisait partie du secteur 45 jusqu’en octobre 2016, date à laquelle il a été intégré au secteur 55.

La société démontre que tous les sites Seveso ne répondent pas aux mêmes plans de prévention et que celui existant sur le site Asko [E] a été remis à jour, en concertation avec le CHSCT au cours de l’année 2017, avec précision de la conduite à tenir en cas de déclenchement du dosimètre, l’agent devant se mettre en retrait sans commencer la ronde. La société rappelle que « le plan de prévention rédigé et signé le 29 septembre 2016 ne prévoit pas d’équipement particulier car notre mission est de réaliser une ronde de clôture et ne pas s’éloigner du chemin de ronde. Il ne faut pas faire d’amalgame avec les consignes générales du site qui concernent toutes les activités et toutes les entreprises intervenant sur le site ».

Ce plan de prévention identifie précisément les zones à risque permanent que sont toutes les zones en dehors du chemin de ronde, des précautions sont indiquées pour toute personne pénétrant dans ces zones. La société Securitas France a pour interdiction de pénétrer en dehors des chemins de ronde. M. [O] ayant déjà effectué des rondes sur [Z] [E], il avait connaissance du plan de prévention et du plan du site, remis à chaque départ de ronde sur le secteur. Ces précisions sont rappelées fréquemment lors des réunions des délégués du personnel et notamment celle du 19 avril 2017.

La société démontre également que M. [O] a été formé pour intervenir sur le secteur 55 sur lequel figurait [Z] [E], ayant signé l’attestation de formation et de maîtrise des compétences, mais également sur le secteur 45 sur lequel [Z] [E] se trouvait auparavant.

Les griefs d’insubordination et d’absence non justifiée sont établis, le salarié n’ayant pas démontré qu’il existerait un usage à voir contester le planning établi par l’employeur au vu de ses préférences de zones, en l’absence de contre indication médicale et alors que M. [O] était parfaitement formé pour être affecté sur la zone sur laquelle figure [Z] [E], dont le plan de prévention, à jour, exclut le chemin de ronde des zones à risques. Ainsi, conformément au règlement intérieur qui en son article B1 qualifie de fautif le comportement de tout agent qui déclarerait ne pas vouloir assurer un service pour lequel il a été désigné dans le respect des dispositions légales et conventionnelles pour des raison de convenances personnelles non justifiées, ces manquements justifient le licenciement de M. [O], et sont d’une importance telle qu’ils rendaient impossible le maintien du salarié durant la durée du préavis.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef et des demandes financières y afférentes.

Sur les autres demandes financières liées à l’exécution du contrat de travail

– sur la demande de rappel de salaire pour les périodes appelées en qualité de réserviste

Pour voir condamner la société à lui verser la somme de 537,77 euros en rappel de salaire sur la période du 18 février au 3 mars 2017, M. [O], sur le fondement de l’article L.1224-2 du code du travail, invoque l’engagement unilatéral de l’employeur qui en 2013, s’engageait à ne pas défavoriser ni sanctionner les salariés réservistes.

La société, invoquant les articles L. 3142-89 et L. 3142-40 du même code qui ne prévoient pas la rémunération de l’absence des salariés réservistes au-delà des 5 jours d’absence, s’oppose à la demande.

Il ressort des pièces versées aux débats que l’ancien employeur de M. [O] s’était engagé par attestation du 9 avril 2004, à éviter les discriminations des salariés réservistes amenés à s’absenter, notamment en matière d’avancement ou de salaire, sans toutefois préciser s’engager sur le maintien du salaire pendant une durée supérieure aux dispositions légales prévues par l’article L. 3142-89 du code du travail. Il ne saurait être reproché à l’employeur de n’avoir pas rémunéré M. [O] sur la totalité des jours d’absence, supérieurs à 5 jours et alors que bien qu’invité à produire une attestation de son appel sous les drapeaux, il n’a produit aucun justificatif, que ses précédentes absences en qualité de réserviste avaient toujours été prises depuis 2011 sur ses jours de repos compensateurs et congés payés comme cela ressort des fiches de paie produites et que pour cet appel de 17 jours sur février et mars 2018, M. [O] a été rémunéré par le ministère de la défense à hauteur de 1.324,56 euros.

Sa demande sera par conséquent rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

– sur la demande de rappel de la prime d’entretien

M. [O] sollicite le paiement de la somme de 1.440 euros au titre du rappel de salaire correspondant à la prime « entretien matériels » de juin 2014 à juin 2017, outre l’indemnité de congés payés afférents. Se fondant sur l’article L.1224-1 du code du travail et sur l’avenant à son contrat de travail en date du 16 février 2004. Il sollicite le cumul de l’avantage contractuel qui a été transféré et de l’avantage résultant de l’accord collectif dont il a bénéficié depuis 2011 dès lors que l’avantage contractuel n’a jamais été révoqué.

M. [O] soutient que sa demande n’est pas prescrite, la demande étant un élément récurrent de salaire de sorte qu’il y a un délai de prescription spécifique pour chaque défaut de paiement mois après mois et qu’en tout état de cause lorsque le contrat de travail est rompu, la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat de travail.

La société soulève la prescription de la demande, le point de départ devant être fixé à la date à laquelle la prime a cessé d’être versée en avril 2011 qui est aussi la date à laquelle le salarié a eu connaissance de ce fait.

Sur le fond, elle fait valoir l’uniformisation des primes liées à une fonction suite à la conclusion de l’accord collectif du 12 mai 2011, dont l’article 5 met en place une prime de performance calculée en fonction de différents critères dont l’entretien du matériel, qui remplace donc cette prime ancienne spécifique. Il ne s’agissait pas d’une suppression de prime mais d’une substitution de l’avantage, et rappelle que M. [O] a continué à percevoir cette prime.

La durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance invoquée. S’agissant du rappel de salaire correspondant au paiement d’une prime, il y a lieu d’appliquer la prescription triennale.

Il résulte de la combinaison des articles L 3245-1 et 3242-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d’exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l’entreprise et concerne l’intégralité du salaire afférent au mois considéré.

La rupture du contrat datant du 19 juin 2017, le demande en rappel de salaire relative aux primes mensuelles pour la période de juin 2014 à juin 2017 n’est pas prescrite.

L’avenant au contrat de travail applicable à partir du 1er janvier 2004 prévoit que sera octroyée une prime « d’entretien matériels » mensuelle brute, dont le montant sera déterminé chaque début d’année civile, par la société. Pour l’année 2004, cette prime a été fixée à 40 euros. Son versement est subordonné à la condition que le salarié n’engage pas sa responsabilité pour toute dégradation ou perte de matériels et véhicules qui lui sont confiés ; à défaut le versement de la prime serait suspendue entre 6 et 12 mois suivant le montant des dégradations. L’avenant précise en dernière ligne que les conditions peuvent être modifiées à tout moment par la société, ce que le salarié accepte par avance.

En vertu de l’article 5 de l’accord d’entreprise du 12 mai 2011, une prime unique de performance a été instaurée et calculée à partir de différents critères dont la prise en compte du soin accordé par le salarié au matériel qui lui est confié, le respect de la prise et fin de service sur le matériel mis à sa disposition, le respect des consignes de propreté et de plein des véhicules et le bon état général du véhicule, la totalité de ces critères permettant de bénéficier de la prime fixée fixée à 310 euros par semestre.

Cette prime annuelle fixée sur des critères comprenant l’entretien du matériel, de même nature que la prime mensuelle d’entretien du matériel a fait l’objet d’une information auprès des délégués du personnel le 12 septembre 2013 de ce qu’elle se substitue à l’ancienne prime mensuelle de 40 euros. Dès lors que deux avantages de même nature ne peuvent se cumuler, l’avantage prévu par l’accord collectif, qui a la même cause ou le même objet que celui revendiqué au titre du contrat de travail mais qui est plus avantageux s’applique.

M. [O] ayant perçu une prime de performance calculée à partir de critères liés à l’entretien du matériel, d’un montant de 620 euros brute annuelle, par deux versements sur les bulletins de paie de juillet et janvier des années 2014 à janvier 2017, comme en atteste ses bulletins de salaire, ne peut solliciter en plus le paiement de la prime mensuelle d’entretien de 40 euros bruts initialement prévus en 2004 jusqu’en 2011, sauf à voir cumuler la même prime, celle perçue au titre de l’accord d’entreprise étant d’un montant supérieur de 140 euros par an.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [O], partie perdante, sera condamné aux dépens ainsi qu’au paiement à la société Securitas France de la somme complémentaire de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant, dit non prescrite la demande de paiement de la prime d’entretien;

Condamne M. [O] aux dépens,

Condamne M. [O] à verser à la société Securitas France la somme complémentaire de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard

 


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