Retenues sur salaire : 25 novembre 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/02224

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Retenues sur salaire : 25 novembre 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/02224

25/11/2022

ARRÊT N° 2022/518

N° RG 21/02224 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OFIP

SB/KS

Décision déférée du 30 Avril 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Saint-Gaudens ( 20/00045)

G DENEYS

SECTION COMMERCE

[L] [T]

C/

S.A.S. DR SG31

INFIRMATION PARTIELLE

l

Grosse délivrée

le 25/11/2022

à

Me Anicet AGBOTON

CCC

le 25/11/2022

à

Me Anicet AGBOTON

Pôle Emploi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [L] [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Anicet AGBOTON de la SELARL AGBOTON BISSARO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

S.A.S. DR SG31

[Adresse 1]

[Localité 3]

Sans avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S. BLUME, Présidente, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUME, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

lors du prononcé : A.RAVEANE

ARRET :

– PAR DÉFAUT

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par S. BLUME, présidente, et par A.RAVEANE, greffière de chambre

FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [L] [T] a été embauché le 25 janvier 2018 par la SAS DR SG31 en qualité de technicien vendeur suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des commerces et services de l’audiovisuel, de l’électronique et de l’équipement ménager.

Par avenant du 1er juin 2018, M. [T] a été promu aux fonctions de responsable de magasin.

Après avoir été convoqué par courrier du 8 juillet 2019 à un entretien préalable au licenciement fixé au 18 juillet 2019 et assorti d’une mise à pied à titre conservatoire, M. [T] a été licencié par courrier du 23 juillet 2019 pour faute.

M. [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint Gaudens le 28 avril 2020 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.

Le conseil de prud’hommes de Saint Gaudens, section commerce, par jugement

du 30 avril 2021, a :

-dit que le licenciement de Monsieur [L] [T] est justifié par une cause réelle et sérieuse,

-condamné la société DR SG31 à verser à Monsieur [L] [T] les sommes suivantes :

*222,81 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire du 08 au 10 juillet 2019,

*22,28 euros au titre des congés payés afférents,

*175,27 euros au titre des repos compensateurs,

-débouté Monsieur [L] [T] de ses autres demandes,

-débouté la société DR SG31 de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-rappelé que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de la notification de la demande soit le 21/05/2020 en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter de la présente décision pour les autres sommes allouées,

-rappelé que sont exécutoires de droit à titre provisoire les condamnations ordonnant la délivrance de toutes pièces que l’employeur est tenu de remettre ainsi que celles ordonnant le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l’article R 1454-28 du code du travail dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire,

-fixé le salaire moyen mensuel de référence à la somme de 1 925,65 euros,

-condamné la société DR SG31 aux dépens de l’instance.

***

Par déclaration du 17 mai 2021, M. [T] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 4 mai 2021, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique

le 5 août 2021, M. [L] [T] demande à la cour de :

-juger que le licenciement de M. [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-condamner la société à payer à M. [T] :

*4 814,12 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*461,53 euros bruts, au titre de la contrepartie obligatoire en repos, liée au dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires,

-en tout état de cause,

-ordonner à la société de délivrer à M. [T] un bulletin de paie récapitulatif des condamnations prononcées,

-condamner la société à payer à M. [T] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour chacune des instances, ainsi qu’aux entiers dépens,

-ordonner la capitalisation des intérêts en précisant dans le dispositif, conformément à l’article R 1454-28 du code du travail, que le salaire mensuel de référence de M. [T] était de 1 925,65 euros brut.

***

La société qui a reçu signification de la déclaration d’appel à domicile certifié

le 16 août 2021 n’a pas constitué avocat.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date

du 9 septembre 2022.

***

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

Il résulte de l’article 472, alinéa 2 du code de procédure civile que si l’intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l’appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés .

Selon l’article 954 du code de procédure civile, ‘la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.’

Il s’en déduit que l’intimée non comparante est réputée s’approprier les motifs du jugement attaqué.

Sur le fond

– Sur le licenciement :

Aux termes des articles L 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, dont le juge, en cas de litige, apprécie le caractère réel et sérieux’; il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et si un doute persiste, il profite au salarié.

Si le licenciement est prononcé à titre disciplinaire, la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, mais il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

La lettre de licenciement de M.[T] est ainsi motivée’:

‘A la suite de notre entretien du jeudi18 juillet 2019, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier en raison de votre absence des 5 et 6 juillet 2019 et des conditions dans lesquelles elle est intervenue.

En effet, nous avons eu à déplorer l’absence de l’une de vos collègues de travail du vendredi 28 juin 2019 au mercredi 3 juillet 2019 inclus.

Convaincu que son absence durerait au moins jusqu’au jeudi 4 juillet 2019, vous nous avez proposé le mardi 2 juillet 2019 de modifier les plannings établis en travaillant sans interruption jusqu’au vendredi 5 juillet 2019 afin de pallier cette éventuelle absence. Pour cela, vous nous avez indiqué que vous en renonceriez à votre jour de repos hebdomadaire prévu initialement le jeudi 4 juillet 2019 et nous avez demandé en contrepartie de le déplacer au samedi 6 juillet 2019.

En réponse, nous vous avons indiqué qu’avant d’envisager toute modification du planning, il convenait d’attendre de connaître avec certitude la date de retour de votre collègue de travail.

Nous vous avons toutefois rappelé à cette occasion que selon notre règlement intérieur, le samedi ne peut être un jour de repos hebdomadaire et que si votre collègue de travail ne revenait pas à la date initialement prévue, soit le jeudi 4 juillet 2019, alors nous aurions risqué de n’avoir qu’une personne pour le samedi 6 juillet 2019 pour tenir le stand si vous étiez également absent.

Le mardi 2 juillet 2019 nous avons eu confirmation du retour de votre collègue de travail au jeudi 4 juillet 2019 tel que cela était prévu et avons donc en conséquence maintenu le planning en l’état initial, refusant les modifications que vous aviez envisagées.

Pourtant, le jeudi 4 juillet 2019, vous nous avez indiqué par courriel que vous n’acceptiez pas cette décision et nous avez informé de votre absence en ces termes :

‘Bonjour,

Par ce mail, je tiens à te signaler que je ne serais pas présent le vendredi 05/07 et le samedi 06/07, et j’en suis désolé.

Ce n’est pas dans mes habitudes de faire cela mais j’ai pris cette décision et en assumerait les conséquences.

Je tiens à te dire que je trouve cela regrettable, en effet je t’ai demandé le samedi dans la semaine et tu m’as répondu que cela dépendais de [E] à savoir si elle serait présente hors je n’accepte pas cette décision au regard de l’absence justifiée ou non de cette dernière.

Je fais le nécessaire pour faire tourner la boutique seul malgré les absences consécutives.

Je sais que les efforts fournis ne sont pas un moyen de subvenir à ma demande mais un geste de ta part aurait pu changer cette situation.

Je te réitère que j’en suis désolé et je te préviens assez tôt pour prendre les dispositions nécessaires.’

Votre contrat vous oblige à suivre les directives et instructions émanant de votre hiérarchie. A ce titre, il vous appartient de respecter les plannings qui vous sont communiqués, toute modification devant faire l’objet d’une demande et d’un accord préalable de notre part, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.

Par votre attitude, vous avez en toute conscience enfreint les règles que nous avons établies et mis en péril la bonne marche de l’entreprise. Nous ne saurions accepter cela.

Les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien n’ont pas permis de modifier cette appréciation.

Nous vous précisons que votre préavis, que nous vous dispensons d’effectuer, débutera le 25 juillet 2019 et se terminera le 25 août 2019 date à laquelle vous cesserez de faire partie de nos effectifs (…)’.

Il ressort des motifs ainsi énoncés dans la lettre de licenciement que le motif de rupture tient à un refus volontaire du salarié de venir travailler les vendredi 4 et samedi 5 juillet 2019, au mépris du planning de travail et des dispositions du règlement intérieur rendant impossible la prise du repos hebdomadaire le samedi.

Des précisions apportées par l’employeur dans la lettre de licenciement et des explications fournies par le salarié , il ressort qu’en vertu d’un planning initialement établi le salarié devait travailler les lundi 1er, mardi 2, mercredi 3, vendredi 5 et samedi 6 juillet. Suivant courriel circulaire adressé le 1er juillet à 20h50, l’employeur a informé M.[T] ainsi que l’ensemble des salariés, d’une modification apportée au planning les mardi 2 juillet et jeudi 4 juillet en raison de l’absence d’une salariée (J). Le planning initial mentionnait la présence le jeudi 4 juillet dans le magasin de deux salariés (J et Q) , avec jour de repos hebdomadaire pour M.[T]. La modification tenait donc à la présence de M.[T] pour remplacement du salarié. Ce courriel confirme la réalité de l’accord intervenu avec le salarié le 1er juillet sur le report du jour de congé au samedi 6 juillet.

Il est constaté que le message de l’employeur adressé à M.[T] le 2 juillet à 20h33 l’informe du retour du salarié jeudi. Sans autre précision sur un retour au planning initial , avec annulation de la modification apportée la veille.

Outre l’imprécision de l’employeur sur des directives contraires , la cour relève à la lecture des nombreux messages (SMS) adressés au salarié par l’employeur depuis décembre 2018 – documents produits en première instance dont l’existence n’a pas été contestée par l’employeur- le caractère réitéré des modifications d’horaires tardivement apportées au planning du salarié, la veille ou le jour même au nombre d’une quinzaine environ, et le respect rigoureux par le salarié des horaires ainsi modifiés sans délai de prévenance

Si l’employeur argue de la désorganisation de l’entreprise par l’absence du salarié, la réalité de celle-ci n’est pas objectivée puisque la présence effective de la salariée (Mme J ) les 4 juillet et 6 juillet permettait à l’employeur de garantir la présence de deux salariés (J+Q) dans le magasin le samedi 4.

Par ailleurs si l’employeur évoque dans la lettre de licenciement l’impossibilité édictée par le règlement intérieur de bénéficier d’un repos hebdomadaire le samedi, ce règlement intérieur n’a pas été produit en première instance et le contenu d’un message adressé par l’employeur à la salariée J le 23 mars 2019 (pièce 10 ‘ce changement permet (…) de maintenir le planning pour te permettre également d’avoir le jeudi vendredi et samedi.’) illustre au contraire la possibilité pour certains salariés d’être en repos hebdomadaire le samedi.

Au surplus le temps de travail annuel du salarié a excédé le contingent annuel de 220h sur l’année 2018 , celui-ci justifiant avoir accompli 253heures, ce, sans indemnisation de son droit au repos.

Au vu du manquement de l’employeur relatif à l’exécution du contrat de travail quant à la durée de travail du salarié, des circonstances précitées de la modification apportée au planning de travail du salarié , le manquement de celui-ci tenant au refus de cette modification, bien que caractérisé, ne présente pas un caractère sérieux de nature à justifier la rupture de son contrat de travail. Le licenciement prononcé après notification d’une mise à pied conservatoire, qui est une sanction disproportionnée à la gravité du fait reproché, est sans cause réelle et sérieuse.

Il est donc justifié d’allouer au salarié un rappel de salaire de 222,81 euros afférent à la retenue sur salaire effectuée par l’employeur sur la période du 8 au 10 juillet 2019, au titre de la mise à pied conservatoire injustifiée outre 22,30 euros d’indemnité correspondante de congés payés.

Le salarié justifie être resté 22 mois sans emploi, période au cours de laquelle il a perçu des indemnités journalières du pôle emploi.

En application de l’article L1235-3 du code du travail le salarié peut prétendre à une indemnité comprise entre 1 et 2 mois de salaire.

En considération des éléments qui précèdent et de son salaire mensuel moyen de 1907,97 euros, il est justifié d’allouer au salarié la somme de 3 816 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la contrepartie obligatoire en repos

Le salarié justifiant avoir accompli 1914,40 heures de travail au cours de l’année 2018, soit 307 heures supplémentaires ( soit1914,40-1607), le dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires (220h) à hauteur de 87 heures justifie la condamnation de l’employeur au paiement de la somme de 461,53 euros , selon le détail suivant:

(87/2)x10,61 euros=461,53 euros.

Le jugement déféré dont le calcul est basé non pas sur le dépassement de la durée légale de travail mais sur le volume d’heures accompli par le salarié en exécution de son contrat sera infirmé.

Le salarié n’ayant pas été employé sur la totalité de l’année 2019, sa demande au titre du dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires sur l’année concernée ne saurait prospérer.

Sur les demandes annexes

La SARL DR SG31 partie principalement perdante supportera les entiers dépens d’appel.

M.[T] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens qu’il a dû exposer à l’occasion de cette procédure. La SARL DR SG31 sera donc tenue de lui payer la somme globale de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 al.1er 1° du code de procédure civile, par infirmation du jugement déféré de ce chef.

La SARL DR SG31 sera déboutée de ses demandes au titre des frais et dépens.

Le jugement déféré est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par défaut, en dernier ressort

Infirme le jugement déféré sauf en ses dispositions ayant condamné la SARL DR SG 31 au paiement de 222,81 euros à titre de rappel de salaire et 22,28 euros d’indemnité de congés payés, ainsi qu’en celles relatives aux dépens de première instance

Statuant à nouveau

Condamne la SARL DR SG31 à payer à M.[L] [T] :

– 461,53 euros euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos

– 3 816 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel

Dit que les créances indemnitaires portent intérêt à compter du présent arrêt et que les créances à caractère salarial portent intérêt à compter du 21 mai 2020, date de convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation et d’orientation, avec capitalisation des intérêts par années entières sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil

Ordonne la remise par la SARL DR SG31 à M.[L] [T] d’un bulletin de paie récapitulatif conforme au présent arrêt

Condamne la SARL DR SG31 aux entiers dépens

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par A.RAVEANE, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

A.RAVEANE S.BLUMÉ

.

 


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