DLP/CH
[N] [F]
C/
S.A.S. NOVARTIS PHARMA prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 25 MAI 2023
MINUTE N°
N° RG 21/00629 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FY5Z
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHALON SUR SAONE, section Encadrement, décision attaquée en date du 01 Septembre 2021, enregistrée sous le n° F19/00382
APPELANTE :
[N] [F]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Emmanuel MOUCHTOURIS de la SELARL SOCIETE D’AVOCATS SAINT CYR AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Ahmet COSKUN, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉE :
S.A.S. NOVARTIS PHARMA prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Clémence MATHIEU de la SELAS ADIDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON substituée par Me Véronique PARENTY-BAUT, avocat au barreau de DIJON, et Me Aude SYBILLIN de la SAS CABINET BREDIN PRAT, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Avril 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Mme [F] a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée du 8 mars 2011 par la SAS Novartis Pharma au poste de déléguée hospitalière, groupe 6, niveau C.
Elle avait pour mission d’assurer l’information médicale des établissements et professionnels de santé. Elle a été affectée, en dernier lieu, sur le secteur [Localité 7]/[Localité 5]/[Localité 10], tout en restant domiciliée à [Localité 8] (71).
Le 26 octobre 2018, la société Novartis Pharma a conclu, avec les organisations syndicales représentatives, un accord portant rupture conventionnelle collective (accord RCC), ayant pour objet de permettre à un certain nombre de salariés éligibles et volontaires de quitter l’entreprise dans le cadre de ce dispositif légal et de bénéficier d’un certain nombre de mesures d’accompagnement.
Cet accord a été validé par la DIRRECTE le 13 novembre 2018.
Mme [F] s’est vainement portée candidate à un départ volontaire en congé de mobilité.
Le 6 mars 2019, l’employeur l’a convoquée à un entretien préalable fixé au 14 mars suivant auquel la salariée ne s’est pas présentée.
Par courrier du 22 mars 2019, la société Novartis Pharma lui a notifié son licenciement pour faute grave au motif d’un abandon de poste.
Par requête reçue au greffe le 31 octobre 2019, Mme [F] a saisi le conseil de prud’hommes aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, obtenir le paiement des indemnités afférentes, ainsi que le paiement d’une indemnité de rupture conventionnelle collective, de voir prononcer la nullité de l’accord de rupture conventionnelle collective du 26 octobre 2018, de voir condamner la société Novartis Pharma à lui verser un rappel de salaires pour les mois de janvier, février et mars 2019, le remboursement de ses frais professionnels, outre des dommages et intérêts pour préjudice moral.
Par jugement du 1er septembre 2021, le conseil de prud’hommes a rejeté l’ensemble de ces demandes.
Par déclaration enregistrée le 14 septembre 2021, Mme [F] a relevé appel de cette décision.
Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par voie électronique le 8 décembre 2021, elle demande à la cour de :
– faire injonction à la société Novartis Pharma d’avoir à communiquer le contrat de travail de Mme [C],
– condamner la société Novartis à lui verser la somme de 39 600 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la société Novartis à lui verser la somme de 34 300 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
– condamner la société Novartis Pharma à lui verser la somme de 19 800 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1 980 euros à titre d’indemnité de congés payés sur préavis,
– condamner la société Novartis Pharma à lui verser la somme de 118 800 euros au titre de l’indemnité de rupture conventionnelle collective,
– prononcer la nullité de l’accord de rupture conventionnelle collective en date du 26 octobre 2018,
– condamner la société Novartis Pharma à lui verser la somme de 19 800 euros au titre des salaires des mois de janvier, février et mars 2019,
– condamner la société Novartis Pharma à lui verser la somme de 598,45 euros au titre du remboursement de ses frais professionnels,
– condamner la société Novartis Pharma à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’indemnité du préjudice moral subi,
– assujettir à l’intérêt légal majoré toutes les condamnations prononcées et n’en bénéficiant pas de droit à compter de la saisine du conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône,
– condamner la société Novartis Pharma à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Novartis Pharma aux entiers dépens.
Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 1er mars 2022, la société Novartis Pharma (Novartis) demande à la cour de :
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
En conséquence,
– débouter Mme [F] de l’intégralité de ses demandes,
A titre reconventionnel,
– condamner Mme [F] à lui verser la somme de 2 000 euros supplémentaires au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux éventuels dépens.
A l’audience, les parties ont été invitées par la cour à déposer, avant le 11 mai 2023, une note en délibéré portant sur la compétence de la cour pour statuer sur une demande en nullité de l’accord CRR au visa des articles L. 1237-19-8 et L. 1235-7-1 du code du travail, prétention invoquée par la société Novartis Pharma dans le corps de ses conclusions mais non reprise dans leur dispositif.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR LA DEMANDE EN NULLITÉ DE L’ACCORD RCC
Mme [F] conclut à la nullité de l’accord RCC en soutenant que :
– l’accord n’a pas assuré la possibilité de choisir entre le départ volontaire et le maintien dans l’emploi,
– l’accord RCC est exclu en matière de fermeture de site,
– la RCC doit exclure tout licenciement.
Dans sa note en délibéré notifiée le 5 mai 2023, elle considère que le conseil de prud’hommes ayant statué, dans sa décision déféré, sur la demande de nullité, le recours à l’encontre de cette décision emporte obligation pour la cour d’appel de se prononcer.
En réponse, dans sa note en délibéré reçue le 10 mai 2023, la société Novartis fait valoir que cette demande ne relève pas de la compétence de la juridiction prud’homale. Dans ses conclusions, elle ajoute que cette prétention est irrecevable comme étant prescrite et qu’elle est en tout état de cause infondée.
L’article L. 1237-19-8 du code du travail relatif au contentieux portant sur l’accord de rupture conventionnelle collective prévoit que :
« L’accord collectif mentionné à l’article L. 1237-19, le contenu de l’accord portant rupture conventionnelle collective, et la régularité de la procédure précédant la décision de l’autorité administrative ne peuvent faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la décision de validation mentionnée à l’article L.1237-19-3.
Les recours contre la décision de validation sont formés, instruits et jugés dans les conditions définies à l’article L.1235-7-1 ».
L’article L. 1235-7-1 du même code dispose que :
« L’accord collectif mentionné à l’article L. 1233-24-1, le document élaboré par l’employeur mentionné à l’article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, les décisions prises par l’administration au titre de l’article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d’homologation mentionnée à l’article L. 1233-57-4.
Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.
Le recours est présenté dans un délai de deux mois par l’employeur à compter de la notification de la décision de validation ou d’homologation, et par les organisations syndicales et les salariés à compter de la date à laquelle cette décision a été portée à leur connaissance conformément à l’article L. 1233-57-4.
Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois. Si, à l’issue de ce délai, il ne s’est pas prononcé ou en cas d’appel, le litige est porté devant la cour administrative d’appel, qui statue dans un délai de trois mois. Si, à l’issue de ce délai, elle ne s’est pas prononcée ou en cas de pourvoi en cassation, le litige est porté devant le Conseil d’Etat.
Le livre V du code de justice administrative est applicable ».
Il en résulte que toute demande relative à la régularité et la validité de l’accord relève de la compétence du juge administratif.
En conséquence, la cour est incompétente pour statuer sur la demande en nullité de l’accord RCC. Le jugement sera donc réformé en ce qu’il a statué sur sa validité.
SUR LE BIEN-FONDÉ DU LICENCIEMENT
Mme [F] prétend qu’elle ne pouvait être licenciée pour abandon de poste et que son licenciement est par conséquent non causé.
En réponse, la société Novartis expose que le licenciement pour faute grave de la salariée est parfaitement fondé.
Il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
Ici, Mme [F] a été licenciée pour faute grave aux termes d’une lettre qui lui reproche un « abandon de poste » depuis le 18 janvier 2019. Dans sa lettre du 22 mars 2019, la société Novartis utilise également le terme d’absence injustifiée mais pour conclure finalement à un abandon de poste qui fonde bien, en définitive, le licenciement de Mme [F].
Il est établi que la salariée s’est portée candidate à un départ volontaire en congé de mobilité et qu’elle a présenté à l’appui de sa candidature, le 15 novembre 2018, une offre d’embauche sur un poste de Key Account Manager (responsable compte clé) au sein du laboratoire pharmaceutique Takeda qu’elle était censée intégrer à compter du 7 janvier 2019.
Étant prévu que le processus de volontariat s’achèverait le 17 janvier 2019, le cas de Mme [F] a été soumis à la commission de suivi. Il en est ressorti qu’il était impossible de déroger au calendrier fixé par l’accord collectif et qu’il n’était donc pas envisageable de statuer immédiatement sur la candidature de la salariée à la RCC.
C’est dans ces conditions que le DRH de la société Novartis a proposé par mail du 3 janvier 2019, dans les termes suivants, à Mme [F] une « suspension de son contrat » de travail du 7 au 16 janvier 2019 afin de lui permettre de rejoindre son nouvel emploi au 17 janvier 2019 :
« Après échange avec la Commission de Suivi, voici la position de l’entreprise :
– A ce jour, tu es en 2ème position sur une zone avec une seule place disponible ; nous ne pouvons donc approuver ta candidature à la RCC.
– Cependant, il existe jusqu’au 16 janvier 2019 une possibilité que la situation évolue : rétractation de la personne prioritaire ou subsidiarité. Dans ce contexte, nous sommes d’accord pour t’accorder une mesure de faveur : A compter du 7 janvier 2019, date de ton nouveau CDI, nous suspendons ton contrat de travail et tu es donc libérée de tes obligations vis-à-vis de Novartis ce qui te permet de rejoindre ton nouvel employeur et ce jusqu’au 17 janvier 2019 (tu auras toujours un lien contractuel avec Novartis).
« Par la suite :
‘ Soit au 16 janvier 2019 à minuit la situation a évolué rendant possible pour toi de bénéficier de la RCC et nous mettrons alors en ‘uvre les mesures de la RCC ;
‘ Soit au 16 janvier 2019 à minuit la situation n’a pas évolué, et dans ce cas, tu ne pourras pas bénéficier de la RCC ; tu devras alors :
* soit démissionner de Novartis pour régulariser ta situation vis-à-vis de ton nouvel employeur,
* soit retourner chez Novartis sur ton poste actuel.
J’espère que c’est clair ; nous avons essayé de trouver le cadre le plus sécurisant pour toi pour te laisser toutes tes chances de tous les côtés tout en respectant le cadre de l’accord ». (pièce n° 7).
Or, à l’issue de la réunion de la commission de suivi du 17 janvier 2019, la société Novartis Pharma a informé Mme [F] que sa candidature n’avait pas été retenue en ce qu’elle était placée en deuxième position par application des critères de départage posés par l’accord RCC, alors qu’un seul départ volontaire était possible sur le secteur de [Localité 7]. La salariée ne pouvant bénéficier des conditions d’accompagnement prévues au RCC, l’employeur a souhaité qu’elle réintègre l’entreprise afin de « régulariser sa situation ».
Mme [F] n’est cependant pas retournée travailler le 18 janvier 2019, ni n’a démissionné de son poste. La société Novartis l’a alors déclarée en « absence injustifiée » à compter de cette date et, le 13 février 2019, l’a vainement mise en demeure de justifier de son absence pour finalement la licencier pour abandon de poste.
Il doit toutefois être relevé que la « suspension » du contrat de travail n’a fait l’objet d’aucun avenant au contrat mais qu’elle a été notifiée à la salariée par simple courriel, ce qui ne saurait valoir engagement formel de la part des parties, de Mme [F] en particulier.
En outre, la société Novartis, tout en admettant à travers ses écrits que sa salariée avait un « nouvel employeur » depuis le 7 janvier 2019, lui a demandé, à l’issue de cette période dite de « suspension », de « reprendre son poste » ou de démissionner alors qu’elle connaissait l’engagement que Mme [F] avait pris dans le cadre d’un CDI auprès d’une autre entreprise, cet engagement ayant été décidé d’un commun accord et de façon totalement transparente de la part de la salariée. Comme elle le relève à juste titre, accepter le principe de cette embauche par CDI tout en exigeant son retour chez Novartis était totalement incohérent. L’employeur ne pouvait exiger une réintégration qu’il savait impossible, ni imposer à Mme [F] qu’elle démissionne.
Il résulte par ailleurs des échanges de courriels entre les parties (pièce 7 de l’employeur) que le consentement de Mme [F] à la « suspension » de son contrat de travail et, surtout, aux conditions de son retour dans l’entreprise, était équivoque puisqu’elle indique : « J’ai noté que la suspension de mon contrat de travail concerne la période du 7 au 16 janvier. Le 17 janvier, suite à la décision de la commission de suivi, nous conviendrons des modalités de mon départ de Novartis ». A aucun moment, la salariée n’évoque la possibilité de démissionner ni, du reste, de réintrégrer l’entreprise si sa candidature à la RCC n’était pas retenue.
La notion d’abandon de poste suppose que le salarié cesse de venir travailler sans motif légitime et sans l’autorisation de son employeur. Ici, Mme [F] justifie d’un motif légitime dont la société Novartis était parfaitement informée et pour lequel elle avait préalablement donné son accord de sorte qu’il ne peut être retenu que la salariée a « abandonné » son poste.
Au surplus, force est de constater que la société Novartis avait, dès le mois de janvier 2019, réembauché une salariée, Mme [C], sur le secteur de [Localité 7] de sorte que ses injonctions visant à voir Mme [F] réintégrer son poste étaient artificielles puisqu’elle avait d’ores et déjà été remplacée. A cet égard, il n’y a pas lieu, dès lors, d’enjoindre à l’employeur d’avoir à produire le contrat de travail de Mme [C].
Au vu de l’ensemble de ces éléments, le motif du licenciement de Mme [F] n’est pas fondé, ce qui implique que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant réformé en ses dispositions contraires.
Le licenciement étant injustifié, la salariée peut, par conséquent, prétendre non seulement aux indemnités de rupture mais également à des dommages et intérêts.
Il sera fait droit à sa demande en paiement des sommes de 34 300 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement et de 1 980 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents.
De plus, compte tenu de son ancienneté (8 années complètes) dans une entreprise employant plus de onze salariés, des circonstances de la rupture, du montant mensuel brut de sa rémunération (6 600 euros), de son âge (53 ans au moment du licenciement), il y a lieu d’allouer à Mme [F], en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi.
SUR LA DEMANDE DE RAPPEL DE SALAIRE
Mme [F] sollicite un rappel de salaire au titre des mois de janvier, février et mars 2019 à hauteur de 19 800 euros bruts.
La société Novartis s’oppose en indiquant que la salariée ne s’étant pas représentée à son poste à compter du 18 janvier 2019, elle n’était pas tenue de lui verser son salaire sur les mois considérés.
Il est constant que la retenue sur salaire opérée par un employeur en raison de l’absence du salarié et à proportion de sa durée ne constitue pas une sanction disciplinaire et qu’elle est donc autorisée, notamment en cas d’absence injustifiée du salarié.
En l’occurrence, Mme [F] ne s’est pas tenue à la disposition de la société Novartis puisqu’elle travaillait parallèlement à temps plein pour le compte de la société Takeda et n’a plus effectué aucune prestation de travail au bénéfice de la société Novartis sur les mois de janvier à mars 2019. Cette dernière était donc fondée à opérer une retenue sur salaire au titre des mois précités.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de rappel de salaire de Mme [F].
SUR LA RÉPARATION DE LA PERTE DE CHANCE
Mme [F] réclame une somme de 118 800 euros au titre de la perte de chance d’obtenir l’indemnité correspondante à l’indemnité de RCC (18 mois de salaire).
Il est constant que le préjudice consistant en une perte de chance doit être réparé à la mesure de la chance perdue et son indemnisation ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.
En l’espèce, Mme [F] n’établit pas avoir, de façon certaine, perdu l’éventualité favorable de pouvoir bénéficier de la RCC. La société Novartis n’a eu d’autre choix, en suite de l’avis de la commission de suivi, de rejeter sa candidature.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté cette prétention.
SUR LA DEMANDE DE REMBOURSEMENT DES FRAIS PROFESSIONNELS
Mme [F] sollicite le remboursement de ses frais professionnels du mois de novembre 2018.
La société Novartis rétorque que cette demande est infondée dès lors que ces frais ont été exposés en raison du manquement contractuel de la salariée qui n’aurait jamais eu besoin de réserver les nuits d’hôtel et de prendre les dîners litigieux si elle avait respecté l’obligation de résider dans son secteur d’activité, comme elle s’y était engagée au moment du changement de secteur intervenu à son initiative. L’employeur ajoute que Mme [F] ne peut en aucune façon se prévaloir de la tolérance temporaire qu’il aurait eue à son égard au moment du changement de secteur dès lors que la souplesse de la société ne peut avoir constitué un « droit acquis », ni une modification du contrat de travail de l’intéressée.
Il est constant que le remboursement par l’employeur des frais professionnels doit être convenu entre les parties et qu’il est soumis à la double condition que le salarié les ait exposés soit pour les besoins de son activité professionnelle, soit dans l’intérêt de l’employeur.
En l’espèce, par avenant au contrat de travail du 4 octobre 2016, la salariée a été, à sa demande, mutée sur le secteur de [Localité 7]/[Localité 6]/[Localité 9], s’éloignant ainsi de son lieu de résidence situé en Saône-et-Loire afin de se rapprocher de ses enfants. Les dispositions contractuelles prévoyaient qu’elle s’engageait à maintenir sa résidence sur son secteur d’intervention, sauf accord préalable et écrit de la société (pièce 2 de l’employeur). Le secteur attribué à Mme [F] a évolué pour se fixer, en dernier lieu et à compter du 1er février 2017, sur le secteur [Localité 7]/[Localité 5]/[Localité 10]. Durant toutes ces années, la salariée a maintenu sa résidence à [Localité 8] (71), son secteur initial. Ce n’est qu’à compter du mois d’août 2018, que l’employeur l’a informée qu’il ne lui rembourserait plus ses frais d’hôtel et de dîner sur [Localité 7].
Mme [F] est donc fondée à se prévaloir de la tolérance, au moment du changement de secteur, de son employeur qui a accepté de lui rembourser ses frais de déplacement et ses frais d’hôtel pendant près de deux ans. Il ne s’agissait pas d’une « tolérance provisoire » comme le soutient à tort l’employeur.
Pour autant, il revient à la salariée de justifier du montant de la somme réclamée correspondant aux dépenses engagées pour les besoins de son activité professionnelle. La société Novartis a d’ailleurs adressé à Mme [F] un courrier daté du 31 juillet 2019 pour lui faire part de sa volonté de rembourser les frais du mois de novembre 2018, sous réserve que cette dernière lui transmette «une attestation sur l’honneur indiquant les dates / noms des hôtels et restaurants / montants payés » (pièce n° 15). Mme [F] n’a toutefois pas satisfait à cette demande et n’en justifie pas davantage à hauteur de cour.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande en paiement.
SUR L’INDEMNISATION D’UN PRÉJUDICE MORAL
Mme [F] réclame le paiement d’une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Or, il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l’existence et l’évaluation de celui-ci relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.
Au cas d’espèce, Mme [F] n’argumente pas sa demande et n’en justifie ni en son principe ni en son quantum. Sa prétention sera donc, par confirmation du jugement, rejetée.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
Les sommes mises à la charge de la société Novartis produiront intérêts au taux légal à compter de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter du prononcé du présent arrêt pour les sommes de nature indemnitaire.
La décision attaquée sera infirmée en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La société Novartis, qui succombe pour l’essentiel, doit prendre en charge les dépens de première instance et d’appel et supporter une indemnité au visa de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il rejette les demandes en paiement de Mme [F] au titre de l’indemnité de rupture conventionnelle collective, du rappel de salaire, du remboursement des frais professionnels et du préjudice moral,
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
Se déclare matériellement incompétente pour statuer sur la demande en nullité de l’accord de rupture conventionnelle collective et renvoie les parties à mieux se pourvoir sur ce point,
Dit n’y avoir lieu d’enjoindre à la société Novartis Pharma de communiquer le contrat de travail de Mme [C],
Dit que le licenciement de Mme [F] est sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence, condamne la société Novartis Pharma à verser à Mme [F] les sommes de :
– 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 34 300 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 19 800 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1 980 euros à titre d’indemnité de congés payés sur préavis,
Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de la société Novartis Pharma devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter du prononcé du présent arrêt pour les sommes de nature indemnitaire,
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Novartis Pharma et la condamne à payer à Mme [F] la somme de 2 000 euros,
Condamne la société Novartis Pharma aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier Le président
Kheira BOURAGBA Olivier MANSION