SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 juin 2022
Rejet non spécialement motivé
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10603 F
Pourvoi n° E 21-11.128
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JUIN 2022
La société Exxonmobil Chemical France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-11.128 contre l’arrêt rendu le 10 décembre 2020 par la cour d’appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l’opposant à M. [I] [B], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Exxonmobil Chemical France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [B], après débats en l’audience publique du 18 mai 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Exxonmobil Chemical France aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Exxonmobil Chemical France et la condamne à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Exxonmobil Chemical France
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE fait grief à l’arrêt attaqué de l’AVOIR condamnée à payer à Monsieur [B] la somme de 139,75 € à titre de rappel de salaire ;
1. ALORS QUE l’employeur peut tenir compte des absences, même motivées par la grève, pour le paiement d’une prime, dès lors que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution ; que les dispositions prévoyant un maintien de la rémunération durant la maladie, sans précision quant aux éléments qui y sont inclus, n’obligent nullement au maintien des primes, ce dernier dépendant exclusivement de la nature et de l’objet desdites primes ; qu’en l’espèce, le règlement maladie ESSO RAFFINAGE prévoyait que « tout salarié ayant au moins un an de travail effectif pour cause de maladie ou d’accident reçoit (…) des indemnités à compter du premier jour d’arrêt de travail (…), le montant de ces indemnités, calculé sur la base de la dernière paye du salarié correspondant à un travail effectif, s’ajoute aux prestations versées par la sécurité sociale (…) pour former un total égal à 100 % ou à 50 % de la rémunération mensuelle de l’intéressé, conformément au barème ci-après », ledit barème étant uniquement établi en fonction de l’ancienneté du salarié, sans mention des éléments inclus dans l’assiette de la rémunération ; que le guide administratif du personnel posté en 3X8 continus prévoyait, au titre des « incidences sur le salaire » de la maladie, que « les indemnités journalières ( ) sont déduites du bulletin de salaire, l’employeur assurant le complément de la rémunération dans le cadre du plan maladie, c’est-à-dire en tenant compte de l’ancienneté pour arriver à 100 % » ; qu’ainsi, aucun de ces textes ne prévoyait un maintien des primes en cas d’arrêt maladie, mais uniquement un maintien de la rémunération mensuelle, ce qui n’avait aucune incidence sur le maintien éventuel des primes ; que, pour dire que le salarié aurait été victime de discrimination pour faits de grève, condamner l’exposante à un rappel de salaire ainsi qu’à des dommages et intérêts, la cour d’appel a retenu qu’il « ressort du règlement maladie ESSO-RAFFINAGE SAF et du guide administratif du personnel posté en 3X8 continus que les salariés absents pour maladie non professionnelle ayant plus d’une année d’ancienneté bénéficient du maintien de leur plein salaire, y compris les primes » ; que si, en statuant ainsi, la cour d’appel avait entendu retenir que le maintien de la rémunération du salarié absent pour maladie prévu par le règlement maladie ESSO-RAFFINAGE SAF et le guide administratif du personnel posté en 3X8 impliquait un maintien de ses primes, elle aurait violé l’article 1134 du code civil devenu l’article 1103, ensemble l’article L. 2511-1 du code du travail ;
2. ALORS QU’en toute hypothèse, si la cour d’appel n’avait pas entendu retenir que le maintien des primes se déduisait du seul maintien de la rémunération prévu par le règlement maladie ESSO RAFFINAGE SAF, elle aurait, en considérant que ledit règlement prévoyait un maintien des primes durant l’arrêt maladie, ce qui n’était nullement le cas, dénaturé ce règlement et méconnu l’interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;
3. ALORS QU’en toute hypothèse, si la cour d’appel n’avait pas entendu retenir que le maintien des primes se déduisait du seul maintien de la rémunération prévu par le guide administratif du personnel posté en 3X8 continus qui, indépendamment d’un tel maintien, ne prévoyait que le versement d’une « indemnité compensatrice de prime de quart » et nullement le paiement de l’ensemble des primes et en particulier de celles qui avaient été prises en considération dans la retenue pratiquée sur le salaire de Monsieur [B], à savoir les primes mensuelle et d’ancienneté, la cour d’appel aurait dénaturé le guide administratif du personnel posté en 3X8 continus et méconnu l’interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;
4. ALORS QUE l’exposante avait fait valoir, en produisant les bulletins de paie en attestant, que les primes n’étaient pas versées aux salariés durant les arrêts maladie, la règle du maintien du salaire prévue par le règlement maladie ESSO RAFFINAGE SAF n’étant que la reproduction de la règle légale issue de l’article L. 1226-1 du code du travail, n’obligeant nullement au maintien des primes ; qu’en retenant qu’il ressortait du règlement maladie ESSO RAFFINAGE SAF et du guide administratif du personnel posté en 3X8 continus, « dont l’application dans l’entreprise ne faisait l’objet d’aucune contestation par celle-ci », que les salariés absents pour maladie bénéficiaient du maintien de leur plein salaire, y compris les primes, ce qui revenait à énoncer que l’employeur n’aurait pas contesté que les primes étaient versées aux salariés durant leur arrêt maladie, la cour d’appel a dénaturé les conclusions de l’exposante et ainsi violé l’article 4 du code de procédure civile ;
5. ET ALORS QU’en application de l’article L. 1134-1 du code du travail, le juge est tenu d’examiner les éléments objectifs dont se prévaut l’employeur pour justifier de l’absence de discrimination ; qu’en l’espèce, la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE avait produit de nombreux documents et en particulier des fiches de paie d’où il résultait que l’intégralité des absences non assimilées à du temps de travail effectif (pour maladie mais également congés payés, congés divers, absences autorisées et non autorisées) étaient également traitées s’agissant des primes, qui n’étaient pas versées ; qu’en retenant l’existence d’une discrimination, sans examiner les éléments dont se prévalait l’employeur et qui étaient de nature à établir l’absence de discrimination pour faits de grève, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1134-1 du code du travail ;
6. ALORS QUE la retenue sur salaire pour faits de grève, qui doit être strictement proportionnelle à la durée de l’interruption de travail, doit être calculée sur l’horaire mensuel des salariés ; que la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE exposait que l’horaire mensuel du salarié était de 151,66 heures, en renvoyant à ses fiches de paie ; que, néanmoins, Monsieur [B] prétendait qu’il ne s’agirait que d’un horaire « théorique », l’horaire « réel » étant selon lui de 156 heures mensuelles, cet horaire mensuel n’ayant été obtenu qu’en multipliant le nombre de jours travaillés dans le mois par la durée horaire journalière, ce qui lui permettait d’effectuer un calcul par jour calendaire, et par conséquent de contourner la règle précitée de détermination de l’abattement par référence à l’horaire mensuel ; qu’en se fondant, pour fixer le montant de l’abattement, sur un horaire mensuel « effectif, réel ou assimilé » de 156 heures, qui ne procédait que d’une méthode de calcul parfaitement artificielle aboutissant à raisonner par jour calendaire, la cour d’appel n’a pas retenu une interruption strictement proportionnelle à la durée de l’interruption de travail, et a ainsi violé l’article L. 2511-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
La société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE fait grief à l’arrêt attaqué de l’AVOIR condamnée à payer à Monsieur [B] la somme de 1.000 € de dommages-intérêts au titre de la discrimination ;
1. ALORS QUE la cour d’appel s’étant fondée, pour allouer des dommages et intérêts au salarié, sur les motifs ayant justifié le rappel de salaire auquel elle a condamné l’exposante, la cassation à intervenir sur le fondement du précédent moyen de cassation entraînera celle du chef de dispositif attaqué, par application de l’article 624 du code de procédure civile ;
2. ALORS QUE dans les obligations qui se bornent au paiement d’une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l’exécution ne consistent jamais que dans une condamnation aux intérêts au taux légal ; que, pour condamner l’exposante au paiement de dommages et intérêts, la cour d’appel a retenu qu’« au-delà de la perte financière causée par l’absence de perception de la totalité de la rémunération à laquelle il était en droit de prétendre, Monsieur [B] a subi une discrimination pour avoir exercé son droit de grève » ; qu’en statuant ainsi, sans caractériser l’existence d’un préjudice indépendant du simple retard dans le paiement des salaires causé par la mauvaise foi de l’employeur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1153 du code civil devenu l’article 1231-6 ;
3. ALORS en toute hypothèse QUE la condamnation au paiement de dommages et intérêts suppose la caractérisation d’une faute et d’un préjudice en résultant ; qu’en condamnant l’exposante au paiement de dommages et intérêts pour discrimination, sans caractériser le préjudice en résultant et s’ajoutant au rappel de salaire alloué à ce titre, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil devenu l’article 1231-1.