COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 26 MAI 2023
N° 2023/173
Rôle N° RG 19/19012 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFJNP
[V] [W]
C/
SA SOCIÉTÉ DE GESTION IMMOBILIÈRE DE LA VILLE DE [Localité 4]
Copie exécutoire délivrée le :
26 MAI 2023
à :
Me Amandine CHATILLON, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Luc ALEMANY, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 15 Novembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F18/01244.
APPELANTE
Madame [V] [W], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Amandine CHATILLON, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SA SOCIÉTÉ DE GESTION IMMOBILIÈRE DE LA VILLE DE [Localité 4] représentée par Monsieur [M] [F], Président du Directoire, domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Luc ALEMANY, avocat au barreau de MARSEILLE, Me Noémie DUPUIS, avocat au barreau de LILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Madame [V] [W] a été engagée par la société de gestion immobilière de la ville de [Localité 4], dite SOGIMA, suivant contrat de travail à durée déterminée du 17 juin 1998 puis suivant contrat de travail à durée indéterminée du 1er février 2000, en qualité de femme de ménage. A compter du 1er août 2012, Madame [W] a occupé le poste de gardienne, catégorie B, niveau 2 de la convention collective des gardiens, concierges et employés d’immeubles. Elle a été logée dans le groupe immobilier sis à [Adresse 5].
A compter du 13 septembre 2013, Madame [W] a été placée en arrêt maladie.
Au terme de la visite médicale de reprise du 23 janvier 2017, le médecin du travail a déclaré Madame [W] inapte à son poste et a conclu qu’elle ‘peut travailler sur un poste sans port de charges ni mouvements répétitifs des 2 bras’.
Le 25 janvier 2017, la SA SOGIMA a proposé à Madame [W] un poste de reclassement d’assistante de chargé de clientèle, en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à [Localité 4].
En avril 2017, la SA SOGIMA a engagé une procédure d’information-consultation de ses instances représentatives du personnel au titre d’un projet de plan de départs volontaires emportant la suppression de 40 emplois. Le 3 août 2017, la DIRECCTE a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l’emploi des salariés de la SA SOGIMA.
Par lettre du 12 avril 2018, Madame [W] a été convoquée à un entretien préalable et par lettre du 9 mai 2018, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Contestant son licenciement, Madame [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille, lequel, par jugement du 15 novembre 2019, a débouté Madame [W] de l’ensemble de ses demandes, a débouté la SA SOGIMA de sa demande reconventionnelle et a condamné Madame [W] aux entiers dépens.
Madame [W] a interjeté appel de ce jugement.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 9 août 2022, elle demande à la cour de :
– déclarer recevables les demandes de Madame [W] en cause d’appel.
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille du 15 novembre 2019 et statuant à nouveau:
– constater l’exécution déloyale et fautive du contrat de travail par la société SOGIMA.
– condamner la société SOGIMA à verser 12.000 € de dommages-intérêts à Madame [W] en réparation du préjudice subi.
– condamner la société SOGIMA à verser 8.500 € de dommages-intérêts à Madame [W] en réparation du préjudice matériel subi du fait du défaut de fourniture du logement de fonction entre la fin de l’arrêt de travail et le licenciement prononcé.
– condamner la société SOGIMA à verser à Madame [W] un montant de 3.547,20 € nets représentant les montants indûment prélevés au titre de l’avantage en nature supprimé, avec intérêts légaux à courir à compter du 18 juin 2018.
– constater l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de Madame [W].
– condamner la société SOGIMA à verser 6.555,51 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 655,55 € bruts à titre d’indemnité de congés payés afférentes ;
– indemniser le défaut de mise à disposition du logement de fonction pendant la durée du préavis à 1.500 €.
– condamner la société SOGIMA à verser 32.775 € de dommages-intérêts sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail.
– condamner la société SOGIMA à verser 170,54 €bruts à titre d’indemnité compensatrice sur les congés payés pour ancienneté à Madame [W].
– dire que les intérêts au taux légal sont dus à compter de la demande introductive d’instance pour les créances salariales et à compter de la décision à intervenir pour le surplus.
– condamner la société SOGIMA à la remise des bulletins de paie rectifiés en fonction des condamnations prononcées, et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du seizième jour de la notification de l’arrêt à intervenir, la juridiction se réservant le pouvoir de la liquider.
– condamner la société SOGIMA à verser 2.800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
– débouter la société SOGIMA de ses demandes, fins et conclusions.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 10 juin 2020, la SA SOGIMA demande à la cour de :
A titre liminaire :
– déclarer irrecevable la demande nouvelle formulée en cause d’appel par Madame [W] au titre de la critique de la régularité de la procédure de consultation des délégués du personnel.
– déclarer irrecevables les demandes nouvelles formulées en cause d’appel par Madame [W] au titre de l’indemnisation de la perte de l’avantage en nature logement à hauteur des montants suivants :
o 3547,20 € nets.
o 1.500 €.
o 8.500 €.
En tout état de cause, à titre principal:
– dire et juger que le licenciement de Madame [W] repose sur une cause réelle et sérieuse.
En conséquence
– débouter Madame [W] de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– débouter Madame [W] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis.
– débouter Madame [W] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale et fautive du contrat de travail à hauteur de 12.000 €.
– débouter Madame [W] de ses demandes au titre de l’indemnisation de la perte de l’avantage en nature logement à hauteur des montants suivants :
o 3547,20 € nets;
o 1.500 €;
o 8.500 € .
– condamner Madame [W] à payer à la SOGIMA la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– mettre à sa charge les entiers dépens.
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
A titre subsidiaire:
– réduire à de plus justes proportions et en tout état de cause à une somme qui ne saurait excéder trois mois de salaire, soit 6.540 € le montant de l’indemnisation sollicitée au titre du licenciement.
En tout état de cause:
– débouter Madame [W] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice distinct.
– débouter Madame [W] de sa demande de dommages-intérêts pour perte d’avantage en nature.
– débouter Madame [W] de sa demande de rappel de congés payés.
– débouter Madame [W] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
I. Sur la recevabilité des demandes de Madame [W]
La SA SOGIMA demande de déclarer irrecevables, au visa des dispositions des articles 564 et 566 du ode de procédure civile, les demandes de condamnation nouvelles formulées par Madame [W] au titre desquelles :
– une critique de la prétendue absence de consultation des délégués du personnel de la société sur son reclassement ou encore sur l’inexactitude du motif de licenciement évoqué qu’elle n’avait pas cru devoir soulever en première instance.
– deux demandes indemnitaires se rapportant à la prétendue privation irrégulière du logement de fonction à compter du 2 juin 2016 (à hauteur de 8.500 €) puis pendant le préavis (à hauteur de 1.500 €) qui viennent s’ajouter aux demandes indemnitaires formulées à ce même titre, qualifiées de manquement à l’obligation de loyauté (à hauteur de 12.000 €).
– une indemnisation (à hauteur de 5.329 €) au titre de la perte de l’avantage en nature correspondant, outre le remboursement de l’avantage en nature prétendument prélevé (à hauteur de 3.547,20 € nets). Cette dernière demande est, elle également, nouvelle.
La SA SOGIMA rappelle que depuis le 1er août 2016 le principe de l’unicité de l’instance a été supprimé et Madame [V] [W] ne peut valablement présenter en cause d’appel des prétentions nouvelles non soumises aux premiers juges.
Madame [W] réplique que :
– la critique relative à la consultation des délégués du personnel et à l’inexactitude du motif de licenciement sont des moyens nouveaux qui peuvent être présentés en cause d’appel au soutien de la prétention relative à l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.
– les demandes se rapportant au retrait unilatéral du logement de fonction sont le complément évident des demandes qu’elle avait présentées devant les premiers juges.
*
Alors que Madame [W] avait soumis aux premiers juges une prétention tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, Madame [W] soumet à la cour la même prétention. Elle invoque en cause d’appel, au soutien de cette prétention, des moyens nouveaux tirés de l’irrégularité de la consultation des instances représentatives et de l’inexactitude du motif de licenciement, ce qui est autorisé par l’article 563 du code de procédure civile.
Par ailleurs, aux termes du dispositif de ses conclusions, la SA SOGIMA vise les demandes nouvelles présentées en cause d’appel par Madame [W] au titre des dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel subi du fait du défaut de fourniture du logement de fonction entre la fin de son arrêt de travail et le licenciement (soit 8.500 €), des sommes indûment prélevées au titre de l’avantage en nature supprimé (soit 3.547,20 €) et des dommages-intérêts pour défaut de mise à disposition du logement de fonction pendant la durée du préavis (soit 1.500 €).
Or, en première instance, Madame [W] avait déjà formulé une demande d’indemnité pour perte d’avantage en nature (logement de fonction) dont elle a été déboutée.
Ainsi, les demandes relatives à l’indemnisation du préjudice matériel subi du fait du défaut de fourniture du logement de fonction tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges et, en toute hypothèse, avec la demande en remboursement des sommes indûment prélevées, sont le complément nécessaires des demandes présentées en première instance.
Les moyens nouveaux et les demandes nouvelles présentées par Madame [W] sont donc parfaitement recevables.
II. Sur les demandes au titre de l’exécution du contrat de travail
Madame [W] invoque une exécution déloyale et fautive du contrat de travail en invoquant une modification unilatérale de son contrat de travail, des retenues injustifiées au titre de l’avantage en nature supprimé et une inertie de l’employeur après la fin de l’arrêt de travail.
1. Sur la modification unilatérale de son contrat de travail et la demande de dommages-intérêts à hauteur de 8.500 €
Madame [W] fait valoir que la SA SOGIMA a repris le logement de fonction dès le mois de juin 2016 alors que son contrat de travail stipulait qu’elle occupait un emploi de « gardienne logée à service complet » de sorte que la reprise de son logement de fonction par l’employeur constituait une modification unilatérale de son contrat de travail et son accord devait être recherché. Elle soutient que le fait qu’elle ait décidé de se rapprocher de sa famille pendant la période de son arrêt de travail ne signifie pas qu’elle a renonçé à cet avantage en nature et la vente de l’ensemble immobilier au sein duquel elle travaillait ne devait pas emporter sa rétrogradation mais sa mutation en tant que « gardienne logée à service complet » au sein d’un autre ensemble immobilier. Par ailleurs, l’employeur aurait dû faire apprécier son aptitude de reprendre son poste sur son emploi de « gardienne logée à service complet » et le fait qu’il ait fait porter l’étude de poste par le service de santé au travail, non pas sur le poste de gardienne, mais sur celui de femme de ménage révèle qu’il n’avait pas l’intention de la maintenir à son poste. La modification du contrat de travail est intervenue pendant son arrêt de travail et dans l’attente de son reclassement, elle aurait dû bénéficier du logement de fonction prévu à son contrat de travail. Entre la date de fin de son arrêt de travail (2 décembre 2016) et la date de son licenciement (8 mai 2018), elle évalue son préjudice matériel à la somme de 8.500 € (500 € par mois représentant le coût de la location d’un T2 sur une période de 17 mois).
La SA SOGIMA conclut que le bénéfice d’un avantage en nature est lié à l’exercice effectif de l’emploi et Madame [W] n’a perdu aucun avantage dans la mesure où elle n’occupait plus son logement de fonction qu’elle avait totalement vidé et en avait rendu les clés, manifestant ainsi clairement sa volonté de ne plus en disposer et, de surcroît, de ne pas reprendre son travail. Par ailleurs, les dispositions contractuelles prévoient expressément que Madame [W] pouvait être affectée sur un autre groupe immobilier (pas nécessairement avec logement de fonction) en précisant qu’ ‘en vertu des dispositions conventionnelles applicables, cette modification ne peut être considérée comme une modification essentielle de votre relation contractuelle avec votre employeur’.
*
Il ressort de l’avenant au contrat de travail du 17 juillet 2012 qu’à compter du 1er août 2012, Madame [W] a été nommée au poste de gardienne logée sur le groupe immobilier sis [Adresse 5] à [Localité 4] moyennant une rémunération brute mensuelle de 1.976,69 € sur 13 mois ‘y compris les salaires en nature logement, eau chaude, chauffage et électricité qui seront déduits du salaire net’.
Il a été également stipulé que ‘la loge que vous occuperez est un appartement de fonction que vous devrez libérer le jour de votre départ de la Société (démission, retraite, licenciement…). Une partie de la loge (10 m2) est affectée à la réception des locataires dans le cadre de vos fonctions et devra être mise à disposition lors de vos remplacements éventuels (congés, absences maladie, …. )’.
Il ressort du courrier du 21 décembre 2017 que la SA SOGIMA a adressé à Madame [W] que : ‘Nous vous confirmons avoir vendu depuis le 1er janvier 2017 à la société SFHE les ensembles immobiliers Rabatau I, II et III.
Nous vous rappelons que vous avez remis, de votre propre chef, un jeu de clefs à votre responsable hiérarchique Monsieur [L] [S], afin qu’il puisse pénétrer dans le logement.
Vous aviez alors décidé de vivre chez votre fille à [Localité 3].
L’appartement a été vidé de tous ses meubles comme nous avons pu le constater dans le cadre de la cession et des visites des appartements que nous avons conduites avec SFHE.
C’est dans ces conditions que le 5 décembre 2017 nous avons fait procéder à un constat par voie d’Huissier avec photos, date à laquelle l’appartement était toujours alimenté en électricité (…)’.
De même, le 30 janvier 2018, la SA SOGIMA a écrit : ‘Sur le plan financier, cette situation n’a pas eu d’incidence. En effet, de juillet 2014 à mai 2016, l’appartement est resté à votre disposition sans que vous n’en assumiez le paiement du loyer’, reconnaissant ainsi qu’à compter de juin 2016 le logement n’était plus à la disposition de la salariée.
Il en résulte que le logement de fonction attribué à Madame [W] pour l’exercice de ses fonctions est l’accessoire du contrat de travail et il ne pouvait lui être retiré, même pendant la période de suspension du contrat de travail pour cause de maladie, car le logement constitue un élément de rémunération.
La clause du contrat de travail invoquée par l’employeur n’a pas vocation à s’appliquer puisque Madame [W] n’a, dans les faits, pas été affectée sur un autre groupe immobilier.
Alors que la SA SOGIMA conclut que Madame [W] aurait rendu les clés et que le logement était vacant, il ressort seulement de ses courriers que Madame [W] a uniquement ‘remis (…) un jeu de clefs à votre responsable hiérarchique Monsieur [L] [S] afin qu’il puisse pénétrer dans le logement’ (courrier du 21 décembre 2017), ce à quoi Madame [W] a répondu qu’elle n’a ‘jamais donné les clés de (son) appartement à (son) chef de service Monsieur [L] [S]’ (courrier du 26 décembre 2017). Il en résulte qu’il n’est nullement établi que Madame [W] a eu la volonté de restituer le logement à son employeur et de ne plus en disposer.
Ainsi, alors même que Madame [W] a été hébergée chez sa famille pendant le temps de son arrêt de travail, la reprise du logement de fonction par l’employeur constitue une modification du contrat de travail et un manquement de l’employeur à ses obligations.
Madame [W] a subi un préjudice du fait de la modification sans son accord d’un élément essentiel de son contrat de travail et de la privation de la jouissance de son logement.
Dans ces conditions, la demande de dommages-intérêts à hauteur de 8.500 € (soit pour la période du 2 décembre 2016 au 8 mai 2018) est justifiée et il convient de condamner la SA SOGIMA à payer cette somme.
2. Sur la demande en paiement au titre des retenues au titre de l’avantage en nature
Madame [W] fait valoir que par courrier du 30 janvier 2018, la SOGIMA lui a fait savoir à que le logement de fonction n’était plus à sa disposition depuis le mois de juin 2016 et, alors que l’employeur n’a pas été transparent sur cette situation, il a continué d’imputer sur sa rémunération un avantage en nature logement, EDF, eau chaude, chauffage pour un montant total de 3.547,20 € nets qui a été déduit à tort de ses bulletins de paie depuis le mois de décembre 2016 et dont elle demande la restitution.
La SA SOGIMA réplique qu’aucune retenue sur salaire au titre de l’avantage en nature n’a été effectuée, ce dernier étant intégré dans sa rémunération globale nette, conformément aux dispositions conventionnelles.
*
Il ressort des bulletins de salaire et du décompte de Madame [W] que l’employeur a continué à opérer des retenues sur les bulletins de salaire de Madame [W] au titre du ‘salaire en nature logement’, ‘salaire en nature chauffage’, ‘salaire en nature eau chaude’, ‘salaire en nature EDF’ alors qu’il avait repris de fait la disposition du logement de fonction de la salariée.
Le préjudice financier de Madame [W] est caractérisé à hauteur de 3.547,20 € et il convient de condamner la SA SOGIMA à payer cette somme.
3. Sur la demande de dommages-intérêts de 12.000 €
Outre la modification unilatérale du contrat de travail et les retenues injustifiées, Madame [W] soutient que l’employeur a fait preuve d’inertie après la fin de son arrêt de travail et n’a pas tiré les conséquences de la cession de l’immeuble où elle travaillait en la réaffectant dans un nouvel ensemble ou lui proposant une modification de son contrat pour motif économique. Il a organisé une visite de reprise et suite à l’avis d’inaptitude, il a émis dans les 48 heures une proposition de reclassement mais s’est abstenu pendant neuf mois de répondre à sa demande d’informations complémentaires. Ne comprenant pas la situation, elle soutient avoir présenté en 2018 un syndrome anxiodépressif. L’attitude de l’employeur caractérise un manquement à son obligation de lui fournir du travail, peu important à cet égard qu’il ait effectivement repris le versement de son salaire un mois après le constat de son inaptitude.
La SA SOGIMA fait valoir que la nécessité de mettre en place un plan de départs volontaires en avril 2017 l’a contrainte à ne reprendre contact avec Madame [W] que le 27 octobre 2017 pour lui exposer les motifs de son retour tardif et l’indisponibilité du poste de reclassement initialement envisagé. De plus, Madame [W] ne saurait se prévaloir du moindre préjudice financier dans la mesure où son salaire a été intégralement maintenu à compter du 2 décembre 2016 ‘ alors que la société aurait dû reprendre le paiement des salaires à compter du 19 février 2017, soit dans le délai d’un mois suivant l’avis d’inaptitude, jusqu’à la date de sortie des effectifs. Durant plus d’un an et demi, Madame [V] [W] a donc été payée sans fournir la moindre prestation de travail.
*
Madame [W] produit un certificat médical du 16 avril 2018 du doteur [X] qui indique que Madame [W], ‘âgée de 64 ans, présente un syndrome anxiodépressif lié à d’importantes difficultés liées au travail. Cette situation perdure depuis deux ans’.
Il en résulte, alors que par courrier du 29 janvier 2017 Madame [W] avait écrit à son employeur pour solliciter des précisions sur le poste de reclassement qui lui avait été proposé, que non seulement la SA SOGIMA n’a pas répondu à ce courrier mais qu’elle a laissé la salariée dans l’incertitude de son avenir professionnel jusqu’au 27 octobre 2017, ce qui a été la cause de la dégradation de l’état de santé de Madame [W] et ce, nonobstant le fait que celle-ci ait été payée de ses salaires pendant cette période.
Il en résulte qu’une exécution déloyale et fautive du contrat de travail de la part de l’employeur est établie et justifie l’allocation de la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts.
4. Sur la demande de rappel d’une indemnité de congés payés
Madame [W] fait valoir que la SA SOGIMA a comptabilisé 28,5 jours au titre des congés payés acquis de juin 2017 à mai 2018 (« CP N »). Or, le 17 juin 2017, elle comptabilisait 19 ans d’ancienneté et avait donc droit à deux jours ouvrables supplémentaires de congés (article 25 de la convention collective). Elle réclame une indemnité compensatrice de 170,54 euros bruts (85,27€ x 2).
Alors que la SA SOGIMA conclut qu’au regard du bulletin de salaire du mois de mai 2018, Madame [W] a perçu une indemnité de congés payés et ce compris les congés payés pour ancienneté, il résulte de l’examen dudit bulletin de salaire que Madame [W] disposait de 28,5 jours de congés payés acquis pour les congés payés ‘CPN’. Dès lors que le bulletin de salaire du mois d’avril 2018 mentionne 27,5 jours de congés payés acquis sans l’indication de jours de congé pris par la salariée, il en ressort que Madame [W] n’a pas bénéficié des deux jours de congés payés supplémentaires par application de l’article 25 de la convention collective, compte tenu de son ancienneté comprise en 15 et 20 ans de service.
La demande à hauteur de 170,54 € est donc justifiée et il convient de condamner la SA SOGIMA à payer cette somme.
II. Sur le licenciement
Madame [W] demande de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse aux motifs de l’inexactitude du motif du licenciement, de l’absence de consultation des délégués du personnel et du non respect de l’obligation de reclassement.
1. Sur l’inexactitude du motif du licenciement
Madame [W] fait valoir que le constat de son inaptitude a été fait sur un poste de femme de ménage et non pas de gardienne, son poste ayant été supprimé au moment où le médecin du travail a été amené à se prononcer sur son aptitude. Or, le licenciement a été prononcé pour inaptitude à son poste de travail « Gardienne » alors qu’elle a été déclarée inapte au poste de Femme de ménage. L’employeur a donc motivé à tort le licenciement prononcé sur l’inaptitude au poste de « Gardienne ».
La SA SOGIMA conclut qu’il s’agit d’une ‘coquille’ informatique du médecin du travail qui a suivi Madame [W] tout au long de sa carrière dans son poste de gardienne et erreur qui ne figure que sur le second avis d’inaptitude. Elle rappelle que le médecin du travail a bien procédé à une étude du poste de gardienne et que Madame [W] n’a pas exercé les voies de recours qui lui étaient ouvertes pour contester l’avis du médecin du travail qui est à présent ‘inattaquable’.
*
Il ressort de la fiche d’aptitude médicale du 10 janvier 2017 que l’indication du poste de travail de Madame [W], portée à l’informatique de ‘femme de ménage’, a été rectifiée par le médecin du travail à la main par ‘gardienne’. Cette rectifiation ne figure pas sur le second avis du 23 janvier 2017 mais le médecin du travail mentionne qu’il a réalisé, le 19 janvier 2017, une étude du poste et des conditions de travail de la salariée se rapportant nécessairement à son poste de gardienne.
Il en ressort donc clairement que les mentions dactylographiées d’un poste de ‘femme de ménage’ dans les avis du médecin du travail résultent d’une simple erreur formelle qui n’a aucune incidence sur l’avis d’inaptitude qui a bien été rendu au regard du poste de gardienne. Le moyen doit donc être rejeté.
2. Sur l’absence de consultation des délégués du personnel
Invoquant les dispositions de l’article L.1226-2 du code du travail, Madame [W] fait valoir que la SA SOGIMA n’a pas consulté des délégués du personnel et ce manquement a pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse. En cause d’appel, la SA SOGIMA invoque une consultation au cours d’une réunion du 29 mars 2018, soit après que la proposition de reclassement lui ait été adressée et même après la date de l’entretien préalable, ce qui rend cette consultation, à supposer qu’elle ait eu lieu, irrégulière. Par ailleurs, la cour constatera que l’avis de délégués du personnel n’a pas été recueilli et que la SA SOGIMA ne rapporte pas la preuve que tous les délégués du personnel ont été consultés.
La SA SOGIMA conclut qu’ayant constaté, avant la tenue de l’entretien préalable qui devait se dérouler le 13 mars 2018, qu’elle devait consulter les délégués du personnel, ce qu’elle a fait au cours d’une réunion du 29 mars 2018, elle a été contrainte de convoquer de nouveau la salariée à un entretien préalable fixé au 26 avril suivant.
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La SA SOGIMA produit une pièce intitulée ‘compte rendu de la réunion des délégués du personnel Jeudi 29 mars 2018″ qui mentionne qu’étaient présents Monsieur [Y] [Z] et Monsieur [J] [I].
Outre le fait que cette pièce ne comporte la mention d’aucun avis de la part des délégués du personnel présents, la SA SOGIMA ne conteste pas la démonstration de Madame [W] selon laquelle, employant au 31 mars 2017, 162 salariés (dont 157 en contrats de travail à durée indéterminée et 5 en contrats de travail à durée déterminée) le nombre des délégués du personnel au sein de la SA SOGIMA doit être de cinq titulaires et de cinq suppléants.
Or, la SA SOGIMA ne démontre pas qu’elle a respecté son obligation en recueillant l’avis de l’ensemble des délégués du personnel.
La consultation préalable des représentants du personnel étant une formalité substantielle, le licenciement de Madame [W] doit donc être jugé comme étant sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence, et même s’il s’agit d’une inaptitude d’origine non-professionnelle, le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il convient d’accorder à Madame [W] une indemnité compensatrice de préavis de trois mois (article 14 de la convention collective et du classement de l’emploi en catégorie B) soit 6.555,51 €, outre la somme de 655,55 € au titre des congés payés afférents.
Par ailleurs, en application des dispositions des articles L.7212-1 et R.7212-1 du code du travail et du fait que Madame [W] n’a pas eu la disposition de son logement de fonction pendant la période de préavis, il convient de lui allouer une indemnité compensatrice de 1.500 €.
En application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (64 ans), de son ancienneté (19 ans révolus), de sa qualification, de sa rémunération (2.185,17 €), des circonstances de la rupture et de la période de chômage qui s’en est suivie puis de la perception de pensions de retraite à compter du mois de novembre 2019, il sera accordé à Madame [W] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 25.000 €.
La remise d’une attestation Pôle Emploi, d’un certificat de travail et d’un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt s’impose sans qu’il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance de la SA SOGIMA n’étant versé au débat.
Sur les intérêts
Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation, soit à compter du 20 juin 2018, et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées.
Il est équitable de condamner la SA SOGIMA à payer à Madame [W] la somme de 2.500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagés en première instance et en cause d’appel.
Les dépens de première instane et d’appel seront à la charge de la SA SOGIMA, partie succombante par application de l’article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Dit que les moyens nouveaux et les demandes nouvelles en cause d’appel sont recevables,
Infirme le jugement déféré sauf en sa disposition ayant rejeté l’astreinte,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que le licenciement de Madame [V] [W] est sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la SA Société de Gestion Immobilière de la Ville de [Localité 4] à payer à Madame [V] [W] les sommes de :
– 3.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale fautive du contrat de travail,
– 8.500 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel subi du fait du défaut de fourniture du logement de fonction entre la fin de l’arrêt de travail et le licenciement prononcé,
– 1.500 € à titre de dommages-intérêts pour défaut de mise à disposition du logement de fonction pendant la durée du préavis,
– 3.547,20 € au titre des sommes indûment prélevés au titre de l’avantage en nature supprimé,
– 170,54 € au titre du reliquat de l’indemnité compensatrice sur les congés payés pour ancienneté,
– 6.555,51 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 655,55 € au à titre des congés payés y afférents,
– 25.000 € au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 2.500 € au titre de article 700 du code de procédure civile,
Ordonne la remise par la SA Société de Gestion Immobilière de la Ville de [Localité 4] à Madame [V] [W] d’une attestation Pôle Emploi, d’un certificat de travail et d’un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt,
Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2018, et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Condamne la SA Société de Gestion Immobilière de la Ville de [Localité 4] aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction