Retenues sur salaire : 24 mai 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 20/02818

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Retenues sur salaire : 24 mai 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 20/02818

24/05/2022

ARRÊT N° 2022/302

N° RG 20/02818 – N° Portalis DBVI-V-B7E-NYRJ

M.D/K.S

Décision déférée du 24 Septembre 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 19/00556)

[R]

SECTION COMMERCE CH 2

[H] [D]

C/

S.C.I. LES TOITS DU LAC

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT QUATRE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [H] [D]

2A rue des Tournesols

31620 BOULOC

Représenté par Me Cécile ROBERT de la SCP CABINET SABATTE ET ASSOCIEES, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2020.025829 du 21/12/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMÉE

S.C.I. LES TOITS DU LAC

8, Place André Abbal

31100 TOULOUSE

Représentée par Me Isabelle BAYSSET de la SCP INTER-BARREAUX D’AVOCATS MARGUERIT BAYSSET RUFFIE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. DARIES, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUME, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.

FAITS ET PROCÉDURE:

M. [H] [D] a été embauché le 1er avril 2014 par la SCI Les Toits du Lac en qualité d’agent technique suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des gardiens, concierges et employés d’immeuble.

Le 15 mai 2018, M. [D] a été placé en arrêt de travail pour maladie

jusqu’au 31 mai 2018. Cet arrêt a été prolongé à de multiples reprises.

M. [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 12 avril 2019 pour demander la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Le 21 octobre 2019, au cours d’une visite de reprise, le médecin du travail a déclaré M. [D] inapte, précisant que l’état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Après avoir été convoqué par courrier du 5 novembre 2019 à un entretien préalable au licenciement fixé au 18 novembre 2019, M. [D] a été licencié par courrier

du 21 novembre 2019 pour cause réelle et sérieuse.

Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section Commerce, par jugement

du 24 septembre 2020, a :

-dit que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de M. [D] est fondé,

-dit que M. [D] ne démontre pas l’existence d’un préjudice lié au défaut de visite médicale d’embauche,

-en conséquence :

-débouté M. [D] de l’intégralité de ses demandes,

-débouté la société de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné M. [D] aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration du 20 octobre 2020, M. [D] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 7 octobre 2020, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

PRETENTIONS DES PARTIES:

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique

le 10 février 2022, M. [H] [D] demande à la cour de :

-à titre principal :

*juger recevable sa demande tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société et à lui faire produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté M. [D] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*juger recevable sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice tiré de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,

*infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice tiré de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,

*juger recevable sa demande au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents,

*infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents,

*infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de 20 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice tiré de la violation de l’obligation de sécurité de l’employeur,

*statuant à nouveau,

*prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la SCI Les Toits du Lac,

*juger que la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse,

*en conséquence,

*condamner la SCI Les Toits du Lac au paiement des sommes suivantes :

2 997 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 299,70 euros de congés payés afférents,

20 000 euros, à titre principal, de dommages et intérêt au titre du licenciement nul et 8 991 euros, à titre subsidiaire, de dommages et intérêt au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

20 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation de l’obligation de santé et de sécurité par la société,

-à titre subsidiaire :

*juger recevable sa demande tendant à voir juger son licenciement, à titre principal, nul, et à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse, et à titre infiniment subsidiaire, irrégulier,

*accueillir la demande formée en cause d’appel par M. [D],

*juger le licenciement, à titre principal, nul, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse et, à titre infiniment subsidiaire, irrégulier,

*en conséquence,

*condamner la SCI Les Toits du Lac au paiement des sommes suivantes :

2 997 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 299,70 euros de congés payés afférents,

20 000 euros, à titre principal, de dommages et intérêt au titre du licenciement nul, 8 991 euros, à titre subsidiaire, de dommages et intérêt au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et, 1 498,50 euros, à titre infiniment subsidiaire, de dommages et intérêt au titre du licenciement irrégulier,

20 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation de l’obligation de santé et de sécurité par la société,

-en toute hypothèse :

*infirmer le jugement en ce qu’il a l’a débouté de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

*confirmer le jugement en ce qu’il débouté la société de l’intégralité de ses demandes,

*statuant à nouveau,

*condamner la société au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique

le 25 février 2022, la SCI Les toits du Lac demande à la cour de :

-à titre principal :

*confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

*débouter M. [D] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

*condamner M. [D] au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700-1 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

-à titre subsidiaire :

*déclarer irrecevables les demandes formulées par M. [D] en cause d’appel au titre du prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail considérant qu’il s’agit de prétentions nouvelles ainsi que celles formulées au titre de la contestation de son licenciement,

*débouter M. [D] de sa demande de prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail,

*le débouter de l’intégralité de ses demandes indemnitaires formulées au titre du prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat,

*débouter M. [D] de sa demande de contestation de son licenciement,

*le débouter de l’intégralité de ses demandes indemnitaires formulées au titre de la contestation de son licenciement que ce soit sur le fond ou sur la procédure,

-subsidiairement :

*fixer au 21.11.2019 la date d’effet de l’éventuelle résiliation judiciaire qui serait prononcée par la juridiction,

*réduire à de plus justes proportions le quantum des éventuels dommages et intérêts alloués si la Cour faisait produire à la demande de résiliation judiciaire les effets d’un licenciement nul,

*déclarer qu’en toute hypothèse et subsidiairement si la cour faisait produire à la demande de résiliation judiciaire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne saurait prétendre à une somme supérieure à 1,5 mois de salaire

soit 2 747 euros,

*réduire à de plus justes proportions le quantum des éventuels dommages et intérêts alloués au titre du prononcé d’un licenciement nul,

*déclarer qu’en toute hypothèse et subsidiairement si la cour prononçait que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse qu’il ne saurait prétendre à une somme supérieure à 1,5 mois de salaire soit 2 747 euros à titre de dommages-intérêts,

*confirmer la décision en ce qu’elle a débouté M. [D] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

*débouter M. [D] de sa demande formulée en cause d’appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de sa demande de condamnation de la société aux dépens,

-en tout état de cause, condamner M. [D] au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700-1 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 4 mars 2022.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS:

I/ Sur la recevabilité des demandes de M.[D]:

L’article 542 du Code de procédure de procédure civile dispose : ‘ L’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.’

L’article 564 du Code de Procédure civile stipule : ‘ A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.’

L’article 565 du Code de Procédure Civile dispose: ‘ Les prétentions ne sont pas nouvelles dès

lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur

fondement juridique est différent.’

L’article 566 du Code de Procédure civile précise: ‘Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.’

L’article 384 du Code de procédure civile dispose qu’ ‘ en dehors des cas où cet effet résulte du jugement, l’instance s’éteint accessoirement à l’action par l’effet de la transaction, de l’acquiescement, du désistement d’action ou, dans les actions non transmissibles, par le décès d’une partie. [‘] ‘.

Par sa déclaration d’appel, Monsieur [D] sollicite d’ ‘ infirmer le jugement en ce qu’il l’a :

-débouté de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouté de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice tiré de l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement,

– débouté de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ‘.

* La Sci Les Toits du Lac soulève l’irrecevabilité des demandes nouvelles en cause d’appel formulées par M. [D] :

Elle fait valoir qu’un litige n’est dévolu à la cour qu’autant qu’il a été jugé devant les juges du fond et dans la limite de l’acte d’appel, lequel fixe l’étendue de la dévolution et est une voie de réformation, emportant interdiction de formuler en appel des demandes nouvelles.

La Sci expose que:

– initialement M. [D] avait saisi le Conseil de Prud’hommes le 12.04.2019 d’une demande de prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail et réclamé diverses sommes indemnitaires à ce titre outre une demande annexe au titre d’un préjudice moral,

– dans le cadre de la procédure, aux termes de conclusions et mail de communication du 12-05-2020, il ne maintenait pas de manière expresse sa demande de prononcé de la résiliation judiciaire du contrat et formulait dans le cadre de son dispositif une « demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel et moral tiré de l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement »,

– à l’audience de plaidoirie du 11-06-2020, M. [D] a indiqué expressément renoncer à sa demande de résiliation judiciaire du contrat et ne pas contester son licenciement tel qu’il ressort de la lecture de ses écritures et du jugement dont appel.

L’intimée indique que le Conseil de Prud’hommes n’a examiné le litige que sous l’angle de la demande maintenue au titre d’un manquement à l’obligation de sécurité, le salarié alléguant d’un préjudice résultant du défaut de visite médicale d’embauche et des visites médicales périodiques, seules prétentions maintenues dans le cadre du débat, dont la juridiction l’a débouté.

Elle conclut que M. [D] ne peut solliciter dans le cadre de sa déclaration

d’appel :

– l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– il en est de même de sa demande au titre de « l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice tiré de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ».

M. [D] a fait l’objet d’un licenciement pour impossibilité de reclassement suite à sa déclaration d’inaptitude le 21.11.2019 et dans le cadre de ses écritures communiquées le 12-05-2020 devant le Conseil de Prud’hommes, il mentionnait en page 3 « le licenciement pour inaptitude à tout poste dont il avait fait l’objet » sans apporter de contestation.

La société ajoute que lors de l’audience de plaidoirie du 11-06-2020, M. [D] a expressément indiqué à la juridiction prud’homale qu’il ne contestait pas son licenciement pour inaptitude, question non débattue devant le conseil de prud’hommes.

La Sci conteste l’existence de toute prétention accessoire.

* M. [D] conclut au contraire à la recevabilité de ses demandes en application des articles 384 et 565 du Code de procédure civile et réfute toute renonciation à une demande.

Il allègue que la renonciation d’une partie à ses prétentions ne peut intervenir que par désistement en application de l’article 384 du code de procédure civile, ce qu’il n’a pas expressément formulé en première instance, pas plus que la société ne l’a explicitement accepté concernant la demande de résiliation judiciaire.

Les demandes formulées à ce titre sont recevables, de même que celle au titre du licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement et cette demande tend aux mêmes fins que celles découlant de la résiliation judiciaire du contrat de travail ayant fondé la saisine du Conseil de Prud’hommes.

Sur ce:

Il ressort des pièces de la procédure que :

– Monsieur [D] a sollicité la résiliation judiciaire du contrat de travail dans la requête déposée devant le conseil de prud’hommes,

– le dispositif de ses conclusions écrites du 1er avril 2020 transmises le 12 mai à la société ne comporte pas cette demande mais seulement celle de condamnation de l’employeur à payer la somme de 20’000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et moral tiré de l’absence de cause réelle et sérieuse,

– le jugement du conseil de prud’hommes mentionne dans ses motifs: « le 11/06/2020, au cours de l’audience, Monsieur [D] a indiqué à la barre, renoncer à sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et ne conteste pas son licenciement pour inaptitude» .

Si l’oralité est le principe devant le conseil de prud’hommes, l’article R 1453-5 du code du travail (décret du 20 mai 2016) prévoit que lorsque les parties formulent des prétentions par écrit et sont assistées ou représentées par avocat, elles sont tenues dans leurs conclusions de formuler expressément les prétentions ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication des pièces invoquées. Le bureau de jugement ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

En l’espèce il convient de constater que les motifs et le dispositif des conclusions écrites du salarié dans la procédure prud’homale ne comportent pas de moyens ni de prétentions quant au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail. Ainsi le conseil de prud’hommes n’était pas saisi d’une demande de résiliation judiciaire, sur laquelle il n’a pas statué.

Cette prétention présentée en cause d’appel est irrecevable comme étant à cette date postérieure à la notification du licenciement du 21 novembre 2019, la rupture du contrat de travail étant intervenue.

S’agissant de la contestation du licenciement, il sera relevé une contradiction entre les termes de la motivation du jugement du conseil de prud’hommes faisant état d’une absence de contestation du licenciement ( ce que dénie le salarié) et ceux du dispositif par lesquels la juridiction statue au fond sur la demande en jugeant que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Monsieur [D] est fondé.

Aucune conclusion de désistement n’a été formulée.

Aussi il sera considéré que Monsieur [D] est recevable à solliciter à titre principal en cause d’appel l’indemnisation d’un licenciement nul, cette demande tendant aux mêmes fins que la demande présentée en première instance pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit l’indemnisation d’une rupture estimée injustifiée.

II/ Sur le fond:

A/ Sur le licenciement:

M. [D] allègue que son licenciement a pour cause directe des agissements hostiles de la société, confinant au harcèlement moral ou caractérisant, à tout le moins, un manquement de l’employeur à son obligation de santé et de sécurité.

Selon l’article L. 1152-1 du code du travail, ‘aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel’.

En application de l’article L 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant notamment des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

* M. [D] expose qu’il a subi de la part de M. [Y], gérant de fait et fils

de la gérante de la Sci,Mme [X], un harcèlement moral se matérialisant par divers agissements hostiles, relevant d’un management oppressif caractérisé par des menaces de sanctions disciplinaires injustifiées, la tenue de propos déplacés, des pressions, de nouvelles activités n’entrant pas dans ses attributions

initiales ( il devait prendre en charge sans aucune formalisation un certain nombre de taches administratives – signature des baux, réception de courrier-, effectuer le ménage dans les locaux gérés par la SCI situés place Abbal à Toulouse, assurer l’entretien du domicile de Madame [X]).

A cet effet il verse divers échanges de courriels avec M. [Y]:

de mai 2016 :

– « aujourd’hui vous passerez au 5 rue Saint-Aubin, faire nettoyage des vitres salon et cuisine et nourrir le chat par la même occasion. Vous y repasserez aussi mercredi uniquement pour le chat.

– ‘ Vous êtes parti à la douche à 13h40, en êtes sorti à 14h05, avez quitté l’immeuble à 14h08. Votre temps de douche qui vous est gracieusement fourni ne fait pas partie de votre temps de travail (on ne vous paye pas pour prendre des douches, 20 minutes de douche par jour x 21 jours de travail = 420 minutes soit 7 heures) . Vous avez donc bien terminé votre travail à 13h40 (..) . Ce n’est pas dans le cadre de rendre service que vous allez au 5 rue Saint-Aubin, il se trouve que ma mère est locataire de la SCI qui vous emploie, vous ferez donc ça au même titre que les vitres faites pour l’appartement de 108 ou le bureaux 310 dernièrement.’

– ‘la société [G] prend le bureau 315, récupérez l’avenant qu’il a signé et tamponné puis donnez lui les clés de ce bureau’,

– ‘à quoi servent vos rapports quotidiens si vous oubliez ce qui se passe ou ne m’en faites pas retour »’

Je ne sais pas comment faire pour vous faire comprendre cela.

IL FAUT VOUS CONCENTRER! . (..) vous devez chercher qui a bloqué l’ascenseur (..) Vous irez ce week-end au bureau s’il le faut pour trouver(..)’,

– ‘ Où est l’avenant au bail de [G]’ C’est la 2e fois que je vous relance. Ce sera donc une retenue sur salaire de 50 € ce mois-ci. Vous comprendrez peut-être mieux ainsi’,

– ‘ comprenez-vous que je vous paye avec les loyers ‘ Que si elle ne paye pas de loyer vous serez le premier à ne pas être payé’ [H] ma confiance en vous se dégrade. Je ne peux pas accepter que vous que vous soyez aussi léger dans votre travail. C’est clairement là mon dernier avis. Je me passerai de vos services au prochain mensonge. Les locataires ne sont pas des amis ni des gens à qui l’on doit rendre des services quand ils ne paient pas. Est-ce que c’est compris »’. ‘

du 22 janvier 2018: ‘ je n’ai pas reçu votre mail de présence au bureau. La journée vous sera donc décomptée en absence injustifiée’.

du 19 février 2018: ‘ ce matin vous m’avez adressé un mail comme à votre habitude m’indiquant que vous étiez présent au bureau. En réalité il n’en était rien, vous n’avez pas répondu à mes appels téléphoniques et étiez absent. (..) Je vais donc supprimer l’accès à votre boîte mail depuis votre portable, vous décomptez votre absence de vos congés et vous prie de considérer le présent mail comme mise en garde à l’avenir. Votre licenciement ne tient qu’à un fil (..)’.

– une note manuscrite du 19 avril 2018 mentionnant les travaux à faire outre ‘ me signer votre démission ou rupture conventionnelle, absence du bureau injustifiée, RDV lundi 8 heures M.[Y]’.

Le 21 juin 2017, il a été convoqué à un entretien préalable à mise à pied disciplinaire.

Il est rappelé dans le compte rendu de l’entretien que dans le cadre d’un local professionnel occupé par une locataire en situation d’impayés depuis 6 mois, M. [Y] a demandé à Monsieur [D] de couper la fourniture EDF du bureau le 13 juin et qu’à la suite de pressions exercées par la locataire, il lui avait donné des consignes:

‘ Faire bloc, la locataire n’a pris aucun contact avec moi – elle n’a pas non plus réglé ses loyers – ne pas répondre à ses appels téléphoniques – l’orienter systématiquement vers moi – si besoin argumenter avec les mails que je vous ai

transmis – exécuter quoi qu’il en soit les consignes qui vous sont données’.

La locataire a adressé un mail le 21 juin à M. [Y] en indiquant : « vous avez de nouveau coupé l’électricité dans mon local, je prendrai mes dispositions pour rétablir moi-même ».

M. [Y] concluait: ‘ vous avez délibérément refusé d’appliquer la consigne claire, à savoir couper l’EDF de ce local – si vous l’avez fait vous l’avez remis en suivant suite à ses pressions – vous m’avez menti en indiquant que le courant était toujours coupé le matin même – vous participez à la mise en péril financière de la société en aidant les locataires qui ne payent pas leur loyer – vous brisez la relation de confiance établie entre nous’ .

Monsieur [D] expliquait qu’ il avait pu commettre une erreur de manipulation des disjoncteurs et de ce qu’il a tendance à arrondir les angles ce dont les locataires abusent.

Il ne sera pas prononcé de mise à pied.

À compter du 15 mai 2018, le salarié a été placé en arrêt maladie pour anxiété réactionnelle, qui s’est prolongé. Il n’a pas repris le travail.

À l’issue le 21 octobre 2019, la médecine du travail a déclaré le salarié inapte en précisant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Par certificat du 18 mai 2020, le Docteur [V], médecin psychiatre, certifie que l’intéressé est suivi au CMP des minimes pour un épisode anxiodépressif sévère avec traitement médicamenteux, qu’il a été en arrêt maladie du 15 mai 2018

au 14 janvier 2020, qu’il va mieux sur le plan clinique mais il n’a pas pu poursuivre l’exercice de son emploi antérieur sans nuire gravement à sa santé.

Les éléments pris en leur ensemble laissent présumer une situation de harcèlement moral. Il incombe à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L’employeur réfute tout acte de harcèlement moral, ainsi que tout manquement à l’obligation de sécurité, répliquant que Monsieur [D] manquait de manière régulière à ses obligations contractuelles, devait être rappelé à l’ordre, il ne justifiait pas de ses heures de présence et a dû être relancé en 2018 pour le relevé des compteurs d’eau.

Sur ce:

Selon son contrat de travail, Monsieur [D] a été engagé en qualité d’agent technique, ses fonctions consistant notamment dans l’entretien, la remise en état des locaux qui lui sont confiés et travaux d’aménagement.

S’il est également mentionné que celles-ci sont données à titre indicatif et ne sont ni exhaustives ni définitives, il s’évince des échanges de mails que certaines missions vont au-delà du caractère technique, comme relevant de tâches administratives, de

gestion de loyers ou de tâches dont la légalité est remise en question, pour lesquelles l’appelant n’a pas reçu de formation spécifique et qui induisent des relations difficiles tant avec les locataires dans leur exécution qu’avec le gérant, lorsque cette exécution est défaillante.

Il ressort des échanges de mails que l’appelant a la position d’un ‘homme à tout faire’, sous surveillance constante, devant faire rapport quotidien et exécuter sans discussion les directives du directeur, M. [X] [Y].

Si la plupart des échanges de mails datent de 2016, la procédure engagée

en mai 2017 et les mails de 2018 ainsi que la note manuscrite d’avril 2018, corroborent le mode de management directif et oppressif, dépassant le simple pouvoir de direction et de contrôle de l’activité du salarié, l’employeur appliquant des sanctions financières ( soit illégale soit sans demande d’explication) et faisant pression sur le salarié aux fins de rupture du contrat de travail.

Ces agissements dans le cadre de la relation de travail ont eu un impact fort sur l’état de santé de l’appelant puisque ce dernier a été en arrêt maladie de nombreux mois pour épisode anxiodépressif sévère et qu’il a été déclaré inapte par le médecin du travail, son état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Il sera donc considéré que M. [D] a subi des faits de harcèlement moral et que l’employeur a en outre manqué à son obligation de sécurité en n’y mettant pas fin mais aussi comme l’allègue le salarié, en ne lui ayant pas communiqué les coordonnées du service de santé au travail ASTIA auquel la société devait adhérer ( une demande de communication ayant été faite par l’inspection du travail en octobre 2018) ce qui ne lui a pas permis de saisir le médecin du travail de difficultés dans le cadre des relations contractuelles.

II / Sur l’indemnisation:

L’appelant réclame paiement de :

o 20 000 € de dommages et intérêts au titre de la nullité du licenciement,

o 2 997 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 299,70 € de congés payés y afférents

o 20 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation de l’obligation de santé et de sécurité par la société.

M. [D] fait valoir qu’il rencontre des difficultés pour retrouver un emploi et est suivi par la maison des solidarités de Bouloc (correspondance du 10-06-2020). Il a perçu l’allocation retour à l’emploi du 19-12-2019 au 02-12-2020. Il a participé à un chantier d’insertion sans précision de date. Il était non imposable en 2019. Il ne justifie pas de sa situation actuelle.

La Sci s’oppose aux demandes d’indemnisation, rappelle que le salarié était âgé de 38 ans au moment de la rupture, bénéficiait d’une ancienneté de 5 ans et 8 mois dans une entreprise de moins de 11 salariés et percevait un salaire brut mensuel de 1498,50 euros. A titre subsidiaire elle indique que s’applique le barème d’indemnisation fixé par les ordonnances du 22 septembre 2017.

Sur ce:

Il sera alloué l’indemnité de préavis non utilement contestée et les congés payés afférents.

S’agissant des dommages et intérêts pour licenciement nul, en application de l’article L 1235-3-1 du code du travail, l’indemnité à la charge de l’employeur ne peut être inférieure à 6 mois de salaires dans le cadre d’un licenciement nul pour harcèlement moral.

La société sera condamnée à payer une somme de 10489,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul outre 2000,00 euros pour manquement à l’obligation de sécurité.

II/ Sur les demandes annexes:

La Sci Les Toits du Lac, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

M.[D] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l’occasion de la procédure. La société sera condamnée à lui verser une somme de 2500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La société sera déboutée de sa demande à ce titre.

LA COUR:

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déclare irrecevable la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,

Dit recevable la demande de requalification du licenciement en licenciement nul et à titre subsidiaire en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement est nul,

Condamne la Sci Les Toits du Lac à payer à Monsieur [H] [D]:

– 2 997,00 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 299,70 euros de congés payés y afférents

– 10489,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

– 2000,00 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,

Condamne la Sci Les Toits du Lac à payer à Monsieur [H] [D] une somme de 2500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la Sci Les Toits du Lac de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la Sci Les Toits du Lac aux dépens d’appel,

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C.DELVER S.BLUMÉ

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