Retenues sur salaire : 24 juin 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 18/01215

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Retenues sur salaire : 24 juin 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 18/01215

ARRÊT DU

24 Juin 2022

N° 1134/22

N° RG 18/01215 – N° Portalis DBVT-V-B7C-RQTL

MLBR

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LILLE

en date du

15 Mars 2018

(RG F15/01907 -section 3)

GROSSE :

aux avocats

le 24 Juin 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANTE :

SAS HPM NORD prise en son établissement POLYCLINIQUE [7]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Gontran DE JAEGHERE, avocat au barreau de LILLE,

INTIMÉE :

Mme [T] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Anne DURIEZ, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS :à l’audience publique du 07 Avril 2022

Tenue par Marie LE BRAS

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRESIDENT DE CHAMBRE

Pierre NOUBEL

: PRESIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 17 mars 2022

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SAS Hôpital Privé Métropole (la société HPM Nord) Nord regroupe neuf établissements d’hospitalisation dont la Polyclinique [7] et compte environ 1 800 salariés. Il applique à son personnel la convention collective nationale de l’hospitalisation privée du 18 avril 2002.

A l’issue des négociations annuelles obligatoires (NAO) 2012, un accord d’établissement a été signé le 8 janvier 2013 entre la direction de la société HPM Nord et les organisations syndicales dont l’article 24 a prévu le versement d’une ‘prime de plateau technique’ proratisée au temps de travail d’un montant mensuel brut équivalent à 22 points contractuels à compter du 1er janvier 2013 à tous les infirmiers et infirmières diplômés d’Etat (IDE) nouvellement confirmés n’ayant pas le statut de technicien hautement qualifié (THQ) à la date de l’accord et qui exerçaient leur activité professionnelle au sein du plateau technique d’un des établissements de la société HPM Nord.

Cette prime de plateau technique a été versée aux IDE de quatre services de la Polyclinique [7] :

– les blocs opératoires,

– la salle de soins post-interventionnelle (SSPI),

– les soins intensifs post-opératoires (SIPO),

– la réanimation.

Soutenant que le plateau technique recouvrait en réalité dix services, un certain nombre d’IDE des services :

– d’hémodialyse (Hemo),

– de l’Unité de Soins Intensifs Cardiologiques (USIC),

– de l’Unité de Soins Intensifs Médicaux (USIM),

– ainsi que ceux appartenant au Pool des volants ‘du plateau technique’,

ont saisi le 28 décembre 2015 le conseil de prud’hommes de Lille afin d’obtenir le paiement de cette prime de plateau technique à compter du 1er janvier 2013.

Par jugements du 15 mars 2018, le conseil de prud’hommes de Lille a fait droit aux demandes de rappel de prime de ‘plateau technique’ avec effet au 1er janvier 2013 des IDE relevant des services de l’Unité de soins intensifs cardiologiques (USIC) et du Pool des volants du plateau technique et a débouté de ces mêmes demandes ceux appartenant aux services d’hémodialyse (Hemo) et à l’unité de soins intensifs médicaux (USIM).

S’agissant de Mme [T] [E], le conseil de prud’hommes de Lille a :

– dit que la prime plateau technique s’applique, avec effet au 1er janvier 2013 à Mme [E], salariée du service USIC,

– en conséquence, condamné la SAS HPM Nord au versement de la prime plateau à Mme [E],

– dit que la prime plateau a une valeur égale à 22 points d’indice pour un salarié à plein temps base 151,87 heures,

– dit que la prime est versée au prorata du temps de travail contractualisé,

– laissé le soin aux parties de s’accorder sur le montant annuel à régulariser, sachant que :

* conformément à la demande exprimée par Mme [E], le montant annuel maximum ne peut être supérieur à :

– pour l’année 2013 : 1 840,08 euros plus congés payés 184,01 euros

– pour l’année 2014 : 1 840,08 euros plus congés payés 184,01 euros

– pour l’année 2015 : 1 840,08 euros plus congés payés 184,01 euros

* pour les années 2016 et 2017, le montant sera calculé sur la base mensuelle de 22 points d’indice, sur la valeur de l’indice, sur la situation de Mme [E],

* pour les années postérieures au prononcé du jugement il en sera de même sous réserve de la modification éventuelle du nombre de points,

– dit que les montants calculés ouvrent droit au versement d’une indemnité compensatrice de congés payés égale à 10% du montant de la prime,

– dit qu’en cas de difficulté ou désaccord sur la détermination du montant des rappels à effectuer les parties pourront, à l’initiative de la partie la plus diligente et sur simple requête, solliciter l’arbitrage du Conseil,

– condamné la société HPM Nord au versement à Mme [E] de la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Mme [E] de ses autres demandes,

– rappelé que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal :

* à compter de la saisine pour les sommes de nature salariale,

* à compter du prononcé du jugement pour les sommes de nature indemnitaire,

– débouté la société HPM Nord de ses demandes reconventionnelles,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement selon les dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail,

– fixé le salaire de référence sur la base du dernier bulletin de paie produit d’avril 2016 à 2 698,44 euros,

– condamné la société HPM Nord aux entiers frais et dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 25 avril 2018, la société HPM Nord a interjeté appel du jugement intéressant Mme [E] en toutes ses dispositions, parallèlement aux appels interjetés dans des affaires similaires concernant d’autres IDE.

Dans ces autres affaires, par plusieurs arrêts rendus le 24 septembre 2021, la cour a condamné la société HPM Nord au paiement de la prime plateau technique depuis le 1er janvier 2013 jusqu’au jour de plaidoirie, puis à compter du 1er juin 2021 au paiement de la prime mensuelle selon le calcul suivant : 22 x valeur du point issue de la convention collective.

L’examen de l’affaire de Mme [E] a été en revanche renvoyé à l’audience du 27 janvier 2022 et la clôture révoquée par ordonnance du 27 mai 2021, l’intéressée ayant demandé à ce que soit également évoqué par la cour, en raison du principe d’unicité de l’instance prud’homale, le litige relatif aux sanctions disciplinaires dont elle entendait solliciter l’annulation.

Dans ses dernières conclusions déposées le 15 mars 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la société HPM Nord demande à la cour de :

Concernant la prime de «Plateau technique» :

– constater que le service «USIC» ne fait ni partie du «plateau technique» de la Polyclinique [7], ni du champ d’application de l’article 24 de l’accord NAO 2012 ;

– réformer, en conséquence, le jugement en ce qu’il l’a condamnée à verser des rappels de salaires au titre de la prime plateau pour les années 2013 à 2017 et à appliquer celle-ci pour les années ultérieures ainsi qu’à verser une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

à titre principal,

– débouter Mme [E] de sa demande de prime plateau pour 2013 à 2017 et de sa demande d’application de cette prime plateau pour les années ultérieures ;

– confirmer le jugement en ce qu’il déboute les requérants d’une demande de dommages et intérêts ;

– débouter, de manière générale, Mme [E] de toutes ses demandes ;

À titre subsidiaire,

– cantonner les demandes de prime de plateau de Mme [E] pour la période au-delà de l’année 2013 jusque l’année 2021 ;

– débouter Mme [E] de sa demande complémentaire d’astreinte ;

– débouter Mme [E] de sa demande de prime de plateau pour la période au-delà de l’année 2021 en application de l’accord de la NAO en date du 17 décembre 2021 ;

Concernant les autres demandes :

1) sur la sanction disciplinaire du 29 janvier 2020 :

– dire et juger les faits comme justifiant une sanction disciplinaire ;

– dire et juger la procédure disciplinaire comme ayant été légalement effectuée ;

à titre principal,

– débouter Mme [E] de toutes ses demandes ;

à titre subsidiaire,

– requalifier la sanction disciplinaire, en tant que mise à pied à titre disciplinaire de 3 jours en sanction similaire de mise à pied à titre disciplinaire d’une durée inférieure de 2 jours ou, à défaut d’1 jour ;

– cantonner, en conséquence, le remboursement de la mise à pied à titre disciplinaire à 1 ou, à défaut, 2 jours au maximum, ainsi que l’indemnité de congés payés y afférent ;

– requalifier, à défaut, la sanction disciplinaire de mise à pied à titre disciplinaire d’un niveau inférieur, tel que prévu par le règlement intérieur de la Société ;

– débouter Mme [E] de toutes ses autres demandes à caractère indemnitaire ; – constater par ailleurs, que Mme [E] ne justifie d’aucun autre préjudice particulier ;

– dire, en conséquence, qu’il ne peut y avoir condamnation à dédommagement tant du fait de la sanction disciplinaire que du fait de la procédure disciplinaire, en tant que telles ;

à titre infiniment subsidiaire :

– cantonner le paiement au temps passé à l’entretien préalable, à hauteur de 18,58 euros bruts dans le cas où la Cour, par extraordinaire, considérerait devoir faire procéder à l’indemnisation de celui-ci ;

– débouter Mme [E] de toutes ses autres demandes au titre du non-respect de la procédure ;

2) Sur la sanction disciplinaire du 28 décembre 2020 :

– dire et juger la procédure disciplinaire comme ayant été légalement effectuée ;

– dire et juger les faits comme justifiant une sanction disciplinaire ;

à titre principal :

– débouter Mme [E] de toutes ses demandes ;

à titre subsidiaire :

– cantonner le remboursement de la mise à pied à titre disciplinaire à trois jours, au maximum ainsi que l’indemnité de congés payés y afférent, dans le cas où la cour constaterait la prescription des faits motivant la sanction disciplinaire ;

– débouter Mme [E] de toutes ses autres demandes à caractère indemnitaire ; – constater, à défaut, que Mme [E] ne justifie d’aucun préjudice particulier ;

– dire en conséquence, qu’il ne peut y avoir droit à condamnation à dédommagement ;

3) Sur la demande relative au défaut de visite médicale :

– débouter Mme [E] de toutes ses demandes d’indemnisation à ce titre ;

4) Sur la demande relative à l’exécution déloyale de son contrat de travail,

– débouter Mme [E] de toutes ses demandes d’indemnisation à ce titre ;

5) Sur la demande relative à l’article 700 du code de procédure civile :

– débouter Mme [E] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [E] à hauteur de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées le 15 mars 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, Mme [E] demande à la cour de :

– dire ses demandes recevables et bien fondées ;

– débouter la société HPM Nord de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le prime plateau technique s’applique avec effet au 1er janvier 2013 aux salariés du service USIC ;

– dire et juger que le prime plateau technique s’applique à son profit avec effet au 1er janvier 2013 ;

– dire et juger que le prime plateau technique a une valeur égale à 22 points d’indice pour un salarié à temps plein sur la base de 151h67 ;

en conséquence,

– condamner la société HPM Nord au paiement de cette prime depuis le 1er janvier 2013 à raison d’un montant mensuel brut équivalent à 22 points outre une indemnité compensatrice de congés payés égale à 10% du montant de la prime ;

– condamner la société HPM Nord au paiement des sommes suivantes :

* du 1er janvier 2013 au 31 mai 2016 : la somme de 153,56 euros par mois, outre les congés payés y afférents, soit la somme de 6 295,96 euros outre la somme de 629,59 euros au titre des congés payés ;

* du 1er juin 2016 jusqu’au 31 août 2017 : la somme de 154,44 euros par mois outre les congés payés y afférents, soit la somme de 2 162,16 euros, outre la somme de 216,21 euros au titre des congés payés ;

* du 1er septembre 2017 au 30 avril 2018 : la somme de 154 euros (7 euros x 22 points) par mois, soit la somme de 1 232 euros (154 x 8 mois) outre les congés payés y afférents ;

* du 1er mai 2018 au 1er mai 2019, la somme de 155,76 euros par mois (soit 12 mois x 155, 76 euros) soit 1 869,12 euros outre les congés payés y afférents ;

* du 1 er mai 2019 au 31 décembre 2021 (jour de la plaidoirie), la somme de 156, 20 euros par mois, (soit 31 mois x 156, 20 euros) soit la somme de 4 842,20 euros, outre les congés payés y afférents (484,22 euros), sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision pour les années antérieures à l’arrêt à intervenir ;

– condamner la société HPM Nord pour les mois suivants, soit à compter du 1er janvier 2022 au paiement de la prime mensuelle, selon le calcul suivant : 22 x valeur du point reprise à la convention collective, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée, l’infraction s’entendant de chaque mois où la société HPM Nord s’abstiendrait du versement de cette prime ;

– annuler la mise à pied notifiée le 29 janvier 2020 ;

en conséquence,

– condamner la société HPM Nord au paiement de la somme de 668,92 euros au titre du remboursement de la mise à pied ainsi que des congés payés y afférents ;

– condamner la société HPM Nord au paiement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;

– condamner la société HPM Nord au paiement de la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice relatif à l’entretien durant un jour de repos ;

– annuler la mise à pied notifiée le 28 décembre 2020 ;

en conséquence,

– condamner la société HPM Nord au paiement de la somme de 421,66 euros au titre du remboursement de la mise à pied ainsi que des congés payés y afférents ;

– condamner la société HPM Nord au paiement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;

en tout état de cause,

– condamner la société HPM Nord au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

– condamner la société HPM Nord au paiement de la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’organisation d’une visite de reprise et manquement à l’obligation de sécurité de résultat ;

– condamner la société HPM Nord à payer au requérant la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux frais et dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il sera en liminaire rappelé que cette cour n’est pas la juridiction de recours contre les arrêts rendus le 24 septembre 2021 dans les affaires similaires concernant d’autres IDE. Elle n’a donc pas à examiner les moyens développés par l’appelante entre les pages 73 à 83 de ses dernières conclusions pour critiquer la motivation adoptée dans lesdites décisions.

– sur l’attribution de la prime ‘plateau technique’ :

Pour contester l’attribution à Mme [E] de la prime de ‘plateau technique’, la SAS HPM Nord fait valoir en substance :

– que durant la négociation annuelle obligatoire (NAO) 2012, la direction de la Polyclinique [7] et les organisations syndicales se sont accordées sur le principe d’octroyer une prime ‘de plateau technique’ aux IDE nouvellement confirmés n’ayant pas le statut THQ, exerçant leur activité professionnelle au sein du plateau technique d’un des établissements de l’entreprise,

– qu’il s’agit d’un accord parfait, les dispositions de l’article 24 de l’accord d’entreprise étant claires et précises, la demande formulée par le syndicat CFTC de ‘passage des IDE de tous les blocs, SSPI, SIPO et Réa de l’entreprise au niveau THQ ou octroi d’une prime équivalente’ ayant reçu une réponse non moins claire de la direction acceptant celle-ci sous conditions, le plateau technique s’entendant, tel que formulé dans la demande comme étant constitué :

– des blocs chirurgicaux ;

– des salles de réveil directement liées à la continuité des interventions chirurgicales au sein des ‘blocs chirurgicaux’ et situées à proximité de ces derniers à savoir’:

* la salle de soins post interventionnels (SSPI),

* le service de soins intensifs post-opératoires (SIPO),

* le service réanimation,

– qu’il n’a jamais été évoqué et discuté durant les quatre réunions organisées entre septembre et décembre 2012 de l’inclusion d’autres services même s’ils revêtent une technicité certaine, à savoir l’USIM, l’USIC, l’Hémodialyse et les IDE du pool volant, ce dont a attesté Mme [S], directrice des ressources humaines de l’entreprise qui a assisté à ces réunions,

– que ces mêmes explications ont d’ailleurs été fournies dans un courrier adressé le 21 mai 2013 à l’inspection du travail qui ne les a pas remises en question,

– que les conventions ou accords collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives sont présumées justifiées de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle, ce qu’échoue à faire l’appelante,

– qu’en dehors de M. [F], représentant du syndicat de la CFTC, les autres organisations syndicales n’ont d’ailleurs jamais demandé à élargir le champ d’application de cette prime plateau technique lors des NAO ultérieures de 2013 et 2014,

– que la demande de M. [F] lors des NAO de 2013 et 2015 était pour sa part très imprécise quant aux services concernés par l’extension de la prime,

– que s’agissant de la notion de plateau technique, aucun texte légal ou réglementaire ne détaille de manière spécifique les éléments techniques et/ou services nécessaires pour constituer un plateau technique, que selon les différents dictionnaires celui-ci correspond à l’ensemble des éléments dont dispose un hôpital, cette notion étant diverse et variable suivant les différents sites internet des hôpitaux,

– qu’en l’espèce, le ‘plateau technique’ de la Polyclinique [7] était à l’époque défini par le règlement intérieur ‘du plateau technique de chirurgie générale et ambulatoire’ existant depuis le 29 juin 2010 et mis à jour dans sa version du 14 septembre 2016, ses activités énoncées à l’article 3 correspondant aux différents blocs opératoires, en ce compris les spécialisations d’endoscopie digestive et de radiologie interventionnelle ainsi que les trois salles de réveil,

– que la locution ‘plateau technique’ a été utilisée sur son site internet en sa version de 2013 pour présenter de manière globale, dans un but de communication, les domaines d’intervention de l’établissement, notamment les urgences cardiologiques en ce qu’elles comprenaient à la fois des services chirurgicaux et des services médicaux, cette présentation n’ayant au demeurant aucune valeur juridique,

– qu’à supposer qu’il s’avère nécessaire, en raison de la tentative de Mme [E] de dénaturer les dispositions précises de l’article 24, de rechercher la commune intention des parties par application de l’article 1156 du code civil et ainsi de déterminer le contenu de la locution ‘plateau technique’ utilisée par les signataires au lieu de s’arrêter au seul sens littéral de ces deux termes, cette analyse est selon elle aisée du fait de l’objectif de l’attribution de la prime de plateau technique visant à respecter l’équité de traitement des salariés au sein des différentes structures de la société HPM Nord, celle-ci n’étant auparavant octroyée de manière spécifique qu’au personnel des blocs opératoires et/ou personnel des salles de réveil sur les autres sites sous la forme du versement d’une ‘prime de bloc’ ou ‘prime de salle de réveil’,

– que l’intention des organisations syndicales, et plus particulièrement de la CFTC représentée par M. [F], également responsable des services ‘SSPI’ et ‘SIPO’ au sein de la Polyclinique [7] et donc parfaitement au courant de la composition du plateau technique dans cet établissement, était ainsi, au vu du libellé de la question dont il était l’auteur, d’obtenir uniquement l’alignement de la rémunération des IDE de l’établissement intervenant au sein des blocs opératoires et des services adjacents ‘SSPI’ et ‘SIPO’ et ‘REA’, et nullement de l’étendre aux services particuliers de l’USIC, l’USIM, l’Hémodialyse et du Pool des infirmiers volants, qui sont des services d’ordre médical,

– qu’en application de l’article 1163 du code civil, les parties ne s’étaient aucunement proposées de contracter de manière précise et indiscutable pour faire bénéficier de ces dispositions conventionnelles les IDE des services autres que celles des blocs opératoires et des salles de réveil,

– que d’ailleurs lors de la négociation de la NAO 2021, les partenaires sociaux ont entendu confirmer à travers l’article 36 de l’accord du 17 décembre 2021 que les dispositions conventionnelles relatives à la prime de ‘plateau technique’ issues des NAO 2012 s’appliquent uniquement ‘au sein des services ‘blocs opératoires’ et des salles de réveil ‘SSPI, SIPO, REA’, les IDE du pool volant en bénéficiant au prorata du temps d’intervention au sein desdits services.

Pour sa part, Mme [E] soutient en réponse que :

– que la cour doit se référer à la lettre du texte de l’article 24 du protocole d’accord du 8 janvier 2013 lequel a été rédigé de manière parfaitement claire par la direction de la société HPM Nord elle-même et stipule que ‘la négociation entre la Direction et les partenaires sociaux permet de modifier les dispositions de rémunération des IDE des plateaux techniques..’,

– qu’il s’agit là de dispositions claires, précises et non équivoques, par lesquelles c’est bien l’ensemble des salariés travaillant dans ces services ‘plateau technique’ et qui n’ont pas le statut de THQ, qui a vocation à percevoir la prime,

– que le libellé de la réponse de la direction ‘accepté sous conditions’ démontre que des discussions sont intervenues avec tous les syndicats durant la négociation, ce qui explique que les parties se soient entendues sur une formulation générale, rappelant par ailleurs que la rédaction de l’accord est proposée habituellement par les services juridiques de l’établissement de sorte que la société HPM Nord doit en assumer le périmètre plus large qu’elle ne le prétend, à défaut d’avoir explicitement fait état des seuls services blocs opératoires, SSPI, SIPO et REA,

– que les organisations syndicales ont immédiatement réagi lors du versement des premières paies après l’accord de janvier 2013, pour dénoncer le non-respect de son article 24,

– que la société HPM Nord interprète la clause uniquement à la lueur de la question posée profitant de ce qu’aucun document retranscrivant les demandes de l’ensemble des syndicats et des débats n’a été réalisé,

– que l’accord ayant fait suite aux NAO de 2021, au demeurant postérieur à l’arrêt du 24 septembre 2021, n’est pas un avenant interprétatif ; il ne saurait valablement contredire de manière rétroactive une position affirmée quelques années auparavant,

– que la notion de ‘plateau technique’ a toujours inclus au sein de la Polyclinique [7] les services hémodialyse, USIC, USIM, Pool des volants du ‘plateau technique’, Blocs et péri blocs et non seulement ces derniers comme retenu par la direction, ce qu’a confirmé le comité d’entreprise de la Polyclinique [7] en mars 2013,

– que ces plateaux techniques étaient gérés par la ‘directrice des plateaux techniques’, Mme [Y] qui signait sous cette dénomination,

– qu’il n’y avait pas lieu de dénaturer la clause de l’article 24 en présentant de nouvelles revendications lors des NAO des années suivantes afin d’obtenir le versement de la prime de litigieuse aux services non retenus par la direction dès lors que la négociation les concernant avait déjà eu lieu et qu’il incombait à la direction de respecter ses engagements et de leur verser cette prime comme elle l’a d’ailleurs fait aux services radiologie, gastro-entérologie et endoscopie qui ne figuraient pourtant pas dans le libellé de la question,

– que la notion de plateau technique recouvrant les services autres que les blocs chirurgicaux et les salles de réveil résulte notamment de l’extrait du site internet de la Polyclinique [7] à l’époque de la négociation de la prime et de manière globale de l’extrait internet du Groupe HPM Hôpital Privé Métropole évoquant l’existence d’un plateau technique en cardiologie, l’employeur ayant interprété opportunément cette notion en distinguant pour les besoins de la cause et dans le seul but de justifier son refus de verser la prime de plateau technique aux requérants, les activités chirurgicales d’une part, susceptibles ‘d’impacter directement les fonctions vitales de patients’ correspondant aux services auxquels il versait la prime, des activités médicales d’autre part dont relevaient selon lui les services USIC, USIM, Hémodialyse et Pool d’IDE volants,

– qu’il n’a jamais été question d’octroyer uniquement une prime ‘de bloc’ ou ‘de salle de réveil’, sachant que la direction a d’elle-même versé la prime litigieuse à des services tels que l’endoscopie et la radiologie,

– qu’enfin l’analyse des missions réalisées par les IDE, service par service permet de constater qu’il n’y a aucune raison de la priver de la prime de plateau technique, l’USIC appartenant indiscutablement au plateau technique par référence aux propres explications données par la société HPM pour définir cette notion notamment en lien avec les fonctions vitales des patients et la prise en charge des malades avant et après leur éventuel passage en bloc opératoire.

* Sur l’interprétation de l’article 24 du protocole d’accord d’établissement du 8 janvier 2013 :

L’article 1192 du code civil dispose qu’on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation.

L’article 1156 du code civil dans sa version applicable au litige prévoit qu’on doit dans les conventions, rechercher la commune intention des parties contractantes plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes.

L’article 1163 du code civil précise que quelques généraux que soient les termes dans lesquels une convention est conçue, elle ne comprend que les choses sur lesquelles les parties se sont proposées de contracter.

Au surplus, si une convention collective manque de clarté, elle doit être interprétée comme la loi c’est-à-dire d’abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d’un éventuel texte législatif ayant le même objet et en dernier recours en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l’objectif social du texte.

L’article 24 du protocole d’accord d’établissement du 8 janvier 2013 est rédigé de la façon suivante :

’24. Passage des IDE (infirmier(e) diplômé(e) d’état) de tous les blocs, SSPI, SIPO et Réa de l’entreprise au niveau THQ ou octroi d’une prime équivalente pour arriver au salaire d’un THQ :

Point : refusé – accepté sous conditions – en réflexion

La négociation entre la Direction et les partenaires sociaux permet de modifier les dispositions de rémunération des IDE des plateaux technique, mesures en vigueur dans certains établissements de la SAS HPM Nord (passage du statut de Technicien à Technicien Hautement qualifié après une ou plusieurs années de fonction au sein du plateau technique).

Par conséquent à compter du 1er janvier 2013, toutes les IDE nouvellement confirmées,

– qui n’ont pas le statut de THQ à la date du présent accord,

– et qui exercent leur activité professionnelle au sein du plateau technique d’un des établissements de la SAS HPM Nord,

percevront une prime intitulée ‘prime de plateau technique’ d’un montant mensuel brut équivalent à 22 points. Cette prime sera proratisée au temps de travail contractuel.

Toutefois, il est convenu que cette prime ne sera plus octroyée dès lors que l’IDE quittera le plateau technique pour tout autre service.’

Alors que chaque partie affirme que cet article contient des dispositions parfaitement claires et précises qui ne nécessitent aucune interprétation, force est cependant de constater que tel n’est pas le cas dans la mesure où d’une part, Mme [E] fait abstraction du libellé de la question posée ne retenant que la lettre de la réponse de la direction de l’établissement et où d’autre part, les deux parties sont en total désaccord sur le contenu de la notion de ‘plateau technique’ recouvrant selon la société HPM Nord uniquement les blocs opératoires et les salles de réveil attenantes alors que Mme [E] revendique l’appartenance du service USIC à celui-ci, de sorte qu’il y a bien une difficulté d’interprétation portant sur le champ d’application de l’accord conclu qui nécessite de rechercher la commune intention des parties à travers notamment la finalité du texte sans s’arrêter à sa lettre.

S’agissant des termes de l’accord litigieux, il est constant que dans un courrier adressé le 20 août 2012 à la direction de la société HPM Nord dans le cadre de la NAO 2012, M. [F], délégué syndical et infirmier diplômé d’état responsable des services USC-SIPO/SSPI a formulé 21 demandes dont le’Passage des IDE de tous les blocs, SSPI, SIPO et Réa de l’entreprise au niveau THQ ou l’octroi d’une prime équivalente pour arriver au salaire d’un THQ’, que cette demande reprise sous le n°24 du protocole d’accord d’entreprise du 08 janvier 2013, a été acceptée ‘sous conditions’ par la direction de l’entreprise à l’issue d’une négociation expressément rappelée dans la réponse, permettant ainsi ‘de modifier les dispositions de rémunération des IDE des plateaux techniques’ et de décider qu’à compter du 1er janvier 2013, tous les IDE nouvellement confirmés qui n’ont pas le statut de THQ à la date du présent accord et qui exercent leur activité professionnelle au sein du plateau technique percevront ‘une prime de plateau technique’.

Si l’objectif social du texte était tel qu’allégué par la société HPM Nord dans son courrier du 5 mars 2013 (pièce 4 de l’intimée) qu’elle a adressé en réponse aux courriers de contestation des salariés des services USIC, USIM et Pool Volant ‘technique’, le respect de l’équité de traitement des salaires au sein des structures de la SAS HPM Nord, certains salariés d’autres établissements percevant, selon l’employeur, depuis plusieurs années une prime de ‘bloc opératoire et/ou de réveil’, elle ne fournit aucun élément ni aucune explication sur les raisons qui auraient conduit les parties lors des négociations à modifier la dénomination de ces primes pour retenir la notion plus large de ‘plateau technique’ et n’établit pas que le champ d’application de l’accord d’entreprise du 8 janvier 2013 serait ainsi nécessairement limité comme précédemment aux activités chirurgicales de la Polyclinique [7].

La société HPM Nord prétend que le plateau technique de la polyclinique [7] comprend, outre les blocs opératoires et les salles de réveil, également l’endoscopie digestive et la radiologie interventionnelle, pour justifier du versement de la prime de plateau technique à ces deux derniers services alors pourtant qu’ils n’étaient pas mentionnés dans la question initiale précitée.

Cette explication vient donc en contradiction avec le moyen qu’elle avance par ailleurs tiré du libellé de la question posée par le délégué syndical.

Ainsi, dès lors que cette locution de ‘plateau technique’ présente dans la réponse ne figurait pas dans la question initiale du délégué syndical et constitue donc le fruit des négociations, son périmètre doit être défini afin de déterminer le champ d’application de l’accord du 8 janvier 2013.

L’appelante verse à ce titre aux débats un document daté du 19/01/2011 intitulé ‘règlement intérieur Bloc opératoire-secteurs interventionnels’ comportant le règlement de fonctionnement du plateau technique de chirurgie générale ainsi qu’en annexe 2 une partie ‘salle d’endoscopie digestive’ et en annexe 3 une partie ‘salle de radiologie interventionnelle et coronarographie’, le même document sans la page de garde (pièce n°26) datant du 14 septembre 2016 relatif au ‘règlement de fonctionnement du plateau technique de chirurgie générale et ambulatoire’ comportant les mêmes annexes 2 et 3 ainsi que les règlements intérieurs de l’USIM (pièce n°28), du ‘centre lourd de l’hémodialyse’ (pièce n°29), de l’unité de prise en charge cardiologique, (pièce n°30) dont aucun ne mentionne les termes ‘plateau technique’.

Il doit être cependant relevé que ces trois derniers règlements intérieurs ne sont pas contemporains des négociations de 2012, ayant été établis en 2017.

La société HPM Nord ne produit en outre aucun règlement intérieur des plateaux techniques de ses autres hôpitaux ou cliniques qui aurait permis d’opérer des comparaisons sur leur périmètre dans la mesure où ils appartiennent au même groupe, alors même qu’elle verse aux débats différentes présentations des plateaux techniques du Centre Hospitalier d’Ardèche Méridionale, du centre hospitalier de [Localité 6] ou encore de celui de [Localité 5], qui sont sans portée dès lors qu’elle reconnaît elle-même que chaque établissement a sa propre organisation.

Il doit également être relevé que l’organigramme de la polyclinique [7] (sa pièce n°33) daté du 8 janvier 2018 qui sépare les activités de chirurgie comportant les blocs opératoires, dont la radiologie interventionnelle, l’endoscopie, les SIPO et SSPI, de la médecine sous laquelle sont regroupés les services de l’USIM, l’USIC et de dialyse, n’est pas contemporaine de la NAO 2012, de sorte qu’il ne peut utilement établir la séparation à l’époque de l’USIC des services SIPO, SSPI et REA.

Compte tenu de l’absence de définition juridique d’un plateau technique, notion factuelle, qui, ainsi que l’indique la société HPM Nord, se réfère à l’organisation des services et des moyens matériels dont dispose une clinique ainsi que de tout compte-rendu des réunions de la NAO 2012, les pièces que celle-ci verse aux débats ne démontrent pas que le périmètre de cette notion recouvre en l’espèce seulement l’activité chirurgicale.

Il résulte par ailleurs’:

– d’un procès-verbal du comité d’entreprise du 20 mars 2013 (sa pièce n° 24/5) tenu en présence de dix membres titulaires dont trois représentants syndicaux qu’en point n° 5 ‘les membres du comité d’entreprise redisent à l’unanimité que le plateau technique de la Polyclinique [7] a toujours compris :

* les blocs opératoires,

* la SSPI,

* la réanimation,

* la SIPO (anciennement réanimation polyvalente),

* l’hémodialyse,

* L’USIM-USIC (anciennement soins intensifs),

* les volants ‘plateau technique’ (anciennement volants ‘Réa’)’,

après avoir dénoncé le fait que certains de ces services se soient vus refuser le bénéfice la prime issue des négociations de la NAO 2012, de sorte qu’il ne peut être prétendu qu’aucune organisation syndicale n’a réagi, sachant qu’est notamment intervenu sur ce sujet M. [U] qui appartient à une organisation syndicale différente de M. [F],

– d’un courrier recommandé adressé le 21 mai 2013 par la direction de l’HPM Nord à la Direccte de Lille afin de s’expliquer sur le versement de cette prime aux seuls services ‘blocs opératoires, SSPI, SIPO et Réa’que l’employeur a précisé que ‘la direction du groupe et les délégués syndicaux se sont entendus sur cette spécificité de personnel du fait de leur affectation dans des services significatifs techniques’, ce qu’est pourtant incontestablement le service USIC à l’examen de la fiche de fonction des IDE de ce service qui décrit la fonction de l’infirmier ‘en la prise en soin d’une urgence vitale avec réalisation des soins d’urgence pour patient en détresse cardio-respiratoire, pour infarctus du myocarde, embolie pulmonaire, décompensation cardiaque, oedème aiguë du poumon, trouble du rythme cardiaque…, préparation et surveillance pré-chirurgie cardiaque pour patient instable’, l’activité de l’USC étant décrite comme suit : ‘l’accueil de patient en urgence cardiaque ou de patients d’autres services en détresse cardio-respiratoire, intervention en cas de besoin sur le parking de la clinique, accueil et surveillance post-opératoire coronagraphie, TAVI, pose de pacemaker, défibrillateur, pour patient instable nécessitant une ventilation assistée (pièce 24 de l’intimée)’,

– de la page de présentation sur le site internet de l’établissement du service ‘des urgences cardiologiques’ (pièce 2 de l’intimée) que la société HPM Nord précise disposer à ce titre de ‘la présence d’un plateau technique de pointe’ comprenant notamment la chirurgie cardiaque mais également les soins intensifs cardiologiques qui n’est autre que l’USIC.

En conséquence, il est établi par l’examen de l’ensemble des pièces produites par les parties que l’USIC appartenait à l’époque des négociations de 2012 au plateau technique de la Polyclinique [7] et entrait donc bien dans le champ d’application de l’article 24 de l’accord d’entreprise du 8 janvier 2013, les infirmiers de ce service étant bien ‘affectés dans des services significatifs techniques’ ainsi que l’entendait la direction de la société HPM Nord dans le courrier du 21 mai 2013 adressé à la Direccte de Lille et ce malgré les termes contraires de l’attestation de Mme [S], directrice des ressources humaines de la Polyclinique [7] dont l’objectivité n’est pas garantie dans la mesure où celle-ci est également la signataire des courriers adressés aux salariés contestataires dont se prévaut l’employeur.

Enfin, l’article 36 du nouvel accord conclu le 7 décembre 2021 est sans incidence sur l’appréciation de la commune intention des parties à l’accord de 2013 puisqu’il tend uniquement à ‘préciser les dispositions conventionnelles applicables depuis les NAO 2012 au sein des services ‘blocs opératoires’ et des salles de réveil ‘SSPI, SIPO, REA’ en confirmant que les IDE exerçant dans lesdits services et n’ayant pas le statut THQ bénéficient de la prime ‘plateau technique’.

Par sa rédaction, cette disposition qui ne remet pas explicitement en cause le critère retenu en 2013 de l’appartenance au plateau technique, n’exclut donc pas du bénéfice de la prime, les IDE du service’USIC’ dont il a été précédemment retenu qu’il appartient au plateau technique au même titre que les services susvisés.

Seront en conséquence confirmées les dispositions du jugement entrepris ayant dit que la prime plateau technique s’appliquait avec effet au 1er janvier 2013 à Mme [E], salariée du service USIC et qu’elle a une valeur égale à 22 points d’indice pour un salarié à temps plein, base 151,67 heures.

* sur les conséquences financières :

La juridiction prud’homale ayant laissé aux parties le soin de s’accorder sur le montant annuel du rappel de prime de plateau technique et en cas de désaccord sur la détermination du montant des rappels à effectuer et leur ayant également dit qu’ils pourraient à l’initiative de la partie la plus diligente et sur simple requête solliciter l’arbitrage du conseil alors que Mme [E] a formulé des demandes financières précises sur lesquelles il doit être statué, il y a lieu d’infirmer ces dispositions et de faire droit aux demandes de l’intimée selon les modalités fixées dans le dispositif du présent arrêt, dès lors que sa méthode de calcul et les sommes réclamées ne sont pas discutées par la société HPM Nord.

Mme [E] sera en revanche déboutée de sa demande d’assortir ces mêmes condamnations d’une astreinte.

– sur la mise à pied disciplinaire notifiée par courrier du 29 janvier 2020 :

Il est constant que le 30 décembre 2019, un aide-soignant s’est piqué avec un cathéter usagé que la fille d’une patiente perfusée, avait ramassé au sol et mis ‘dans un gant en boule’ destiné à être jeté avec les déchets. Il a été reproché à Mme [E] d’avoir procédé à la perfusion de cette patiente sans être munie d’un collecteur d’aiguilles pour y remettre le cathéter usagé avant de quitter la chambre, règle d’autant plus importante à respecter que la patiente était connue ‘HIV depuis 2007″, et également d’avoir manqué de sincérité en prétendant lors de l’entretien avoir le collecteur d’aiguilles avec elle, ce qui se serait avéré faux après vérifications.

Mme [E] reconnaît la matérialité de ces faits qu’elle explique par une surcharge de travail et la multiplicité des tâches à effectuer en urgence, faisant valoir qu’elle avait été ce jour-là sollicitée au cours de l’exécution des soins à cette patiente, pour assister une collègue.

Elle sollicite toutefois l’annulation de la mise à pied disciplinaire de 3 jours qui lui a été notifiée à la suite de cet incident par courrier du 29 janvier 2020 reçu le 4 février 2020,en faisant notamment valoir que la société HPM Nord n’a pas respecté le délai de 5 jours ouvrables entre la date de présentation du courrier de convocation à l’entretien préalable et la date de cet entretien, au sens de l’article L. 1232-2 du code du travail, précisant avoir été convoquée à un entretien fixé au 20 janvier 2020 par un courrier présenté le 15 janvier précédent.

En vertu de l’article 1333-1 du code du travail, en cas de litige sur le prononcé d’une sanction disciplinaire, la juridiction apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

Le juge peut, sans qu’il s’agisse toutefois d’une obligation, annuler une sanction irrégulière en la forme.

Aux termes de l’article L. 1232-2 du code du travail, l’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable qui ne peut avoir lieu moins de 5 jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou sa remise en main propre au salarié, ce délai ne commençant à courir que le lendemain de cette présentation ou remise.

En l’espèce, la lettre de convocation envoyée à Mme [E] l’a informée qu’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave était envisagée, de sorte que les dispositions précitées, au demeurant visées dans la lettre, sont applicables, peu importe que la société HPM Nord n’ait finalement pas décidé de licencier l’intéressée.

La société HPM Nord ne prétend d’ailleurs pas que l’article L. 1232-2 ne serait pas applicable à l’espèce.

Si cette lettre recommandée est datée du 10 janvier 2020 et, selon l’avis de réception produit par Mme [E], a été déposée à la Poste le même jour, il sera relevé que la société HPM Nord ne produit aucune pièce, notamment l’accusé réception, pour connaître la date exacte à laquelle elle a été une première fois présentée à Mme [E].

Or, contrairement à ce que soutient l’appelante, c’est à elle qu’incombe la charge de justifier qu’elle a bien respecté le délai de 5 jours ouvrables susvisé.

Mme [E] soutient pour sa part n’avoir reçu ce courrier recommandé que le 15 janvier 2015 comme mentionné manuscritement sur l’enveloppe par ses soins, son concubin, M. [C], attestant avoir effectivement réceptionné ce courrier à cette date, en l’absence de l’intimée partie travailler.

La société HPM Nord ne produisant aucune pièce pour établir la preuve que cette lettre de convocation aurait été présentée bien plus tôt, il sera considéré qu’elle échoue à démontrer qu’elle a respecté le délai d’au moins 5 jours ouvrables entre la présentation de la convocation à Mme [E] et la date de l’entretien préalable fixé au 20 janvier 2020.

Toutefois, Mme [E] ayant pu être assistée d’une déléguée syndicale lors de cet entretien ainsi que cela résulte des termes non contestés de la lettre de notification de la sanction, la réduction du délai de convocation n’a pas porté une atteinte à ses droits telle qu’elle justifierait l’annulation de la sanction disciplinaire.

En revanche, il est acquis aux débats que Mme [E] n’avait aucun antécédent disciplinaire, ni fait l’objet d’observation presque 30 ans de carrière, l’intéressée ayant été embauchée en 1990.

A travers de nombreuses attestations, elle justifie d’ailleurs de la reconnaissance de son professionnalisme par les collègues de son service ainsi que par Mme [M], Cardiologue.

En dépit de la nature des faits reprochés, la mesure de mise à pied disciplinaire apparaît pour ces raisons disproportionnée et sera annulée.

Se faisant, la société HPM Nord sera condamnée à payer à Mme [E] la somme de 668,92 euros en remboursement de la retenue sur salaire opérée au titre de la période de mise à pied, outre 66,89 euros au titre des congés payés y afférents.

Mme [E] sollicite également le versement d’une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice subi et 500 euros de dédommagement pour avoir été obligée de se rendre disponible un jour de repos pour se présenter à l’entretien.

Il convient de condamner la société HPM Nord à lui payer une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts, l’irrégularité de la procédure lui ayant notamment nécessairement causé un préjudice, et de débouter Mme [E] de sa demande indemnitaire complémentaire dès lors la société HPM Nord était légitime à initier une procédure disciplinaire et à la convoquer à un entretien, même sur un jour de repos, pour une faute dont la matérialité est reconnue.

– sur la mise à pied disciplinaire notifiée par courrier du 28 décembre 2020 :

Il est constant que par courrier du 28 décembre 2020, la société HPM Nord a notifié à Mme [E] une mise à pied disciplinaire de 3 jours, pour avoir en substance eu une attitude intolérable à l’égard de ses collègues, de l’équipe médicale et de patients, et pour avoir été surprise en train de consulter les dossiers de patients alors qu’elle ne devait pas être présente ce jour-là puisque placée en arrêt de travail, cet acte étant qualifié par son employeur de ‘vol de données’.

Mme [E] sollicite l’annulation de cette mise à pied disciplinaire de 3 jours, aux motifs notamment que les faits reprochés étaient prescrits au jour de l’envoi de la convocation du 3 décembre 2020, dès lors qu’ils ont nécessairement été portés à la connaissance de son employeur avant le 14 septembre 2020 puisque celui-ci reconnaît que la procédure disciplinaire initiée le 3 décembre n’est que la poursuite de la première procédure initiée puis abandonnée en septembre.

Il sera relevé qu’en page 95 de ses conclusions, la société HPM Nord reconnaît le caractère prescrit des faits sanctionnés par la mise à pied litigieuse, expliquant avoir volontairement suspendu la procédure initiée en septembre en raison de l’arrêt maladie de Mme [E]. Elle estime même justifiée la demande en remboursement de la retenue de salaire de 421,66 euros opérée au titre de cette mise à pied, et des congés payés y afférents.

Les parties s’accordant sur la prescription des faits qui étaient le support de cette sanction disciplinaire litigieuse, celle-ci sera annulée. La société HPM Nord est condamnée à rembourser à Mme [E] la retenue de salaire de 421,66 euros opérée au titre de cette mise à pied ainsi que 42,16 euros pour les congés payés y afférents.

Mme [E] sollicite également réparation du préjudice subi à hauteur d’une somme de 2 000 euros, au regard notamment du caractère injurieux et infamant des griefs avancés.

Le fait de s’être vue reprochée dans le cadre d’une procédure disciplinaire ayant abouti à sa mise à pied, des fautes d’une nature particulièrement grave dont il était manifeste dès le départ qu’elles ne pouvaient fonder une sanction disciplinaire en raison de leur caractère trop ancien, ce que l’employeur ne pouvait ignorer au vu du rappel des règles fait dans le réglement intérieur, a causé un préjudice moral à Mme [E] qu’il convient de réparer en lui accordant une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.

– sur la demande indemnitaire pour exécution déloyale du contrat de travail :

Mme [E] sollicite la somme de 2 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’elle dit avoir subi du fait de l’absence de loyauté de la société HPM Nord dans l’exécution du contrat et de l’absence de considération et de reconnaissance. Elle évoque les procédures disciplinaires susvisées ainsi qu’une autre tentative de son employeur de la poursuivre au disciplinaire en avril 2021, cette procédure ayant finalement été abandonnée en l’absence de grief avéré.

Elle invoque également la surcharge constante de travail et l’anxiété générée par cette absence de reconnaissance et ses conditions de travail.

Toutefois, au regard des faits dénoncés, la société HPM Nord lui oppose à raison qu’elle ne justifie pas d’un préjudice distinct de ceux précédemment réparés au titre des 2 sanctions disciplinaires annulées.

Aucun déloyauté ne peut en outre être retenue concernant la procédure initiée en avril 2021 dans la mesure où son employeur l’a informée au bout de quelques jours qu’après vérification, aucune faute ne pouvait lui être reprochée, ce qui démontre sa bonne foi.

Alors qu’il lui incombe de rapporter la preuve de la déloyauté alléguée, qui est par nature volontaire, Mme [E] échoue également à établir que la société HPM Nord a volontairement omis de veiller à lui assurer de bonnes conditions de travail et à garantir sa santé et sécurité mentale.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient de débouter Mme [E] de sa demande indemnitaire de ce chef.

– sur le manquement de la société HPM Nord à son obligation d’organiser une visite de reprise :

Au visa des articles R. 4624-31 et R. 4624-32 du code du travail, Mme [E] reproche à son employeur de ne pas avoir organisé de visite médicale de reprise à l’issue de son arrêt de travail qui a pourtant duré plus de 30 jours. Elle estime son préjudice indéniable compte tenu de sa fragilité persistante à son retour.

Mme [E] produit ses arrêts de travail et prolongation entre le 7 septembre 2020 et le 29 novembre 2020.

La société HPM Nord à qui incombe l’obligation de justifier qu’elle a organisé, au titre de son obligation de sécurité, la visite médicale de reprise après un arrêt supérieur à 30 jours, ne produit aucune pièce à ce titre.

Mme [E] verse pour sa part aux débats un extrait de son livret de suivi par le médecin du travail dont il ressort qu’aucun rendez-vous n’a été pris postérieurement au 7 septembre 2020.

Le manquement allégué est ainsi parfaitement établi. Au vu de la fragilité psychologique de Mme [E] à son retour d’arrêt maladie, illustrée notamment par les prescriptions médicales d’anti dépresseurs qui se sont poursuivies jusqu’en 2021, l’absence de visite de reprise lui a causé un préjudice dans la mesure où une telle visite aurait permis de vérifier l’adaptation et la compatibilité de son poste à son état de santé afin de prévenir toute aggravation.

Il convient de condamner la société HPM Nord de payer à Mme [E] en réparation de ce préjudice une somme de 800 euros.

– sur les demandes accessoires :

Au vu de ce qui précède, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, la société HPM Nord devra également supporter les dépens d’appel.

Il est en outre inéquitable de laisser à Mme [E] la charge des frais irrépétibles exposés en appel. La société HPM Nord sera condamnée à lui payer à ce titre la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris en date du 15 mars 2018 en ce qu’il a :

– dit que la prime plateau technique s’appliquait avec effet au 1er janvier 2013 à Mme [T] [E], salariée du service USIC, et qu’elle a une valeur égale à 22 points d’indice pour un salarié à temps plein, sur la base mensuelle de 151,67 heures,

– condamné la SAS HPM Nord à payer à Mme [T] [E] une somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et l’a condamnée à supporter les dépens de première instance ;

L’INFIRME pour le surplus,

statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

CONDAMNE la SAS HPM Nord à payer à Mme [T] [E] les sommes suivantes:

-du 1er janvier 2013 au 31 mai 2016 : la somme de 153,56 euros par mois, outre les congés payés y afférents, soit la somme de 6 295,96 euros, outre la somme de 629,59 euros au titre des congés payés ;

– du 1er juin 2016 jusqu’au 31 août 2017 : la somme de 154,44 euros par mois outre les congés payés y afférents, soit la somme de 2 162,16 euros, outre la somme de 216,21 euros au titre des congés payés ;

– du 1er septembre 2017 au 30 avril 2018 : la somme de 154 euros (7 euros x 22 points) par mois, soit la somme de 1 232 euros (154 x 8 mois), outre les congés payés y afférents, soit 123,20 euros ;

– du 1er mai 2018 au 1er mai 2019, la somme de 155,76 euros par mois (soit 12 mois x 155, 76 euros) soit 1 869,12 euros, outre les congés payés y afférents, soit 186,91 euros ;

– du 1er mai 2019 au 31 décembre 2021, la somme de 156, 20 euros par mois (soit 31 mois x 156, 20 euros) soit la somme de 4 842,20 euros, outre les congés payés y afférents, soit 484,22 euros ;

CONDAMNE la SAS HPM Nord pour les mois suivants, soit à compter du 1er janvier 2022, au paiement de la prime mensuelle selon le calcul suivant 22x valeur du point reprise à la convention collective ;

DIT n’y avoir lieu d’assortir ces condamnations d’une astreinte ;

y ajoutant,

ANNULE la mise à pied disciplinaire notifiée par courrier recommandé du 29 janvier 2020 ainsi que celle notifiée par courrier recommandé du 28 décembre 2020 ;

CONDAMNE la SAS HPM Nord à payer à Mme [T] [E] les sommes suivantes :

– 668,92 euros au titre du remboursement de la retenue de salaire liée à la mise à pied du 29 janvier 2020, outre 66,89 euros pour les congés payés y afférents,

– 500 euros en réparation du préjudice subi au titre de la mise à pied disciplinaire annulée du 29 janvier 2020,

– 421,66 euros au titre du remboursement de la retenue de salaire liée à la mise à pied du 28 décembre 2020, outre 42,16 euros pour les congés payés y afférents,

– 1 000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la mise à pied disciplinaire annulée du 28 décembre 2020,

– 800 euros en réparation du préjudice causé par le manquement de la SAS HPM Nord à son obligation d’organiser une visite médicale de reprise ;

CONDAMNE la SAS HPM Nord à payer à Mme [T] [E] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

DIT que la SAS HPM Nord supportera les dépens d’appel.

LE GREFFIER

Nadine BERLY

LE PRESIDENT

Marie LE BRAS

 


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