Retenues sur salaire : 27 janvier 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01605

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Retenues sur salaire : 27 janvier 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01605

ARRÊT DU

27 Janvier 2023

N° 111/23

N° RG 20/01605 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TDCM

FB/VDO

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT OMER

en date du

10 Juin 2020

(RG 19/00102 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 27 Janvier 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANTE :

S.A.R.L. PALMES SERVICES

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Guy LENOIR, avocat au barreau de SAINT-OMER

INTIMÉ :

M. [O] [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Céline VENIEL, avocat au barreau de SAINT-OMER

DÉBATS : à l’audience publique du 14 Juin 2022

Tenue par Frédéric BURNIER

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaetan DELETTREZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphane MEYER

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Béatrice REGNIER

: CONSEILLER

Frédéric BURNIER

: CONSEILLER

Le prononcé de l’arrêt est prorogé du 30 septembre 2022 au 27 janvier 2023 pour plus ample délibéré

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Frédéric BURNIER, conseiller et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 24 mai 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [O] [X] a été engagé par la société Palmes Services, pour une durée indéterminée à compter du 12 juillet 2018, en qualité de chauffeur livreur.

Par lettre du 8 janvier 2019, Monsieur [X] a été convoqué pour le 16 janvier suivant, à un entretien préalable à son licenciement.

Par lettre du 21 janvier 2019, la société Palmes Services a notifié à Monsieur [O] [X] son licenciement pour faute grave, caractérisée par des absences répétées et injustifiées.

Le 14 février 2019, Monsieur [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Omer en sa formation des référés.

Par ordonnance du 5 mars 2019, le conseil de prud’hommes de Saint-Omer, statuant en référé, a condamné, sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 5ème jour suivant la notification de la décision et pendant 30 jours, la société Palmes Services à :

– régulariser l’ensemble des documents correspondant à l’accident du travail du 12 décembre 2018 (attestation de salaires, déclaration auprès de la CPAM) ;

– payer à Monsieur [X] les sommes de :

– 640,00 euros à titre de rappel de rémunération du 1er au 12 décembre 2018 ;

– 1 600,00 euros à titre de rappel de rémunération pour le mois de janvier 2019 ;

– 800,00 euros à titre de rappel de rémunération du 1er au 15 février 2019 ;

– remettre à Monsieur [X] les fiches de salaire correspondantes.

Le 22 mai 2019, Monsieur [O] [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Omer et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’à l’exécution de son contrat de travail.

Par jugement du 10 juin 2020, le conseil de prud’hommes de Saint-Omer :

– s’est déclaré compétent territorialement ;

– a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– a condamné la société Palmes Services à payer Monsieur [X] les sommes de :

– 640,00 euros à titre de rappel de rémunération du 1er au 12 décembre 2018 ;

– 1 600,00 euros à titre de rappel de rémunération pour le mois de janvier 2019 ;

– 800,00 euros à titre de rappel de rémunération du 1er au 15 février 2019 ;

– 304,00 euros au titre des congés payés sur rappels de salaire ;

– 1 055,13 euros au titre du solde de congés payés ;

– 900,00 euros au titre de la liquidation de l’astreinte prononcée par ordonnance de référé du 17 avril 2019 ;

– 1 600,00 euros à titre d’indemnité de préavis ;

– 500,00 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier ;

– 1 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

– a débouté la société Palmes Services de ses demandes reconventionnelles ;

– a ordonné la remise des documents de fin de contrat sous astreinte de 40 euros par jour de retard à compter du 5ème jour suivant la notification de la décision ;

– a condamné la société Palmes Services aux dépens de première instance.

La société Palmes Services a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 23 juillet 2020, en visant expressément les dispositions critiquées.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 octobre 2020, la société Palmes Services demande à la cour d’infirmer le jugement, de débouter Monsieur [X] de l’ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer les sommes de :

– 3 040 euros au titre d’un indu de salaire ;

– 550 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 novembre 2020, Monsieur [O] [X], demande à la cour de confirmer le jugement, de rejeter les demandes de la société Palmes Services et de la condamner au versement d’une indemnité de 2 500 euros pour frais de procédure.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 24 mai 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour constate que la compétence territoriale du conseil de prud’hommes de Saint-Omer n’est pas discutée en cause d’appel.

Sur les demandes en rappel de salaire

L’employeur étant tenu, par le contrat de travail, de payer sa rémunération et de fournir un travail au salarié, il lui appartient, en cas de contestation portant sur une retenue sur salaire pour absence, de démontrer que le salarié a refusé d’exécuter son travail ou qu’il ne s’est pas tenu à sa disposition, et que le salaire n’était pas dû en raison de l’absence injustifiée.

En l’espèce, Monsieur [X] fait observer qu’il n’a plus perçu de rémunération à compter du 13 décembre 2018. Il soutient que l’employeur a alors cessé de lui fournir du travail.

Pour sa part, la société Palmes Services fait valoir qu’aucun salaire n’est dû puisque le salarié ne s’est plus présenté à son travail après un incident survenu le 13 novembre 2018. Elle indique avoir exécuté l’ordonnance de référé et avoir adressé à Monsieur [X] 3 chèques (un premier chèque de 507,63 euros correspondant au salaire de décembre 2018, un deuxième de 1 260,41 euros correspondant au salaire de janvier 2019 et une troisième de 669,66 euros correspondant au salaire de février 2019). Elle demande la restitution de la somme de 3 040 euros correspondant à ces salaires qu’elle estime indus.

Les parties conviennent que Monsieur [X] n’a réalisé aucune prestation de travail à compter du mois de décembre 2018. La lecture des bulletins de salaire confirme que des retenues sur salaire ont alors été effectuées.

La société Palmes Services n’apporte aucun élément susceptible de prouver que le salarié a refusé d’exécuter son travail ou qu’il se trouvait en absence injustifiée.

En revanche, Monsieur [X] démontre avoir envoyé à son employeur un courrier daté du 11 décembre 2018 dans lequel il indique se maintenir à la disposition de la société et s’inquiète de ne pas avoir reçu de planning, de ne pas avoir obtenu de réponses malgré plusieurs appels adressés au gérant et d’avoir trouvé les locaux fermés lorsqu’il a tenté, à plusieurs reprises, de se présenter sur son lieu de travail. Le cachet des services postaux montre que cette lettre recommandée avec accusé de réception, expédiée à l’adresse de la société Palmes Services, a été retournée à l’intimé au motif suivant : ‘pli avisé non réclamé’.

La cour retient que la société Palmes Services a manqué à son obligation de fournir du travail à son salarié alors que ce dernier est demeuré à sa disposition. Elle est donc tenue au paiement des salaires du mois de décembre 2018 (dans la limite de la demande) au 15 février 2019, date de présentation de la lettre de licenciement.

Il est constant qu’il incombe à l’employeur de rapporter la preuve du paiement du salaire.

La production de la copie de trois chèques, établis par la société Palmes Services à l’ordre de Monsieur [X], datés des 23 avril et 23 mai 2019, ne saurait suffire à établir la preuve d’un paiement effectif alors qu’aucune pièce comptable ne garantit leur encaissement par le salarié, qui, par ailleurs, conteste en avoir été destinataire.

La société Palmes Services ne démontre pas plus avoir procédé au paiement effectif de l’indemnité compensatrice de congés payés mentionnée sur le bulletin de salaire du mois de février 2019.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la société Palmes Services à payer à Monsieur [X] les sommes de:

– 640,00 euros à titre de rappel de salaire pour le mois de décembre 2018;

– 1 600,00 euros à titre de rappel de salaire pour le mois de janvier 2019;

– 800,00 euros à titre de rappel de salaire pour le mois de février 2019;

– 304,00 euros à titre d’indemnité de congés payés afférente à ces rappels de salaire;

– 1 055,13 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés.

Par confirmation du jugement entrepris, la société Palmes Services sera déboutée de sa demande reconventionnelle de restitution des sommes qu’elle devait payer à titre de rappels de salaire et que, par ailleurs, elle ne démontre pas avoir effectivement versées.

Sur la liquidation de l’astreinte

Par ordonnance du mars 2019, le conseil de prud’hommes de Saint-Omer, statuant en référé, a condamné la société Palmes Services à, notamment, payer à Monsieur [X] les sommes de:

– 640,00 euros à titre de rappel de rémunération du 1er au 12 décembre 2018;

– 1 600,00 euros à titre de rappel de rémunération pour le mois de janvier 2019;

– 800,00 euros à titre de rappel de rémunération du 1er au 15 février 2019.

Il a assorti cette condamnation d’une astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 5ème jour suivant la notification de la décision et pendant 30 jours. Il a laissé au conseil de prud’hommes le pouvoir de liquider cette astreinte.

Cette ordonnance a été signifiée à la société Palmes Services le 17 avril 2019.

Il a été jugé que la production de la copie de trois chèques ne suffit pas à établir la preuve d’un paiement effectif.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que société Palmes Services n’avait pas exécuté cette ordonnance de référé et ont fixé à 900 euros la somme due au titre de la liquidation de l’astreinte afférente.

Sur le licenciement pour faute grave

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle nécessite le départ immédiat du salarié, sans indemnité.

La preuve de la faute grave incombe à l’employeur, conformément aux dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 21 janvier 2019, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l’article L.1232-6 du code du travail, est libellée dans les termes suivants :

« Au cours de l’entretien préalable en date du 16/01/2019 nous vous avons demandé de vous expliquer sur les agissements dont vous avez été l’auteur, à savoir vos absences répétitifs et sans fournir aucun justificatif valable.

Ces faits constituent une faute grave qui nous a causé un préjudice commercial et financier important. Nous sommes donc contraints de mettre fin à votre contrat de travail, votre attitude rendant impossible la poursuite de votre activité professionnelle au sein de notre entreprise.

Par la présente, il vous est donc notifié votre licenciement, sans préavis, ni indemnité de rupture.»

La société Palmes Services n’apporte aucun élément susceptible de prouver que le salarié a refusé d’exécuter son travail ou qu’il se trouvait en absence injustifiée, alors que ce dernier démontre s’être tenu à la disposition de la société qui ne lui a pas fourni de travail.

Il s’ensuit que l’existence d’une faute commise par Monsieur [X] n’est pas établie.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement qui a retenu que ce licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse.

A la date de la rupture, Monsieur [X] comptait 6 mois d’ancienneté.

Il est donc fondé à percevoir, sur le fondement des articles L.1234-1 et L.1234-5 du code du travail, une indemnité compensatrice de préavis égale à un mois de salaire, soit la somme de 1 600 euros.

Au vu des éléments de la cause, de l’ancienneté du salarié, de son âge, de ses perspectives pour retrouver un emploi et de son niveau de rémunération, les premiers juges ont, en application de l’article L.1235-3 du code du travail, procédé à une exacte appréciation de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en la fixant à la somme de 500 euros.

Sur les autres préjudices

Le défaut de paiement des salaires pendant près de 3 mois, l’absence de régularisation ultérieure, malgré l’injonction faite par le juge des référés, et la remise d’une attestation destinée à Pôle emploi incomplète (ne portant ni signature ni cachet de l’entreprise permettant l’authentification de l’employeur) ont causé à Monsieur [X] un préjudice financier que les premiers juges ont pu évaluer à la somme de 500 euros.

En revanche, Monsieur [X] ne justifie ni de l’existence ni de l’étendue d’un préjudice moral. Le jugement sera infirmé de ce chef et l’intéressé sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur les autres demandes

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné, sous astreinte, la remise de documents de fin de contrat conformes à ses dispositions.

Sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la société Palmes Services à payer à Monsieur [X] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu’il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu’il y a lieu de fixer à 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Dans la limite de sa saisine,

Confirme le jugement déféré,

excepté en ce qu’il a condamné la SARL Palmes Services à payer Monsieur [O] [X] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Infirme le jugement de ce chef,

Statuant à nouveau sur le point infirmé et y ajoutant :

Déboute Monsieur [O] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Condamne la SARL Palmes Services à payer à Monsieur [O] [X] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que les autre condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2019,

Déboute la SARL Palmes Services de sa demande d’indemnité pour frais de procédure formée en cause d’appel,

Condamne la SARL Palmes Services aux dépens d’appel.

LE GREFFIER

Annie LESIEUR

P/ LE PRESIDENT empêché

Frédéric BURNIER, conseiller

 


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