COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 27 JANVIER 2023
N° 2023/043
Jonction avec le RG 21/2447
Rôle N° RG 19/04293 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BD6NU
[J] [S]
C/
SASU ICTS [3]
Copie exécutoire délivrée
le : 27 janvier 2023
à :
Me Nathalie CAMPAGNOLO, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Laurent DESCHAUD, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARTIGUES en date du 07 Février 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00606.
APPELANTE
Madame [J] [S], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Nathalie CAMPAGNOLO de la SELARL NCAMPAGNOLO, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Cyril BOUDAULT, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SASU ICTS [3], demeurant AEROPORT [3] – [Localité 2]
représentée par Me Laurent DESCHAUD, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Coralie ELETTI, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023
Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
La société ICTS [3] a engagé Madame [J] [S] à compter du 7 octobre 2013 en qualité de gestionnaire de planning , classification employée, position III-3, coefficient 150 pour une durée mensuelle de travail de 151,67 heures moyennant un salaire annuel brut de 22.286 € comprenant une prime de sûreté aéroportuaire (PASA) correspondant à un mois de salaire.
La convention collective nationale applicable est celle des entreprises de prévention et de sécurité.
Invoquant une rupture d’égalité de traitement salarial, des manquements de l’employeur dans l’exécution de ses obligations contractuelles, une discrimination sur la nationalité, Madame [S] a saisi le 1er août 2017 le conseil de prud’hommes de Martigues d’une demande de révision de sa classification au niveau IV, coefficient 190, échelon 3 et de son salaire mensuel brut ainsi que de diverses demandes à titre salarial et indemnitaire lequel par jugement du 7 février 2019 a:
– dit que Madame [S] était infondée en son action,
En conséquence,
– débouté Madame [S] de l’intégralité de ses demandes,
– débouté Madame [S] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la société ICTS [3] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Madame [S] a relevé appel de ce jugement le 14 mars 2019 par déclaration adressée au greffe par voie électronique lequel a été enrôlé sous le n°RG 1904293.
Par courrier du 23 avril 2019, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Elle a saisi le conseil de prud’hommes le 3 décembre 2019 d’une nouvelle instance lui demandant de requalifier sa prise d’acte pour exécution déloyale du contrat de travail en un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse et de condamner l’employeur à lui payer des indemnités de préavis, de licenciement et des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail lequel par jugement du 21 décembre 2020 a :
– dit que les manquements invoqués à l’appui de la prise d’acte ne sont pas établis,
– dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de Madame [S] produit les effets d’une démission,
– débouté Madame [S] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la société ICTS de sa demande indemnitaire au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Madame [S] a relevé appel de ce jugement le 17 février 2021 par déclaration adressée au greffe par voie électronique lequel a été renrôlé sous le N°RG 21/02447.
Dans la procédure n°1904293 :
Aux termes de ses conclusions d’appelante n°3 notifiées par voie électronique le 31 août 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, Madame [S] a demandé à la cour de :
Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Martigues le 7 février 2019,
Prononcer la jonction avec la procédure enrôlée sous le N°RG 21/02063,
Et statuant à nouveau:
Sur l’exécution du contrat de travail :
– dire et juger que Madame [S] doit être positionnée au niveau IV, coefficient 190, échelon 3 de la convention collective applicable,
– fixé le salaire mensuel brut de Madame [S] à 2.028,38 € brut,
– constater les manquements de la société ICTS [3] dans l’exécution de ses obligations contractuelles,
– constater la discrimination sur la nationalité dont est victime Madame [S],
– constater la rupture d’égalité de traitement dont est victime Madame [S] et la violation de la règle à travail égal salaire égal,
En conséquence:
– condamner la société ICTS [3] à verser à Madame [S] les sommes suivantes:
– 17.973,48 € brut à titre de rappel de salaire sur positionnement à compter du 1er juillet 2014 et 1.797,34 € brut de congés payés afférents,
– 2.725,55 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires à compter du 1er juillet 2014 et 272,55 € de congés payés afférents,
– 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– 12.050 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,
– ordonner la rectification des bulletins de paie sous astreinte de 150 € par jour de retard ,
Sur la rupture du contrat d etravail:
– dire et juger que la prise d’acte est justifiée par les manquements de la société ICTS [3] et qu’elle produit les conséquences d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la société ICTS [3] au paiement des sommes suivantes:
– 4.290 € à titre de rappel de salaire sur préavis outre 429 € de congés payés afférents,
– 2.949 € d’indemnité de licenciement,
– 15.000 € de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause:
– condamner la société au paiement de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l’instance,
– assortir toutes ces sommes des intérêts de droit à compter de la saisine du conseil de prud’hommes.
Par conclusions d’intimée notifiées par voie électronique le 13 août 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, la société ICTS [3] a demandé à la cour de :
A titre principal:
Confirmer dans toutes ses dispositions le jugement déféré,
– déclarer irrecevables les demandes additionnelles formulées en cause d’appel,
– débouter Madame [S] de l’intégralité de ses demandes,
A titre subsidiaire:
– dire et juger que les manquements invoqués à l’appui de la prise d’acte ne sont pas établis,
En conséquence,
– dire et juger que la prise d’acte produit les effets d’une démission,
– débouter Madame [S] de l’intégralité de ses demandes,
A titre infiniment subsidiaire:
– dire et juger que les manquements invoqués à l’appui de la prise d’acte ne sont pas d’une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail,
En conséquence,
– dire et juger que la prise d’acte produit les effets d’une démission,
– débouter Madame [S] de l’intégralité des demandes qui se rapportent à la rupture de son contrat de travail,
En tout état de cause:
– condamner Madame [S] à verser à la société la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Madame [S] aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 5 septembre 2022, l’audience de plaidoiries ayant été fixée au 21 septembre 2022, date à laquelle elle a été renvoyée à l’audience du 5 décembre 2022 afin de pouvoir évoquer à la même audience la procédure enregistrée sous le n° RG 2102447.
Dans la procédure n°21/02447 :
Suivant conclusions d’appelant n°2 notifiées par voie électronique le 30 novembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, Madame [S] a demandé à la cour de :
Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Martigues le 21 décembre 2020 dans son ensemble,
– prononcer la jonction avec la procédure enrôlée sous le n°19/04293 pendante devant la juridiction de céans,
– dire et juger ses demandes recevables et bien fondées,
Statuant à nouveau:
– constater les manquement de l’employeur, la société ICTS [3] dans l’exécution de ses obligations contractuelles,
– dire et juger que la prise d’acte est justifiée par les manquements de l’employeur la société ICTS [3] et qu’elle produit les conséquences d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la société ICTS [3] au paiement des sommes suivantes:
– 4.290 € à titre de rappel de salaire sur préavis outre 429 € de congés payés afférents,
– 2.949 € d’indemnité de licenciement,
– 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause :
– condamner la société ICTS [3] aux entiers dépens et au paiement de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– assortir toutes ces sommes des intérêts de droit à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,
– débouter la société ICTS Marseille de toutes ses demandes.
Par conclusions en réponse d’intimée notifiées par voie électronique le 28 juillet 2021 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, la société ICTS [3] a demandé à la cour de :
A titre principal:
Confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
En conséquence:
– débouter Madame [S] de l’intégralité de ses demandes,
A titre subsidiaire :
– dire et juger que les manquements invoqués à l’appui de la prise d’acte ne sont pas établis,
En conséquence,
– dire et juger que la prise d’acte produit les effets d’une démission,
– débouter Madame [S] de l’intégralité de ses demandes,
A titre infiniment subsidiaire :
– dire et juger que les manquements invoqués à l’appui de la prise d’acte ne sont pas d’une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail,
En conséquence,
– dire et juger que la prise d’acte produit les effets d’une démission,
– débouter Madame [S] de l’intégralité de ses demandes,
En tout état de cause:
– condamner Madame [S] à verser à la société la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Madame [S] aux entiers dépens.
Madame [S] reproche à l’employeur une exécution déloyale de son contrat de travail en:
– ayant supprimé en novembre 2016 le versement de la prime de sûreté portuaire dite prime Pasa intégrée dans son salaire en l’absence de son accord exprès et en ayant procédé sans son accord à une modification de la structure de sa rémunération,
– ayant violé le principe d’égalité de traitement salarial en ne la rémunérant pas au niveau des autres salariés de son service exerçant pourtant des fonctions de moindre responsabilité cette discrimination étant fondée sur sa nationalité,
– ayant mis à sa charge sans son consentement des responsabilité supplémentaires nécessitant l’exécution d’heures supplémentaires demeurées impayées, l’employeur ayant commis l’infraction de travail dissimulé,
– cette attitude dénigrante ayant eu des répercussions sur son état de santé et justifiant sa prise d’acte intervenue le 28 avril 2019 alors qu’elle avait récemment appris qu’un salarié embauché en son absence occupant le poste de gestionnaire planning était positionné sur un coefficient supérieur au sien.
La société ICTS [3] conteste les manquements allégués à l’exécution du contrat de travail en faisant valoir :
– qu’il n’y a pas eu de modification illicite de la rémunération de la salariée, la prime PASA dont elle bénéficiait, alors même que celle-ci n’était applicable qu’aux opérationnels, lui ayant été payée en 2016 à sa demande par lissage de sa rémunération sur l’année,
– qu’il n’y a pas eu de différence de traitement salarial Madame [S] n’ayant pas été sous-classifiée en comparaison de Monsieur [L] lequel n’exerçait pas les mêmes fonctions et n’avait pas les mêmes responsabilités ni en comparaison de Madame [K], embauchée en remplacement de Monsieur [L] et non de Madame [S] et bénéficiant ainsi d’une claissification identique à celle de ce dernier,
– qu’elle a proposé de nouvelles missions Madame [S] dont la mission initiale était de saisir les horaires de vacations accomplis par les salariés qui a été supprimée à compter du 1er janvier 2016 suite à l’introduction de la pointeuse dans la société, mais qu’en raison de l’opposition de la salariée ses missions n’ont jamais été modifiées ou réorganisées, celle-ci ne le démontrant pas, les attestations qu’elle verse aux débats émanant de salariés en litige avec la société,
– qu’elle n’a pas réalisé davantage d’heures supplémentaires que celles qui lui ont été rémunérées alors que le personnel administratif enregistre ses horaires selon un système déclaratif et qu’elle n’est pas concernée par l’application de l’article 14 de l’accord du 17 avril 2012 prévoyant un nombre maximum de 4 journées de travail lequel concerne le personnel opérationnel et non administratif,
– qu’il n’y a pas eu de discrimination tenant à la nationalité non-européenne de Madame [S], son nom ayant été mentionné au cours d’une réunion du comité d’entreprise non par la Direction mais par une déléguée syndicale et figurant sur un procès-verbal approuvé à l’unanimité, la salariée ne pouvant accuser son ancien employeur de ‘discrimination’ à raison de sa nationalité alors qu’il a soutenu ses démarches tendant à obtenir une carte de séjour ‘salarié,
– qu’il n’y a pas eu d’attitude dénigrante de l’employeur en ne répondant pas à ses réclamations.
Les griefs invoqués par la salariée à son encontre n’étant pas fondés, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’une démission et à supposer qu’ils le soient, ils ne constituent pas un obstacle à la poursuite du contrat de travail de Madame [S] en raison de leur ancienneté, alors que le dernier jour de travail de celle-ci remontant au mois de septembre 2016, les griefs allégués ne peuvent justifier une prise d’acte intervenue trois ans plus tard.
Elle ajoute qu’en l’absence de traitement discriminatoire la prise d’acte ne produit pas les effets d’un licenciement nul.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 2 décembre 2022 l’audience de plaidoiries étant fixée au 5 décembre 2022.
SUR CE :
Sur la demande de jonction :
Par application de l’article 367 du code de procédure civile, le juge peut à la demande des parties ou d’office ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.
En l’espèce, l’instance n° 1904293 est afférente à l’appel par Madame [S] formé à l’encontre du jugement du conseil de prud’hommes de Martigues du 07 février 2019 statuant sur différents manquements de l’employeur à l’exécution de son contrat de travail alors que l’instance n° 21/02447 est relative à l’appel de Madame [S] formé à l’encontre du jugement du conseil de prud’hommes de Martigues du 21 décembre 2020 statuant sur les effets de sa prise d’acte pour ‘exécution déloyale du contrat de travail’ reprenant les mêmes manquements de l’employeur et la même argumentation fondée sur les mêmes pièces que lors de la première instance.
La décision concernant l’instance n° 1904293 relative à l’exécution du contrat de travail ayant nécessairement une influence sur la décision concernant l’instance n° 21/02447 relative à la rupture du contrat de travail, il est nécessaire d’ordonner la jonction des deux instances sous le
n° 1904293 qui sera seul conservé.
Sur la recevabilité des demandes relatives à la rupture du contrat de travail formée dans l’instance n° 1904293 :
L’article 564 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
S’il est exact que le décret du 20 mai 2016 a abrogé les articles R 1452-6 et R 1452-7 du code du travail, lesquels, consacrant le principe de l’unicité de l’instance, imposaient que toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties fassent l’objet d’une seule instance, en l’espèce, la rupture du contrat de travail étant intervenue sur l’initiative de la salariée sous la forme d’une prise d’acte pour exécution déloyale du contrat de travail notifiée à l’employeur le 23 avril 2019 postérieurement au premier jugement du conseil de prud’hommes de Martigues, la cour constate qu’en raison de l’identité des griefs développés par la salariée à l’encontre de l’employeur dans l’ instance relative à l’exécution du contrat de travail et au soutien de sa prise d’acte survenue postérieurement au jugement du conseil de prud’hommes de Martigues du 07 février 2019 les demandes de Madame [S] formées au titre de la rupture du contrat de travail sont recevables.
Sur l’exécution du contrat de travail :
Sur la suppression de la prime PASA et les modifications de la structure de la rémunération :
L’article 4 du contrat de travail mentionne qu’en rémunération de ses fonctions, Madame [S] percevra un salaire annuel brut de 22.286 € comprenant une prime de sûreté aéroportuaire (PASA) qui sera versée selon les règles conventionnelles.
L’article 6 de l’accord portant sur les modalités de fonctionnement de l’entreprise ICTS [3] (pièce n°25) stipule que:
‘Conformément aux dispositions conventionnelles (article 2.5 de l’annexe VIII), une prime PASA sera versée sous forme d’acompte sur le mois de novembre à chaque salariée non cadre ayant un an d’ancienneté et présent au 31 octobre…(…)’.
L’article 2.5 de l’annexe VIII de la convention collective dispose que :
‘outre la prime de performance mentionnée à l’article 3.06 ci-après et spécifiquement eu égard aux pratiques salariales existantes pour d’autres métiers exercées sur les plateformes aéroporturaires, les salariés entrant dans le champ d’application de la présente annexe perçoivent une prime annuelle de sûreté aéroportuaire égale à un mois du dernier salaire brut de base du salarié concerné non cumulable dans l’avenir avec toute autre prime éventuelle versée annuellement. Cette prime est soumise à la totalité des cotisations sociales.
Le versement de cette prime en une seule fois en novembre, est subordonnée à la double condition d’une année d’ancienneté au sens de l’article 6.05 des clauses générales de la C.C.N et d’une présence au 31 octobre de chaque année. Cette prime n’est donc pas proratisable en cas d’entrée ou de départ en cours d’année en dehors des cas de transfert au titre de l’accord conventionnel de reprise du personnel.’
Le champ d’application de l’annexe défini dans l’article 1 est le suivant:
‘…Les dispositions du présent accord s’appliquent aux entreprises et aux personnels employés par elles qui dans le cadre du champ d’application général de la CCN des entreprises de prévention et de sécurité exercent effectivement toutes activités de contrôle de sûreté des personnes, des bagages, du fret , des colis postaux, des aéronefs et des véhicules effectuées sur les aéroports français notamment dans le cadre de l’article L.282-8 du code de l’aviation civile.
En conséquence, elles cessent de s’appliquer aux personnels concernés dès lors qu’ils ne sont plus affectés à une mission relevant de la sûreté aérienne et aéroporturaire au sens ci-dessus défini…(..)’
Le moyen de l’employeur tiré du fait que le personnel administratif est exclu du bénéfice de cette prime est inopérant alors que celle-ci contractualisée, a été réglée à Madame [S] :
– en novembre 2014, à concurrence de 1.714,33 €
– en novembre 2015 à concurrence de 1.719,46 €
et ne figurait pas sur le bulletin de salaire du mois de novembre 2016.
Selon le bulletin de paie du mois de décembre 2016, l’employeur a procédé à une retenue sur salaire de 1.545,28 € sur la période de janvier à novembre 2016 et a mentionné la prime PASA à concurrence de 1.753,85 €.
Madame [S] justifie avoir adressé à Monsieur [I] les 1er et 2 décembre 2016 des courriels constatant l’absence de la prime PASA sur son bulletin de paie du mois de novembre 2016 et lui indiquant ‘suite à notre entretien d’hier, auquel vous m’avez dit si j’ai bien compris que l’origine du problème prenait sa source chez ICTS Paris qui n’a pas validé le paiement de celle-ci avant de nous envoyer la liste des personnes qui en bénéficient, je souhaite savoir ce qu’il en est aujourd’hui quant à la régularisation de ma prime’ auxquels le Directeur général a répondu par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 décembre 2016 (pièce n°26) en lui indiquant :
‘Le 9 mars 2016, vous avez rencontré M. [I] pour signaler une erreur sur votre bulletin de paye. Il s’avère que par erreur le calcul de votre paye s’est effectué sur 12 mois et non sur 13 mois à la suite de la réintégration de votre prime PASA effectuée par erreur dans votre salaire de base.
Lors de cet entretien, vous avez émis le souhait de conserver ce salaire et ne plus percevoir votre prime PASA en novembre. Compte tenu de votre situation personnelle et à titre exceptionnel, nous avons laissé votre rémunération à 1.894,33 € brut sur 12 mois au lieu de 1.748,61 € brut sur 13 mois.
….A la suite de cet entretien (du 6 décembre avec M. [I] lequel lui aurait rappelé les termes de votre entretien du 9 mars 2016 et notamment que son salaire sur 12 mois incluait bien la prime PASA) vous l’avez informé n’avoir jamais accepté la réintégration de votre prims PASA.
Pour stopper toute polémique nous avons décidé de régulariser définitivement cette situation sur votre bulletin de paye de décembre 2016…’
Cependant, à l’exception de ce courrier, l’employeur ne produit aucun autre élément écrit confirmant la demande de la salariée de voir perdurer ce que la société ICTS [3] qualifie d’erreur alors que Madame [S] justifie de ce que la seule demande qu’elle ait faite en janvier et en mars 2016 auprès de M. [I] était une modification de son coefficient qui devait prendre effet à compter de janvier 2016 (pièce n°2) et qui a l’examen des bulletins de salaire n’a jamais été réalisée alors que la structure de la rémunération de Madame [S] a bien été modifiée sans augmentation de coefficient en janvier 2016 puis en décembre 2016 sans que l’employeur ne démontre la réalité de l’accord de celle-ci relatif au mode de calcul de sa rémunération qui est pourtant un élément essentiel du contrat de travail et sans que celui-ci ne réponde à la demande de Madame [S] de modification de son coefficient lequel est demeuré à 150, l’augmentation de la rémunération mensuelle brute résultant uniquement du lissage de la prime PASA sur 12 mois.
Ce premier manquement de l’employeur est ainsi établi.
Sur la classification professionnelle et l’inégalité de traitement salarial :
La qualification professionnelle du salarié qui doit être précisée dans le contrat de travail est déterminée en référence à la classification fixée par la convention collective applicable dans l’entreprise.
En cas de litige, il appartient au juge d’apprécier les fonctions réellement exercées par le salarié
En cas de sous-classement, le salarié doit être replacé de manière rétroactive au niveau auquel son poste correspond. Il peut alors prétendre à un rappel de salaire correspondant au minimum conventionnel afférent à ce coefficient.
En application du principe «à travail égal, salaire égal», les salariés placés dans une situation identique et effectuant un travail de valeur égale doivent être rémunérés de manière identique.
Il appartient à celui qui invoque une inégalité de traitement de démontrer au préalable qu’il exerce des fonctions identiques ou similaires à celles du salarié à qui il se compare.
Si ces éléments sont rapportés, il incombe alors à l’employeur d’établir que les différences de traitement reposent sur des raisons objectives dont le juge peut contrôler la réalité et la pertinence
Madame [S] a été embauchée le 4 octobre 2013 en qualité de gestionnaire planning, statut employée, position III-3, coefficient 150 et elle compare sa situation :
– principalement à celle de Monsieur [Z] [L] lequel selon l’avenant au contrat de travail du 2 mai 2012 qu’elle verse aux débats en pièce n°40 exerce à compter du 1er mai 2012 les fonctions d »Assistant gestionnaire planning’ sous l’autorité du responsable planning en lien fonctionnel avec la direction générale statut employé, position 3, niveau 4, coefficient 190,
– et plus ponctuellement à celle de Madame [K] dont l’avenant au contrat de travail produit en pièce n°47 et signé le 1er juin 2017 lui confie les fonctions de ‘gestionnaire planning’ statut employé, échelon 2 – niveau 4, coefficient 175 .
Alors que la société ICTS [3] soutient que les fonctions occupées par Monsieur [L] et Madame [S] sont d’une nature différente, le premier , dont les responsabilités sont plus importantes, chargé de travailler avec le coordinateur du service, établissant les plannings mensuels alors que la seconde assurait exclusivement le respect des plannings quotidiens ce qui se déduit de l’énumération de ses tâches figurant dans un courriel du 26 juillet 2016 (pièce n°7) et du courriel du 29 juillet 2016 qu’il produit aux termes duquel, la salariée demande à son interlocuteur de se rapprocher de ‘[O] et de [Z]’, il résulte cependant de l’avenant au contrat de travail de M. [L] que celui-ci était également chargé de l’élaboration du planning journalier comme d’ailleurs de la gestion de temps, alors que Madame [S] rappelait le 26 juillet 2016 qu’elle établissait les plannings mensuels et journaliers des agents, comme du témoignage de ce dernier (pièce n°8) rédigé le 2 janvier 2017, soit plusieurs mois avant son départ de la société, affirmant qu’il ‘effectue exactement les mêmes tâches que [J]’ ce qui est confirmé par un courriel émanant de ce dernier le 18 octobre 2016 demandant à ce que Madame [S] ait connaissance des échanges entre le service et la direction celle-ci ‘pouvant participer à l’élaboration du planning mensuel ou encore remplacer’ (pièce n°17) par sa réponse à Madame [V] le 10 août 2016 par les témoignages de Monsieur [X] (pièce n°9), de Monsieur [N] (pièce n°10) de Monsieur [A] (pièce n°43) confortés par la teneur de nombreux courriels émanant d’autres salariés (pièces n°53) attestant qu’ils avaient pour consignes pour toute demande concernant la planification de s’adresser à Monsieur [L] et à Madame [S], Monsieur [T] (pièce n°41) en sa qualité de coordinateur planning adressant à ‘[Z] et [J]’ ses demandes d’intégration de documents dans la planification mensuelle.
Par ailleurs, il est constant que Madame [K], embauchée initialement le 24 avril 2013 en qualité d’opérateur de sûreté s’est vu confier dans le cadre d’une évolution interne à compter du 1er juin 2017 par avenant à son contrat de travail (pièce n°47) les missions de gestionnaire de planning, l’intitulé du poste correspondant à celui de Madame [S] et non à celui de Monsieur [L], son coefficient fixé à175 – échelon 3 – niveau 4 étant effectivement supérieur à celui de Madame [S].
Il se déduit de ces éléments que le poste de Madame [S] n’est pas hiérarchiquement supérieur à celui de Monsieur [L] celle-ci ne pouvant utilement tirer argument du seul intitulé de ce poste mais que pour autant les fonctions qu’elle exerçait était identiques tant par leur nature que par la responsabilité en résultant alors que s’il est exact que Monsieur [L] bénéficiait d’une ancienneté dans l’entreprise bien plus importante que Madame [S], ayant été engagé en qualité d’opérateur de sûreté le 1er décembre 2011 avec une reprise d’ancienneté au 07 avril 2003, soit 10 ans plus tôt, Madame [S] justifie quant à elle en pièce n°49 qu’en 2012/2013, elle était étudiante en 3ème cycle (Thèse professionnelle – bac +6/8) dans la filière Management et affaires internationales, l’employeur ayant particulièrement souligné dans le courrier de soutien à la demande d’obtention de carte de séjour ‘salarié’ ‘qu’elle maîtrisait les logiciels MMS et logiciels Orbits, qu’il fallait absolument qu’elle obtienne sa carte de séjour salarié afin de pouvoir exercer parfaitement dans notre société en effet, ces logiciels étant spécifiques et propre au domaine d’activité de notre entreprise, il nous est impossible de trouver des candidats maîtrisant ces logiciels.
Ces logiciels permettent de planifier nos agents de sureté, d’établir et de modifier leur planning, de prendre en compte les modifications du bon de commande de l’aéroport , de faire la gestion de temps des salariés. Sans ce logiciel, il serait impossible de planifier les agents de sûreté et d’armer convenablement tous les postes sureté de l’aéroport.’ ce dont il résulte qu’il n’y a pas de différence de nature ni de responsabilité entre l’établissement mensuel des plannings de sûreté et leur gestion quotidienne.
Au regard de son niveau d’études, de sa maîtrise des logiciels de planification, de la nature et de la responsabilité résultant de ses fonctions qui, au regard des pièces produites, n’étaient limitées ni à la gestion des temps de travail ni à planification quotidienne, la salariée démontrant avoir exercé seule d’autres tâches supplémentaires ne relevant pas du service de la planification, Madame [S] établit avoir été sous-classée, l’employeur ne démontrant pas que la différence
de traitement constatée reposait sur des raisons objectives et doit être replacée de manière rétroactive au niveau auquel son poste correspond soit en l’espèce au niveau IV coefficient 190 échelon 3 le rappel de salaire correspondant devant être calculé non sur le salaire mensuel brut de Monsieur [L] s’élevant à 2.008,38 € celui-ci étant fixé au dessus des salaires minima de la convention collective de prévention et de sécurité en raison de ses dix années d’expérience mais sur la base des minima conventionnels soit:
– 1916,90 € à compter du 1er janvier 2013,
– 1939,90 € à compter du 1er août 2015,
– 1.969 € à compter du 1er janvier 2017.
La société ICTS [3] est ainsi redevable des rappels de salaire sur coefficient suivants:
– 2.430,84 € pour la période de juillet 2014 au 1er août 2015,
– 3.162,85 € pour la période du 1er août 2015 au 01/01/2017,
– 6.048 € pour la période du 01/01/2017 jusqu’en avril 2019, date de la prise d’acte.
Par infirmation des dispositions du jugement entrepris, la société ICTS est condamnée à payer à Madame [S] une somme de 11.641,69 € à titre de rappel de salaire sur coefficient outre 1.164,16 € de congés payés afférents.
Sur la charge de travail et les heures supplémentaires
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Enfin, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires , il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Madame [S] soutient que l’employeur a progressivement augmenté sa charge de travail en lui imposant des missions dépassant le cadre de ses fonctions et responsabilités ou de travailler pendant ses congés payés la contraignant à effectuer des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées.
La société ICTS [3] le conteste en indiquant que les fonctions et le travail de la salariée n’ont pas été modifiés, qu’il lui a été demandé exceptionnellement de tenir un engagement en contrepartie de l’accord de l’employeur pour deux semaines de congés payés, qu’il ne lui a jamais été demandé de rester joignable après sa journée de travail, que les horaires du personnel administratif sont enregistrés selon un système déclaratif, que les heures supplémentaires effectuées par Madame [S] en accord avec la direction lui ont été payées.
L’article 6 du contrat de travail dispose que Madame [S] sera soumise à l’horaire collectif en vigueur au sein de la société tel qu’il résulte des accords applicables à l’entreprise en matière d’aménagement et de durée du travail. Ainsi la durée mensuelle moyenne de travail de Madame [S] sera de 151,67 heures avec obligation de se conformer aux horaires nominatifs individuels fixés par la société.
L’employeur produit une attestation de l’un des délégués syndicaux de l’entreprise témoignant que ‘si les salariés opérationnels de la société ICTS MP ne peuvent travailler plus d’un week-end sur deux et que le nombre maximum de vacations ne peut être supérieur à 4 vacations, le personnel administratif n’est pas soumis à ce nombre de vacation’ et précise sans être utilement contredit que le personnel administratif doit se présenter entre 7h30 et 10h et partir entre 15h30 et 20h.
Par référence à la pièce n°24 de la salariée, il indique que le personnel administratif enregistre ses horaires selon un système déclaratif.
Cependant la comparaison des plannings individuels produits par Madame [S] et des bulletins de salaire correspondants met en évidence que de nombreuses heures supplémentaires mentionnées sur le premier document ne sont pas mentionnées sur les seconds et ne sont donc pas rémunérées (pour exemples : 18h17 en juillet 2014, 6h en septembre 2014 ou encore 10h75 en décembre 2015).
Si les courriels envoyés de son lieu de travail 1h, 2h30 voire 3h30 après l’heure déclarée de la fin de son poste (pièce n°24) ne sont pas probants dans la mesure où les messages entrants n’exigeaient pas une réponse immédiate en revanche, Madame [S] établit que l’employeur a bien conditionné la validation des congés payés à ‘la condition de respecter votre engagement sur la continuité de l’émargement’ ce qui impliquait de travailler durant ces mêmes congés.
Enfin, alors que la salariée produit aux débats un décompte précis des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées, l’employeur , qui assure le contrôle du temps de travail, verse aux débats uniquement le témoignage de Monsieur [B] (pièce n°9) et se borne à critiquer les pièces produites par la salariée et les moyens soulevés sans justifier d’aucun élément contraire alors que l’étude des nombreux courriels produits par la salariée permet de constater que ceux-ci étaient adressés en copie à sa hiérarchie qui avait donc ainsi connaissance de ses horaires de travail.
Ce faisant, sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation relative à l’augmentation de la charge de travail de la salariée, celle-ci justifiant par la production de témoignages concordants de Monsieur [S] (pièces n°8 et et 13) et de Monsieur [X], coordonnateur et chef d’équipe (pièce n°9) avoir été la seule à se voir confier la tâche supplémentaire relative aux maquettes journalières relevant pourtant du service exploitation ce dont elle s’est plaint auprès de sa direction dans un courriel ddu 10 août 2016 ‘c’est mon troisième jour de travail sur cette nouvelle tâche’ (pièce n°54) démontrant ainsi contrairement aux allégations de l’employeur qu’il ne s’agissait pas d’une simple proposition de réorganisation soumise à son accord mais de directives lui ayant été imposées, la cour estime, contrairement à la juridiction prud’homale que la société ICTS Marseille qui n’a pas réglé à celle-ci la totalité des heures supplémentaires effectuées dont le montant exactement calculé n’a pas été critiqué par l’intimée à titre subsidiaire, doit être condamnée à payer à Madame [S] une somme en brut de 2.725,55 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires outre 272,55 euros de congés payés.
Sur le travail dissimulé :
La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L. 8221-5 du code du travail est caractérisée lorsqu’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
Madame [S] reproche également à l’employeur de ne pas avoir respecté les dispositions du code du travail concernant l’embauche d’un étudiant étranger lequel n’est pas autorisé à exercer une activité salariée accessoire d’une durée annuelle de travail égale à 964 heures et de l’avoir embauchée à temps complet 151 heures par mois sans justifier avoir procédé à la déclaration nominative préalable adressée au préfet du département du lieu de résidence de la salariée prévue par l’article L.5221-9.
Cependant, il résulte du courrier du 6 juin 2014 adressé par l’employeur à la Direccte (pièce n°45) au soutien de la demande de Madame [S] d’obtention d’une carte de séjour salarié non contredit par les éléments produits par la salariée que celui-ci indique ‘en effet comme vous le constaterez, nous avons fait une demande d’autorisation de travail pour un salarié étranger (contrat de travail simplifié)’ le seul contrat de travail figurant en procédure étant celui du 4 octobre 2013 ce dont il résulte que la société ICTS [3] avait obtenu préalablement l’autorisation litigieuse.
Par ailleurs, le caractère intentionnel de l’infraction de travail dissimulé ne peut se déduire de la simple absence de mention d’une partie des heures supplémentaires sur les bulletins de paie alors que par ailleurs la lecture de ceux-ci établit que l’employeur y a régulièrement mentionné des heures supplémentaires.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de la salariée à ce titre celle-ci ne démontrant pas la mauvaise foi ou l’intention frauduleuse de l’employeur.
Sur la discrimination fondée sur la nationalité non européenne :
En application des dispositions des articles L 1132-1 et L 1134-1 du code du travail, dans leur version applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou d’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou renouvellement de contrat en raison, entre autres de son origine ou de son appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
En cas de litige, il appartient à celui qui se prévaut d’une discrimination directe ou indirecte de présenter au juge les éléments de fait laissant supposer la situation qu’il dénonce .
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Madame [S] affirme qu »il y a fort à penser que la différence de traitement dont elle a fait l’objet soit fondée sur sa nationalité’ et présente au soutien de cette affirmation :
– un procès-verbal de réunion du comité d’entreprise du 20 décembre 2016 indiquant:
‘La direction précise sans citer de nom après une interrogation venant des membre que la société compte bien un salarié de nationalité non européenne. Ce dernier fait partie du service administratif.
Madame [C] cite Madame [S] comme étant cette personne.
Madame [M] lui demande alors si elle en est sûre.
Madame [C] répond qu’il s’agit de simples déductions.
La direction ne fait aucun commentaire. (Pièce n°14)’,
– des témoignages de Monsieur [G] (pièce n°15), de Madame [M] (pièce n°16) confirmant que ce procès-verbal, approuvé à l’unanimité, a été affiché en salle de pause après approbation des membres élus.
S’il s’agit d’une violation de la vie privée d’un salarié, l’identité de la salariée ayant été ainsi diffusée à l’ensemble des salariés de l’entreprise sans son accord, ce fait unique ne laisse cependant pas, à lui seul, supposer l’existence d’une discrimination fondée sur la nationalité aucun lien de causalité n’étant établi entre cet incident survenu le 20 décembre 2016 et la différence de traitement salarial constatée.
En conséquence, il convient de confirmer les dispositions du jugement entrepris ayant débouté Madame [S] de cette demande.
Sur la dégradation de l’état de santé de la salariée :
Madame [S] verse aux débats :
– un certificat médical du Dr [P] constatant le 28 décembre 2016 ‘une dermatose déclenchée par le stress professionnel’ (pièce n°20),
– un certificat médical du Dr [D], psychiatre du 13 juin 2017 certifiant suivre Madame [S] pour dépression grave avec maladie psychosomatique et souffrance alléguée au travail, (pièce n°21),
– un extrait de la partie ‘discussion’ d’un rapport d’expertise médicale d’un médecin conseil de l’Essonne (pièce n°51) déposé le 5 mars 2019 faisant état d’un arrêt de travail de la salariée depuis le 06 novembre 2017 et indiquant:’Madame [S] est encore dépressive en raison de ses difficultés au travail. Son état ne lui permet pas de reprendre un travail quelconque’.
Alors que les conclusions de l’expertise médicale rappelée ci-dessus ne sont pas communiquées, qu’aucun arrêt de travail n’est versé aux débats, aucune des pièces médicales sus-visées n’émanant d’un médecin du travail et toutes rapportant les propos de la salariée quant à l’origine de ses difficultés psychiques, celles-ci ne démontrent pas de lien de causalité entre les conditions de travail de travail de la salariée et la dépression médicalement constatée.
Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :
Madame [S] sollicite la condamnation de l’employeur à lui payer 15 000 € pour exécution déloyale du contrat de travail en indiquant qu’elle a subi un préjudice du fait de ces manquements, qu’elle a été sous-rémunérée sans aucune justification alors qu’elle bénéficiait d’un niveau d’étude bac+ 7 et que son état de santé s’est dégradé en l’état de ses conditions de travail.
Cependant, Madame [S], qui a obtenu des rappels de salaire sur coefficient et sur les heures supplémentaires réalisées, dont toutes n’avaient pas été rémunérées, ne verse aux débats strictement aucun élément démontrant l’existence et l’étendue du préjudice distinct dont elle demande réparation.
Dès lors, le jugement entrepris ayant rejeté cette demande est confirmé.
Sur la rupture du contrat de travail :
Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiait soit, dans le cas contraire, d’une démission.
La prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.
C’est au salarié qu’il incombe d’établir les faits allégués à l’encontre de l’employeur.
L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge est tenu d’examiner les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 avril 2019, Madame [S] a pris acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants:
‘Je suis embauchée dans votre société depuis le 7 octobre 2013 en qualité de gestionnaire planning niveau III-3.
Je suis par la présente contrainte de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs pour les motifs déjà exposés dans mon procès auquel je fais appel aujourd’hui mais surtout l’apparition de nouveaux motifs qui sont :
Dégradation de mon état de santé si bien qu’il ne m’est plus possible de reprendre mes fonctions en l’état de la passivité de l’employeur.
Il s’avère alors que j’ai été embauchée en qualité de gestionnaire planning, j’effectue les mêmes fonctions que d’autres salariés de l’entreprise – j’apprends récemment qu’un salarié embauché pendant mon absence pourtant occupant le même poste de gestionnaire planning est positionné au niveau IV coefficient 175 échelon 2, idem pour l’ancien salarié occupant le poste d’Assistant gestionnaire planning et positionné au niveau IV, coefficient 190, échelon 3.
De fait, je bénéficie d’une rémunération bien inférieure à celle applicable pour une prestation de travail identique à mes autres collègues de travail précités.
En outre, le directeur d’exploitation, Monsieur [H] [W] m’a demandé d’effectuer des tâches qui relèvent du service exploitation et qui ne correspondent en rien à des missions liées à de la planification du temps de travail des agents.
J’ai en outre réalisé des heures supplémentaires dans le cadre de mes missions qui ne m’ont pas été rémunérées.
Je vous ai alerté sur cette situation à plusieurs reprises et notamment par l’intermédiaire de mon avocat.
En outre j’ai appris pendant que j’étais en formation Fongecif que des informations relevant de ma vie privée ont été dévoilées au cours d’une réunion du comité d’entreprise et que vous n’avez pas jugé utile de me protéger et mettre un terme à cette discrimintaion relative à ma nationalité.
Je constate bien au contraire que l’employeur a au cours de ces dernières années fait montre d’une attitude dénigrante à mon encontre en m’écartant du service planning en ne répondant jamais à mes réclamations et entretenant cette rupture d’égalité et discrimination.
Cette situation non seulement me cause un préjudice financier mais aussi physique si bien que je ne pouvais plus reprendre mes fonctions en espérant désespérément que ces manquements soient rectifiés.
La persistance des manquements contractuels, discrimination et rupture d’égalité de traitement dont la société fait preuve me contraignent à prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de la société.’
Contrairement aux affirmations de la société ICTS [3], certains des griefs développés par Madame [S] à son encontre dans sa prise d’acte du 23 avril 2019 et examinés dans les paragraphes précédents sont établis dont les modifications illicites de la structure de sa rémunération en 2016, l’inégalité de traitement salarial dont la salariée s’était plainte auprès de l’employeur par un courrier de son conseil l’alertant le 3 juillet 2017 soit deux années avant la prise d’acte de la rupture sans qu’il y ait été mis fin par l’employeur ainsi que le non-paiement de 188 heures supplémentaires sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail de sorte que la prise d’acte de la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse en l’absence de traitement discriminatoire au sens de l’article L.1132-1 du code du travail et que la salariée est bien fondée à solliciter la condamnation de la société ICTS [3] à lui payer une indemnité de préavis et les congés payés afférents, une indemnité de licenciement ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement abusif.
Le salaire mensuel brut de référence de Madame [S] est fixé à 1.969 € .
La société ICTS [3] est condamnée à payer à Madame [S] dont l’ancienneté s’établit à 5 ans et 7 mois les sommes suivantes:
– 3.938 € brut à titre d’indemnité de préavis et 393,8 € de congés payés afférents,
– 2.748,39 € d’indemnité de licenciement.
Par application des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail dans sa version postérieure au 24/09/2017, si la réintégration n’est pas proposée, le juge doit accorder une indemnité à la charge de l’employeur dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés en fonction de l’ancienneté de l’intéressé par année complète dans l’entreprise, l’indemnité étant en l’espèce comprise entre 3 et 6 mois de salaire brut.
Tenant compte d’une ancienneté dans l’entreprise de cinq années, d’un âge de 32 ans, de ce que la salariée justifie du refus de pôle emploi le 17 septembre 2019 de la faire bénéficier de l’allocation d’aide au retour à l’emploi en raison de sa prise d’acte mais ne verse aux débats strictement aucun élément actualisant sa situation au regard de son insertion sur le marché de l’emploi postérieurement à cette date, il convient de condamner la société ICTS [3] à lui payer une somme de 9.845 € brut à titre de dommages-intérêts pour la perte injustifiée de son emploi.
Sur la rectification sous astreinte des bulletins de paie :
Le sens du présent arrêt conduit à faire droit à cette demande sans toutefois assortir cette rectification d’une mesure d’astreinte qui n’est pas nécessaire.
Sur les intérêts au taux légal :
Les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal:
– à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le Bureau de Conciliation pour les sommes de nature salariale;
– à compter du prononcé du présent arrêt pour les sommes de nature indemnitaire.
Sur les dépens et les frais irrépétibles des deux procédures :
La société ICTS [3] est condamnée aux dépens de première instance et d’appel des deux procédures jointes et à payer à Madame [S] une somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en appel dans le cadre des deux procédures jointes.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Prononce la jonction de la procédure enrôlée sous le n°21/02447 avec celle enrôlée sous le n°19/04293 seul conservé.
Procédure n°19/04293 :
Déclare recevables les demandes additionnelles relatives à la prise d’acte formulées par Madame [S] en cause d’appel.
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Martigues du 07 février 2019 en ce qu’il a débouté Madame [S] de ses demandes relatives:
– aux manquements de l’employeur relatifs à la discrimination fondée sur la nationalité non-européenne, à la dégradation de son état de santé,
– à l’indemnité pour travail dissimulé,
– aux dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que Madame [S] doit être positionnée au niveau IV, coefficient 190, échelon 3 de la convention collective applicable.
Fixe le salaire mensuel brut de Madame [S] à la somme de 1.969 €.
Condamne la société ICTS Provence à payer à Madame [S] les sommes suivantes :
– onze mille six cent quarante et un euros et soixante neuf cts ( 11.641,69 €) à titre de rappel de salaire sur coefficient ,
– mille cent soixante quatre euros et seize cts (1.164,16 €) de congés payés afférents
– deux mille sept cent vingt cinq euros et cinquante cinq cts (2.725,55 €) à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires,
– deux cent soixante douze euros et cinquante cinq cts(272,55 €) de congés payés afférents.
Condamne la société ICTS [3] à rectifier les bulletins de paie.
Dit n’y avoir lieu d’assortir cette condamnation d’une astreinte.
Procédure n°21/02447 :
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Martigues du 21 décembre 2020 en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau et y ajoutant:
Dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail du 23 avril 2019 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Condamne la société ICTS [3] à payer à Madame [S] les sommes suivantes:
– trois mille neuf cent trente huit euros (3.938 €) brut à titre d’indemnité de préavis,
– trois cent quatre vingt treize euros et quatre vingt cts (393,80 €) de congés payés afférents,
– deux mille sept cent quarante huit euros et trente neuf cts (2.748,39 €) d’indemnité de licenciement,
– neuf mille huit cent quarante cinq euros (9.845 €) brut à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dit que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal:
– à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le Bureau de Conciliation pour les sommes de nature salariale;
– à compter du prononcé du présent arrêt pour les sommes de nature indemnitaire.
Condamne la société ICTS [3] aux dépens de première instance et d’appel des deux procédures et à payer à Madame [S] une somme de 2.000 € aux titre des frais exposés en première instance et en appel dans les deux procédures.
Le greffier Le président