28 FEVRIER 2023
Arrêt n°
ChR/NB/NS
Dossier N° RG 20/00879 – N° Portalis DBVU-V-B7E-FNOS
[A] [W] épouse [K], Syndicat CGT & BVAD
/
Association BIEN VIVRE A DOMICILE, S.E.L.A.R.L. MJ DE [Localité 5], S.E.L.A.R.L. GLADEL Es qualité de « Administrateur judiciaire » de la « association BVAD »
jugement au fond, origine conseil de prud’hommes – formation paritaire de montlucon, décision attaquée en date du 12 juin 2020, enregistrée sous le n° f19/00011
Arrêt rendu ce VINGT HUIT FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Sophie NOIR, Conseiller
Mme Karine VALLEE, Conseiller
En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
Mme [A] [W] épouse [K]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Représenté par Me Eric NURY de la SCP GIRAUD-NURY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, Avocat constitué
Syndicat CGT & BVAD
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Eric NURY de la SCP GIRAUD-NURY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, Avocat constitué
APPELANTS
ET :
Association BIEN VIVRE A DOMICILE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Remy MASSET de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de CUSSET/VICHY, Avocat constitué
S.E.L.A.R.L. MJ DE [Localité 5]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Remy MASSET de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de CUSSET/VICHY, Avocat constitué
S.E.L.A.R.L. GLADEL Es qualité de « Administrateur judiciaire » de la « association BVAD »
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Non comparant, ni représenté
INTIMES
RG N°20/879
M. RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller, arès avoir entendu M. RUIN, Président en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 12 Décembre 2022, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
L’association BIEN VIVRE A DOMICILE (ci-après désignée association BVAD), dont le siège social est situé à [Localité 9], est une association loi de 1901 dont la gouvernance est assurée par un conseil d’administration bénévole et dont l’objectif poursuivi consiste en la réalisation de prestations d’aide à domicile auprès de particuliers domiciliés dans le département de [Localité 5], soit l’accompagnement à domicile dans les gestes de la vie quotidienne. Ces services sont l’aide à la vie quotidienne, l’aide à la personne, l’aide relationnelle et sociale, la garde à domicile et l’aide administrative (entretien de la maison, ménage, repassage, cuisine, jardinage, aide aux repas, courses, déplacements divers, garde d’enfants, soutien scolaire, toilette, lever, coucher, habillage, déplacements, loisirs, lecture, compagnie, animation, accompagnement aux rendez-vous…). L’association BVAD employait à l’époque considérée environ 200 salariés, notamment sur les sites de [Localité 8] et de [Localité 7].
Madame [A] [W], épouse [K], née le 3 octobre 1968, a été embauchée à compter du 1er juin 2006 par l’association BVAD en qualité d’employée de bureau, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet. Elle était affectée sur le site de [Localité 8]-[Localité 9]. Par avenant au contrat de travail, elle a été promue au poste d’assistante technique à compter du 1er septembre 2012, puis, par un nouvel avenant, elle a été promue, à compter du 1er janvier 2015, au poste de responsable de secteur (ancienneté au 1er juin 2005).
Par courrier daté du 8 octobre 2015, Madame [A] [W], épouse [K], a notifié à l’employeur qu’elle exerçait son droit de retrait à effet immédiat. Dans cette lettre, la salariée expose que depuis plusieurs mois ses conditions de travail se sont dégradées, qu’elle travaille dans un climat de mépris, de suspicion, de non-dit, de chantage à l’emploi, de manque de reconnaissance et de paroles vexatoires, qu’elle subit en conséquence une pression de plus en plus pesante entraînant un manque de concentration et un stress permanent qui fragilisent beaucoup son moral et son état mental, que cette situation nuit à sa santé, surtout psychologiquement, et qu’il lui est impossible de replonger dans une telle détresse.
Par courrier recommandé daté du 9 octobre 2015, l’employeur prenait acte de l’exercice d’un droit de retrait par Madame [A] [W], épouse [K], mais, contestant l’existence d’un danger grave et imminent, sommait la salariée de reprendre son poste sans délai. L’association BVAD indiquait à Madame [A] [W], épouse [K], qu’elle était conviée à une réunion de l’ensemble du personnel administratif le lundi 12 octobre 2015, réunion ayant pour objet de présenter une nouvelle organisation du travail, avec la réalisation envisagée d’un audit par un cabinet externe si le financement nécessaire est réuni.
Par courrier recommandé daté du 13 octobre 2015, l’association BIEN VIVRE A DOMICILE interpellait Madame [A] [W], épouse [K], quant à son absence à son poste de travail et sur le fait que la salariée ne s’était pas présentée à la réunion du 12 octobre. L’employeur sommait la salariée de reprendre au plus vite son poste, alors que l’action concertée menée avec ses collègues pénalisait gravement l’organisation du travail et risquait de laisser des bénéficiaires en déshérence. L’employeur indiquait qu’il ne pouvait maintenir la rémunération de la salariée en pareille situation.
Par courrier daté du 15 octobre 2015 adressé à Madame [A] [W], épouse [K], l’association BVAD relevait que la salariée n’avait toujours pas repris le travail et la sommait de reprendre son poste sans délai, son absence étant considérée comme fautive. L’employeur indiquait à la salariée qu’il organisait une seconde réunion le lundi 19 octobre 2015 à 10h30 au siège de l’association et la priait d’y assister (‘Cette réunion a précisément pour objet de traiter de l’organisation de votre activité, vous pourrez à cette occasion nous préciser quels sont les points qui vous ont conduit à considérer que vous deviez vous retirer de votre situation de travail. Aucune situation vécue comme une difficulté ne peut être traitée si elle n’est pas exposée.’).
Par courrier recommandé daté du 22 octobre 2015, Madame [A] [W], épouse [K], a été sommée par l’employeur de reprendre le travail au plus tard le lundi 26 octobre 2015. L’employeur indiquait à la salariée qu’un audit d’organisation allait intervenir et que l’inspecteur du travail allait diligenter une enquête interne.
Par courrier recommandé daté du 27 octobre 2015, Madame [A] [W], épouse [K], a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 5 novembre suivant.
Par courrier daté du 30 octobre 2015, Madame [A] [W], épouse [K], répondait à l’employeur qu’elle exerçait son droit de retrait depuis le 8 octobre 2015.
Par courrier recommandé daté du 9 novembre 2015, Madame [A] [W], épouse [K], a été licenciée pour faute grave.
Le 17 mai 2016, Madame [A] [W], épouse [K], a saisi le conseil de prud’hommes de MOULINS aux fins notamment de voir juger licite et bien fondé l’exercice de son droit de retrait et dire en conséquence nul et en tout état de cause, sans cause réelle et sérieuse, le licenciement pour faute grave qui lui a été notifié, outre obtenir l’indemnisation afférente.
L’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation s’est tenue en date du 4 juillet 2016. Au cours de celle-ci a été demandé à l’employeur de procéder à la communication des éléments ayant conduit au licenciement de la salariée, la mise en demeure de la DIRECCTE ainsi que le résultat du recours formé par celui-ci auprès du Ministre du travail.
Le 16 août 2016, Monsieur [T], président de l’association BVAD, a demandé au tribunal de grande instance de MOULINS l’ouverture d’une procédure de sauvegarde. Par jugement du 27 septembre 2018, le tribunal a prononcé l’ouverture d’une procédure de sauvegarde en faveur de l’association BVAD, désigné la SELARL MJ DE [Localité 5] en qualité de mandataire judiciaire, désigné la SELARL GLADEL en qualité d’administrateur judiciaire. Par jugements des 7 mars et 19 septembre 2019, le tribunal a prolongé la période d’observation. Par jugement du 5 décembre 2019, le tribunal de grande instance de MOULINS a homologué le plan de sauvegarde de l’association BVAD, fixé la durée du plan à cinq ans, maintenu la SELARL MJ DE [Localité 5] en qualité de mandataire judiciaire, désigné la SELARL GLADEL en qualité de commissaire à l’exécution du plan.
Le 18 janvier 2019, le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de MOULINS a ordonné la radiation de l’instance du rang des affaires en cours du fait du défaut de diligences des parties. Cette affaire a ensuite été réinscrite le 27 janvier 2019 sur demande de Madame [A] [W], épouse [K]. Le syndicat CGT de l’association BVAD ainsi que les organes de la procédure collective concernant l’association sont intervenus dans la procédure prud’homale. L’affaire a été dépaysée devant le conseil de prud’hommes de MONTLUCON. Les parties ont été convoquées devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de MONTLUCON (signature des avis de réception le 26 février 2019).
Par jugement rendu contradictoirement le 12 juin 2020 (audience du 22 novembre 2019), le conseil de prud’hommes de MONTLUCON (section encadrement) a :
– dit que l’usage du droit de retrait par Madame [A] [W], épouse [K], n’est pas justifié ;
– dit que le licenciement pour faute grave de Madame [A] [W], épouse [K], est justifié ;
– débouté en conséquence Madame [A] [W], épouse [K], de ses demandes à titre de rappel de salaires, d’indemnité de préavis, d’indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
– débouté Madame [A] [W], épouse [K], de sa demande de dommages et intérêts pour transmission tardive de son attestation Pôle Emploi ;
– débouté Madame [A] [W], épouse [K], de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifiés ;
– débouté le syndicat CGT de sa demande indemnitaire et de celle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté Madame [A] [W], épouse [K], de sa demande d’exécution provisoire au titre de l’article 515 du code de procédure civile ;
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.
Le 19 juillet 2020, Madame [A] [W], épouse [K], et le syndicat CGT & BVAD ont interjeté appel de ce jugement qui leur a été notifié à leurs personnes le 23 juin 2020.
Vu les conclusions notifiées à la cour le 12 janvier 2021 par l’association BIEN VIVRE A DOMICILE et la SELARL MJ DE [Localité 5] agissant en qualité de commissaire à l’exécution du plan,
Vu les conclusions notifiées à la cour le 8 septembre 2022 par Madame [A] [W], épouse [K], et le syndicat CGT de l’association BVAD,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 12 septembre 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs dernières écritures, Madame [A] [W], épouse [K], et le syndicat CGT de l’association BVAD concluent à la réformation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demandent à la cour de :
– juger que le droit de retrait exercé par Madame [A] [W], épouse [K], à compter du 8 octobre 2015 est justifié ;
– condamner l’association BVAD à verser à Madame [A] [W], épouse [K], les salaires courus du 8 octobre au 9 novembre 2015, soit la somme de 1.965,28 euros augmentée des congés payés afférents (196,52 euros) ;
– déclarer le licenciement de Madame [A] [W], épouse [K], nul et de nul effet à tout le moins sans cause réelle et sérieuse ;
– condamner l’association BVAD à verser à Madame [A] [W], épouse [K], les sommes de :
* 3.930,56 euros à titre d’indemnité de préavis, outre 393,05 euros au titre des congés payés afférents,
* 3.930,56 euros à titre d’indemnité de licenciement,
* 41.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner l’association BVAD à verser à Madame [A] [W], épouse [K], la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts pour retard apporté à la transmission de l’attestation Pôle Emploi ;
– condamner l’association BVAD à remettre à Madame [A] [W], épouse [K], sous astreinte de 20 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir (que la cour fixera et se réservera le droit de liquider), certificat de travail et attestation Pôle Emploi conformes à l’arrêt à intervenir ;
– condamner l’association BVAD à verser au syndicat CGT de l’association BVAD la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que celle de 2.500. euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner l’association BVAD aux dépens.
Les appelants exposent que les délégués du personnel ainsi que le CHSCT de l’association BVAD ont lancé un droit d’alerte le 12 juin 2015 relativement à la manifestation de souffrance au travail par consignation sur le registre dédié, qu’a défaut de solution en suite de l’enquête commune réalisée, la DIRECCTE a mis en demeure l’employeur le 3 février 2016 de se conformer aux prescriptions des articles L. 4121-1 à L. 4121-5 du code du travail en procédant à l’évaluation des risques d’atteinte à la santé mentale des salariés existants dans l’établissement, d’élaborer et mettre en oeuvre un plan d’action prenant en compte les résultats de l’évaluation et le respect des principes généraux de prévention, au motif que plusieurs salariés se trouvaient en état de souffrance psychologique manifeste, qu’existaient des risques psychosociaux au sein de l’association et que les mesures prises par celle-ci se contentaient d’assurer la prise en charge des salariés en difficulté sans prévoir un ensemble cohérent de nature à supprimer ou réduire les risques identifiés. Ils ajoutent que l’annulation de la décision de la DIRECCTE le 19 avril 2016 en suite du recours hiérarchique formé, était motivée uniquement par l’absence de rapport de l’inspecteur du travail constatant une situation dangereuse et non à raison de l’absence de toute situation dangereuse effective. Ils renvoient par ailleurs aux conclusions de l’audit CAPITAN duquel s’évince la confirmation de la situation de souffrance au travail des salariés et a été mise en relief l’existence d’un conflit interne. Ils précisent par ailleurs verser aux débats le rapport SEVAFI établi en septembre 2017 corroborant ces situations.
Ils expliquent ainsi que la salariée a exercé son droit de retrait par courrier remis le 8 octobre 2015 à l’employeur et considèrent que ce droit peut être exercé dès lors que la salariée justifie d’un motif raisonnable de considérer qu’existe un danger grave et imminent pour sa santé ou sa sécurité. Ils considèrent par ailleurs parfaitement légitime l’exercice de ce droit au cas présent à raison tant de la souffrance au travail à laquelle Madame [A] [W], épouse [K], était exposée que les tensions sociales internes auxquelles elle a été confrontée dans l’exercice de ses fonctions.
Ils soutiennent qu’à raison du bien fondé de l’exercice de son droit de retrait par la salariée, aucune sanction disciplinaire ne pouvait lui être infligée par l’employeur. Ils contestent ainsi le bien fondé du licenciement qui lui a été notifié et excipent en tout état de cause de l’absence de toute objectivation par l’employeur des griefs de licenciement mentionnés dans le courrier de notification du licenciement.
Ils réclament ainsi le paiement en faveur de Madame [A] [W], épouse [K], des salaires courus sur la période du 8 octobre au 9 novembre 2015, outre des indemnités légales et l’indemnisation du préjudice subi.
S’agissant de l’intervention du syndicat CGT de l’association BVAD, ils soutiennent que l’employeur a commis de graves manquements à ses obligations notamment s’agissant de la santé de ses salariés et concluent ainsi à la recevabilité de son intervention à la présente procédure. Ils sollicitent par ailleurs la condamnation de l’employeur à lui verser la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi, outre 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières écritures, l’association BIEN VIVRE A DOMICILE et la SELARL MJ DE [Localité 5] en qualité de commissaire à l’exécution du plan, concluent à la confirmation du jugement et demandent à la cour de :
– juger que l’usage du droit de retrait est manifestement abusif et que la faute grave est caractérisée, par conséquent débouter Madame [A] [W], épouse [K], de sa demande de nullité du licenciement ou à tout le moins de reconnaissance du caractère abusif de celui-ci, ainsi que de l’ensemble des demandes indemnitaires et de rappel de salaires afférentes ;
– débouter Madame [A] [W], épouse [K], de sa demande de 300 euros pour transmission tardive de son attestation Pôle Emploi et confirmer le jugement ;
– débouter Madame [A] [W], épouse [K], de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouter le syndicat CGT de sa demande indemnitaire de 1.000 euros et de celle de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les intimés font valoir que le droit d’alerte lancé par le CHSCT le 12 juin 2015 ne corrobore en rien les allégations de souffrance au travail de Madame [A] [W], épouse [K], dès lors qu’il se contente d’évoquer des départs sans en préciser toutefois le contexte et le motif, que l’association a formé un recours hiérarchique à l’encontre de la décision de la DIRECCTE en l’absence de tout danger grave et imminent pour les salariés susceptible de légitimer l’exercice de leur droit de retrait et que le ministre du travail a annulé ladite décision à défaut de rapport de l’inspecteur du travail. Ils contestent ainsi le bien fondé de l’exercice de ce droit par la salariée et indiquent que l’employeur poursuivi de nombreux efforts afin d’assurer un meilleur fonctionnement de l’association et apaiser les rapports entre les encadrants et les aides à domicile.
Ils considèrent subséquemment bien fondé le licenciement notifié pour faute grave à la salariée dès lors que celle-ci a été absente de poste de travail sans motif légitime et qu’elle n’a pas repris l’exercice de ses fonctions en dépit des relances qui lui ont été adressées et qui sont demeurées sans réponse.
Ils réfutent le bien fondé de la demande présentée par la salariée au titre de la tardiveté de la transmission de l’attestation Pôle Emploi et se prévalent de l’absence de tout élément objectif venant étayer ses allégations.
Ils concluent enfin au débouté du syndicat CGT BVAD en l’absence de tout manquement avéré de sa part.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS
– Sur le droit de retrait –
Tous les employeurs de droit privé sont tenus de respecter les règles de santé et de sécurité prescrites par le code du travail. L’employeur est tenu en principe vis-à-vis des salariés d’une obligation de sécurité dont il doit assurer l’effectivité. L’employeur doit exécuter son obligation de sécurité comme suit (conditions cumulatives) : – de façon générale vis-à-vis de tous ses salariés par les actions en matière d’évaluation, de prévention, de formation, d’information, d’adaptation (prévention du risque) ; – de façon particulière dès qu’il est informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un atteinte à la sécurité ou la santé, physique et mentale, d’un salarié, en prenant les mesures immédiates propres à les faire cesser (cessation du risque).
La responsabilité de l’employeur est engagée vis-à-vis des salariés (ou du salarié) dès lors qu’un risque pour la santé ou la sécurité des travailleurs (du travailleur) est avéré. Il n’est pas nécessaire que soit constatée une atteinte à la santé, le risque suffit. En cas de risque avéré ou réalisé pour le travailleur, l’employeur engage sa responsabilité, sauf s’il démontre qu’il a pris les mesures générales de prévention nécessaires et suffisantes pour l’éviter, ce qu’il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement. Le salarié peut solliciter des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Les règles en matière de droit de retrait sont fixées par le code du travail dans la partie consacrée à la santé et sécurité au travail.
Aux termes de l’article L. 4131-1 du code du travail :
‘Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.
Il peut se retirer d’une telle situation.
L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection.’
Aux termes de l’article L. 4131-2 du code du travail : ‘Le représentant du personnel au comité social et économique (avant le 1er janvier 2018 : au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), qui constate qu’il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, en alerte immédiatement l’employeur selon la procédure prévue au premier alinéa de l’article L. 4132-2.’
Aux termes de l’article L. 4131-3 du code du travail : ‘Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d’eux.’
Aux termes de l’article L. 4132-1 du code du travail : ‘Le droit de retrait est exercé de telle manière qu’elle ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent.’
Aux termes de l’article L. 4132-2 du code du travail :
‘Lorsque le représentant du personnel au comité social et économique (avant le 1er janvier 2018: au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) alerte l’employeur en application de l’article L. 4131-2, il consigne son avis par écrit dans des conditions déterminées par voie réglementaire.
L’employeur procède immédiatement à une enquête avec le représentant du comité social et économique (avant le 1er janvier 2018 : du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui lui a signalé le danger et prend les dispositions nécessaires pour y remédier.’
Aux termes de l’article L. 4132-3 du code du travail :
‘En cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser, notamment par arrêt du travail, de la machine ou de l’installation, le comité social et économique (avant le 1er janvier 2018 : le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) est réuni d’urgence, dans un délai n’excédant pas vingt-quatre heures.
L’employeur informe immédiatement l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L. 8112-1 et l’agent du service de prévention de la caisse régionale d’assurance maladie, qui peuvent assister à la réunion du comité social et économique (avant le 1er janvier 2018 : du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.’
Aux termes de l’article L. 4132-4 du code du travail :
‘A défaut d’accord entre l’employeur et la majorité du comité social et économique (avant le 1er janvier 2018 : du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) sur les mesures à prendre et leurs conditions d’exécution, l’inspecteur du travail est saisi immédiatement par l’employeur.
L’inspecteur du travail met en oeuvre soit l’une des procédures de mise en demeure prévues à l’article L. 4721-1, soit la procédure de référé prévue aux articles L. 4732-1 et L. 4732-2.’
Selon l’article L. 4721-1 du code du travail, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, sur le rapport de l’agent de contrôle de l’inspection du travail constatant une situation dangereuse, peut mettre en demeure l’employeur de prendre toutes mesures utiles pour y remédier, si ce constat résulte : 1° D’un non-respect par l’employeur des principes généraux de prévention prévus par les articles L. 4121-1 et suivants ; 2° D’une infraction à l’obligation générale de santé et de sécurité résultant des dispositions de l’article L. 4221-1.
Selon l’article L. 4732-1 du code du travail, indépendamment de la mise en oeuvre des dispositions de l’article L. 4721-5, l’inspecteur du travail saisit le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque, telles que la mise hors service, l’immobilisation, la saisie des matériels, machines, dispositifs, produits ou autres, lorsqu’il constate un risque sérieux d’atteinte à l’intégrité physique d’un travailleur résultant de l’inobservation des dispositions suivantes de la présente partie ainsi que des textes pris pour leur application).
Selon l’article L. 4732-1 du code du travail, pour les opérations de bâtiment ou de génie civil, lorsqu’un risque sérieux d’atteinte à l’intégrité physique d’un intervenant sur le chantier résulte, lors de la réalisation des travaux, ou peut résulter, lors de travaux ultérieurs, de l’inobservation des dispositions incombant au maître d’ouvrage prévues au titre Ier du livre II et de celles du titre III du livre V ainsi que des textes pris pour leur application, l’inspecteur du travail saisit le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser ou à prévenir ce risque.
Aux termes de l’article L. 4132-5 du code du travail : ‘L’employeur prend les mesures et donne les instructions nécessaires pour permettre aux travailleurs, en cas de danger grave et imminent, d’arrêter leur activité et de se mettre en sécurité en quittant immédiatement le lieu de travail.’
Aux termes de l’article D. 4132-1 du code du travail :
‘L’avis du représentant du personnel au comité social et économique (avant le 1er janvier 2018: au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), prévu à l’article L.4131-2 est consigné sur un registre spécial dont les pages sont numérotées et authentifiées par le tampon du comité.
Cet avis est daté et signé. Il indique :
1° Les postes de travail concernés par la cause du danger constaté ;
2° La nature et la cause de ce danger ;
3° Le nom des travailleurs exposés.’
Aux termes de l’article D. 4132-2 du code du travail : ‘Le registre spécial est tenu, sous la responsabilité de l’employeur, à la disposition des représentants du personnel au comité social et économique (avant le 1er janvier 2018: au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail).’
La loi n° 82-1087 du 23 décembre 1982 a institué au profit des salariés, en cas de danger grave et imminent, un droit d’alerte et de retrait assorti de garanties, la seule obligation pesant sur le salarié désirant se retirer d’une situation dangereuse étant de le signaler à l’employeur (ou représentant de l’employeur).
En cas de menace susceptible de provoquer une atteinte sérieuse à l’intégrité physique d’un travailleur dans un proche délai, à ne pas confondre avec le risque habituel que certains postes de travail comportent, des mesures peuvent ou doivent être prises, par les salariés confrontés à ce danger, par le comité social et économique (le CHSCT auparavant) ou par l’employeur.
Le salarié doit signaler immédiatement à l’employeur toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Chaque salarié est en droit de se retirer d’une telle situation de travail sans avoir à demander l’accord de l’employeur. Mais il doit le faire sans créer pour autrui un nouveau danger grave et imminent.
Le droit de retrait est facultatif. Ne pas en faire usage ne peut pas constituer une faute ni être reproché à un salarié victime d’un accident du travail. Il s’agit d’un droit individuel pouvant être exercé par un seul salarié ou par un groupe de salariés.
Compte tenu de sa nature et de sa finalité, l’exercice du droit de retrait n’est soumis à aucun formalisme. Il peut être implicite. Aucune formalité n’est exigée pour l’exercice par un salarié de son droit d’alerte et de retrait. Le règlement intérieur ne peut le subordonner à une procédure écrite et si une telle procédure est prévue elle ne peut être que facultative. L’exercice du droit d’alerte ou de retrait par un salarié n’est pas subordonné à la procédure d’intervention du CHSCT ou du comité social et économique. S’il existe des représentants du personnel, l’exercice du droit de retrait ne peut pas être subordonné à leur saisine afin qu’ils déclenchent la procédure d’alerte.
En cas d’exercice du droit de retrait, l’employeur ou son représentant ne peut demander au salarié de reprendre son activité tant que subsiste le danger grave et imminent et il doit prendre immédiatement les mesures nécessaires pour protéger ses salariés.
La loi vise le danger grave et imminent pour la vie ou la santé du salarié. La faculté donnée au salarié de se retirer de son poste de travail doit être entendue comme un recours exceptionnel face à une menace de danger grave et imminent (conditions cumulatives). Le danger imminent est le danger qui est susceptible de se réaliser brusquement et dans un délai rapproché. Le danger concerne non seulement le risque de maladie professionnelle ou d’accident du travail mais la santé de manière générale qui englobe les effets des nuisances tenant aux conditions de travail dès lors que ces nuisances prennent un caractère aigu créant un danger imminent. Le danger peut émaner d’une machine, d’une ambiance de travail, d’un processus de fabrication. Par danger grave, il faut entendre un danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée. Le danger doit apparaître comme se situant au-delà du risque qui s’attache à l’exercice normal d’un travail qui peut impliquer, en soi, certaines servitudes ou un certain risque. Un poste de travail reconnu comme présentant un risque particulier pour la sécurité des travailleurs ne peut suffire à justifier l’exercice du droit de retrait.
La loi n’exige pas que le caractère de gravité du danger et son imminence apparaissent comme réels et effectifs. Le salarié conserve une certaine latitude d’appréciation et un certain droit à l’erreur dans la limite du raisonnable. Il appartient au juge prud’homal d’apprécier le caractère raisonnable ou non de la crainte invoquée par le salarié, en tenant compte si nécessaire de l’âge du salarié, de son état de santé, de sa qualification ou expérience professionnelle.
Le droit de retrait ne doit pas nécessairement trouver sa cause dans un motif étranger à la personne du salarié. Cette cause n’est pas nécessairement extérieure au salarié (machine, processus de fabrication, ambiance de travail…), elle peut résulter de circonstances propres au salarié.
Pour déterminer si l’exercice du droit de retrait est légitime, le juge doit rechercher si le salarié avait un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé. Le salarié n’a pas à prouver la réalité du danger grave et imminent. Il suffit qu’il ait un motif raisonnable de penser qu’il existe. En cas de litige, le juge du fond apprécie souverainement si le salarié justifie d’un tel motif (appréciation in concreto). En cas de contentieux, la mise en oeuvre du devoir ou droit d’alerte par les représentants du personnel, le CHSCT ou le comité social et économique peut constituer un indice.
L’exercice du droit de retrait, dès lors qu’il est justifié, ne peut entraîner de sanction à l’encontre du salarié qui en a usé. Une protection est assurée au travailleur ayant exercé légitimement son droit de retrait et, en premier lieu, l’employeur ne peut pas lui demander de reprendre son activité tant que la situation de danger grave et imminent persiste. Aucune sanction disciplinaire ni aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur (salarié ou agent public) qui s’est retiré d’une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé. Si le droit de retrait est exercé légitimement, l’employeur ne peut amputer la rémunération correspondant au temps de retrait du poste de travail. Le salarié en situation de retrait aura le droit de percevoir l’intégralité de sa rémunération tant que l’employeur n’aura pas pris les mesures nécessaires pour remédier au risque.
Si le droit de retrait est injustifié, l’employeur peut opérer une retenue sur salaire, même si le salarié qui s’est retiré de son poste de travail reste à la disposition de l’employeur. Lorsque les conditions du droit de retrait ne sont pas réunies, l’employeur n’est pas tenu, pour opérer une retenue sur salaire, de saisir préalablement le juge sur l’appréciation du bien-fondé de l’exercice du droit de retrait par le salarié.
Si, notamment après enquête, l’employeur démontre que le danger n’existe pas, le salarié est tenu de reprendre immédiatement son travail, sous peine d’être sanctionné, son absence s’analysant comme une non-exécution fautive du contrat de travail.
Les représentants du personnel au CHSCT, désormais au comité social et économique, qui constatent personnellement, ou par l’intermédiaire d’un salarié qui a quitté son poste de travail, l’existence d’une cause de danger grave et imminent, en avisent immédiatement l’employeur ou son représentant. L’avis, daté et signé, est consigné par écrit sur un registre spécial, tenu sous la responsabilité du chef d’établissement et mis à la disposition des membres du comité social et économique (CHSCT auparavant), il comporte l’indication du (ou des) poste de travail concerné, de la nature du danger et de sa cause, ainsi que des salariés exposés.
L’employeur (ou son représentant) doit procéder immédiatement à une enquête avec le membre du comité social et économique (CHSCT auparavant) qui signale le danger et prendre les dispositions nécessaires pour faire cesser le danger. L’employeur ne peut pas refuser au membre du comité social et économique (CHSCT auparavant) qui a exercé son droit d’alerte de se rendre sur les lieux et il doit lui en donner les moyens.
En cas de divergence sur la réalité du danger grave et imminent ou sur les moyens à mettre en oeuvre pour le faire cesser, le comité social et économique (CHSCT auparavant) est réuni d’urgence et au plus tard dans les 24 heures. L’employeur doit en informer l’inspecteur du travail et l’agent de prévention de la caisse régionale d’assurance maladie qui peuvent assister à la séance. Ensuite, à défaut d’accord entre l’employeur et la majorité des membres du comité social et économique (CHSCT auparavant) sur la réalité du danger grave et imminent ou sur les mesures à mettre en oeuvre pour le faire cesser, l’inspecteur du travail doit être saisi immédiatement par l’employeur. L’inspecteur du travail pourra mettra alors en oeuvre soit la procédure particulière de mise en demeure de l’article L. 4721-1 du code du travail, soit la procédure de référé de l’article L. 4732-1 du code du travail et de l’article L. 4732-2 du code du travail.
Outre le droit de faire toutes observations ou de constater les infractions à la réglementation sur l’hygiène et de la sécurité, l’inspecteur du travail dispose de prérogatives particulières lui permettant, sous certaines conditions, de faire arrêter les travaux ou les activités portant atteinte à la sécurité ou à la santé des travailleurs.
Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, sur le rapport de l’agent de contrôle de l’inspection du travail constatant une situation dangereuse, peut mettre en demeure l’employeur de prendre toutes mesures utiles pour y remédier, si ce constat résulte d’un non-respect par l’employeur des principes généraux de prévention prévus par les articles L. 4121-1 et suivants, ou d’une infraction à l’obligation générale de santé et de sécurité résultant des dispositions de l’article L. 4221-1.
L’inspecteur du travail peut saisir le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque, telles que la mise hors service, l’immobilisation, la saisie des matériels, machines, dispositifs, produits ou autres, lorsqu’il constate un risque sérieux d’atteinte à l’intégrité physique d’un travailleur résultant de l’inobservation des dispositions en matière de sécurité.
En l’espèce, à compter de 2009, un taux d’absentéisme élevé ainsi que la pénibilité du travail (troubles musculo-squelettiques pour les intervenants à domicile, nombre d’accidents du travail) étaient signalés ou relevés au sein de l’association BVAD ( procès-verbaux d’assemblée générale, rapport [V]…).
Par courrier daté du 20 janvier 2010, la déléguée syndicale de l’association BVAD alertait l’employeur sur une situation de mal-être au travail du fait des pressions pesant sur les salariés, surtout le personnel administratif de l’association qui encaisse le ras-le-bol des aides à domicile, les réflexions de la direction et le mécontentement des bénéficiaires d’assistance, avec de nombreux arrêts de travail d’aides à domicile à gérer, un manque de confiance et d’encadrement.
Le 12 juin 2015, des membres du CHSCT de l’association BVAD (représentants du personnel) ont mentionné sur registre un droit d’alerte en ce qu’ils constatent alors une situation de souffrance au travail des employés de BVAD, personnel administratif et aides à domicile, et n’ont pas été entendus sur leur demande d’expertise sur les risques psycho-sociaux, alors que 12 membres du personnel administratif des deux établissements (Moulins et Montluçon) sur 17 postes ont quitté l’association au cours des trois dernières années, que trois salariés administratifs de Moulins sont en arrêt de travail pour maladie au cours du dernier mois, qu’actuellement quatre salariées du personnel administratif sur douze sont absentes à Moulins, qu’une responsable de secteur a obtenu un rupture conventionnelle, qu’une autre responsable de secteur est en inaptitude pour dépression, qu’une autre responsable de secteur est en arrêt, qu’une administrative de l’accueil est en arrêt. Ils indiquent s’inquiéter de la santé physique et mentale des salariés de l’association du fait d’une situation difficile (turn-over, absentéisme, arrêts de travail…) qui leur semble constituer un danger grave et imminent.
Lors de la réunion du CHSCT organisée le 15 juin 2015 pour échanger sur l’alerte précitée, les représentantes du personnel n’ont pas pu justifier des éléments chiffrés qu’elles ont mentionnés sur le registre mais ont indiqué que les postes concernés par le droit d’alerte sur la situation de souffrance au travail étaient ceux des responsables de secteur, sans pouvoir préciser si tous les salariés occupant un tel poste étaient concernés, ainsi que ceux des aides à domicile. La représentante de l’employeur (Madame [Z], directrice) a indiqué qu’aucun responsable de secteur n’avait jusque là signalé expressément une situation de souffrance au travail, que le rôle des responsables de secteur n’est pas facile, surtout lorsqu’il faut remplacer des aides à domicile absentes, mais que des mesures avaient été prises pour le remplacement des absents et qu’une réunion avait eu lieu le 10 juin 2015 pour expliquer l’organisation du travail au personnel administratif. La représentante de l’employeur a conclu qu’il n’existait pas de danger grave et imminent et que le droit d’alerte n’était pas justifié. Les autres membres du CHSCT (représentants du personnel) ayant maintenu leur droit d’alerte, il a été décidé de l’organisation d’une réunion extraordinaire du CHSCT le 18 juin 2015.
Le procès-verbal ou compte rendu de la réunion du CHSCT en date du 18 juin 2015 n’est pas versé aux débats.
Le 8 octobre 2015, trois responsables de secteur de l’association BVAD (sur les cinq alors en poste au sein de l’association selon les dires des parties), Madame [H] [U], Madame [D] [X] épouse [G] et Madame [A] [W] épouse [K] ont exercé un droit de retrait, individuellement mais dans des termes similaires, en invoquant une situation de souffrance au travail et des risques psycho-sociaux. Ces trois salariées ont refusé de reprendre le travail malgré les sommations réitérées de l’employeur et ont fait l’objet d’un licenciement pour faute grave le 9 novembre 2015.
Madame [A] [W], épouse [K], soutient qu’elle était légitime à exercer son droit de retrait, du 8 octobre au 9 novembre 2015, de façon continue, en ce qu’elle subissait, du fait de la dégradation de ses conditions de travail, une situation de souffrance psychologique sur le plan professionnel qui avait des effets négatifs sur sa santé. La salariée ne mentionne pas d’éléments matériels ou de faits précis mais, comme dans son courrier du 8 octobre 2015, évoque un climat social de mépris, de suspicion, de non-dit, de chantage à l’emploi, de manque de reconnaissance et de paroles vexatoires, une pression de plus en plus pesante. La salariée n’expose pas de soucis de santé particuliers autres que stress et manque de concentration.
Un rapport de l’inspecteur du travail de [Localité 5] aurait été établi le 29 janvier 2016 (non produit). Par décision datée du 3 février 2016, le responsable départemental de la Direccte a mis en demeure l’association BVAD de se conformer aux prescriptions des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, d’évaluer et de prendre en compte les situations de souffrance psychologique, sans autre précision. Cette décision, peu ou pas motivée, ne contenant que des formules passe-partout ainsi que des affirmations non circonstanciées, mentionne l’existence d’une situation dangereuse de souffrance au travail et de risques psycho-sociaux concernant ‘plusieurs salariés se trouvant dans un état de souffrance psychologique manifeste’, sans autres précisions ni circonstances de fait ni éléments d’appréciation objectifs ni la moindre référence à la situation personnelle de Madame [H] [U], Madame [D] [X] épouse [G] ou Madame [A] [W] épouse [K]. Force est de constater que la Direccte s’en rapporte aux observations (non précisées) des représentants du personnel au sein du CHSCT et à un rapport d’inspecteur du travail du 29 janvier 2016 non produit. Le ministre du travail et de l’emploi a d’ailleurs annulé, sur recours hiérarchique, la mise en demeure du 3 février 2016, considérant l’absence de rapport de l’inspecteur du travail constatant une situation dangereuse.
Comme souvent dans ce type de dossier, sont produits un rapport d’audit demandé par l’employeur (CAPITAN) et un rapport d’audit commandé par le CHSCT (SECAFI) portant notamment sur l’organisation du travail et le climat social au sein de la structure. Il échet d’abord de relever que le rapport d’audit CAPITAN a été établi en avril 2016 et les rapports d’audit SECAFI sont datés de juillet 2016 et septembre 2017, soit bien après l’exercice du droit de retrait par Madame [H] [U], Madame [D] [X] épouse [G] et Madame [A] [W] épouse [K], et même plusieurs mois après le licenciement de ces salariées. Le rapport SECAFI de septembre 2017 contient essentiellement des exemples et éléments chiffrés postérieurs à octobre 2015, ce qui ne correspond pas à l’époque considérée dans le cadre du présent litige.
Les rapports CAPITAN et SECAFI convergent pour relever que l’association BVAD, opérant dans un secteur très concurrentiel et totalement dépendante d’aides publiques, se trouve dans une situation économique et financière très difficile, ce qui l’oblige à restreindre ses coûts. Il est indiqué que les métiers de l’aide à domicile sont difficiles, que l’absentéisme et les cas d’inaptitude (notamment pour syndrome anxio-dépressif) ainsi que le turn-over du personnel sont importants, avec un recours accru aux contrats de travail à durée déterminée, que cette situation augmente la pression sur les salariés qui restent en poste, notamment les responsables de secteur qui doivent pallier les absences fréquentes des aides à domicile tout en maintenant l’assistance aux particuliers demandeurs en établissant des plannings d’intervention mentionnant l’affectation des aides à domiciles qui ne sont pas en arrêt de travail. Il est fait état, de façon générale, d’une stratégie à définir, d’un management perfectible, d’un déficit de communication et de formation, et ce malgré les efforts constants de la direction de l’association BVAD. Le constat d’une ‘tension institutionnelle’, de risques psycho-sociaux et d’une souffrance au travail pour certains salariés est posé mais rien qui puisse caractériser un danger grave et imminent pour l’intégrité ou la santé de Madame [H] [U], Madame [D] [X] épouse [G] ou Madame [A] [W] épouse [K] en octobre 2015.
Les rapports antérieurs de SECAFI sont relatifs à l’analyse des comptes et de la situation financière de l’association BVAD.
Il est produit un document intitulé ‘rédaction du projet de service de l’association’ qui n’est pas daté, mais apparaît avoir été rédigé début 2017, et ne mentionne aucun élément d’appréciation en relation directe avec la situation de Madame [H] [U], Madame [D] [X] épouse [G] ou Madame [A] [W] épouse [K] en octobre 2015.
Par tract daté du 9 juin 2016, le syndicat CGT de l’association BVAD a appelé à un mouvement de grève le 20 juin suivant pour réclamer de meilleures conditions de travail.
La lecture des procès-verbaux de réunion du comité d’entreprise puis du comité social et économique produits (à compter du 27 février 2017) n’apporte pas d’élément d’appréciation particulier concernant la situation de Madame [H] [U], Madame [D] [X] épouse [G] ou Madame [A] [W] épouse [K] en octobre 2015
Des attestations de salariés ou anciens salariés et de clients sont versées aux débats par les appelants ([O]-[E]-[R]-[C]-[I]-[S]-[U]-[B]-[Y]-[G]-[M]).
Certains témoins ([E]-[R]-[C]-[I]-[S]-[B]-[Y]-[G]-[M]) louent les qualités professionnelles et humaines de Madame [A] [W] épouse [K], sans évoquer particulièrement une situation de souffrance au travail.
Madame [O] (secrétaire) expose que Madame [A] [W] épouse [K] est sortie en pleurs du bureau de Madame [Z] en mars 2012 et en avril 2014, que début décembre 2014 Madame [Z] a eu un comportement très agressif envers elles (personnel administratif), que Madame [Z] a remis en cause à plusieurs reprises le travail effectué par Madame [A] [W] épouse [K].
Madame [L], ancienne collègue de travail, évoque (première partie d’attestation difficilement lisible) une dégradation des conditions de travail, notamment pour le personnel administratif et les responsables de secteur qui n’étaient plus en mesure de remplir correctement leurs tâches et n’étaient ni aidés ni soutenus par le hiérarchie qui, au contraire, dévalorisait le travail effectué (remarques désobligeantes). Ce témoin ne fournit pas d’exemples précis, en tout cas datés, mais relève une souffrance au travail, notamment pour Madame [H] [U], Madame [D] [X] épouse [G] et Madame [A] [W] épouse [K].
Madame [H] [U], l’une des trois responsables de secteur ayant exercé un droit de retrait le 8 octobre 2015, expose que les conditions de travail se sont progressivement dégradées au sein de l’association, que Madame [A] [W] épouse [K], subissait des reproches de la part de Madame [Z] dont le comportement dévalorisant angoissait et stressait l’appelante. Elle ajoute que le 24 juillet 2015, Madame [Z] a demandé à Madame [A] [W] épouse [K], de travailler le vendredi 31 juillet pour pallier l’absence d’une collègue, et que la directrice s’est emportée en claquant la porte lorsque l’appelante a refusé, ce qui a angoissé et fait pleurer Madame [A] [W] épouse [K].
Madame [Y], responsable de service d’avril 2014 à octobre 2015, indique avoir constaté que les responsable de secteur étaient sous pression de leur hiérarchie, qu’il y avait un déficit de communication au sein de l’association, que les actions et compétences de certaines responsables de secteur (dont Madame [A] [W] épouse [K]) étaient parfois critiquées par Madame [Z], que les conditions de travail se sont encore dégradées à compter de mai 2015 avec les arrêts de travail de certaines responsables de secteur, ce qui augmentait la charge de travail des collègues en activité.
Madame [D] [X] épouse [G], l’une des trois responsables de secteur ayant exercé un droit de retrait le 8 octobre 2015, expose que les conditions de travail se sont progressivement dégradées au sein de l’association, que Madame [A] [W] épouse [K] est sortie plusieurs fois en pleurs du bureau de Madame [Z], notamment en juillet 2014.
Plusieurs témoins attestent que Madame [Z] pouvait entrer dans les bureaux de ses subordonnés sans frapper au préalable ni être autorisée à entrer, que Madame [Z] comparait régulièrement la situation des sites de Monluçon et de [Localité 8] en interpellant ses interlocuteurs sur le fait que le travail effectué par les salariées de Monluçon était de meilleure qualité qu’à [Localité 8].
Le 14 août 2017, des salariés de l’association BVAD (une quarantaine du site de [Localité 7]) envoyaient une pétition au CHSCT ainsi qu’au comité d’entreprise et au syndicat CGT de l’association pour témoigner que, même si la pénibilité de leur travail est effective, ils n’estimaient pas être exposés à des risques psycho-sociaux particuliers et considéraient satisfaisantes en général leurs relations avec l’équipe encadrante et hiérarchique. Ils exposaient que tout n’était pas parfait chez BVAD mais que cette association rencontrait les mêmes problèmes que les autres associations d’aide à domicile. Ils désapprouvaient les actions menées par certains représentants du personnel.
Madame [A] [W], épouse [K], fait état d’une dégradation de ses conditions de travail ayant généré une grande souffrance psychologique et ayant altéré, profondément et durablement, sa santé mentale, au point qu’elle était légitime à exercer un droit de retrait pour préserver sa vie ou son intégrité. Pourtant, aucun élément d’appréciation objectif de nature médicale n’est produit concernant l’état de santé de Madame [A] [W], épouse [K], que ce soit en octobre 2015, ou avant ou après l’exercice du droit de retrait. Aucun arrêt de travail concernant Madame [A] [W], épouse [K], n’est même justifié pendant la période d’exécution du contrat de travail la liant à l’association BVAD.
Le droit de retrait ne peut constituer qu’une mesure ou réponse d’urgence absolue (vitale) face à une situation exceptionnelle, celle de considérer raisonnablement pour un salarié qu’il encourt un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé en continuant à exécuter le contrat de travail qui le lie à son employeur.
Tel n’est pas le cas en l’espèce pour Madame [A] [W], épouse [K], qui, certes, occupait un emploi de responsable de secteur prenant, contraignant, voire parfois stressant en ce qu’elle devait gérer l’absentéisme important et les revendications d’emploi du temps des aides à domicile, les attentes de la direction s’agissant de l’établissement, toujours difficile et souvent dans l’urgence, des plannings d’intervention, ainsi que les observations et le mécontentement des bénéficiaires d’assistance, et ce dans un contexte de difficultés financières affectant un employeur astreint à une politique de maîtrise ou réduction des coûts, notamment de personnel, ce qui correspond malheureusement à la situation générale des associations d’aide à domicile sur le territoire national, mais la salariée n’avait pas de motif raisonnable de penser que la poursuite de son travail au sein de l’association BVAD présentait, à compter du 8 octobre 2015, en tout cas entre le 8 octobre 2015 et le 9 novembre 2015, un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, et ne pouvait donc exercer un droit de retrait vis-à-vis de son employeur.
L’exercice du droit de retrait par Madame [A] [W], épouse [K], étant jugé infondé en son intégralité, le jugement déféré sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a dit que l’usage du droit de retrait par la salariée n’est pas justifié.
Madame [A] [W], épouse [K], et le syndicat CGT de l’association BVAD seront déboutés de toutes leurs demandes en rapport avec l’exercice du droit de retrait par la salariée.
– Sur le licenciement –
Le licenciement correspond à une rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige sur la cause du licenciement, ce qui interdit à l’employeur d’invoquer de nouveaux ou d’autres motifs ou griefs par rapport à ceux mentionnés dans la lettre de licenciement.
Pour que la rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur soit justifiée ou fondée, en tout cas non abusive, la cause du licenciement doit être réelle (faits objectifs, c’est-à-dire précis et matériellement vérifiables, dont l’existence ou matérialité est établie et qui constituent la véritable raison du licenciement), mais également sérieuse, c’est-à-dire que les faits invoqués par l’employeur, ou griefs articulés par celui-ci, doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.
Le licenciement pour motif personnel est celui qui est inhérent à la personne du salarié. Un licenciement pour motif personnel peut être décidé pour un motif disciplinaire, c’est-à-dire en raison d’une faute du salarié, ou en dehors de tout comportement fautif du salarié (motif personnel non disciplinaire). Il ne doit pas être discriminatoire.
Si l’employeur peut sanctionner par un licenciement un acte ou une attitude du salarié qu’il considère comme fautif, il doit s’agir d’un comportement volontaire (action ou omission). À défaut, l’employeur ne peut pas se placer sur le terrain disciplinaire. La faute du salarié correspond en général à un manquement aux obligations découlant du contrat de travail. Elle ne doit pas être prescrite, ni avoir déjà été sanctionnée. Les faits reprochés au salarié doivent lui être personnellement imputables. Un salarié ne peut pas être licencié pour des faits imputables à d’autres personnes, même proches.
En cas de licenciement disciplinaire, le juge doit vérifier que le motif allégué constitue une faute. Selon sa gravité, la faute commise par le salarié emporte des conséquences plus ou moins importantes. Si les faits invoqués, bien qu’établis, ne sont pas fautifs ou constituent une faute légère mais non sérieuse, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, donc abusif. En cas de licenciement fondé sur une faute constituant une cause réelle et sérieuse, le salarié a droit au règlement de l’indemnité compensatrice de congés payés, de l’indemnité de licenciement, du préavis ou de l’indemnité compensatrice de préavis (outre les congés payés afférents).Le licenciement pour faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement. Le licenciement pour faute lourde, celle commise par le salarié avec l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise, entraîne également pour le salarié la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement, avec possibilité pour l’employeur de réclamer le cas échéant au salarié réparation du préjudice qu’il a subi (dommages-intérêts). Dans tous les cas, l’indemnité compensatrice de congés payés reste due.
La sanction disciplinaire prononcée par l’employeur, y compris une mesure de licenciement, ne pas doit être disproportionnée mais doit être proportionnelle à la gravité de la faute commise par le salarié. Le juge exerce un contrôle de proportionnalité en matière de sanction disciplinaire et vérifie en conséquence que la sanction prononcée par l’employeur à l’encontre du salarié n’est pas trop sévère compte tenu des faits reprochés.
Le code du travail ne donne aucune définition de la faute grave. Selon la jurisprudence, la faute grave se définit comme étant celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations qui résultent du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et la poursuite du contrat de travail pendant la durée du préavis.
La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d’appréciation ou l’insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire. La gravité d’une faute n’est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté. La commission d’un fait isolé peut justifier un licenciement disciplinaire, y compris pour faute grave, sans qu’il soit nécessaire qu’il ait donné lieu à avertissement préalable.
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail sans préavis, en tout cas une rupture immédiate du contrat de travail avec dispense d’exécution du préavis. Elle peut justifier une mise à pied conservatoire, mais le prononcé d’une telle mesure n’est pas obligatoire. La faute grave ne saurait être admise lorsque l’employeur a laissé le salarié exécuter son préavis au salarié. En revanche, il importe peu que l’employeur ait versé au salarié des sommes auxquelles il n’aurait pu prétendre en raison de cette faute, notamment l’indemnité compensatrice de préavis ou les salaires correspondant à une mise à pied conservatoire.
En cas de faute grave, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs, mais le maintien du salarié dans l’entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises.
Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse pas plus particulièrement sur l’employeur (la Cour de cassation juge que la preuve du caractère réel et sérieux du motif de licenciement n’incombe spécialement à aucune des parties), il incombe à l’employeur, en revanche, d’établir la faute grave ou lourde. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles
Dans tous les cas, en matière de bien-fondé du licenciement disciplinaire, le doute doit profiter au salarié.
En l’espèce, le courrier (9 novembre 2015) de notification du licenciement de Madame [A] [W], épouse [K], est ainsi libellé :
‘… Il résulte des investigations que nous avons menées l’absence de tout danger qui présente ces caractéristiques, gravité et imminence à se réaliser.
En l’absence d’un tel danger il faudrait que vous ayez vous un motif raisonnable de penser qu’il existe un danger grave et imminent qui justifie votre retrait. C’est donc votre appréciation d’un danger qui devait être appréhendée.
Or, vous avez refusé tout dialogue en particulier nous vous avons demandé par nos courriers des 9, 13, 15 et 22 Octobre 2015 à venir assister à une réunion dédiée précisément à permettre de comprendre votre perception de l’existence d’éventuels dysfonctionnements afin d’y apporter des correctifs.
Vous n’avez répondu à aucun de nos courriers méprisant nos appels à l’apaisement et aux échanges, daignant simplement nous rappeler lorsque vous étiez convoquée à un entretien préalable que vous aviez exercé votre droit de retrait mais ne nous avisant pas de votre absence à cet entretien.
Pendant plus d’un mois vous avez sciemment laissé notre association en grande difficulté. Nous avons dû pallier votre carence tant que faire se peut mettant ainsi en danger notre organisation et la continuité de service auprès des bénéficiaires.
Le CHSCT a exercé un droit d’alerte, l’inspecteur du travail a été saisi, il a entendu des salariés des services administratifs, un audit d’organisation co piloté par le conseil départemental va être très prochainement engagé. Aucun danger ne vient par conséquent de /environnement et si difficulté imputable à l’association ou à sa direction il y a, ce que nous contestons avec la plus grande vigueur, des procédures sont en cours pour nous accompagner.
Rien ne justifiait donc la poursuite de votre action.
Lors de nos investigations, nous avons examiné votre travail, il apparaît de multiples erreurs dans la réalisation des plannings, les consignes ne sont pas respectées, il en résulte des problèmes récurrents d’organisation.
Au lieu d’évoquer ces difficultés, vous avez choisi délibérément de rejeter tout contact pour nuire à notre association.
Si vous estimiez avoir été victime de paroles vexatoires, il fallait les indiquer, préciser de qui elles émanaient, évoquer quelles situations vous considériez comme méprisantes et qu’est ce que vous considérez comme un chantage à l’emploi.
Nous pouvons tous commettre des erreurs ou susciter des incompréhensions mais nul ne peut au travers de plus d’une action concertée, proférer de telles accusations très générales et très vagues jamais aucune précision et lorsqu’à plusieurs reprises l’on vous a demandé de venir pour que l’on s’entretienne vous n’avez jamais répondu, vous n’êtes pas venu sans même prendre la peine de nous indiquer que vous ne viendriez pas, qui méprise qui ‘
En ne venant pas au travail, en refusant de nous rencontrer, vous avez sciemment créé, en concertation avec vos collègues, une situation insupportable car nous n’en connaissons pas la fin et nous ne pouvons discuter des solutions de nature à vous permettre de travailler à nouveau.
Un tel comportement est totalement abusif et sans issue il constitue une exécution totalement déloyale du contrat de travail et caractérise la faute grave et ne permet plus votre maintien dans l’entreprise.
Par conséquent, votre licenciement prendra effet dès première présentation de ce courrier sans préavis ni indemnité à l’exception de l’indemnité compensatrice de congés payés…’
Dans le cadre de la lettre de licenciement, l’employeur invoque deux griefs à l’encontre de Madame [A] [W], épouse [K] : un grief principal correspondant à un abandon de poste prolongé sous couvert de l’exercice injustifié d’un droit de retrait ; un grief plus secondaire correspondant à des erreurs dans la réalisation des plannings, en violation des consignes données, dont il résulte des problèmes récurrents d’organisation.
Le grief concernant la réalisation des plannings n’est en rien justifié devant la cour et les intimés indiquent d’ailleurs que l’évocation d’erreurs commises dans ce cadre par Madame [A] [W], épouse [K], ne constituait pas la motivation du licenciement pour faute grave qui est fondé exclusivement sur une abandon de poste caractérisé.
Force est de constater que Madame [A] [W], épouse [K], a refusé d’exécuter son contrat de travail à compter du 8 octobre 2015 en invoquant de façon injustifiée un droit de retrait.
Madame [A] [W], épouse [K], a persisté dans sa position d’abandon de poste malgré quatre sommations (9, 13, 15 et 22 octobre 2015) de l’employeur à reprendre le travail. Madame [A] [W], épouse [K], a refusé de s’expliquer avec l’employeur sur sa situation professionnelle et de se rendre aux réunions (12 et 19 octobre 2015) sur l’organisation du travail auxquelles elle était expressément invitée par la direction de l’association BVAD. En menant une action concertée avec deux autres responsables de secteur, Madame [A] [W], épouse [K], a délibérément et gravement entravé le fonctionnement de l’association BVAD. Madame [A] [W], épouse [K], s’est maintenue avec ses deux collègues de travail dans une position rigide de blocage, s’arc-boutant sur son droit de retrait de façon illégitime, refusant tout dialogue avec l’employeur, sans exercer un droit de grève, sans ouvrir la moindre porte à une sortie de conflit ni évoquer une quelconque possibilité sérieuse de reprise du travail.
Ce comportement fautif de Madame [A] [W], épouse [K], rendait impossible le maintien de la salariée dans l’association et la poursuite du contrat de travail pendant la durée du préavis.
Le licenciement pour faute grave de Madame [A] [W], épouse [K], constitue une sanction disciplinaire régulière, justifiée et proportionnée.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a dit que le licenciement pour faute grave de Madame [A] [W], épouse [K], est justifié.
Madame [A] [W], épouse [K], et le syndicat CGT de l’association BVAD seront déboutés de toutes leurs demandes en rapport avec la rupture du contrat de travail de la salariée.
– Sur les documents de fin de contrat de travail –
Madame [A] [W], épouse [K], demande à la cour de condamner l’association BVAD à lui verser la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts pour retard apporté à la transmission de l’attestation Pôle Emploi, et de condamner l’association BVAD à lui remettre certificat de travail et attestation Pôle Emploi conformes à l’arrêt à intervenir.
La première demande ne fait l’objet d’aucune argumentation ou motivation dans les écritures des appelants. Un certificat de travail a été établi par l’employeur en date du 18 novembre 2015. Une attestation Pôle Emploi a été établie en date du 12 novembre 2015 par l’association BVAD. La cour ne relève pas d’irrégularités apparentes et Madame [A] [W], épouse [K], ne justifie ni d’une transmission tardive de l’attestation Pôle Emploi, ni surtout d’un préjudice particulier subi en relation avec une éventuelle transmission tardive de ce document.
La seconde demande est sans fondement vu les attendus qui précèdent.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a débouté Madame [A] [W], épouse [K], de ces demandes.
– Sur l’intervention syndicale –
S’agissant d’un litige portant notamment sur l’exercice du droit de retrait, l’intervention du syndicat CGT de l’association BVAD est recevable, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté.
Le syndicat CGT de l’association BVAD sera débouté de sa demande de dommages-intérêts vu les attendus qui précèdent.
Le jugement entrepris sera également confirmé sur ce point.
– Sur les dépens et frais irrépétibles –
Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.
Madame [A] [W], épouse [K], qui succombe totalement en ses prétentions et recours, sera condamnée aux entiers dépens d’appel.
Il n’y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
– Confirme le jugement ;
– Condamne Madame [A] [W], épouse [K], aux dépens d’appel ;
– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
La Greffière Le Président
N. BELAROUI C. RUIN