Retenues sur salaire : 28 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/03073

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Retenues sur salaire : 28 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/03073

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 28 JUIN 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/03073 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CB2VZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EVRY COURCOURONNES – RG n° F19/00611

APPELANTE

Madame [L] [X] épouse [C]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Aurélien BONANNI, avocat au barreau d’ESSONNE

INTIMEE

S.A.S. MG IMMOBILIER

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Xavier WATRIN, avocat au barreau d’ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant MadameAnne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Laurence DELARBRE, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Anne HARTMANN Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé.

Mme [L] [C] épouse [X], ci après Mme [C], née en 1966, a été engagée selon un contrat à durée indéterminée à temps complet par la SAS MG Immobilier en date du 1er octobre 2015, en qualité de négociateur immobilier VRP, moyennant une rémunération d’un montant égal au minimum conventionnel, à titre d’avance sur commissions.

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale de l’immobilier et la société employait deux salariés pour les besoins de son activité.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 juin 2019, Mme [C] a pris acte de la rupture de son contrat de travail motifs pris de son impossibilité d’exercer sa véritable profession de négociateur immobilier car cantonnée à un rôle administratif, la suppression par son employeur des accès aux outils de travail et le non-versement de commissions.

Sollicitant la requalification de sa prise d’acte en licenciement aux torts de l’employeur et réclamant diverses indemnités qui en découlent outre des rappels sur commissions, Mme [L] [C] a saisi le conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes lequel par jugement rendu le 11 février 2020 auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

-DEBOUTE Mme [L] [X] de l’ensemble de ses demandes.

-DEBOUTE la SAS MG immobilier de ses demandes reconventionnelles.

-LAISSE les dépens à la charge de Mme [L] [X].

Le 9 avril 2020, Mme [L] [X] née [C] a interjeté appel de cette décision qui a été notifiée aux parties par envoi par le greffe en date du 11 mars 2020.

Selon ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 juin 2020, Mme [L] [C] épouse [X] demande à la cour de :

INFIRMER la décision entreprise par le Conseil de prud’hommes d »Evry-Courcouronnes en date du 11 février 2020 en toutes ses dispositions,

Et par conséquent,

REQUALIFIER sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

Et par conséquent,

CONDAMNER la Société MG Immobilier à lui verser à les sommes suivantes :

– Rappel de salaires sur commissions : 32.600 euros décomposé comme suit ;

*2017 : 11.000 euros ;

*2018 : 8.700 euros ;

*2019 : 12.900 euros ;

-Congés payés afférents : 3.260 euros ;

– Rappel de salaires sur absences injustifiées: 1.455,54 euros ;

– Congés payés afférents : 145,55 euros ;

-Requalification de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

-Indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 6.111,81 euros

-Dommages et intérêts pour circonstances vexatoires de la rupture : 12.223,62 euros

-Indemnité compensatrice de préavis (deux mois) : 4.074,54 euros ; Congés payés afférents : 407,45 euros ; – Indemnité légale de licenciement : 2037,27 euros ;

– Article 700 du Code de procédure civile : 3.000 euros ;

-Entiers dépens ;

-Exécution provisoire ;

-Taux d’intérêt légal avec anatocisme.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 25 septembre 2020, la SAS MG Immobilier demande à la cour de :

A titre principal :

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement entrepris rendu par le conseil de prud’hommes d’Evry le 11 février 2020.

REJETER dans leur ensemble les demandes de Mme [C] tendant au versement par la société PG Immobilier des rappels de commissions et des congés payés afférents, du rappel de salaire pour le mois de juin 2019 et des congés payés afférents, des dommages et intérêts pour circonstances vexatoires de la rupture, de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de l’indemnité légale de licenciement, de l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNER Mme [C] à lui verser la somme de 3.000 euros en application de l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A TITRE SUBSIDIAIRE,

REJETER la demande de Mme [C] au paiement des rappels de commission et des congés ^payés afférents ou en tout état de cause, la demande relative aux congés payés afférents.

RJETER la demande de Mme [C] relative aux dommages et intérêts pour circonstances vexatoires de la rupture et relative à l’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 31 mars 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

Sur la prise d’acte de la rupture

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

En cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission. Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.

L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d’examiner les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Au soutien de sa prise d’acte, Mme [C] invoque le fait qu’elle n’a jamais pu exercer la fonction prévue à son contrat de travail faute pour son employeur d’avoir sollicité la concernant une attestation d’habilitation, toute la clientèle étant captée par M. [W], le gérant, elle-même n’étant pas joignable par les clients de l’agence et étant cantonnée à des tâches purement administratives. Elle ajoute que depuis le 6 juin 2019 suite à un incident avec M. [W] daté du 22 mai 2019, ce dernier a bloqué ses accès à sa boîte mail de l’agence immobilière mais aussi au logiciel « Immo Facile ». Elle dénonce par ailleurs le non-paiement de commissions dont elle réclame le règlement, en rappelant que l’employeur lui a versé à ce titre fin 2018 un montant de 10.000 euros et en chiffrant son droit à 20% de la moitié du chiffre d’affaires de la société intimée, mais aussi un climat de violence particulièrement le 22 mai 2019 ainsi qu’une retenue de salaire du mois de juin 2019. Elle déplore également le tabagisme de M. [W], l’absence de visite médicale d’embauche et l’absence de formation obligatoire à la loi ALUR.

Il est constant que Mme [L] [C], qui a vécu avec M. [W] avec lequel elle a eu un enfant, a été engagée selon un contrat à durée indéterminée à temps complet par la SAS MG Immobilier en date du 1er octobre 2015, en qualité de négociateur immobilier VRP, moyennant une rémunération sur 13 mois d’un montant égal au minimum conventionnel, déductible du montant des commissions sur toutes les affaires réalisées par son intermédiaire. Il était expressément stipulé qu’à l’issue de la période d’essai un objectif serait défini en accord entre les parties.

Les parties s’accordent pour admettre que malgré le contrat précité, Mme [C] n’a en réalité occupé que des fonctions administratives, sans réelles attributions commerciales et sans qu’elle ne proteste sur ce point jusqu’à la prise d’acte suite à l’altercation survenue le 22 mai 2019, de sorte qu’il convient d’estimer avec les premiers juges que ce grief est en tout état de cause trop ancien pour que sa gravité soit retenue.

Il est en revanche établi que l’employeur n’a pas versé à Mme [C] la rémunération contractuellement convenue et ne lui a fixé aucun objectif, ces manquements concernant la rémunération étant à eux seuls des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite de la relation contractuelle et pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur emportant, par infirmation du jugement déféré, les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs.

Sur les prétentions financières

Sur les rappels de salaire

Pour infirmation du jugement déféré, Mme [X] se fondant sur l’article 3 du contrat de travail rappelant les conditions de calcul des commissions, réclame 20% du chiffre d’affaires réalisé par la société MG Immobilier pour les exercices 2017, 2018 (en déduisant un versement de 10.000 euros) et 2019 incluant les ventes à conclure au moment de la rupture soit un total de 32.600 euros majoré de 3.260 euros de congés payés afférents.

Pour confirmation de la décision, l’employeur réplique que l’appelante ne peut prétendre à aucune commission, faute d’avoir effectué un travail de négociateur immobilier ou d’avoir apporté une quelconque affaire à l’agence.

Il est constant que Mme [X] a été engagée en qualité de VRP, moyennant aux termes de l’article 3 du contrat, outre un salaire au moins égal au minimum résultant de la convention collective et un treizième mois, d’un pourcentage sur le montant des commissions hors TVA, encaissées mensuellement par l’agence (en moyenne 20%).

Il était expressément stipulé contrairement à ce que soutient l’employeur qu’à l’issue de la période d’essai un objectif serait défini en accord entre les parties.

Il est constant que l’employeur ne peut se prévaloir du fait que la salariée n’a pas été mise en mesure d’effectuer les tâches pour lesquelles elle a été engagée et qu’aucun objectif ne lui a été fixé pour s’opposer au paiement des commissions non contestées dans leur quantum d’autant qu’il n’est pas contesté qu’en 2018, il a ainsi versé à l’appelante la somme de 10.000 euros à titre de commissions. Il sera par infirmation du jugement déféré fait droit à la demande non contestée dans son quantum.

Sur les conséquences de la rupture

La prise d’acte de la rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvre droit aux indemnités de rupture.

Ainsi Mme [C] est en droit de prétendre :

– à l’indemnité compensatrice de préavis équivalent, par application de l’article L.1234-1 du code du travail en l’absence de convention collective applicable aux deux mois, (au vu des fiches de paye) de salaire qu’elle aurait perçus si elle avait exécuté son préavis, soit 4.074,54 euros outre la somme de 407,45 euros de congés payés afférents ;

– à l’indemnité légale de licenciement, soit 2.037,27 euros.

En application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre 1 et 4 mois du salaire brut du salarié en l’espèce.

A la date de la rupture, Mme [C] était âgée de 53 ans et bénéficiait d’une ancienneté de 4 ans. Elle ne précise pas sa situation postérieure à la rupture. Dès lors et au vu des bulletins de salaire produits, il convient d’allouer à Mme [C] la somme de 3.000 euros d’indemnité en réparation de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme [C] réclame une indemnité de 12.223,62 euros pour circonstances vexatoires de la rupture en faisant valoir que le gérant de la société a fait preuve de violence morale à son égard et l’a privée de sa prestation de travail afin de la pousser à la démission.

L’employeur s’oppose à cette demande répliquant que la salariée n’a jamais été privée de ses outils de travail.

S’il résulte des débats qu’un incident est survenu le 22 mai 2019 entre les parties, la cour retient que l’appelante ne justifie pas pour autant des circonstances vexatoires du licenciement qu’elle invoque ni d’un préjudice distinct de celui réparé par l’indemnité de rupture accordée. C’est à juste titre qu’elle a été déboutée de sa demande d’indemnité à ce titre.

Sur la demande de rappel de salaire pour le mois de juin 2019

Pour infirmation du jugement déféré, Mme [C] conteste la retenue sur salaire effectuée par l’employeur sur le salaire de juin 2019 en faisant valoir qu’elle a compte-tenu de l’incident survenu le 22 mai 2019 effectué sa prestation en télétravail. Elle produit pour preuve des courriels justifiant selon elle de son activité.

Pour confirmation de la décision, l’employeur réplique que la salariée qui ne s’est pas présentée sur son lieu de travail sans autorisation n’a effectué aucune prestation laquelle ne saurait être déduite de l’envoi de quelques SMS et n’a pas justifié de ses absences.

Au constat que la salariée ne conteste pas ne pas s’être présentée sur son lieu de travail sans pouvoir justifier d’une autorisation de fournir sa prestation en télétravail, c’est à bon droit qu’elle a été déboutée de sa demande de paiement de rappel de salaire pour le mois de juin 2019. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le cours des intérêts

La cour rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

Sur les autres dispositions

Compte tenu de la nature de la présente décision qui n’est susceptible que d’un pourvoi en cassation, recours qui est dépourvu d’effet suspensif, il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

Partie perdante, la SAS MG Immobilier est condamnée aux dépens d’instance et d’appel, le jugement déféré étant infirmé sur ce point et à verser à l’appelante une somme de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, elle-même étant déboutée de sa demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a rejeté les demandes d’indemnité pour circonstances vexatoires de la rupture et de rappel de salaire pour le mois de juin 2017.

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

JUGE que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

CONDAMNE la SAS MG Immobilier à payer à Mme [L] [C] épouse [X] les sommes suivantes :

-32.600 euros de rappels de commissions pour les années 2017,2018 et 2019 majorés de 3.260 euros de congés payés ;

– 4.074,54 euros outre la somme de 407,45 euros de congés payés afférents à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 2.037,27 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;

-3.000 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

RAPPELLE que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

DEBOUTE Mme [L] [C] épouse [X] du surplus de ses prétentions.

DEBOUTE la SAS MG Immobilier de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SAS MG Immobilier aux dépens d’instance et d’appel.

La greffière, La présidente.

 


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