Retenues sur salaire : 27 janvier 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01094

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Retenues sur salaire : 27 janvier 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01094

ARRÊT DU

27 Janvier 2023

N° 02/23

N° RG 21/01094 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TWB6

PL/VM

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

20 Mai 2021

(RG F 19/00513 -section 2)

GROSSE :

aux avocats

le 27 Janvier 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANTE :

S.A.R.L. URGENCES LIAISONS SERVICES LINE

[Adresse 11]

[Localité 1]

représentée par Me Delphine BOISANFRAY, avocat au barreau de ROUEN

INTIMÉ :

M. [Y] [U]

[Adresse 2]

[Localité 9]

représenté par Me Rania ARBI, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Dalila DENDOUGA, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l’audience publique du 30 Novembre 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Angélique AZZOLINI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 09 Novembre 2022

EXPOSE DES FAITS

 

[Y] [U] a été embauché à compter du 2 février 2017 en qualité de chauffeur de véhicule léger par la société URGENCES LIAISONS SERVICES LINE par contrat de travail à durée déterminée converti en contrat à durée indéterminée. Après son inscription à une formation au permis poids-lourds, financée par l’entreprise, il a obtenu, le 26 juillet 2018, un avis favorable provisoire à la conduite des véhicules poids-lourds, valable 4 mois.

Il a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 14 décembre 2018 à un entretien le 26 décembre 2018 en vue d’un éventuel licenciement. L’entretien n’ayant pas lieu du fait de l’absence du salarié, son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 décembre 2018.

 

Les motifs du licenciement tels qu’énoncés dans la lettre sont les suivants :

«Vous êtes entré au service de notre société le 2 février 2017, en qualité de chauffeur VL, coefficient 118M, groupe 3.

Vous ne vous êtes pas présenté à votre poste de travail, depuis le 28 novembre 2018.

Par lettres recommandées du 3 décembre 2018 et du 6 décembre 2018, nous vous avons demandé de bien vouloir justifier des raisons de votre absence.

Cette situation préjudiciable au bon fonctionnement de notre société nous a amenés à vous adresser le 14 décembre 2018 une convocation à un entretien préalable à licenciement, devant se tenir le mardi 26 décembre 2018 à 11 h 00.

Vous ne vous êtes pas présenté à la convocation que nous vous avons adressée.

Vous n’êtes jamais réapparu sur votre lieu de travail sans nous fournir la moindre explication, ni la moindre justification.

Votre absence sans motif, ni justificatif depuis le 28 novembre 2018 constitue un abandon de poste et nous contraint à vous licencier pour faute grave privative de toute indemnité de rupture.

Votre contrat de travail prendra fin dès l’envoi du présent courrier. »

Par requête reçue le 27 décembre 2018, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Roubaix afin d’obtenir des rappels de salaire, de primes, d’indemnités kilométriques et d’indemnités de repas, de faire constater l’illégitimité de son licenciement et d’obtenir le versement d’indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

 

Par jugement en date du 20 mai 2021, le conseil de prud’hommes a condamné la société à lui verser

– 1373 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 2865,59 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

– 286,55 euros au titre des congés payés y afférents

– 2865,59 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 1817,79 euros au titre du rappel de salaires pour retenues injustifiées

– 900 euros au titre de la prime qualité,

– 271,78 euros au titre des congés payés sur rappels de salaire

– 8266,78 euros à titre de rappel d’indemnités de repas et de déplacement

– 14972 euros à titre de rappel d’indemnités kilométriques

– 8266,78 euros au titre du préjudice subi du fait des manquements de l’employeur

– 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

a débouté le salarié de sa demande et a laissé les dépens à la charge de chaque partie.

Le 24 juin 2021, la société URGENCES LIAISONS SERVICES LINE a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 9 novembre 2022, la procédure a été clôturée et l’audience des plaidoiries a été fixée au 30 novembre 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 5 janvier 2022, la société URGENCES LIAISONS SERVICES LINE sollicite de la cour l’infirmation du jugement entrepris, à titre subsidiaire la limitation de l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 2785,18 euros, des congés payés afférents au préavis à la somme de 278,52 euros, de l’indemnité légale de licenciement à la somme de 1411,54 euros, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 2785,18 euros, du rappel de prime de qualité à la somme de 450 euros, des congés payés afférents à la somme de 45 euros, du montant des indemnités kilométriques à la somme de 13241,01 euros, des indemnités de repas et de grand déplacement à la somme de 7977,90 euros, des dommages et intérêts au titre de l’exécution du contrat de travail à la somme de 5000 euros et en tout état de cause, la condamnation de l’intimé à lui verser 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

 

L’appelante expose que la faute grave est caractérisée, que l’intimé ne s’est plus présenté à son poste de travail à compter du 28 novembre 2018, qu’alors qu’il était attendu au lieu d’enlèvement sis à [Localité 6] à 15h15 pour assurer la liaison [Localité 3]-[Localité 8], il n’a jamais pris ses fonctions, qu’il n’a jamais écrit à son employeur pour justifier des raisons de ses absences, malgré deux mises en demeure, qu’elle verse aux débats les accusés de réception de chacune d’elles, que ces absences injustifiées ont été préjudiciables au bon fonctionnement de la société qui est spécialisée dans la messagerie, que l’abandon de poste de l’intimé constitue, en conséquence, une faute grave justifiant son licenciement, qu’il a jugé opportun de justifier son absence de décembre 2018 plus de quatre mois après son licenciement, que l’employeur n’a pas à supporter la carence du salarié dans ses démarches administratives, qu’il lui appartenait d’anticiper les délais administratifs et, en tout état de cause, d’écrire à ce dernier pour lui faire part de ses difficultés, qu’il a refusé d’être affecté sur un poste de chauffeur de véhicule léger, après qu’il n’eut plus eu le droit de conduire un poids lourd, que la société n’a jamais accepté de lui accorder une semaine complète de congés en novembre 2018, à titre subsidiaire, que la moyenne de ses trois derniers mois de salaire s’élève à 2785,18 euros, qu’il ne justifie d’aucune circonstance de nature à justifier l’octroi d’une indemnité supérieure à un mois de salaire, qu’il a immédiatement retrouvé un emploi après son licenciement au sein de la société Mametrans, qu’il ne démontre nullement que la société l’aurait, à plusieurs reprises, placé d’autorité en congés payés ou en repos compensateur, sans demande de sa part, qu’il a reconnu avoir déjà présenté oralement des demandes d’absence, sans respecter la procédure interne, qu’il était conducteur de «véhicule léger» au sein de la société, que la prime de polyvalence n’est accordée qu’aux conducteurs de poids-lourds, qu’il est devenu «chauffeur SPL» en août 2018, que ce n’est donc qu’à compter de cette date qu’il pouvait valablement prétendre au versement de ladite prime, que la société ULS LINE l’a bien versée à partir d’août 2018, que le contrat de travail ayant été rompu le 29 décembre 2018, les conditions n’étaient pas réunies pour qu’il perçoive la prime qualité pour le second semestre 2018, que les deux versements ponctuels de 274,54 euros en septembre 2018 et de 705,52 euros en octobre 2018 ne peuvent permettre de démontrer l’existence d’un usage au sein de l’entreprise l’obligeant à verser à l’intimé une indemnité kilométrique sur l’ensemble de sa période d’activité, qu’il n’a présenté aucune fiche en vue du remboursement de ses indemnités kilométriques pour la période antérieure à août 2018 et celle postérieure à septembre 2018 durant la relation contractuelle, que l’indemnité de grand déplacement est versée aux salariés qui n’ont pas la possibilité de revenir à leur lieu de prise de poste et qui sont donc dans l’obligation d’engager des frais supplémentaires de logement, que lorsqu’il assurait la liaison [Localité 10]-[Localité 4], l’intimé avait la possibilité de revenir à son lieu de prise de poste, à savoir [Localité 10], qu’aucune indemnité de grand déplacement ne lui a été versée chaque fois qu’il a assuré cette liaison, que l’indemnité de grand déplacement n’est pas versée au salarié qui a fait le choix de travailler pour une société distante de près de deux cents kilomètres de son domicile personnel, que tel était le cas en l’espèce, que l’intimé a été rempli de ses droits en matière d’indemnités de grand déplacement et de repas, que rien ne justifie que des dommages et intérêts soient alloués au titre d’un prétendu préjudice subi pendant l’exécution du contrat de travail, que les manquements reprochés à la société ne sont pas établis, que concernant l’obligation de délivrer un travail au salarié, elle a toujours respecté ses obligations, que l’intimé n’a plus travaillé à partir du 28 novembre 2018 en raison de l’abandon de son poste de travail.

Selon ses conclusions récapitulatives et en réplique reçues au greffe de la cour le 21 décembre 2021, [Y] [U] intimé et appelant incident sollicite de la cour la réformation du jugement entrepris et la condamnation de la société à lui verser

– 2950,92 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 295,09 euros au titre des congés payés afférents au préavis

– 1411,54 euros à titre d’indemnité légale de licenciement

– 20636 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 1817,79 euros au titre des retenues sur salaire injustifiées pour absence en novembre et décembre 2018

– 2124,12 euros au titre des retenues sur salaires pour congés payés et repos compensateur imposés abusivement par l’employeur

– 2288 euros à titre de rappel de prime de polyvalence à titre principal ou 286 euros à titre subsidiaire

– 900 euros à titre de rappel de prime de qualité

– 713 euros au titre des congés payés afférents aux rappels de salaires à titre principal ou 512,8 euros à titre subsidiaire

– 7977,90 euros d’indemnités de repas et de déplacements

– 13214,01 euros à titre de rappels d’indemnités kilométriques

– 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis durant l’exécution du contrat de travail du fait des manquements de l’employeur

– 3500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance et l’instance d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’intimé soutient que la société ULS LINE a procédé à son licenciement peu de temps après qu’il lui a réclamé, en août 2018, le remboursement de ses indemnités kilométriques, qu’elles ne lui ont été versées que pour les mois de septembre et d’octobre 2018, que ce licenciement est en outre intervenu quelques semaines après qu’il a signifié à son employeur certaines difficultés rencontrées dans le cadre de l’exécution de son travail, qu’il conteste la réalité du motif allégué dans la lettre de licenciement, qu’il n’a pas abandonné son poste mais a été empêché d’exercer ses fonctions en raison de la délivrance tardive par l’administration de son permis de conduire poids lourds et du refus de son employeur de l’affecter à la conduite de véhicules légers, à compter de la fin du mois de novembre 2018, dans l’attente de la délivrance de son permis poids lourds, qu’à l’expiration de la période de validité de son permis provisoire, soit le 26 novembre 2018, il n’avait toujours pas reçu son permis définitif, qu’afin de pouvoir régler cette difficulté administrative, il a sollicité de son employeur au début du mois de novembre 2018 le bénéfice d’une semaine de congés qui lui a été initialement accordée puis réduite à deux jours, que le 20 décembre 2018, il a retransmis un mail de l’administration préfectorale qui l’informait de ce que son permis lui serait adressé sous quinze jours, que la société n’en a tenu aucun compte et a poursuivi la procédure de licenciement entreprise avec précipitation, que ne lui fournissant pas de travail, elle ne peut pas sérieusement lui imputer un quelconque abandon de poste, qu’ayant été embauché pour la conduite de véhicules légers, il pouvait occuper ce type de poste, que les deux lettres de mise en demeure lui ont été adressées en même temps dans une seule enveloppe, que la société ne produit pas la moindre preuve d’une affectation à un poste quelconque du 28 novembre à son licenciement, qu’il a contesté son licenciement et son solde de tout compte par courrier du 18 avril 2019, dans le délai légal, que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, qu’il percevait une rémunération mensuelle moyenne de 2950,92 euros, qu’il est actuellement sans emploi, après avoir alterné, au cours de l’année 2019, de brèves périodes d’activité essentiellement à temps partiel et des périodes de chômage, que les dispositions de l’article L1235-3 du code du travail doivent être écartées compte tenu de leur inconventionnalité, que la société qui l’avait privé d’affectation les 28, 29 et 30 novembre et durant le mois de décembre 2018, lui reprochant à tort d’être en absence injustifiée a procédé à une retenue sur salaire d’un montant de 1817,79 euros, qu’elle l’a placé d’autorité en congés payés ou en repos compensateur, à plusieurs reprises, sans demande de sa part et sans même l’en informer, ce qu’il a découvert par la suite, qu’il a été privé d’un montant total de rémunération de 1516,52 euros, qu’en outre son employeur lui a décompté abusivement sept jours de repos compensateur pour couvrir son absence d’affectation, qu’il n’a pas perçu mensuellement la prime de polyvalence qui lui était due en 2018, que la société ne peut prétendre qu’elle n’était accordée qu’aux conducteurs de poids lourds puisqu’il l’a perçue en septembre 2018 alors qu’il avait travaillé comme chauffeur de véhicule léger, que le contrat de travail conclu prévoyait à son bénéfice le versement d’une prime de qualité de 75 euros par mois, qu’elle ne lui a pas été payée durant toute l’année 2018, comme cela ressort de ses bulletins de paie, que la société ne peut se prévaloir de sa sortie des effectifs au 29 décembre 2018 pour le priver du versement de cette prime alors qu’il n’avait pas abandonné son poste et que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, qu’en reprenant les déplacements effectués en 2017 et 2018 pour le compte de la société, il a constaté qu’il n’avait pas perçu l’ensemble des indemnités de repas et de déplacement auxquelles il avait droit, que sa demande de rappel d’indemnité de grand déplacement ne concerne que les jours où il n’a pu ni se lever ni se coucher à son domicile, que dans ses décomptes, il a déduit les indemnités de repas et de casse-croûte qui lui avaient été payés par la société, que son domicile se situait à [Localité 9] et non à [Localité 10], que la liaison [Localité 10]-[Localité 4] était combinée avec celle de [Localité 4] à [Localité 7], de sorte qu’après un déchargement à [Localité 4], à 21 h 30, il assurait un autre transport en direction de [Localité 7], avec un autre véhicule de la société, qu’il a toujours été contraint d’utiliser son véhicule personnel pour se rendre sur son lieu de travail qui n’était pas desservi par les transports en commun à ses heures de prise de poste, qu’en moyenne, il effectuait un aller-retour par semaine, puisqu’il était contraint, les autres jours, en raison de la distance et des transports qu’il effectuait, de dormir sur place, que la société ne justifie pas du caractère exceptionnel des sommes qu’elle lui a versées en remboursement des frais engagés pour ses trajets effectués en septembre et en octobre 2018, que durant l’exécution de son contrat de travail, la société a manqué à son obligation essentielle de lui fournir le travail convenu, en janvier, février, mai, novembre et décembre 2018, qu’elle ne lui a pas payé l’ensemble des sommes qui lui étaient dues au titre des transports qu’il effectuait, qu’à deux reprises, elle l’a fait travailler sept jours sur sept.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Attendu en application de l’article L1234-1 du code du travail qu’il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que les motifs y énoncés sont une absence sans motif sur son lieu de travail depuis le 28 novembre 2018 constituant un abandon de poste ;

Attendu qu’il résulte des pièces versées aux débats que l’intimé devait reprendre son travail à compter du 28 novembre 2018 ; que ce jour-là, par SMS transmis à 15h 11, [J] [O], responsable d’exploitation, lui a demandé de l’informer sur l’état d’avancement de ses démarches administratives afférentes à son permis de conduire dont la validité était expirée depuis deux jours ; que l’intimé lui ayant immédiatement répondu qu’il avait rempli sa demande sur ANTS et qu’il attendait, [J] [O], en retour, l’a invité à se renseigner car, selon lui, dans de telles conditions il ne pouvait plus le faire travailler ; que par courriel du 30 novembre 2018, transmis à 14 h 17 et retransféré une heure plus tard, à 15h 17, [J] [O] a renouvelé sa demande d’information ; qu’il n’est pas démontré que l’intimé lui ait fourni la moindre réponse avant la transmission des courriers recommandés ; que ce dernier prétend qu’à la suite de ce mail, il avait appelé le responsable d’exploitation et proposé de reprendre le poste de chauffeur véhicule léger pour la ligne de nuit [Localité 10]-[Localité 4] mais qu’il lui avait été opposé que, sans titre de séjour valable, il ne pouvait pas travailler ; que toutefois, ces affirmations ne sont pas confortées par le moindre élément de preuve ; que [J] [O] s’inscrit en faux contre de telles affirmations, attestant qu’entre le 28 novembre 2018 et son licenciement, l’intimé ne s’était jamais manifesté ; que par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 3 décembre 2018, présenté le lendemain, la société a invité l’intimé à justifier son absence ; que toutefois le second courrier recommandé en date du 6 décembre 2018, par lequel la société réitérait sa demande, ne saurait être pris en considération, car il mentionne un numéro d’envoi identique à celui figurant sur le premier courrier ; que malgré la première mise en demeure, l’intimé ne s’est pas manifesté ; qu’il n’a répondu que le 20 décembre 2018, par courriel adressé à [J] [O] dans lequel était annexé un message informant le salarié que sa demande en ligne relative à son permis de conduire avait été acceptée ; que l’appelant a reçu ce document le 3 janvier 2019 ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que ce dernier ne s’est manifestement pas rendu sur son lieu de travail à compter du 28 novembre 2018 ; que toutefois la société ne pouvait ignorer que l’intimé n’était pas en possession de son permis de conduire poids lourd jusqu’à la mise en ‘uvre de la procédure de licenciement ; qu’une telle situation lui interdisait d’effectuer des transports planifiés par la société ; que cette dernière ne peut, de bonne foi, avoir organisé pour les 28 et 29 novembre 2018 un transport aller-retour [Localité 3]-[Localité 8] devant être effectué par l’intimé alors qu’elle savait qu’à cette date il ne pouvait pas travailler du fait que le bulletin d’avis favorable valant permis de conduire délivré au salarié était expiré à cette date ; qu’elle ne produit aucun autre planning susceptible de démontrer qu’elle avait organisé postérieurement au 28 novembre 2018 d’autres transports que l’intimé aurait pu effectuer en qualité de chauffeur de véhicule léger et qu’elle a dû les confier à d’autres chauffeurs de l’entreprise du fait de l’absence de l’intimé ; qu’enfin au regard du contrat de travail, l’intimé continuait de relever du groupe 3 bis-coefficient 118M attribué, selon la convention collective, à un ouvrier chargé de la conduite d’un véhicule jusqu’à 3,5 tonnes de poids total en charge inclus, les conducteurs de véhicule de 3,5 à 11 tonnes appartenant au groupe 4-coefficient 120M ; que la société aurait dû, dans l’attente de la régularisation de sa situation, affecter l’intimé à la conduite de véhicules légers conformément à ses obligations résultant du contrat de travail ; qu’il s’ensuit que l’abandon de poste n’étant pas caractérisé, le licenciement est bien dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu que la moyenne des trois derniers mois de salaire brut de l’intimé précédant son licenciement s’élève à 2785,18 euros ; que conformément aux dispositions de la convention collective, l’indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents et l’indemnité de licenciement doivent être évalués respectivement aux sommes suivantes : 2785,18 euros, 278,51 euros et 1411,54 euros ;

Attendu que les dispositions de l’article L1235-3 du code du travail sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail ; que par ailleurs les dispositions de la Charte sociale européenne n’étant pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l’invocation de son article 24 ne peut conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail ;

Attendu qu’à la date de son licenciement, l’intimé était âgé de 38 ans et jouissait d’une ancienneté d’un an et onze mois au sein de l’entreprise qui employait de façon habituelle au moins onze salariés ; que dès le 21 janvier 2019, il a trouvé un travail à plein temps de chauffeur livreur au sein de la société Mametrans puis, à compter de mai 2019, au sein de la société TPS ; que les premiers juges ont donc exactement évalué le préjudice subi par l’intimé par suite de la perte injustifiée de son emploi ;

Attendu, sur le rappel de salaire dû pour la période des mois de novembre et décembre 2018, que l’appelante ne démontre pas que durant cette période, elle a planifié des transports que l’intimé pouvait effectuer, en sa qualité de conducteur de véhicule léger, conformément au contrat de travail ; que la société est bien débitrice de la somme de 1817,79 euros à ce titre et de 181,77 euros au titre des congés payés y afférents ;

Attendu, sur les rappels de salaire dus au titre des congés payés et des repos compensateurs imposés, qu’il n’est pas démontré que la société ait obligé l’intimé à prendre des congés payés du 8 au 17 janvier 2018, du 19 au 24 février 2018 et du 3 au 12 mai 2018, ainsi que des jours de repos compensateur décomptés du 18 au 26 janvier 2018 ; qu’il apparaît en particulier que l’intimé a bien pris de congés payés du 26 au 27 novembre 2018, sans que la procédure exigée par la société et décrite dans le livret d’accueil ait été respectée ; que ce dernier ne peut prétendre avoir découvert cette comptabilisation au moment de la rupture de son contrat de travail alors que les différents bulletins de paye émis durant la période litigieuse mentionnaient bien les congés payés pris par le salarié ;

Attendu, sur le rappel de prime de polyvalence, que l’intimé en a été bénéficiaire des mois d’août à novembre 2018 ; que la société prétend que cette prime n’était versée qu’aux chauffeurs poids-lourd sans toutefois conforter cette affirmation par le moindre élément de preuve alors que par ailleurs comme le souligne l’intimé, celle-ci lui a été attribuée en septembre 2018, période durant laquelle il n’avait pas été chargé de conduire des poids lourds ; que cette prime s’élevant en moyenne mensuellement à 286 euros, il s’ensuit que la société est redevable, sur la période courant de janvier à décembre 2018, d’un reliquat de 2288 euros ;

Attendu, sur le rappel de prime de qualité, qu’il résulte du livret d’accueil du chauffeur établi par la société que cette prime n’était versée qu’aux salariés embauchés par contrat de travail à durée indéterminée ayant une ancienneté de plus d’un mois et présents au moment du versement de la prime les 30 juin et 31 décembre de chaque année ; que le contrat de travail ayant été rompu le 29 décembre 2018, la société n’est redevable que de la somme de 450 euros au titre de la prime due durant le premier semestre de l’année 2018 ;

Attendu, sur les indemnités de repas et de grand déplacement, que durant les années 2017 et 2018, l’intimé a été conduit à effectuer des transports à partir de [Localité 10] à destination de [Localité 4], [Localité 5] et [Localité 8] ; que durant toute la relation de travail, son domicile était fixé à [Localité 9], comme le font apparaître le contrat de travail et son avenant, les bulletins de paye et le certificat de travail établis par la société ; qu’il ne résulte nullement de l’article 6 du protocole du 30 avril 1974 relatif aux ouvriers sur les frais de déplacement, annexé à de la convention collective, que l’intimé devait être privé de ces indemnités, du fait qu’il aurait résidé à près de deux cents kilomètres de son lieu de travail ; que la société était donc redevable d’une indemnité de grand déplacement, lorsqu’en raison de son service, l’intimé se trouvait dans l’impossibilité de regagner son domicile ; qu’il résulte des pièces produites que, malgré cette situation, la société ne lui a versé que des indemnités de repas unique et des indemnités casse-croûte ; que compte tenu des décomptes produits par l’intimé, il apparaît que l’appelante reste encore redevable d’un rappel d’indemnités de repas ainsi que des indemnités de grand déplacement qu’il convient d’évaluer à la somme de 7977,90 euros ;

Attendu, sur les indemnités kilométriques, qu’il résulte des fiches versées aux débats que celles-ci ainsi que les frais annexes n’étaient dus qu’à la suite de l’utilisation par le salarié de son véhicule personnel pour le compte de la société ; que ces indemnités n’avaient donc pas vocation à rembourser les frais de carburant engagés par le salarié pour ses déplacements entre sa résidence habituelle et son lieu de travail ; que par ailleurs les deux versements à l’intimé d’un montant de 274,54 euros en septembre 2018 et de 705,52 euros en octobre 2018 ne démontrent pas à eux seuls l’existence d’un usage au sein de l’entreprise à cet effet ;

Attendu, sur le préjudice subi durant l’exécution du contrat de travail, que l’intimé fonde sa demande sur le non-paiement par son employeur de son salaire et des indemnités qui lui étaient dues, sur l’accomplissement de prestations durant sept jours à deux reprises en 2017 et sur l’obligation de prendre des congés de janvier à mai 2018 ; que toutefois ces deux dernières affirmations ne sont pas démontrées ou sont dépourvues de fondement ; que par ailleurs, l’intimé ne démontre pas qu’il avait subi un préjudice distinct alors que la société a par ailleurs été condamnée à lui verser les salaires et les différentes indemnités qui lui étaient dus ;

Attendu qu’il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l’intimé les frais qu’il a dû exposer en cause d’appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu’il convient de lui allouer une somme complémentaire de 2800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

REFORME le jugement déféré,

CONDAMNE la société URGENCES LIAISONS SERVICES LINE à verser à [Y] [U]

– 2785,18 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 278,51 euros au titre des congés payés afférents

– 1411,54 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 450 euros au titre de la prime de qualité pour l’année 2018,

– 7977,90 euros à titre de reliquat d’indemnités de repas et de grand déplacement

– 181,77 euros au titre des congés payés afférents au rappel de salaire,

DÉBOUTE [Y] [U] de sa demande au titre des indemnités kilométriques et du préjudice subi du fait des manquements de son employeur,

CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris,

ET Y AJOUTANT,

 

CONDAMNE la société URGENCES LIAISONS SERVICES LINE à verser à [Y] [U] 2800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

LA CONDAMNE aux dépens.

LE GREFFIER

A. LESIEUR

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE

 


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