Retenues sur salaire : 23 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/02282

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Retenues sur salaire : 23 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/02282

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 20/02282 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M567

[X]

C/

S.A. GROUPE SAB – FINANCIERE D’AZOLETTE

S.A.S. SAB [Localité 4]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de ROANNE

du 27 Février 2020

RG : F 18/00003

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 23 MARS 2023

APPELANT :

[Y] [X]

né le 07 Novembre 1956 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat postulant inscrit au barreau de LYON et représenté par Me Elodie LEGROS de la SELARL UNITE DE DROIT DES AFFAIRES, avocat plaidant inscrit au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉES :

Société GROUPE SAB – FINANCIERE D’AZOLETTE

[Adresse 6]

[Adresse 6]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat postulant inscrit au barreau de LYON et représentée par Me Anne-cécile GROSSELIN de la SELARL EKITACT, avocat plaidant inscrit au barreau de CHALON-SUR-SAONE

Société SAB [Localité 4]

Lieu-dit [Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat postulant inscrit au barreau de LYON et représentée par Me Anne-cécile GROSSELIN de la SELARL EKITACT, avocat plaidant inscrit au barreau de CHALON-SUR-SAONE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Décembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Etienne RIGAL, Président

Thierry GAUTHIER, Conseiller

Vincent CASTELLI, Conseiller

Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 23 Mars 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Etienne RIGAL, Président, et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par contrat à durée indéterminée en date du 12 juin 2015, M. [Y] [X] (le salarié) a été embauché par la société Groupe SAB (l’employeur) en qualité de directeur des opérations, pour exercer les fonctions de directeur délégué du Groupe SAB avec le statut de cadre dirigeant, coefficient 180, position III de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie. La rémunération était composée d’une part fixe de 114 000 euros bruts annuel et d’une part variable de 30 000 euros bruts liée aux résultats sous forme d’une prime.

A compter du mois de novembre 2015, M. [Y] [X] s’est vu confier la direction du site de [Localité 4] (71), dont les parties s’accordent à dire qu’il était en difficulté économique. Une délégation de pouvoir lui a été conférée à cet effet en date du 24 novembre 2015.

En date du 13 avril 2017, le salarié a été sanctionné d’un avertissement, motivé par un départ en congés du 31 mars au 10 avril 2017 en dépit du refus de l’employeur.

En date du 9 mai 2017, le salarié s’est vu remettre une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave, assortie d’une mise à pied à titre conservatoire jusqu’à la décision de l’employeur.

Par courrier recommandé en date du 29 mai 2017, l’employeur a notifié au salarié son licenciement pour faute grave, ainsi rédigée :

« Dans le prolongement de notre entretien du 23 mai 2017, au cours duquel je vous ai fait part des raisons qui m’amenaient à envisager votre licenciement, après vous avoir entendu et réflexion, je vous notifie votre licenciement immédiat pour les motifs que nous avons évoqué ensemble et qui sont repris ci-après.

Manquement grave à votre obligation de discrétion et de confidentialité :

Le 3 mai dernier, vous avez scanné votre fiche de paye ainsi que vos cartes de visite professionnelles (notamment celle indiquant que vous aviez une autre activité) et les avez adressées par mail à vous-même et à Monsieur [P] [C], nouveau Directeur de site de SAB THEVENIN. A votre niveau de responsabilité, il vous appartient de prendre toutes les précautions qui s’imposent pour ne pas communiquer ce genre d’informations personnelles et confidentielles. En tant que membre du CODIR, vous avez été sensibilisé à cette nécessité et nous ne pouvons tolérer cette transmission, qu’elle qu’en soit la raison.

Laxisme dans le traitement des dossiers :

Vous n’avez pas sérieusement préparé la visite de CONTINENTAL le 3 mai dernier en vous assurant de la bonne tenue de l’usine. Le chantier 6 montrait une image déplorable de notre entreprise à ce client important pour l’entreprise et le groupe avec lequel nous sommes en difficulté : des pièces trainaient sous une table sans être identifiées (ce qui est inacceptable

dans le secteur de l’automobile), une multitude de papiers étaient posés sur une table’ Ayant pour mission la direction du site de [Localité 4], il vous appartient de prendre les dispositions nécessaires pour éviter ce genre d’incidents lors de rendez-vous importants comme celui-là.

Manque d’engagement et de transparence vis-à-vis de tous :

Vous laissez dériver les sujets et filtrez volontairement les informations ce qui a pour conséquence de provoquer une exaspération partagée non seulement par moi mais également par des élus et des cadres. A titre d’exemple, lors de la dernière réunion CE, le délégué syndical, Monsieur [U], m’a reproché que les NAO, que vous menez, étaient en stand-by, car vous attendiez un retour de ma part, alors que vous ne m’avez pas transmis d’arbitrages. Monsieur [J], coordinateur qualité, me fait régulièrement part de votre absence d’implication dans le cadre des réunions de suivi qualité (absence, annulation réunion à la dernière minute, non-retour sur les dossiers ‘). Madame [D], coordinatrice sécurité environnement groupe, qui, embauchée pour travailler en transverse sur différents sites du groupe par la holding, m’interpelle du retrait des missions sécurité environnement de Madame [R], sur l’officialisation de ses fonctions sur [Localité 4] (alors qu’elle doit intervenir en support et que son support lié à la situation critique n’a pas vocation à être permanent) ‘ Nous avons également regretté la démission de Monsieur [W] alors que son augmentation avait été validée mais qu’il l’ignorait puisque vous ne l’aviez pas mis en application depuis 2 mois consécutifs. Votre reporting est insuffisant pour me permettre de vous faire confiance et vous soutenir alors que les plaintes se multiplient. D’autres dossiers sont en suspens malgré relances (contrat GNL, explications sur les SIG et KPI, absence d’inventaire au 30/04 pour la situation comptable ‘) sans autres explications que votre inaction.

Tous ces éléments interviennent alors que récemment j’ai été contraint de vous adresser un avertissement car vous avez posé des congés alors que nous devions précisément faire le point sur votre activité. C’était déjà la deuxième fois que vous organisiez une semaine de congés alors qu’un important meeting était convenu (CODIR la fois précédente).

Pour toutes ces raisons, je suis contraint de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave entrainant la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement.

L’envoi de cette lettre marquera donc la fin de notre collaboration. »

En date du 8 janvier 2018, M. [Y] [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Roanne aux fins notamment de :

Dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse

Annuler l’avertissement du 13 avril 2017

Condamner l’employeur à lui verser diverses sommes au titre :

De la période de mise à pied, outre congés payés afférents,

De l’indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents,

De l’indemnité de licenciement,

De l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

De dommages-intérêts pour préjudice moral et licenciement vexatoire,

De la prime, outre congés payés afférents,

De dommages-intérêts au titre de l’avertissement injustifié,

Des « absences injustifiées du 01/04 au 09/04/2017 », outre congés payés afférents,

De l’indemnisation de la perte de chance sur les droits à la retraite,

Du travail dissimulé.

Par jugement du 27 février 2020, le conseil de prud’hommes a :

Dit partiellement justifiées les demandes du salarié ;

Dit que le licenciement du salarié est motivé par une cause réelle et sérieuse ;

Débouté le salarié de sa demande d’annulation de l’avertissement du 13 avril 2017 qui lui a été notifié ;

Condamné l’employeur à payer au salarié la somme de 6 114,94 euros bruts au titre de la période de mise à pied conservatoire, outre congés payés afférents, soit 611,49 euros bruts ;

Condamné l’employeur à payer au salarié la somme de 59 118,96 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, soit 5 911,90 euros brut ;

Condamné l’employeur à payer au salarié la somme de 4 762,36 euros bruts au titre de l’indemnité de licenciement ;

Débouté le salarié de sa demande en paiement de la somme de 60 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Débouté le salarié de sa demande en paiement de la somme de 60 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et licenciement vexatoire ;

Condamné l’employeur à payer au salarié la somme de 60 000 euros bruts au titre de la prime, outre congés payés afférents, soit 6 000 euros bruts ;

Débouté le salarié de sa demande en paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la sanction d’avertissement injustifiée ;

Condamné l’employeur à payer au salarié la somme de 2 183,91 euros bruts au titre des absences injustifiées du 1er avril au 9 avril 2017 (avertissement), outre la somme de 218,93 euros à titre de congés payés afférents ;

Condamné l’employeur à payer au salarié la somme de 6 917,10 euros brut au titre des journées décomptées indûment par l’employeur pendant l’exécution du contrat de travail, outre la somme de 691,71 euros à titre de congés payés afférents ;

Débouté le salarié de sa demande en paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l’indemnisation de la perte de chance sur les droits à la retraite ;

Débouté le salarié de sa demande en paiement de la somme de 59 118,96 euros pour travail dissimulé ;

Débouté le salarié de sa demande de capitalisation des intérêts ;

Condamné l’employeur à payer au salarié la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Débouté le salarié de sa demande au titre de l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;

Condamné l’employeur aux entiers dépens.

L’employeur et le salarié ont interjeté appel du jugement respectivement le 23 mars 2020 et le 30 mars 2020. Les procédures ont été jointes sous le numéro 20/2282.

Aux termes de ses dernières conclusions reçues au greffe le 25 novembre 2022, le salarié demande à la cour de :

Infirmer le jugement en ce qu’il a dit partiellement ses demandes partiellement justifiées et en toutes ses dispositions qui ont rejeté ses demandes ;

Statuant à nouveau sur ces points :

Juger que le licenciement du salarié se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société Groupe SAB ‘ Financière d’Azolette à lui verser les sommes suivantes :

60 000 euros à titre d’indemnité sans cause réelle et sérieuse ;

60 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et licenciement vexatoire ;

10 000 euros au titre de l’indemnisation de la perte de chance sur les droits à la retraite ;

Dire que l’avertissement doit être annulé ;

Condamner en conséquence la société Groupe SAB ‘ Financière d’Azolette à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la sanction injustifiée ;

Condamner la société Groupe SAB ‘ Financière d’Azolette à lui verser la somme de 59 118,96 euros pour travail dissimulé ;

Confirmer le jugement entrepris en ses dispositions qui ont condamné l’employeur

Y ajoutant :

Ordonner la capitalisation des intérêts ;

Condamner solidairement la société Groupe SAB ‘ Financière d’Azolette et la société SAB [Localité 4] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel ;

Condamner la société Groupe SAB ‘ Financière d’Azolette aux entiers dépens d’appel.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 4 décembre 2020, l’employeur demande à la cour de :

Confirmer partiellement le jugement en ses dispositions qui ont rejeté les demandes du salarié ;

Infirmer le jugement en ce qu’il a dit partiellement justifiées les demandes du salarié et que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave, et en toutes ses dispositions qui ont condamné l’employeur ou l’ont débouté de ses demandes ;

Statuant à nouveau sur ces points :

Sur le bien-fondé du licenciement pour faute grave :

Débouter le salarié de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité de licenciement, de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur le bien-fondé des retenues salariales au titre des congés sans solde pris du 3 au 10 avril 2017 :

A titre principal : débouter le salarié de sa demande à ce titre ;

A titre subsidiaire : condamner le salarié à restituer une somme équivalente à la condamnation prononcée au titre du trop-perçu qui serait alors caractérisée s’agissant de l’indemnité compensatrice de congés-payés ;

Sur le bien-fondé des retenues salariales opérées au cours de l’exécution du contrat de travail entre octobre 2015 et novembre 2016 :

A titre principal : débouter le salarié de sa demande à ce titre ;

A titre subsidiaire : condamner le salarié à restituer une somme équivalente à la condamnation prononcée au titre du trop-perçu qui serait alors caractérisée s’agissant de l’indemnité compensatrice de congés-payés ;

Sur le caractère mal fondé de la demande de rappel de prime :

Débouter le salarié de la demande de rappel de primes ou, à tout le moins, la ramener à de plus justes proportions ;

Débouter le salarié de ses demandes au titre de l’article 700 ;

Le condamner à verser à chacune des sociétés SAB FINANCIERE d’AZOLETTE et SAB [Localité 4] une somme de 3 000 euros sur ce même fondement ;

Le condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel, ceux d’appel étant distraits au profit de Me Romain Laffly ‘ LEXAVOUE LYON sur son affirmation de droit ;

Confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

Ordonner au salarié de rembourser la somme de 88 678,44 euros nets versée au titre de l’exécution provisoire de droit.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions précitées des parties pour l’exposé complet de leurs prétentions et de leurs moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l’avertissement du 13 avril 2017

L’avertissement délivré par l’employeur le 13 avril 2017 est ainsi motivé : « Je suis au regret de vous notifier officiellement un avertissement pour être parti en congés malgré mon refus d’autorisation. [‘] Vous ne m’avez signalé qu’extrêmement tardivement (le 20 mars 2017) que vous seriez en congés du 31 mars au 10 avril 2017, semaine au cours de laquelle devait avoir lieu votre entretien annuel d’évaluation (précisément le 3 avril). Je vous ai expressément indiqué que je refusais de valider cette semaine de congés et vous ai demandé par conséquent d’être présent. Vous n’avez absolument pas tenu compte de mes directives et m’avez précisé, le 30 mars 2017, soit la veille de votre départ, que vous ne seriez pas à l’usine ni le vendredi 31 mars 2017 [‘] ni lors de la semaine du 3 avril 2017. [‘] Il s’agit là d’une faute grave et malgré votre autonomie, vous devez respecter ces règles ».

Les parties s’accordent quant au statut de cadre dirigeant dont bénéficiait le salarié. Elles divergent en revanche sur le point de savoir si ce dernier devait respecter les procédures internes à l’entreprise quant aux demandes de congés payés, ou s’il bénéficiait d’une autonomie qui l’en dispensait.

Le salarié soutient qu’en tant que cadre dirigeant il avait comme prérogative de pouvoir prendre des congés sans autorisation préalable et que précédemment, il devait uniquement déclarer ses absences lors de l’établissement de sa paye.

L’employeur soutient que le salarié, qui a confondu autonomie et liberté totale, restait soumis à son pouvoir de direction, notamment quant à la validation de ses dates de congés.

Sur ce :

Aux termes de l’article L. 1333-1 du code du travail « En cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié ».

En application de l’article L.1333-2 du code du travail, le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

La cour relève que le salarié ne conteste pas la matérialité des faits mais qu’il estime qu’en qualité de cadre dirigeant, il n’était pas tenu de demander une autorisation de congés.

Selon l’article L.3111-2 du code du travail, les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III. Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

Ces dispositions, comme le relève l’employeur, ne dispensent pas un cadre dirigeant de respecter les procédures de l’entreprise en matière de congés payés, ceux-ci ne relevant pas des titres II et III du code du travail.

Au cas particulier, la cour relève que le salarié est sciemment passé outre le refus exprès de l’employeur de lui accorder les congés sollicités, alors même que son entretien annuel d’évaluation était prévu au cours de cette période. Par cette attitude délibérée, le salarié s’est soustrait au pouvoir de direction de l’employeur.

La cour considère, au vu de ces éléments, que les faits reprochés au salarié sont établis, lui sont imputables et que la sanction de l’avertissement qui lui a été notifiée est proportionnée à leur nature et à leur degré de gravité, de sorte que la demande d’annulation doit être rejetée.

Par voie de conséquence, la demande du salarié aux fins de dommages-intérêts en réparation du préjudice né d’un avertissement injustifié doit également être rejetée.

Le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur la retenue sur salaire au titre des congés du 1er avril au 9 avril 2017

Le salarié estime que l’employeur a indûment effectué une retenue sur salaire à hauteur de 2 183,91 euros sur son bulletin de salaire d’avril 2017, alors que l’employeur ne fournit aucun solde de tout compte, aucun détail ni calcul des sommes versées.

L’employeur considère qu’il a réalisé cette retenue à juste titre, dès lors que le salarié, qui ne bénéficiait pas d’un solde de congés suffisants, ne s’est vu décompter aucun jour de congé par anticipation et que la totalité de son reliquat de congés lui a été payé au titre du solde de tout compte.

Sur ce :

Comme il a été indiqué précédemment, les cadres dirigeants demeurent soumis aux dispositions du code du travail relatives aux congés payés.

Ils doivent donc, au même titre que tous les salariés, se voir décompter leurs jours de congés par l’employeur.

La cour relève que le salarié ne conteste pas avoir été absent 5 jours ouvrables, du 3 avril au 7 avril 2017, alors qu’aucun jour de congé ne lui a été décompté. Ces seules constatations justifient la retenue sur salaire opérée par l’employeur pour cette période. La demande du salarié doit donc être rejetée.

Le jugement sera réformé sur ce point.

Sur la demande de paiement des journées décomptées au cours de l’exécution du contrat de travail

Le salarié soutient que, de par son statut de cadre dirigeant, l’entreprise n’est pas fondée à exiger des justificatifs pour les jours ou portions de jours où le cadre ne se présente pas à son travail et qu’il ne peut donc y avoir de retenue de salaire pour absence injustifiée. Il sollicite, par voie confirmative, un rappel de salaire à hauteur de 6 917,10 euros bruts, outre congés payés afférents.

L’employeur fait valoir que les journées ou demi-journées décomptées correspondent à des congés sans solde, aucun congé ne lui ayant été décompté par anticipation. Il produit des courriels du salarié relatif à ses congés. Il sollicite le rejet de la demande ou, subsidiairement, la condamnation du salarié à lui rembourser le trop-perçu relatif à l’indemnité compensatrice de congés payés.

Sur ce :

En vertu des dispositions de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Comme cadre dirigeant, le salarié bénéficiait aux termes de l’article L.3111-2, précité, d’une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps et son contrat de travail prévoyait expressément que sa rémunération était forfaitaire et indépendante du temps passé à remplir ses fonctions.

Toutefois, comme il a été indiqué précédemment, les cadres dirigeants demeurent soumis aux dispositions du code du travail relatives aux congés payés et ils doivent donc, au même titre que tous les salariés, se voir décompter leurs congés par l’employeur.

Il revient donc à la cour d’apprécier, pour chaque retenue contestée par le salarié, si celle-ci correspond à une période de congés, auquel cas elle se trouve justifiée, ou si à l’inverse elle correspond à une absence ponctuelle qu’autorisait l’indépendance dont jouissait le salarié dans l’organisation de son emploi du temps, auquel cas elle doit être écartée et donner lieu à rappel de salaire.

La cour relève que ni le salarié ni l’employeur n’allèguent précisément les faits propres à fonder chaque retenue opérée, ni, inversement, chaque rappel de salaire sollicité.

En analysant les pièces produites aux débats, notamment les courriers électroniques émanant du salarié lui-même, la cour, retient, sur la base du critère précité, que l’employeur reste redevable envers le salarié de la somme de 3 422,86 euros bruts à titre de rappel de salaire concernant les périodes de temps décomptées, outre 342,29 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera réformé en ce sens.

La somme ainsi octroyée au salarié ne correspondant pas à des jours de congés, l’employeur est mal fondé à soutenir qu’ils auraient pu être imputés de façon anticipée sur le solde de congé du salarié au titre de l’année suivante ; dès lors aucun remboursement n’est dû par le salarié.

La demande de l’employeur de ce chef sera rejetée.

Le jugement n’ayant pas expressément statué sur cette demande, il sera ajouté au jugement de ce chef.

Sur le licenciement

Sur la faute grave

En application de l’article L1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

La cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d’objectivité. Elle doit être exacte. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.

Aux termes de l’article L. 1232-6 alinéa 2 du code du travail, la lettre de licenciement comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur. Ces motifs doivent être suffisamment précis et matériellement vérifiables. La datation dans cette lettre des faits invoqués n’est pas nécessaire. L’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier des motifs.

Le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l’article L.1235-1 du code du travail.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve.

Aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement de ces poursuites.

La prise en compte d’un fait antérieur à deux mois peut cependant intervenir pour fonder la lettre de licenciement si le comportement du salarié s’est poursuivi dans ce délai.

En l’espèce, dans sa lettre de licenciement du 29 mai 2017, l’employeur articule les trois griefs suivants à l’encontre du salarié, dont il souligne qu’ils interviennent alors qu’un avertissement récent lui avait été adressé :

Un manquement grave à l’obligation de discrétion et de confidentialité, à savoir le fait d’avoir, le 3 mai 2017, adressé sa fiche de paye et ses cartes de visite professionnelles à un autre directeur de site du groupe ;

Le laxisme dans le traitement des dossiers, en particulier de n’avoir pas, le 3 mai 2017, préparé correctement la visite du site par la société CONTINENTAL, cliente du groupe ;

Le manque d’engagement et de transparence, à savoir la transmission d’informations parcellaires, une absence d’implication dans les réunions de suivi de qualité, la modification fautive du périmètre des fonctions de la coordinatrice sécurité du groupe, la non-application de l’augmentation salariale d’un collaborateur depuis 2 mois consécutifs, ainsi que des dossiers laissés en suspens ;

L’employeur souligne la survenance des manquements précités alors qu’un avertissement récent avait été adressé au salarié.

Sur le premier grief

L’employeur estime que ces faits sont établis et constituent un manquement grave à l’obligation de discrétion et de confidentialité et que leur gravité doit être appréciée au regard du contexte, à savoir notamment des fraudes informatiques dont la société avait été victime précédemment et que le salarié, en tant que membre du comité de direction, ne pouvait ignorer.

Le salarié conteste être l’auteur de l’envoi du courriel litigieux et en tout état de cause, en conteste le caractère fautif.

Sur ce :

La cour relève qu’aucune des pièces produites par l’employeur n’établit de manière formelle que le courriel litigieux aurait été envoyé par le salarié, ni même qu’il proviendrait de son adresse électronique, l’expéditeur étant « [Courriel 5] ». Au demeurant, à les supposer avérés, ces faits, qui consistent en la transmission à un autre cadre dirigeant de la société d’éléments d’information qui concernent exclusivement le salarié, ne s’analyseraient pas en un manquement à l’obligation de discrétion et de confidentialité.

Ce grief ne peut donc pas être retenu.

Sur le deuxième grief

L’employeur soutient que lors de la visite du site de [Localité 4], le 3 mai 2017, par un client important de la société, l’un des chantiers était en désordre, renvoyant une image négative de la société et caractérisant le laxisme du salarié qui avait la responsabilité du site.

Le salarié réplique qu’il avait été initialement écarté de la préparation de cette visite à laquelle il n’avait pas été convié, qu’il était aux mêmes horaires retenu à une réunion avec la délégation unique du personnel, que les photographies produites concernent un endroit non identifié sur une machine en test et ne sont pas certifiées quant à leur date, et enfin qu’aucun retour négatif n’a été reçu de la part du client concerné.

Sur ce :

La cour relève en premier lieu que ce grief ne concerne que la seule visite du 3 mai 2017 et non pas plusieurs dossiers comme l’indique la lettre de licenciement.

En second lieu, la cour observe que l’employeur produit :

Trois photographies monochromes, horodatées du 3 mai 2017 à 15h20 – dont le salarié ne conteste pas qu’elles se rapportent à un atelier dont il avait la responsabilité – qui montrent quelques éléments paraissant mal ou non rangés.

Une attestation de témoignage de M. [P] [F], directeur commercial, en date du 13 juillet 2018, qui indique : « Le client était étonné de voir des pièces non identifiées posées sur des tables, des postes de travail non rangés. J’ai fait des photos que j’ai diffusées ensuite et averti le directeur du site M. [X] du mécontentement du client. Il était désolé de cette situation ».

Le compte-rendu interne de la visite daté du 5 mai 2017, qui mentionne : « Visite de [Localité 4] (/Rhodanienne). M. [A] [représentant le client CONTINENTAL] y voit des progrès avec toutefois une marge encore importante à l’amélioration, surtout concernant la propreté des postes, le rangement général de l’usine (palettes sur les voies piétonnes) et l’atmosphère (trop de fumée). Ils ont eu l’occasion de visiter notre concurrent sino-nippon et constatent que nous sommes loin de leur niveau d’organisation de « house-keeping » : désordre et propreté du chantier 4 (chantier Panther Conti) !!!!, état du poste de découpe sur chantier DFP6, etc. (voir photos jointes) ».

La cour constate que le désordre allégué par l’employeur est doublement limité dans le temps (un seul jour) et dans l’espace (à certains endroits de l’atelier seulement) et qu’il n’est pas démontré que ce désordre limité ait engendré des conséquences négatives pour la société, le client concerné ayant à l’inverse pu souligner les progrès accomplis.

Au demeurant, ce désordre limité ne peut être imputé au salarié au titre d’une faute disciplinaire, ce dernier n’étant à cet égard tenu que d’une obligation de moyen et non de résultat, ce d’autant qu’il est justifié et non contesté que le salarié était, simultanément à la visite, retenu à une réunion avec la délégation unique du personnel.

En conséquence, la cour considère que ce grief ne peut davantage être retenu.

Sur le troisième grief

L’employeur reproche au salarié un manque d’engagement et de transparence vis-à-vis de tous, faits qu’il estime « relativement précis » à la lumière de plusieurs exemples.

Le salarié conteste chacun des exemples cités par l’employeur dont il relève par ailleurs qu’ils sont anciens de plus de deux mois ; il estime en tout état de cause que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse.

Sur ce :

La cour observe en premier lieu que s’agissant d’un licenciement disciplinaire engagé par la lettre de convocation du 9 mai 2017, seuls les faits postérieurs au 9 mars 2017 peuvent être retenus, sauf à ce que des faits antérieurs se soient poursuivis dans ce délai.

La cour observe à cet égard que l’employeur ne cite que deux exemples précis de faits remplissant cette condition, à savoir d’avoir délaissé les négociations annuelles obligatoires (NAO) et d’avoir manqué d’implication dans les réunions de suivi qualité.

Ces faits, à les supposer avérés, ce que conteste le salarié, ne seraient pas susceptibles de recevoir la qualification de faute lourde dès lors qu’ils n’empêchaient pas le maintien du salarié dans l’entreprise.

Les autres exemples cités par l’employeur sont soit antérieurs au 9 mars 2017, soit formulés en des termes vagues et généraux, insuffisamment précis pour caractériser une faute de quelque nature qu’elle soit.

En outre, ainsi que le souligne le salarié et que l’ont relevé les premiers juges, il ne résulte pas des pièces du dossier que l’employeur ait mis le salarié en mesure de remédier aux difficultés alléguées, les seuls courriels d’insatisfaction produits par l’employeur, échelonnés du 14 décembre 2016 au 7 mars 2017, ne pouvant être considérés comme remplissant par eux-mêmes cette fonction, de par leur rédaction lapidaire et de par leur objet différent des exemples cités.

En conséquence, la cour considère que ce grief ne peut davantage être retenu.

Aucun des griefs articulés par l’employeur n’ayant été retenu par la cour, la circonstance que le salarié ait fait l’objet d’un avertissement antérieur, à savoir le 13 avril 2017, est inopérante.

Il suit de l’ensemble de ce qui précède que l’employeur échoue à rapporter la preuve d’une faute grave imputable au salarié.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la cause du licenciement

Le salarié, comme indiqué précédemment, conteste que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

L’employeur, aux termes du dispositif de ses conclusions, ne formule aucune autre prétention de ce chef, même à titre subsidiaire, que celles précédemment examinées.

Sur ce :

Il résulte de la décision qui précède que les trois griefs articulés par l’employeur au soutien de l’allégation d’une faute lourde du salarié ont été écartés.

La cour observe que les faits reprochés au salarié, outre que certains sont énoncés en des termes vagues et imprécis, s’analysent en des allégations d’insuffisance professionnelle, laquelle se définit comme l’incapacité objective, non fautive et durable, d’un salarié à accomplir correctement la prestation de travail pour laquelle il est employé, c’est-à-dire conformément à ce qu’on est fondé à attendre d’un salarié moyen ou ordinaire, employé pour le même type d’emploi et dans la même situation.

Or, même à supposer ces faits avérés, leur caractère durable ne serait pas démontré dès lors que les premières remontrances de l’employeur ont été portées à sa connaissance moins de cinq mois avant l’engagement de son licenciement, d’une part, et que l’employeur, comme il a été indiqué précédemment, n’a pas mis le salarié en mesure d’y remédier, d’autre part.

La cour relève enfin que le salarié a fait l’objet d’un unique avertissement préalable, le 13 avril 2017, à raison de faits totalement distincts.

En considération de l’ensemble de ces éléments, la cour considère que le licenciement du salarié ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur les demandes de rappel de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire, d’indemnité compensatrice de préavis et d’indemnité de licenciement

Le salarié sollicite la confirmation du jugement sur ces points.

L’employeur conclut au rejet de ces demandes mais ne présente aucune observation subsidiaire quant à leur montant.

Sur ce :

La faute grave n’ayant pas été retenue par la cour, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné l’employeur à verser au salarié la somme de 6 114,94 euros bruts au titre de la période de mise à pied conservatoire, correspondant à la retenue opérée sur le salaire du mois mai 2017, outre 611,49 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Le salarié, âgé de plus de 55 ans à la date de son licenciement, a droit à un préavis de 6 mois en application de l’article 27 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, applicable au litige.

Dès lors il convient également de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné l’employeur à verser au salarié la somme de 59 118,96 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 5 911,86 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Selon l’article L.1234-9 du code de travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2008-596 du 25 juin 2008, en vigueur à la date du licenciement, le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Le salarié comptant plus d’une année d’ancienneté ininterrompue à la date du licenciement, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné l’employeur à verser au salarié la somme de 4 762,36 euros bruts au titre de l’indemnité de licenciement.

Sur la demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié sollicite, par voie d’infirmation, l’octroi d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 60 000 euros, représentant 6 mois de salaire.

L’employeur conclut au rejet de cette demande en raison de l’existence d’une faute grave.

Sur ce :

Selon l’article L.1235-5 du code de travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007, en vigueur à la date du licenciement, ne sont pas applicables au licenciement d’un salarié de moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives : [‘]

2° A l’absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l’article L. 1235-3 ; [‘].

Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Il en résulte qu’il appartient au juge d’apprécier le préjudice du salarié pour fixer cette indemnité.

Il est constant en l’espèce que le salarié, embauché le 12 juin 2015, disposait de moins de deux ans d’ancienneté à la date du licenciement, le 23 mai 2017. La cour a jugé que ce licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de la rémunération du salarié, dont la part fixe était de 9 500 euros bruts mensuels, de son ancienneté dans l’entreprise, à savoir une année, onze mois, onze jours, et de la difficulté dont il justifie à retrouver rapidement un emploi compte-tenu des circonstances de son licenciement, la cour évalue le montant de la réparation du préjudice subi par le salarié à la somme de 40 000 euros.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire

Le salarié soutient que les circonstances de son licenciement, à savoir notamment la mise à pied conservatoire notifiée à son arrivée à son lieu de travail le 9 mai 2017, sont constitutives d’une faute de l’employeur et lui ont causé un préjudice distinct, dont il sollicite réparation à hauteur de 60 000 euros.

L’employeur conteste tout comportement fautif et souligne que le salarié ne justifie nullement d’un préjudice distinct du licenciement.

Sur ce :

Le licenciement peut causer au salarié un préjudice distinct de celui lié à la perte de son emploi, en raison des circonstances brutales ou vexatoires qui l’ont accompagné, permettant au salarié de demander réparation de son préjudice moral, sur le fondement de la responsabilité civile prévue aux articles 1240 et suivants du code civil dans leur version applicable à l’espèce.

En l’espèce, le salarié ne justifie pas d’un préjudice distinct du licenciement autrement que par un arrêt de travail du 10 mai 2017, sans toutefois produire aucune attestation médicale. Dans ces conditions, sa demande ne peut qu’être rejetée, sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur le caractère brutal ou vexatoire allégué des circonstances du licenciement.

Il suit que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts du salarié de ce chef.

Sur la demande de rappel de primes

Le salarié soutient que son contrat de travail prévoyait une part variable de 30 000 euros bruts par an qu’il n’a jamais perçue, et dont il sollicite le paiement à hauteur de 60 000 euros, outre congés payés afférents.

L’employeur réplique que cette prime était conditionnée aux résultats, lesquels étaient déficitaires sur le site de [Localité 4] pour les années 2015 et 2016 au cours desquelles le salarié était présent.

Sur ce :

L’article 5 du contrat de travail du salarié prévoit : « En rémunération de ses services, M. [X] [Y] recevra un traitement fixe annuel brut forfaitaire composé d’une partie fixe et d’une partie variable comme suit :

Part fixe brut de 114.000 euro/an soit 9.500 euros/mois sur 12 mois

Part variable de 30.000 € brut liée aux résultats vous sera attribuée sous la forme d’une prime. A définir conjointement avant le 15/09/2015.

Cette prime sera versée au plus tard à la fin du mois d’avril suivant l’année considérée ».

Il est constant qu’en dépit de ces stipulations, les modalités d’attribution de la part variable du salaire n’ont pas fait l’objet de définition conjointe entre les parties, l’employeur reconnaissant dans ces écritures qu’aucun objectif chiffré n’avait été fixé.

Il est de principe bien établi qu’en l’absence de définition de l’objectif fixé, la totalité de la prime prévue au contrat est due.

La cour observe au demeurant que si, comme le souligne l’employeur, la clause litigieuse fait référence aux résultats, il résulte de ses propres écritures que ce résultat, bien que déficitaire, s’est sensiblement amélioré entre les exercices 2015 et 2016.

Dans ces conditions, il y a lieu d’approuver les premiers juges d’avoir considéré que la prime de 30 000 euros était due au salarié au titre des mois d’avril 2016 et avril 2017, soit pour un total de 60 000 euros.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de la perte de chance sur les droits à retraite

Le salarié soutient que son licenciement, après lequel il est resté au chômage pendant presque un an, lui a fait perdre une chance d’obtenir une retraite de base à taux plein et points de retraite complémentaire. Il sollicite, par voie d’infirmation, 10 000 euros de ce chef.

L’employeur réplique que la réparation de cette perte de chance est incluse dans l’indemnisation du licenciement abusif et ne peut donc faire l’objet d’une réparation distincte.

Sur ce :

La cour retient, comme le soutient l’employeur, qu’à la supposer démontrée, la perte de chance alléguée par le salarié se trouverait déjà réparée par la somme octroyée au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur la demande d’indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé

Le salarié soutient que l’employeur l’a mis à la disposition de l’une de ses filiales, la société SAB [Localité 4], opérant ainsi un prêt de main-d »uvre illicite et caractérisant la volonté de la société SAB [Localité 4] de recourir au travail dissimulé. Il sollicite la somme de 59 118,96 euros, correspondant à 6 mois de salaire.

L’employeur réplique qu’aucun prêt de main-d »uvre illicite n’est intervenu, la société GROUPE SAB FINANCIERE D’AZOLETTE, présidente de la société SAB [Localité 4], ayant simplement confié la gestion de cette dernière à l’un de ses salariés cadres dirigeants, et que la société SAB [Localité 4] ne s’est jamais comportée comme l’employeur du salarié.

Sur ce :

L’article L 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé, et l’article L 8221-5 2° du même code dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures inférieur à celui réellement accompli.

Au terme de l’article L 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 précité a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes et ouvrant droit à indemnité forfaitaire n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle et l’élément intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats que seule la société GROUPE SAB FINANCIERE D’AZOLETTE s’est comportée comme l’employeur du salarié, tant en termes de pouvoir de direction, de pouvoir disciplinaire que de rémunération.

La demande dirigée contre la société SAB [Localité 4] est donc mal fondée et sera rejetée.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la capitalisation des intérêts

Il y a lieu de faire droit à cette demande du salarié concernant les sommes octroyées et selon les modalités précisées au dispositif du présent arrêt.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur la demande de l’employeur aux fins de remboursement de la somme versée en exécution de la décision de première instance

La cour ayant globalement aggravé les condamnations prononcées contre l’employeur en première instance, cette demande est sans objet.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L’employeur, succombant, sera tenu aux dépens d’appel.

En considération de l’équité, l’employeur sera condamné à verser au salarié la somme de 4 000 euros au titre des frais d’appel non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [N] [X] de sa demande d’annulation de l’avertissement du 13 avril 2017 ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [N] [X] de sa demande de dommages-intérêts au titre de cet avertissement ; 

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société GROUPE SAB ‘ FINANCIERE D’AZOLETTE à verser à M. [N] [X] la somme de 4 762,36 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société GROUPE SAB ‘ FINANCIERE D’AZOLETTE à verser à M. [N] [X] la somme de 6 114,94 euros au titre de la période de mise à pied conservatoire, outre congés payés afférents, soit 611,49 euros ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société GROUPE SAB ‘ FINANCIERE D’AZOLETTE à verser à M. [N] [X] la somme de 59 118,96 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, soit 5 911,90 euros ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société GROUPE SAB ‘ FINANCIERE D’AZOLETTE à verser à M. [N] [X] la somme de 60 000 euros au titre de la prime, outre congés payés afférents, soit 6 000 euros ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [Y] [X] de de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et licenciement vexatoire ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [Y] [X] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la perte de chance sur les droits à la retraite ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [Y] [X] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société GROUPE SAB ‘ FINANCIERE D’AZOLETTE aux dépens de première instance ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société GROUPE SAB ‘ FINANCIERE D’AZOLETTE à verser à M. [N] [X] la somme de 3 000 euros au titres des frais non compris dans les dépens de première instance ;

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

REJETTE la demande de M. [Y] [X] aux fins de rappel de salaire au titre des journées de congés décomptées du 1er avril au 9 avril 2017, ainsi que de sa demande relative aux congés payés afférents ;

CONDAMNE la société GROUPE SAB ‘ FINANCIERE D’AZOLETTE à verser à M. [N] [X] la somme de 3 422,86 euros à titre de rappel de salaire concernant les absences décomptées entre octobre 2015 et novembre 2016, outre 342,29 euros au titre des congés payés afférents ;

CONDAMNE la société GROUPE SAB ‘ FINANCIERE D’AZOLETTE à verser à M. [N] [X] la somme de 40 000 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant,

REJETTE la demande de la société GROUPE SAB ‘ FINANCIERE D’AZOLETTE aux fins de restitution d’une somme équivalente à la condamnation prononcée au titre des absences de M. [Y] [X] décomptées entre octobre 2015 et novembre 2016 ;

CONSTATE que la demande de la société GROUPE SAB ‘ FINANCIERE D’AZOLETTE tendant à la restitution des sommes versées en exécution de la décision de première instance est sans objet ;

RAPPELLE que les créances salariales porteront intérêt à compter de la date de la convocation des parties devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Roanne, soit le 31 mai 2018, et que les créances indemnitaires porteront intérêt à compter de la présente décision ;

ORDONNE, respectivement à compter de ces dates, la capitalisation des intérêts des sommes dues par la société GROUPE SAB ‘ FINANCIERE D’AZOLETTE ;

CONDAMNE la société GROUPE SAB ‘ FINANCIERE D’AZOLETTE aux dépens d’appel ;

CONDAMNE la société GROUPE SAB ‘ FINANCIERE D’AZOLETTE à verser à M. [Y] [X] la somme de 4 000 euros au titre des frais d’appel non compris dans les dépens.

 


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