ARRÊT DU
29 Avril 2022
N° 640/22
N° RG 19/01671 – N° Portalis DBVT-V-B7D-SP2R
MLB/AL
Article 37
de la loi du 10/07/91
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Valenciennes
en date du
25 Juin 2019
(RG 17/00023 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 29 Avril 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANTE :
Mme [I] [B]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Ioannis KAPPOPOULOS, avocat au barreau de VALENCIENNES substitué par Me Mallorie BECOURT, avocat au barreau de VALENCIENNES
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022019009634 du 24/09/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de DOUAI)
INTIMÉE :
S.A.S. EUROPE SERVICES PROPRETE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Sébastien CAP, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Gaëlle DECOUSU, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS :à l’audience publique du 19 Janvier 2022
Tenue par Muriel LE BELLEC
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Angelique AZZOLINI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Soleine HUNTER-FALCK
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Muriel LE BELLEC
: CONSEILLER
Gilles GUTIERREZ
: CONSEILLER
Le prononcé de l’arrêt a été prorogé du 25 Mars 2022 au 29 Avril 2022 pour plus ample délibéré
ARRÊT :Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 17 Novembre 2021
EXPOSE DES FAITS
Mme [I] [B], née le 31 mars 1970, a été embauchée par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de 22h50 par semaine, à compter du 30 septembre 2013, en qualité d’agent de propreté par la société Europe Services Propreté, qui applique la convention collective des entreprises de propreté et services associés et emploie de façon habituelle au moins onze salariés.
Initialement affectée sur le site de l’université des [4] à [Localité 5], Mme [B] a été mutée, suivant avenant au contrat de travail à effet du 4 mars 2016, sur le site de l’université de [Localité 5] – [Localité 3].
Elle s’est vue notifier le 22 mars 2016 une mise en garde, les 25 avril, 20 juin et 6 octobre 2016 trois avertissements et le 9 décembre 2016 une mise à pied disciplinaire de trois jours suite à un entretien auquel elle ne s’est pas présentée.
Mme [B] a été convoquée par lettre en date du 12 janvier 2017 à un entretien le 25 janvier 2017 en vue de son licenciement. A la demande de la salariée, en arrêt maladie depuis le 19 janvier 2017 et jusqu’au 3 février 2017, l’entretien préalable a été reporté au 2 mars 2017.
Par requête reçue le 24 janvier 2017, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de [Localité 5] pour obtenir des dommages et intérêts pour manquement aux obligations de prévention et de prise en compte de la souffrance au travail et du harcèlement dénoncé, ainsi que l’annulation des sanctions disciplinaires.
Mme [B] ne s’est pas présentée à l’entretien du 2 mars 2017. Son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 mars 2017.
Les motifs du licenciement tels qu’énoncés dans la lettre sont les suivants :
« Nous sommes forcés de constater que vous n’accomplissez pas ou mal vos tâches de travail, ce qui compte tenu de la multitude de vos manquements et de leur réitération, exaspère notre client et nuit gravement au sérieux et à l’image de notre société.
En effet :
– Le 12 janvier 2017, Monsieur [F] [H], directeur régional, s’est rendu sur le site à la fin de votre service.
Sur place il a constaté personnellement que nos précédentes remarques n’avaient nullement été prises en compte puisque le nettoyage était en effet bâclé de sorte que l’état de propreté de votre secteur était déplorable.
– Le 28 février 2017, notre client nous a alerté sur de nouveaux manquements de votre part (des poubelles n’avaient pas été vidées dans le couloir de l’amphithéâtre, le tableau de l’amphithéâtre était à peine effacé, des inscriptions à la craie sur un bureau de l’amphithéâtre n’avaient pas été nettoyées…) allant même jusqu’à exiger que nous mettions un terme à cette situation en procédant à votre remplacement.
Au besoin il est rappelé que ces derniers événements s’inscrivent dans un contexte où depuis que vous êtes affectée sur le site de l’université de [Localité 5] – [Localité 3] nous avons régulièrement été forcés de vous notifier de nombreuses mises en garde et sanctions disciplinaires en raison de vos manquements dans l’accomplissement de vos tâches mais également de votre attitude générale.
Ainsi :
– Le 22 mars 2016, à la suite du contrôle qualité réalisé le 15 mars précédent, nous vous avions alerté sur le non-respect des consignes de travail qui vous étaient données (nettoyage de toute la surface avec la même eau, absence de rangement du mobilier et non-respect des consignes de votre hiérarchie).
– Le 25 avril 2016, un avertissement vous a été notifié en raison de l’absence de respect de vos horaires de pause signalé par votre responsable.
– Le 20 juin 2016, un nouvel avertissement vous a été notifié à la suite d’un contrôle réalisé sur le site montrant que votre secteur n’était pas propre (corbeilles non vidées, tableaux non nettoyés, sanitaires pas entretenus) ce qui avait conduit le client à manifester son mécontentement et à dénoncer la récurrence de ces problèmes.
– Le 6 octobre 2016, un nouvel avertissement vous a été notifié à la suite d’un autre contrôle effectué sur le site.
Il avait alors été relevé que vous ne respectiez pas les instructions et n’accomplissiez toujours pas correctement votre travail (nettoyage des escaliers en présence des étudiants ce qui peut présenter des risques de chute, poubelles non vidées, déchets laissés sur le sol, tableaux non nettoyés).
Outre ces manquements, vous avez adopté lors de ce contrôle un comportement insultant et provocateur à l’égard de votre chef d’équipe alors que ce dernier vous faisait part de son mécontentement, et cela en présence du client.
– Le 9 décembre 2016, vous avez fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire de trois jours en raison du constat, le 16 novembre précédent, de l’état lamentable dans lequel se trouvait une fois de plus votre secteur d’intervention (soit très mal nettoyés avec encrassement anormal et nombreuses traces de salissure apparentes, corbeilles non vidées, cartons laissés sur le sol, nettoyage partiel des sanitaires, manquements dénoncés par le client).
Malheureusement, aucune de nos alertes n’a été prise en compte puisque vous persistez toujours dans votre attitude et avez encore récemment réitéré les mêmes comportements.
La multitude de vos manquements et leur réitération malgré nos très nombreuses mises en garde traduisent manifestement de votre part une volonté délibérée de ne pas accomplir correctement vos tâches de travail, ce qui est constitutif d’un acte d’insubordination caractérisé.
En outre, vos agissements nuisent gravement au bon fonctionnement du service ainsi qu’à l’image et au sérieux de notre société, de même qu’ils mettent en péril notre relation commerciale avec notre client.
Compte tenu de ce qui précède, notre collaboration n’est plus possible et nous nous voyons dans l’obligation de vous notifier, par la présente, la rupture de votre contrat de travail pour faute grave.»
A la suite de la rupture de son contrat de travail, Mme [B] a également demandé au conseil de prud’hommes de dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de lui accorder les indemnités de rupture, des dommages et intérêts et le remboursement de congés indûment déduits en février 2017.
Par jugement en date du 25 juin 2019 le conseil de prud’hommes a dit le licenciement pour cause réelle et sérieuse justifié, confirmé les sanctions disciplinaires prononcées, dit que la société Europe Services Propreté a failli à son obligation de mettre en place toutes les mesures nécessaires à la prévention des risques de harcèlement moral dans l’entreprise et de prendre les mesures nécessaires pour éviter la souffrance au travail dénoncée par la salariée et condamné la société à payer à Mme [B] :
5 000 euros à titre d’indemnité pour manquement aux obligations de prévention et de prise en compte de la souffrance au travail et du harcèlement dénoncé par la salariée
225,23 euros au titre de congés indûment déduits en février 2017.
Il a débouté Mme [B] du surplus de ses demandes, condamné la société Europe Services Propreté à payer à l’avocat bénéficiaire de l’aide juridictionnelle la somme de 1 000 euros en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rappelé qu’en application de ce texte l’avocat bénéficiaire dispose d’un délai de douze mois à compter du jour où le jugement est passé en force de chose jugée pour recouvrer cette somme et qu’à l’issue de ce délai, s’il n’a pas demandé le versement de tout ou partie de la part contributive de l’Etat, il est réputé avoir renoncé à celle-ci, débouté la société Europe Services Propreté de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné la société Europe Services Propreté aux dépens.
Le 23 juillet 2019, Mme [B] a interjeté appel de ce jugement.
La clôture de la procédure a été ordonnée le 17 novembre 2021.
Selon ses conclusions reçues le 21 octobre 2019, Mme [B] sollicite de la cour qu’elle infirme le jugement en ce qu’il a considéré que son licenciement était justifié, qu’elle le confirme en ce qu’il a considéré que la société a failli à son obligation de prévention et de prise en compte de sa souffrance au travail, sauf sur le quantum, et, statuant à nouveau, qu’elle dise que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, prononce l’annulation des sanctions disciplinaires, constate que la société l’a placée en congés sans soldes de manière injustifiée et sans son accord, dise que la société a failli à son obligation de prévention du harcèlement moral et la condamne aux sommes de :
– 10 000 euros à titre d’indemnité en raison du caractère illicite des sanctions notifiées
– 134,19 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied
– 13,41 euros au titre des congés payés y afférents
– 225,23 euros à titre de remboursement des congés indûment déduits en février 2017
-15 000 euros d’indemnité pour manquement à l’obligation de prévention du harcèlement moral
– 1 938,30 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis
– 193,83 euros au titre des congés payés y afférents
– 678,40 euros à titre d’indemnité de licenciement
– 17 500 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 3 000 euros, en tout état de cause, au titre de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Selon ses conclusions reçues le 13 janvier 2020, la société Europe Services Propreté sollicite de la cour qu’elle confirme le jugement sur le bien fondé du licenciement et des sanctions disciplinaires, qu’elle l’infirme en ce qu’il a dit qu’elle a failli à son obligation de prévention des risques de harcèlement moral et de prise des mesures nécessaires pour éviter la souffrance au travail et en ce qu’il l’a condamnée au paiement d’une indemnité de ce chef, ainsi qu’au paiement de sommes au titre de congés indûment déduits en février 2017 et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, statuant à nouveau de ces chefs qu’elle déboute Mme [B] de l’intégralité de ses demandes et, en tout état de cause, qu’elle la condamne à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il est référé aux conclusions des parties pour l’exposé de leurs moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L’ARRET
Sur la demande d’annulation des sanctions
Mme [B] a fait l’objet d’une mise en garde le 22 mars 2016 au motif qu’elle ne respectait pas les consignes de travail données, qu’il avait en effet été constaté lors d’un contrôle qualité effectué le 15 mars un manque de sérieux dans ses tâches puisqu’elle avait nettoyé toute la surface avec la même eau, n’avait pas rangé le mobilier et n’écoutait pas sa hiérarchie.
Le contrôle qualité évoqué n’est pas produit et le mail de M. [T], de l’université de [Localité 5], qui critique l’entretien des sanitaires effectué par Mme [B], est postérieur à la mise en garde, comme datant du 30 mars 2016, sans que sa lecture ne permette de penser qu’il constitue une confirmation écrite d’une plainte déjà formulée oralement avant le 22 mars 2016. Toutefois, la mise en garde est évoquée par Mme [B] dans son courrier du 9 mai 2016. Elle indique qu’à l’époque elle n’avait qu’un seau pour laver, pas de chariot adapté, un planning surchargé et qu’elle ne pouvait faire que son possible à 22h30 par semaine, ce qui doit s’analyser comme une reconnaissance qu’elle avait effectivement nettoyé toute la surface avec la même eau et n’avait pas rangé le mobilier. La mise en garde s’en trouve ainsi justifiée.
L’avertissement notifié le 25 avril 2016 est motivé par le constat effectué par le responsable de Mme [B], le 4 avril 2016, qu’elle prenait de longues pauses-café en regardant ses collègues travailler. Mme [B] a répondu le 9 mai 2016 que c’était « une blague, une plaisanterie », qu’elle ne prenait pas de longues pauses-café et ne passait pas son temps à regarder les autres travailler. L’employeur ne fournit aucun élément objectif permettant d’évaluer la durée des pauses-café de Mme [B] et de considérer celles-ci comme fautives. L’avertissement doit être annulé en application des articles L.1333-1 et L.1333-2 du code du travail.
L’avertissement notifié le 20 juin 2016 est motivé par le constat effectué lors d’un contrôle que le secteur dont la salariée avait la responsabilité était dans un état lamentable : corbeilles non vidées, tableaux des salles de cours non nettoyés, sanitaires pas entretenus malgré plusieurs rappels verbaux de ses supérieurs, le client s’étant plaint du non respect du cahier des charges. La société Europe Services Propreté produit un document renseigné par le gestionnaire de site le 17 mai 2016 indiquant que Mme [B] persiste toujours à ne pas faire son travail et que le contrôle qualité effectué ce jour et les photos jointes se passent de commentaires. Sont annexées plusieurs photographies montrant des tableaux non nettoyés, des poubelles pleines, des détritus sur les tables et les sols et une cuvette de toilettes souillée par de la matière fécale.
Mme [B] soutient dans ses conclusions qu’il s’agit d’une preuve que l’employeur se constitue à lui-même, qu’il n’est pas démontré que les photographies correspondent à son travail, que plusieurs agents procédaient au nettoyage, qu’il n’est pas certain que les faits lui soient imputables. Ces explications sont cependant en contradiction avec celles fournies dans son courrier du 15 juillet 2016, ce qui leur ôte tout sérieux. La salariée avait reconnu dans ce courrier l’absence de nettoyage des salles de cours et des toilettes en prétextant n’avoir pas été prévenue du retour des élèves après une période de suspension des cours et que les toilettes étaient bouchées. L’avertissement est donc justifié.
L’avertissement notifié le 6 octobre 2016 est motivé par le non respect du cahier des charges : nettoyage des escaliers à grande eau en présence des élèves, ce qui peut provoquer des chutes, alors que cette prestation doit être réalisée le soir, poubelles non vidées, déchets sur le sol, tableaux non nettoyés. Il est également reproché à Mme [B] des insultes et provocations à l’égard de son chef d’équipe en présence du client. Mme [B] a répondu le 11 octobre 2016 qu’elle respectait sa fiche de poste, répartissait son travail selon son horaire de travail, qu’elle lavait les escaliers avec une serpillière humide et non pas à grande eau, que les amphithéâtres étaient nettoyés le soir, ainsi que les tableaux, poubelles et papiers sur le sol tous les jours, qu’elle n’avait jamais provoqué Mme [C] et était correcte. La société a maintenu l’avertissement en indiquant que les photographies du site transmises par le client montraient clairement les déchets de papier et des mégots jonchant le sol à côté des poubelles non vidées, ainsi que l’encrassement des escaliers. Des photographies en ce sens sont produites, dont rien ne montre, ainsi que le souligne Mme [B], où, quand et par qui elles ont été prises. L’avertissement s’appuie toutefois sur un rapport daté du 15 septembre 2016 de M. [A], gestionnaire de site, qui relève que Mme [B] ne respecte pas sa fiche de poste, nettoie les escaliers à grande eau en présence des élèves alors que cette prestation doit être réalisée le soir, ce qui résulte effectivement de la fiche de poste annexée à l’avenant au contrat de travail de la salariée, et que les amphithéâtres sont loin d’être nettoyés (déchets sur les sols, poubelles pleines, tableaux non nettoyés). M. [A] ajoute que Mme [B] a un comportement inacceptable avec Mme [C] (insultes, provocations), que les entretiens ne servent à rien, que les anomalies sur sa prestation sont constantes et que le client l’interpelle très souvent. L’avertissement du 6 octobre 2016 est donc justifié. Le fait que M. [A] ait conclu son rapport de l’interrogation : « Est-ce que nous avons assez d’élément pour la sortir ‘ » ne démontre pas, comme le soutient Mme [B], qu’un dossier était monté contre elle mais traduit plutôt l’exaspération du gestionnaire de site, étant rappelé que la salariée avait déjà fait l’objet d’une mise en garde et d’un avertissement justifiés concernant la qualité de son travail.
La mise à pied de trois jours notifiée à Mme [B] le 9 décembre 2016 est motivée par la persistance de la salariée à ne pas réaliser ses prestations, le contrôle effectué le 16 novembre 2016 ayant révélé que le secteur dont elle avait la responsabilité était dans un état lamentable : sols encrassés avec de nombreuses traces de salissures, corbeilles non vidées, sol jonché de cartons, nettoyage partiel des sanitaires. Mme [B] a contesté ces reproches. Toutefois, la société Europe Services Propreté produit un rapport par lequel le gestionnaire de site mentionne la mauvaise qualité du travail de Mme [B], le mécontentement du client, des photos qui se passent de commentaires et qu’il ne fait que se répéter. Sont annexées à l’appui des photographies portant la date manuscrite des 24 octobre et 16 novembre 2016. De plus, ce constat est conforté par le mail du 21 novembre 2016 de M. [T] de l’université de [Localité 5] qui se plaint du mauvais entretien du site Matisse et presse M. [A] de faire le nécessaire en soulignant que cette situation n’avait jamais été constatée avant que la société Europe Services Propreté n’effectue le changement de personnel entre le bâtiment Matisse et celui des [4]. La sanction est donc justifiée et proportionnée à la faute commise compte tenu des avertissements antérieurs. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Mme [B] de sa demande de rappel de salaire au titre des jours de mise à pied.
En définitive, seul est injustifié l’avertissement du 25 avril 2016 relatif à la longueur des pauses-café de la salariée. Le préjudice occasionné à Mme [B] par la notification de cet avertissement sera indemnisé par l’octroi de la somme de 500 euros de dommages et intérêts.
Sur la demande d’indemnité pour manquement à l’obligation de prévention du harcèlement moral
Au soutien de son appel, la société Europe Services Propreté expose qu’elle a fait droit à la demande de mutation de Mme [B] qui s’était plainte le 11 février 2016 de pressions de sa supérieure hiérarchique et de la concierge de l’université sur le site les [4], sans toutefois lui avoir transmis à cette époque le certificat de son médecin, produit devant le conseil de prud’hommes, et la déclaration de main courante, produite devant la cour d’appel, que Mme [B] ne justifie d’aucun agissement de ses collègues et de sa nouvelle supérieure hiérarchique, Mme [C], sur le site de [Localité 3], qu’elle ne produit que ses propres courriers en réponse aux sanctions disciplinaires qui lui ont été notifiées et qui sont justifiées, qu’elle ne peut sérieusement prétendre n’avoir pas été reçue par son employeur alors qu’un entretien a eu lieu le 26 mais 2016 et qu’elle a refusé de se présenter aux entretiens des 28 novembre 2016, 25 janvier et 2 mars 2017, que les certificats médicaux ont été établis sur la base de ses déclarations, qu’en tout état de cause la salariée est directement responsable de la dégradation de ses conditions de travail compte tenu de ses manquements réitérés, que si les rappels à l’ordre et avertissements peuvent générer du stress, ils sont la conséquence directe des comportements de la salariée, que la médiation n’est pas une obligation légale, que la demande participe d’un stratagème destiné à paralyser les sanctions disciplinaires prononcées.
Mme [B] répond qu’elle a été victime de brimades de ses collègues de travail, sans réaction de son employeur, que ses alertes sont restées lettre morte si ce n’est que l’employeur lui a notifié de multiples sanctions injustifiées sur une courte période, que dès le mois de janvier 2016 l’objectif affiché était son licenciement, que son supérieur hiérarchique a constitué un dossier, qu’en agissant ainsi la société a incontestablement commis des agissements constitutifs d’un véritable harcèlement moral, qu’elle a alerté son employeur dès le début de l’année 2016 sur sa souffrance au travail et le comportement de Mmes [L] et [D], qu’à compter de sa mutation du 4 mars 2016, ses nouvelles collègues et notamment Mme [C] n’ont cessé de lui reprocher sa mutation, à l’origine du départ de M. [N] sur le site de [4], qu’elle a dénoncé le harcèlement moral dont elle faisait l’objet dans chacun de ses courriers de contestation des sanctions, que l’employeur n’a pas réagi, qu’il n’a mis en place aucune mesure et a laissé son état de santé se dégrader, qu’il n’a organisé ni entretien individuel ni enquête interne, qu’il n’a pas donné suite à sa demande de médiation, que de manière hypocrite, il n’a adressé qu’un courrier tardif le 9 février 2017 alors que la procédure de licenciement avait été engagée et qu’elle avait saisi le conseil de prud’hommes, que son comportement a eu des conséquences sur sa santé physique et psychologique que le conseil de prud’hommes a insuffisamment évaluées.
Mme [B] a dénoncé par lettre du 11 février 2016 la pression permanente subie de la part de Mme [L], concierge de l’université, et de Mme [D], la « petite chef d’équipe », faisant état d’une surveillance permanente de ses faits et gestes, de critiques sur le fait qu’elle ne travaillait pas et se croisait les bras, de la fouille des poches de sa blouse le 26 janvier, de reproches sur la qualité de son travail, de la disparition de ses clefs qu’elle avait oubliées sur une porte fin 2015, du vol d’une somme de 20 euros dans son sac le 11 février 2016. Elle a sollicité l’organisation d’une visite auprès du médecin du travail, en rappelant ne pas l’avoir vu depuis le 30 septembre 2013, date de début de la relation de travail, et a proposé son affectation au [Localité 3].
Elle a effectué une déclaration de main courante le 19 février 2016 pour se plaindre du harcèlement subi de la part de Mme [L] qui, selon elle, entrainant Mme [D] et d’autres personnes, inventait des choses contre elle et prétendait qu’elle faisait mal son travail.
La société Europe Services Propreté a remis à Mme [B] dès le 26 février 2016 un avenant à son contrat de travail en vue de sa mutation sur le site de [Localité 3]. Il n’apparait pas en revanche qu’une visite auprès de la médecine du travail ait été organisée.
Suite à l’avertissement, seul annulé, du 25 avril 2016, Mme [B] a rappelé à son employeur, par lettre du 9 mai 2016, les circonstances de sa mutation et indiqué que depuis qu’elle avait permuté avec M. [N], Mme [J] et Mme [M] ne l’avaient pas acceptée, qu’elles étaient désagréables avec elle, ne la saluaient pas, lui reprochaient de ne rien faire, de ne pas savoir travailler, d’être une sainte Nitouche, une connasse, une mal élevée, un cas social, considérant qu’ « on » cherchait à la licencier ou la faire démissionner pour permettre le retour de M. [N].
Dans son courrier de contestation du 11 octobre 2016 de l’avertissement du 6 octobre 2016, elle a fait part de la pression permanente subie, depuis sa mutation, de la part de Mme [J] [C], de ses crises de colère devant le personnel et les étudiants de l’université, des insultes déjà citées dans son précédent courrier et, dernièrement, des propos : « elle a de la merde au cul ». Elle a également fait état des accès de colère de M. [A] et de ses hurlements à son égard devant les étudiants et le personnel de l’université.
Par le biais d’un courrier de son avocat, le 29 novembre 2016, Mme [B] a souligné que sa souffrance au travail devait être prise en compte et proposé à la société Europe Services Propreté la mise en place d’une médiation pour apaiser le conflit l’opposant à sas collègues et, le cas échéant, sa hiérarchie, pour permettre la continuité de la relation de travail dans de bonnes conditions.
Mme [B] a fait une déclaration de main courante le 6 décembre 2016 visant les injures, hurlements et mensonges de Mme [C] à son endroit et les menaces proférées par le mari de Mme [C] à sa sortie du travail le 2 décembre 2016. Elle a précisé qu’il lui avait demandé d’arrêter d’emmerder sa femme et de la harceler, sinon il lui en mettrait une.
Ces seuls éléments, qui émanent de la salariée elle-même, et l’unique sanction annulée du 25 avril 2016 ne sont pas susceptibles, pris dans leur ensemble, de faire présumer l’existence d’un harcèlement moral, même si les certificats de son médecin traitant en date des 18 janvier et 10 décembre 2016 et du 20 janvier 2017 font état d’un syndrome anxio-dépressif rapporté au travail, avec anxiété généralisée, tristesse de l’humeur, insomnie et anorexie nécessitant un traitement anxiolytique et antidépresseur.
Toutefois, en application des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 22 septembre 2017, l’employeur, tenu d’une obligation en matière de protection de la santé mentale et physique des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité en prenant toutes les mesures nécessaires de prévention prévues par les textes susvisés et la mise en place de moyens adaptés. L’employeur qui, en application des textes précités, doit planifier la prévention en y intégrant notamment les relations sociales, a réagi rapidement lorsque Mme [B] lui a fait part de sa souffrance générée par ses relations de travail sur le site des [4], en faisant droit à sa demande de mutation sur le site de [Localité 3]. En revanche, il n’a pris aucune mesure par la suite pour remédier à la situation décrite à plusieurs reprises par Mme [B] sur le site de [Localité 3], ce que les manquements constatés de la salariée dans l’exécution de son travail ne peuvent justifier. Sa carence a participé au syndrome anxio-dépressif médicalement constaté de la salariée, ce qui justifie de confirmer le jugement y compris en son évaluation du préjudice qu’elle a subi.
Sur la demande de remboursement des congés déduits en février 2017
A l’appui de son appel, la société Europe Services Propreté fait valoir que l’appelante ne prouve nullement avoir été forcée de prendre des congés sans solde du 20 au 26 février 2017, que le bulletin de salaire de février 2017 fait état de 20,76 jours de congés payés en cours d’acquisition, que si les congés pris par Mme [B] du 20 au 26 février 2017 avaient été rémunérés au titre des congés payés en cours d’acquisition, ils auraient mécaniquement été déduits du quantum des congés payés en cours d’acquisition, que tel n’a pas été le cas puisque la salariée a reçu lors de la rupture du contrat de travail une indemnité de congés payés calculée sur la base de 22,1 jours.
Mme [B] répond qu’elle s’est vue imposer des congés sans solde pour la période du 20 au 26 février 2017, qu’elle n’a jamais consenti à cette mise en congés payés forcée et sans solde.
Le bulletin de salaire de février 2017 fait état d’une retenue de 225,23 euros pour la période du 20 février au 26 février 2017. La circonstance que ces jours ne sont pas déduits du compteur des jours de congés en cours d’acquisition s’explique par le fait que ces jours n’ont pas été considérés comme des jours de congés payés pris par anticipation mais bien comme des jours d’absence non rémunérés, sous l’appellation : « absence contractuelle ». Pour autant, la société Europe Services Propreté ne justifie d’aucun accord des parties pour que Mme [B] soit dispensée de travailler sans être rémunérée les jours considérés. C’est donc à juste titre que le conseil de prud’hommes a condamné la société Europe Services Propreté à payer à Mme [B] la somme de 225,23 euros au titre de la retenue sur salaire injustifiée de février 2017.
Sur le licenciement
En application des articles L.1232-6 et L.1234-1 du code du travail, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est motivée par le fait pour Mme [B] d’avoir persisté à ne pas correctement accomplir son travail, en dépit des sanctions antérieurement notifiées.
La société Europe Services Propreté produit un rapport établi le 12 janvier 2017 par M. [H], directeur, qui fait le constat que les escaliers, hall et amphithéâtres ne sont pas nettoyés, qu’il n’y a aucun changement et que la prestation se dégrade de plus en plus. Sont annexées diverses photographies sur lesquelles la date du 12 janvier 2017 a été ajoutée et qui montrent des sols sales, avec la présence de mégots, papiers, bouteille. Ce constat est conforté par le mail du client du 18 janvier 2017 qui se plaint que dans le bâtiment Matisse, les amphithéâtres ne sont pas entretenus correctement, que des déchets sont présents à l’ouverture des locaux, que ce soit sur les sols ou les bureaux, que le nettoyage des tours des amphis n’est pas réalisé et la poussière présente depuis plusieurs semaines.
Les griefs sont donc établis. Compte tenu des sanctions récentes et répétées notifiées à Mme [B] pour des faits semblables, ces nouveaux manquements empêchaient la poursuite du contrat de travail et justifiaient son licenciement pour faute grave. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a l’a déboutée de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité de licenciement et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les autres demandes
Il convient en application de l’article 700 du code de procédure civile d’infirmer le jugement et de porter à 2 500 euros la somme que la société Europe Services Propreté est condamnée à verser au conseil de Mme [B] au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens qu’elle aurait exposés si elle n’avait pas été bénéficiaire de l’aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :
Annule l’avertissement notifié le 25 avril 2016.
Condamne la société Europe Services Propreté à verser à Mme [I] [B] la somme de 500 euros à titre d’indemnité au titre de cet avertissement.
Condamne la société Europe Services Propreté à verser à Maître Kappopoulos la somme de 2 500 euros au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens.
Dit que si l’avocat du bénéficiaire de l’aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l’Etat, que s’il n’en recouvre qu’une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l’Etat et que si, à l’issue du délai de quatre ans à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée, il n’a pas demandé le versement de tout ou partie de la part contributive de l’Etat, il est réputé avoir renoncé à celle-ci.
Confirme pour le surplus le jugement entrepris.
Condamne la société Europe Services Propreté aux dépens.
LE GREFFIER
Séverine STIEVENARD
LE PRESIDENT
Soleine HUNTER-FALCK