Retenues sur salaire : 25 janvier 2023 Cour d’appel de Limoges RG n° 21/00831

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Retenues sur salaire : 25 janvier 2023 Cour d’appel de Limoges RG n° 21/00831

ARRET N° .

N° RG 21/00831 – N° Portalis DBV6-V-B7F-BIIES

AFFAIRE :

S.A. PROXIMIT prise en la personne de son représentant légal en exercice

C/

M. [I] [D] Profession : intégrateur multimédia

JPC/MS

Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Sans procédure particulière

Grosse délivrée à Me DOUDET, et Me DUMONT

COUR D’APPEL DE LIMOGES

Chambre économique et sociale

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ARRET DU 25 JANVIER 2023

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Le VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS la chambre économique et sociale a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :

ENTRE :

S.A. PROXIMIT prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Richard DOUDET, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANTE d’un jugement rendu le 10 SEPTEMBRE 2021 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE LIMOGES

ET :

Monsieur [I] [D] Profession : intégrateur multimédia

né le 10 Mai 1990 à [Localité 3], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Suzanne DUMONT, avocat au barreau de LIMOGES

INTIME

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L’affaire a été fixée à l’audience du 5 décembre 2022, après ordonnance de clôture rendue le 26 octobre 2022, la Cour étant composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER et de Madame Géraldine VOISIN, Conseillers, assistés de Madame Line MALLEVERGNE, Greffier. Monsieur Jean-Pierre COLOMER, conseiller, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 25 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

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LA COUR

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EXPOSE DU LITIGE :

La SA Proximit exploite une activité d’ingénierie et d’études techniques. Elle possède deux établissements, l’un situé à [Localité 2], l’autre à [Localité 5]. Elle compte environ 40 salariés.

Le 1er décembre 2011, elle a engagé M. [D] en apprentissage. La relation contractuelle s’est poursuivie dans le cadre de contrats à durée déterminée puis d’un contrat à durée indéterminée à temps plein conclu le 19 juin 2014. Aux termes de ce contrat qui a pris effet le 30 juillet 2014, le salarié a été engagé en qualité d’intégrateur multimédia catégorie ETAM, position 1.4.2, coefficient 250.

La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (IDCC 2230).

Le 29 janvier 2018, M. [D] a sollicité la rupture conventionnelle de son contrat en faisant valoir qu’il souhaitait se consacrer à un nouveau projet professionnel. L’employeur a refusé de faire droit à cette demande le 1er février 2018.

Le 5 février 2018, le salarié a adressé un courrier en réponse à son employeur en prenant acte de son refus et en soulevant un certain nombre d’irrégularités dans son contrat de travail. Il se plaignait d’un manque de formation professionnelle malgré ses demandes, d’une absence de promotion significative et de la classification de son emploi qui ne correspondait pas, selon lui, à ses attributions. En conclusion, il sollicitait la reclassification de son emploi et le paiement d’un rappel de salaire.

Le 9 février 2018, l’employeur a informé son salarié qu’il n’entendait pas faire droit à ses demandes.

Étant devenu père de famille, M. [D] a pris un congé de paternité du 5 au 15 mars 2018.

Le 14 mars 2018, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 23 mars suivant et il a fait l’objet d’une mise à pied conservatoire.

Le 29 mars 2018, le salarié a été licencié pour faute grave. L’employeur lui reproche, d’une part, de l’avoir menacé d’une procédure judiciaire à la suite de son refus de faire droit à sa demande de rupture conventionnelle du contrat de travail et, d’autre part, d’avoir refusé d’exécuter ses instructions.

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Par requête en date du 27 mars 2019, M. [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Limoges de contestations portant sur l’exécution et la rupture de son contrat de travail.

Par jugement de départage du 10 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Limoges a :

– constaté que les fonctions réellement exercées par M. [D] au sein de la société PROXIMT relevaient de la classification 3.1 de la convention collective nationale de bureaux d’étude technique ;

– condamné en conséquence la société Proximit à verser à M. [D] les sommes de 9 570,40 € au titre du rappel de salaire entre mars 2015 et février 2018 et 957,40 € au titre des congés payés afférents, avec intérêts à taux légal à compter du 27 mars 2019, date de la requête ;

– condamné la société Proximit à verser à M. [D] la somme de 1 000 € de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, avec intérêts à taux légal à compter de la présente décision ;

– prononcé la nullité du licenciement pour fautes, notifié le 29 mars 2018 par la société Proximit à M. [D] ;

– constaté également l’absence de toute faute grave commise par M. [D] ;

– condamné en conséquence la société Proximit à verser à M. [D] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2019, date de la requête :

794,23 € brut au titre du rappel de salaire suite a la mise à pied conservatoire, et 79,42 € au titre des congés payés afférents ;

4 039,60 € brut outre 403,96 € brut au titre des congés payés afférents, pour l’indemnité compensatrice de préavis ;

3 282,17 € au titre de l’indemnité de licenciement ;

18 178,20 € de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

2 485,89 € brut à titre de rappel de salaire correspondant à la période de protection et 248,58 € brut au titre des congés payés afférents ;

– ordonné à la société Proximit de remettre à M. [D] un certificat de travail et des bulletins de salaire rectificatifs ;

– condamné la société Proximit à verser à M. [D] la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté M. [D] de ses autres demandes ;

– débouté la société Proximit de sa demande au titre de l’article 700 du code procédure civile ;

– condamné la société Proximit aux dépens de l’instance ;

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.

La société Proximit a interjeté appel de la décision le 28 septembre 2022, son recours portant sur l’ensemble des chefs de jugement à l’exception de celui ayant débouté M. [D] de ses autres demandes.

==oOo==

Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 décembre 2021, la société Proximit demande à la cour de :

– réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau, de :

– dire que le licenciement de M. [D] a bien été prononcé pour fautes graves ;

– débouter M. [D] de l’ensemble de ses demandes relatives aux dommages-intérêts pour licenciement nul, indemnité de licenciement, indemnité de préavis, de congés payés sur préavis et de rappel de salaire sur la période de protection ;

– dire que M. [D] relève bien de la position 1.4.2 et du coefficient en vertu des dispositions conventionnelles et des missions qui lui sont confiées ;

– débouter en conséquence M. [D] de sa demande de rappels de salaire et de congés payés afférents à ce titre ;

– débouter M.[D] de sa demande de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ;

– condamner M. [D] au paiement de la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

A l’appui de son recours, la société Proximit soutient que le licenciement est régulier dans la mesure où M. [D] a commis un abus de droit constitutif d’une faute grave en tentant d’obtenir de force la signature d’une rupture conventionnelle par son employeur et a refusé de façon réitérée d’exécuter les ordres qui lui étaient donnés.

Concernant la demande de rappel de salaire relative à la classification, la société Proximit expose qu’au regard du poste ou des tâches exécutées par le salarié, rien ne justifie la classification qu’il revendique.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 mars 2022, M. [D] demande à la cour de :

– confirmer le jugement attaqué, sauf en ce qu’il l’a débouté de certaines demandes ;

Y ajoutant de :

– porter à 10 000 € la somme allouée en réparation de l’exécution déloyale du contrat de travail ;

– porter à 36 356,40 € la somme allouée en réparation du licenciement nul (équivalent à 18 mois) ;

– ordonner à la société Proximit de lui remettre une attestation pôle emploi rectifiée ;

– condamner la société Proximit à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

M. [D] soutient qu’au regard des fonctions qu’il exerçait réellement, il aurait dû être classé en position 3.1 de la convention collective. En conséquence, il demande un rappel de salaire.

Concernant son licenciement, il soutient que celui-ci est nul car l’employeur l’a licencié en raison d’une procédure contentieuse qu’il envisageait de mettre en oeuvre, ce qui caractérise une atteinte au droit fondamental d’ester en justice. Par ailleurs, il fait valoir que l’employeur l’a licencié durant les dix semaines suivant la naissance de son enfant alors qu’il n’a pas commis de faute grave.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

SUR CE,

Sur la demande de reclassification de l’emploi :

L’article 1er de l’annexe I de la Convention collective nationale des bureaux d’études techniques du 15 décembre 1987 prévoit qu’il est institué un système de classification du personnel visé, en trois fonctions, chacune de ces fonctions étant subdivisée en un certain nombre de positions auxquelles sont affectés des coefficients et que ces derniers serviront à la détermination des rémunérations minimales hiérarchiques.

Les dispositions de l’annexe I relatives aux grands groupes fonctionnels prévoient que les fonctions ETAM existantes ou pouvant exister dans les familles professionnelles quelles qu’elles soient peuvent être réparties en fonctions à dominante :

– d’exécution ;

– d’études ou de préparation ;

– de conception ou de gestion élargie.

Et que ces fonctions se différencient dans leurs aspects fondamentaux (objet, modèles d’action, démarches intellectuelles) et dans leurs définitions globales (contenu, caractéristiques).

Le contrat de travail de M. [D] mentionne que celui-ci a été engagé en qualité d’intégrateur multimédia relevant de la catégorie ETAM position 1.4.2 coefficient 250 et il réclame la reclassification de son emploi en un emploi correspondant à la position 3.1.

M. [D] est titulaire d’un BTS qui correspond au niveau III de l’ancienne nomenclature des certifications professionnelles. Selon sa fiche de poste, son emploi comportait les tâches suivantes :

1. Activités principales :

– Analyser les scénarios et participer à l’évaluation du projet en ce qui concerne l’intégration ;

– Intégrer des éléments textes et graphiques ;

– Intégrer les modules dynamiques en conformité avec les paramètres et les normes d’édition du site ;

– Mettre à jour le site internet ;

– Veiller au bon fonctionnement du site ;

– Maintenir le site et assurer ses évolutions.

2. Activités spécifiques :

– Référencer le site ;

– Assister les clients ayant un besoin technique.

Par ailleurs, il résulte des pièces produites qu’il a également effectué les taches suivantes :

– élaboration et dispense de formations à destination de clients,

– missions d’avant-vente pour certains appels d’offre (recherches de solutions techniques),

– étude et test des produits (Ex Appli SEL)

– réalisation d’audits et rédaction de propositions,

– suivi technique des équipes,

Selon l’annexe, un emploi correspondant à la position 1.4 relève des fonctions d’exécution un emploi dans lequel, d’une part, « le travail de l’agent consiste à réaliser, dans le détail, des opérations programmées » et, d’autre part, « l’agent procède du particulier au particulier par simple identification ».

Cet emploi consiste en l’exécution de travaux constitués dans leur ensemble de modes opératoires définis, codifiés et ordonnés. Les caractéristiques communes aux trois niveaux de cet emploi sont :

1. L’aspect unitaire et monotype du travail.

2. Une possibilité de choix, par l’intéressé, entre modes opératoires divers limités et bien définis.

3. L’exercice de la fonction se satisfait de la connaissance du contexte immédiat du travail.

4. Autonomie limitée, la non-conformité des travaux étant aisément contrôlable.

L’exercice de la fonction se satisfait des connaissances correspondant aux niveaux de formation VI, V bis, V et IV b de l’éducation nationale.

Les éléments ci-dessus font apparaître que M. [D] effectuait des tâches qui allaient bien au-delà de la simple fonction d’exécution. En effet, la réalisation de missions d’avant-vente pour certains appels d’offre (recherches de solutions techniques) ainsi que la réalisation d’audits correspondent à des missions d’études et de préparation correspondant au deuxième niveau de la classification.

M. [D] demande la reclassification de son emploi en un emploi correspondant à la position 3.1 correspondant à des fonctions de conception ou de gestion élargie.

Selon l’annexe I, le travail de l’agent consiste à :

– déterminer les schémas de principe qui sont susceptibles d’intégrer les éléments divers d’un problème complet et à les poser comme hypothèse de travail pour lui-même et pour autrui ;

– à élaborer et à coordonner un programme cadre en vue de sa réalisation par lui-même ou par autrui.

Les tâches exécutées par M. [D] ne permettent pas de caractériser un travail consistant à élaborer et à coordonner un programme cadre dans la mesure où l’élaboration et la coordination de programmes vont bien au-delà d’une mission de supervision et de suivi des équipes en ce sens que la supervision et le suivi impliquent des tâches de contrôle et de vérification alors que la coordination suppose de diriger l’action de plusieurs personnes vers un but commun.

De plus, il ne résulte pas des tâches du salarié telles que décrites par lui que son travail consistait à déterminer des schémas de principe comme le prévoit l’annexe I.

Au regard de ces éléments, il ne peut prétendre à la reclassification de son emploi en un emploi de la position 3.1, étant précisé que l’élaboration et la réalisation de formation ne sont pas prises en compte dans la nomenclature et ne permettent pas de classer son emploi au niveau qu’il réclame.

En revanche, son emploi devait être positionné dans la 2e catégorie puisqu’il réalisait des études de préparation répondant aux critères de la classification des emplois.

En effet, l’annexe I définit la position 2.3 en indiquant que, d’une part, l’exercice de la fonction implique la prise en compte, avec toute la maîtrise souhaitable, des contraintes des technologies mises en cause et que, d’autre part, les suggestions ou conclusions formulées par l’intéressé à propos du travail sont de nature à faire progresser les méthodes, procédés ou moyens.

Les missions d’avant-vente telles que décrites supposent la prise en compte des contraintes technologiques mise en cause et le salarié était en situation de proposer des conclusions de nature à faire progresser les méthodes, procédés ou moyens puisqu’il devait notamment rechercher des solutions techniques.

Il s’ensuit que l’emploi de M. [D] doit être reclassifié en position 2.3. La décision des premiers juges sera donc réformée en ce sens. Ainsi, il aurait dû percevoir le salaire brut minimum de 1 845,55 € du 1er mars 2015 au 30 juin 2017 puis celui de 1883,55 € du 1er juillet 2017 au 28 février 2018.

M. [D] a perçu un salaire brut de 1650 € du 1er mars 2015 au 31 décembre 2016 puis de 1 750 € du 1er janvier 2017 au 28 février 2018

La société PROXIMT sera condamnée à lui payer un rappel de salaire de 4 743,80 € brut ainsi que les congés payés y afférents. La décision des premiers juges sera réformée en ce sens.

Sur le manquement à l’obligation de loyauté :

Selon, l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

En l’espèce, M. [D] produit différents comptes rendus de réunion de la délégation salariale unique. Ceux-ci permettent de constater que, dès le mois de novembre 2014, il existait au sein de la société une contestation concernant les coefficients utilisés pour la rémunération des salariés. L’employeur a alors indiqué que la réévaluation serait faite au coup par coup, personne par personne, dans la mesure des moyens actuels.

Cette question était toujours présente lors de la réunion du 13 février 2018 au cours de laquelle il a été rappelé que des personnes occupant le même poste n’avaient pas la même position et le même coefficient de rémunération.

L’employeur qui connaissait cette difficulté n’a pas hésité à élargir le domaine de compétence de M. [D] comme cela a été démontré ci-dessus. Il lui a d’ailleurs donné des attributions en matière de formation alors même que de telles attributions ne figurent pas dans la grille de classification. Pour autant, cet élargissement du périmètre de compétence du salarié ne s’est pas traduit par un réexamen de sa classification, ce qui caractérise une exécution déloyale du contrat de travail.

M. [D] a été reconnu dans ses droits puisque la reclassification de son emploi a été ordonnée. Il a néanmoins subi un préjudice moral en sachant que la prestation fournie n’était pas équivalente à la rémunération versée par son employeur. Ce préjudice a été justement apprécié par les premiers juges dont la décision doit être confirmée de ce chef.

Sur le licenciement :

Il résulte des dispositions de l’article L. 1235-3-1 du code du travail que le licenciement est entaché d’une nullité en cas de violation d’une liberté fondamentale.

Le droit d’ester en justice est une liberté fondamentale consacrée par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

En l’espèce, dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, l’employeur reproche à son salarié les faits suivants :

« Vous nous avez annoncé votre volonté de quitter notre société et de collaborer avec une ou des sociétés concurrentes.

Vous nous avez demandé la régularisation d’une rupture conventionnelle afin d’assurer « la sérénité financière » de votre projet.

N’ayant aucune raison de nous séparer de vous, nous vous avons opposé un refus que vous avez très mal pris.

Vous avez donc imaginé de menacer notre société d’une procédure devant le Conseil de prud’hommes en rappel de salaires totalement injustifiés afin d’obtenir, de force, ce que vous n’aviez pu obtenir à l’amiable.

Ayant également essuyé un refus logique, vous avez décidé de provoquer vous-même votre licenciement en refusant ouvertement et à plusieurs reprises d’effectuer un travail commandé par votre supérieur hiérarchique.

Vous n’avez pas contesté ces faits lors de l’entretien préalable allant même jusqu’à soutenir que vous ignoriez que l’on ne pouvait pas refuser d’exécuter un travail commandé par un supérieur hiérarchique et en confirmant que, de toutes façons, vous vouliez « quitter la société.

Ce comportement est parfaitement inacceptable et rend impossible la poursuite du contrat de travail ».

Dans son courrier du 5 février 2018, M. [D] indique à son employeur qui a refusé la rupture conventionnelle et n’est pas en capacité de quitter l’entreprise par une démission comme celui-ci lui a suggéré et qu’il conservera donc son poste au sein de la société. Il ajoute: « Néanmoins je tiens à vous faire part d’un certain nombre d’irrégularités rencontrées dans notre relation de travail depuis plusieurs années, qui ne sont pas étrangères à ma demande de départ, et qui, puisque celle-ci est refusée, doivent désormais être régularisées ». Après avoir réclamé la reclassification de son emploi et un rappel de salaire, il conclut son courrier en indiquant : « Si toutefois ces demandes n’étaient pas régularisées dans les plus brefs délais, je n’hésiterai pas à prendre contact avec un avocat ».

Il ne peut être sérieusement contesté que le salarié a menacé son employeur d’une action en justice s’il n’obtenait pas gain de cause concernant notamment la reclassification de son emploi. Toutefois, il n’a fait qu’invoquer l’exercice d’une liberté fondamentale et, en outre, il convient de constater qu’il a été jugé ci-dessus que sa demande de reclassification était justifiée dans son principe.

Même si la lettre de licenciement est rédigée de telle sorte que l’employeur donne l’impression que la rupture du contrat de travail est fondée sur une faute ayant consisté à refuser d’effectuer le travail commandé, il n’en demeure pas moins que l’employeur reproche également à son salarié de l’avoir menacé d’une procédure judiciaire. Il s’ensuit que le licenciement est en lien avec la volonté du salarié de mettre en ‘uvre une procédure judiciaire s’il n’est pas satisfait à ses demandes, ce qui est interdit.

En conséquence, il y a lieu de déclarer le licenciement de M. [D] nul.

Sur les conséquences du licenciement nul :

Le contrat de travail de M. [D] a été rompu le 29 mars 2018. Le salarié disposait alors d’une ancienneté de 6 ans et 3 mois compte tenu de la reprise d’ancienneté au 1er décembre 2011.

À la suite de la reclassification de son emploi, son salaire de référence s’élève à 1 883,55 € bruts.

Il est fondé à réclamer, d’une part, l’indemnité de préavis (2 mois) d’un montant de 3 767,10 € brut et les congés payés y afférents et, d’autre part, l’indemnité de licenciement d’un montant de 2 943,05 €.

L’employeur sera également condamné à lui payer les salaires retenus durant la mise à pied conservatoire fondée sur les griefs du licenciement nul. Cette mise à pied a duré 13 jours. La retenue sur salaire sera fixée à 794,23 € brut conformément à la demande.

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise (plus de dix salariés), des circonstances de la rupture, du montant de sa rémunération versée, de son âge (27 ans), de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 12 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de paiement des salaires dus pendant la période de protection :

L’article L. 1225-4-1 du code du travail prévoit qu’aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié pendant les dix semaines suivant la naissance de son enfant mais que, toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant.

En l’espèce, le fils de M. [D] est né le 24 février 2018. Le salarié bénéficiait donc de la protection prévue par l’article précité jusqu’au 05 mai 2018. Le licenciement ayant été déclaré nul, la rupture du contrat de travail ne pouvait intervenir durant la période de protection. Il s’ensuit que le salarié est fondé à réclamer les salaires qu’il aurait perçus si cette période de protection avait été respectée.

La société Proximit sera donc condamnée à lui payer la somme de 2 260,26 € brut et les congés payés y afférents. La décision des premiers juges sera réformée en ce sens.

Sur les autres demandes :

Les condamnations prononcées ci-dessus au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail produiront intérêts au taux légal à compter de la requête du 29 mars 2018

A la suite de la présente procédure, M. [D] a exposé des frais non compris dans les dépens. L’équité commande de l’en indemniser. La société Proximit sera condamnée à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

—==oO§Oo==—

PAR CES MOTIFS

—==oO§Oo==—

LA COUR 

Statuant par décision Contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Limoges en date du 10 septembre 2021 en ses dispositions soumises à la cour ayant:

– constaté que les fonctions réellement exercées par M. [D] au sein de la société PROXIMT relevaient de la classification 3.1 de la convention collective nationale de bureaux d’étude technique ;

– condamné en conséquence la société Proximit à verser à M. [D] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2019, date de la requête :

9 570,40 € au titre du rappel de salaires entre mars 2015 et février 2018 et 957,40 € au titre des congés payés afférents, au titre de la reclassification de l’emploi ;

4 039,60 € brut outre 403,96 € brut au titre des congés payés afférents, pour l’indemnité compensatrice de préavis ;

3 282,17 € au titre de l’indemnité de licenciement ;

18 178,20 € de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

2 485,89 € brut à titre de rappel de salaire correspondant à la période de protection et 248,58 € brut au titre des congés payés afférents ;

Le confirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit que les fonctions exercées par M. [D] au sein de la société PROXIMT relevaient de la classification 2.3 de la convention collective nationale de bureaux d’étude technique ;

CONDAMNE en conséquence la société Proximit à verser à M. [D] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2019, date de la requête :

4 743,80 € au titre du rappel de salaires fondé sur la reclassification de l’emploi, pour la période de mars 2015 à février 2018 et 474,38 € au titre des congés payés y afférents, au titre de la reclassification de l’emploi ;

794,23 € brut au titre du rappel de salaires suite a la mise à pied conservatoire, et 79,42 € au titre des congés payés afférents ;

3 767,10 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que 376,71 € brut au titre des congés payés y afférents ;

2 943,05 € au titre de l’indemnité de licenciement ;

12 000 € de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

2 260,26 € brut à titre de rappel de salaire correspondant à la période de protection et 226,03 € brut au titre des congés payés afférents ;

ORDONNE à la société Proximit, sur le fondement de l’article L.1235-4 du code du travail, de rembourser aux organismes concernés les indemnités que M. [D] a perçues dans la limite de six mois à compter du jour de son licenciement

REJETTE les autres demandes ;

RAPPELLE en tant que de besoin que le présent arrêt infirmatif tient lieu de titre afin d’obtenir le remboursement des sommes versées en vertu de la décision de première instance assortie de l’exécution provisoire ;

CONDAMNE la société Proximit aux dépens de l’appel et à payer à M. [D] la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.

 


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