Retenues sur salaire : 23 juin 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 19/04551

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Retenues sur salaire : 23 juin 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 19/04551

N° RG 19/04551 – N° Portalis DBV2-V-B7D-IK5O

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 23 JUIN 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES D’EVREUX du 24 Octobre 2019

APPELANTE :

SARL OPTIQUE LYRE

[Adresse 3]

Centre commercial Intermarché

[Localité 2]

représentée par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON CELINE BART AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Emmanuelle BOURDON, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

Madame [G] [F]

[Adresse 4]

[Localité 1]

présente

rerésentée par Me Christophe OHANIAN de la SELARL CAMPANARO OHANIAN, avocat au barreau de l’EURE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 24 Mai 2022 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 24 Mai 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 23 Juin 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 23 Juin 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [G] [F] a été engagéepar la SARL Optique Lyre en qualité de vendeuse par contrat de travail à durée déterminée du 7 janvier 2015 au 3 avril 2015, puis par contrat de travail à durée indéterminée du 28 avril 2015 en qualité d’assistante de direction.

Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective de l’optique et lunetterie de détail.

La salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 24 février 2017.

Par requête du 29 mai 2018, Mme [G] [F] a saisi le conseil de prud’hommes d’Evreux en requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, requalification de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et paiement de rappels de salaire et d’indemnités.

Par jugement du 24 octobre 2019, le conseil de prud’hommes a débouté la SARL Optique Lyre de sa demande de sursis à statuer, dit que le contrat de travail à durée déterminée de Mme [G] [F] ayant pris effet le 7 janvier 2015 doit être requalifié en contrat à durée indéterminée, en conséquence, condamné la SARL Optique Lyre au paiement d’une indemnité de requalification de 2 100 euros, dit que la rupture du contrat de travail à durée déterminée s`analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en conséquence, condamné la SARL Optique Lyre à verser à Mme [G] [F] les sommes suivantes :

indemnité pour le non-respect de la procédure de licenciement : 2 100 euros,

indemnité compensatrice de préavis : 969,21 euros brut,

congés payés y afférents : 96,92 euros brut,

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 2 100 euros,

-dit que la prise d’acte de rupture du contrat de travail de Madame [F] ayant pris effet le 24 février 2017 est imputable à la SARL Optique Lyre et s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en conséquence, condamné la SARL Optique Lyre à verser à Mme [G] [F] les sommes suivantes :

indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement : 2 681,37 euros bruts,

indemnité licenciement : 922,05 euros bruts

indemnité compensatrice de préavis : 2 681,37 euros bruts,

congés payés y afférents : 268,14 euros,

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 8583,69 euros bruts,

rappel de salaire sur heures supplémentaires pour la période de juillet 2016 à septembre 2016: 3 149,07 euros bruts,

congés payés y afférents : 314,91 euros,

rappel de salaire du mois de février 2017 (retenue sur salaire injustifiée) : 3 000 euros,

maintien de salaire : 941,76 euros bruts,

prévoyance : 478,35 euros bruts,

complément d’indemnité compensatrice de congés payés : 618,78 euros,

-condamné la SARL Optique Lyre au paiement d’une indemnité 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ordonné l’exécution provisoire du jugement, débouté la SARL Optique Lyre de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions, dit que la la SARL Optique Lyre supportera l’intégralité des dépens.

La SARL Optique Lyre a interjeté appel le 21 novembre 2019.

Par conclusions remises le 6 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la SARL Optique Lyre demande à la cour de la recevoir en son appel, réformer l’entier jugement, en conséquence, statuer à nouveau et :

-avant dire droit et au visa de l’article 4 du code de procédure pénale, ordonner le sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la plainte pénale déposée par Mme [G] [F] à l’encontre de M. [P] [U] le 28 octobre 2018 pour faux et altération frauduleuse de la vérité,

-sur le fond, relever l’absence de toute situation de harcèlement, déclarer qu’aucun rappel de salaire n’est dû, qu’aucun rappel d’indemnités de prévoyance n’est dû, qu’aucun manquement de l’employeur justifiant que Mme [G] [F] prenne acte de la rupture n’est caractérisé, déclarer prescrite l’action en requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, en conséquence, déclarer n’y avoir lieu à requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, ordonner que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de Mme [G] [F] soit requalifiée en démission, réformer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à régler à Mme [G] [F] des salaires, accessoires de salaires, préavis, congés afférents, indemnités de prévoyance, dommages intérêts, débouter Mme [G] [F] de l’intégralité de ses demandes, la condamner à lui verser une somme de 2 681,37 euros au titre de dommages et intérêts équivalents à l’indemnité de préavis qu’elle n’a pas effectué du fait de la prise d’acte immédiate, et celle de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 8 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, Mme [G] [F] demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu, et ce faisant, :

-avant dire droit, débouter la SARL Optique Lyre de sa demande de sursis à statuer,

-requalifier le contrat de travail à durée déterminée ayant pris effet le 7 janvier 2015 en contrat de travail à durée indéterminée et condamner la SARL Optique Lyre à lui verser une indemnité de requalification de 2.100 euros,

-dire que la rupture du contrat de travail ayant pris effet le 7 janvier 2015 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la SARL Optique Lyre à lui verser une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement d’un montant de 2 100  euros, une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 969,21 euros, outre une somme de 96,92 euros au titre des congés payés y afférents, et celle de 2 100 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-dire que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail ayant pris effet le 28 avril 2015 est imputable à la SARL Optique Lyre et s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en conséquence, condamner la SARL Optique Lyre à lui verser :

une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement : 2 681,37 euros,

l’indemnité de licenciement : 922,05 euros

l’indemnité compensatrice de préavis : 2 681,37 euros,

les congés payés afférents : 268,14 euros

des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 32 000 euros,

-condamner la SARL Optique Lyre au paiement des sommes suivantes :

rappel de salaires sur heures supplémentaires au titre de la période de juillet 2016 à septembre 2016 : 3 149,07 euros,

congés payés y afférents : 314,91 euros,

rappel de salaire du mois de février 2017 (correspondant à la retenue sur salaire injustifiée opérée) : 3 000 euros,

maintien de salaire : 941,76 euros,

prévoyance : 478,55 euros,

complément d’indemnité compensatrice de congés payés : 618,78 euros,

-condamner la SARL Optique Lyre au versement d’une somme de 3 000 au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de l’instance et ordonner l’exécution provisoire du jugement.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 5 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de sursis à statuer

La SARL Optique Lyre sollicite qu’il soit sursis à statuer dans l’attente du traitement de la plainte pénale pour faux déposée par Mme [G] [F] contre M. [U], gérant de la SARL Optique Lyre, lequel a produit une attestation attribuée à M. [M] dans le cadre de la procédure prud’homale, alors que Mme [B] [I], concubine de M. [M] lui a certifié que son conjoint n’avait jamais établi cette attestation.

Alors que l’article 4 du code de procédure pénale n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, lorsque l’action publique est mise en mouvement, en l’espèce, alors que l’attestation en cause produite par la SARL Optique Lyre a pour objet de décrire des violences infligées par la salariée à l’encontre de son concubin, soit des faits commis dans la sphère privée des personnes en cause, l’issue de la plainte déposée par Mme [G] [F] n’est absolument pas déterminante pour apprécier des demandes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail, de sorte que la cour confirme le jugement entrepris ayant rejeté la demande de sursis à statuer, étant au surplus observé que la plainte date du 28 octobre 2018 et qu’à ce jour, aucun élément n’est communiqué quant à son issue.

Sur les demandes au titre du contrat de travail à durée déterminée

Mme [G] [F] sollicite la requalification en contrat à durée indéterminée du contrat de travail à durée déterminée l’ayant liée à la SARL Optique Lyre du 7 janvier 2015 au 3 avril 2015, faute d’écrit, avec toutes conséquences de droit, considérant que la prescription de son action ne peut lui être opposée aux motifs qu’elle n’a eu connaissance des faits lui permettant d’exercer son droit que suite à la prise d’acte de la rupture du contrat à durée indéterminée en février 2017, et, à supposer qu’elle en aurait eu connaissance dès le 7 janvier 2015, elle s’est trouvée dans l’impossibilité d’agir compte tenu de la situation de violence à laquelle elle a été confrontée commise par M. [U], auteur également de pression morale en la harcelant par messages électroniques, ne se trouvant libérée de cette contrainte qu’à compter de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail.

La SARL Optique Lyre soulève la prescription de l’action en application de l’article L.1471-1 du code du travail, s’opposant au moyen tiré de l’impossibilité soulevé par Mme [G] [F] aux motifs que l’article 2234 du code civil, qui doit être interprété strictement, ne vise pas la circonstance de violence et qu’en tout état de cause, Mme [G] [F] ne se trouvait plus sous l’influence de M. [U] depuis le mois de septembre 2016 comme étant en arrêt maladie et ayant quitté le domicile commun.

Selon l’article L.1471-1 du code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

L’article 2234 du code civil dispose que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.

S’il est établi que Mme [G] [F] a été victime de faits de violence commis par M. [U] au cours de leur vie conjugale, ces faits ayant été commis les 10 avril 2016 et 23 septembre 2016, ainsi que cela résulte des condamnations prononcées par le tribunal correctionnel d’Evreux les 14 juin 2017 pour les faits du 10 avril 2016 et 7 juin 2021 pour ceux commis entre les 23 et 24 septembre 2016, suite à ces derniers faits, il a été mis un terme à la vie commune et la salariée, en arrêt maladie depuis le 26 septembre 2016, a pris acte de la rupture du contrat de travail le 24 février 2017. Ainsi, les liens tant personnels que professionnels ont été rompus.

Dès lors, la salariée ne se trouvait pas sous une éventuelle emprise de son employeur, présentant les caractéristiques de la force majeure, comme étant imprévisible, irrésistible et extérieur aux personnes concernées, de nature à l’empêcher d’agir pour faire reconnaître ses droits.

D’ailleurs, la cour observe que Mme [G] [F] a déposé plainte contre son conjoint dès lors qu’il a adopté des comportements violents à son égard, ce qui tend à contredire tout empêchement d’agir.

Aussi, alors qu’en l’absence de contrat écrit, le point de départ de la prescription de la requalification du contrat de travail à durée déterminée se situe dès sa conclusion, soit en l’espèce, le 7 janvier 2015, en saisissant le conseil de prud’hommes le 29 mai 2018, la demande en requalification, avec toutes conséquences de droit, est irrecevable comme prescrite.

La cour infirme dès lors le jugement entrepris ayant rejeté le moyen tiré de la prescription, ayant requalifié le contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, ayant alloué une indemnité de requalification et ayant requalifié la rupture du contrat de travail à durée déterminée en licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes conséquences financières au titre de la rupture du contrat de travail.

Sur les demandes au titre du contrat à durée indéterminée

I – demandes au titre de l’exécution du contrat de travail

A – heures supplémentaires

Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte des articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Mme [G] [F] expose, qu’afin de pallier le départ de M. [T] qui avait démissionné, en plus de ses heures habituelles, avoir travaillé du 4 juillet 2016 au 31 août 2016, les mercredis après-midi de 13h00 à 18h30 et du 4 juillet 2016 au 10 septembre 2016, les samedis de 9h30 à 19h30, en bénéficiant d’une pause déjeuner de trente minutes, accomplissant ainsi des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées.

Alors qu’il n’est pas discuté qu’un salarié a quitté l’entreprise sur la période considérée, la salariée apporte ainsi des éléments suffisamment précis mettant l’employeur en mesure d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La SARL Optique Lyre, qui indique avoir opéré une régularisation sur le bulletin de paie de novembre 2016 en faisant apparaître une prise de 6 jours de congés payés du 4 au 10 juillet 2016, explique que Mme [G] [F] n’a jamais été seule au cours de la période du 4 juillet au 10 septembre 2016 après la démission de M. [T], qu’elle n’avait aucune qualification particulière pour travailler en magasin pour la vente de lunettes et que les pièces de la salariée sont contradictoires avec ses affirmations.

Les parties s’opposent sur la nature du déplacement dans le Var du 4 au 10 juillet 2016 concernant Mme [G] [F], celle-ci évoquant un déplacement professionnel, ce que conteste la SARL Optique Lyre qui explique que Mme [G] [F] était en congés, ainsi que cela résulte du bulletin de paie pour le mois d’octobre mentionnant cette période comme congés payés.

S’il est incontestable que Mme [G] [F] a accompagné M. [U], gérant de la SARL Optique Lyre dans son déplacement professionnel dans le Var du 4 au 10 juillet 2016, dès lors qu’il n’est pas justifié que la salariée avait régulièrement posé des congés en amont de ce déplacement, la régularisation ayant été faite postérieurement à l’initiative de l’employeur à la suite des réclamations portées par la salariée et qu’il n’est pas discuté que le déplacement en cause avait un objectif professionnel comme en atteste la facturation pour l’entreprise des frais d’hébergement en hôtel, il ne peut être retenu que Mme [G] [F] était effectivement en congé la semaine en cause.

Pour les autres arguments de l’employeur qui tendent seulement à remettre en cause les éléments apportés par la salariée, sans apporter ses propres éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par celle-ci alors qu’il assure le contrôle des heures de travail effectuées, qu’il n’est pas démenti que M. [T] a démissionné en juin 2016, sans qu’il soit justifié de son remplacement, l’employeur n’ayant pas déféré à la sommation de communiquer le registre du personnel signifiée le 24 février 2020, que l’argument selon lequel la salariée ne disposait pas des compétences pour vendre des lunettes, alors qu’elle avait été engagée en contrat de travail à durée déterminée du 7 janvier 2015 au 3 avril 2015 comme vendeuse, ainsi que cela résulte du certificat de travail alors établi par l’employeur est inopérant, que la salariée a écrit à l’employeur qu’il lui a demandé de travailler les samedis à compter du 16 juillet 2016, alors que sa réclamation porte également sur le samedi 9 juillet, au vu des éléments développés de part et d’autre par les parties, la cour a la conviction que Mme [G] [F] a accompli des heures supplémentaires non rémunérées pour un montant de 2 894,93 euros.

Par arrêt infirmatif, la SARL Optique Lyre est condamnée au paiement de cette somme et aux congés payés afférents.

B – rappel au titre de l’indemnité de congés payés

Pour les motifs sus développés, c’est à tort que l’employeur a défalqué sur le salaire d’octobre 2016 des congés payés du 4 au 10 juillet 2016, de sorte que la cour confirme le jugement entrepris ayant condamné la SARL Optique Lyre à payer la somme de 618,78 euros à ce titre.

C – rappel pour retenue injustifiée

Mme [G] [F] sollicite la condamnation de la SARL Optique Lyre à lui payer la somme de 3 000 euros au titre d’une retenue injustifiée effectuée en février 2017 lors de la rupture du contrat de travail, cette somme qui lui a été payée le 15 octobre 2015 venant en remboursement partiel de deux chèques qu’elle avait faits pour la société les 13 et 18 août 2014.

La SARL Optique Lyre fait valoir que cette retenue de 3 000 euros a été réalisée en remboursement d’un prêt consenti à Mme [F] pour l’achat d’un véhicule le 15 octobre 2015 et que si elle a effectivement encaissé un chèque de 3 000 euros en août 2014, cette somme a été intégralement remboursée le 25 août 2014.

Mme [G] [F] justifie avoir établi un chèque de 3 000 euros le 13 août 2014 au bénéfice de [P] [U] opticien et le 18 juillet 2014 de 10 962,31 euros au profit d’Optique Lyre.

Pour justifier du remboursement de 3 000 euros au profit de Mme [G] [F], la SARL Optique Lyre verse au débat un relevé d’opérations bancaires du compte ouvert auprès de Bred Banque populaire mentionnant une opération de retrait d’espèces par chèque d’un montant de 3 000 euros le 25 août 2014, étant établi que Mme [G] [F] disposait d’une procuration sur ce compte depuis août 2015.

Alors qu’il incombe à la partie qui se prétend libérée d’une obligation d’en apporter la preuve, ce seul élément consistant en un retrait en espèces, même pour une valeur correspondant au chèque émis par Mme [G] [F] en faveur de la SARL Optique Lyre, est insuffisant pour établir qu’il était destiné au remboursement du chèque remis le 13 août 2014, sans de plus amples éléments justifiant que Mme [G] [F] a été destinataire de cette somme.

Aussi, alors que par ailleurs, il n’est pas établi que le chèque émis le 15 octobre 2015 avait pour objet un prêt consenti à Mme [G] [F], la retenue opérée en février 2017 n’était pas justifiée, de sorte que la cour confirme le jugement entrepris ayant condamné l’employeur au paiement de cette somme.

D – maintien du salaire et indemnités de prévoyance

Compte tenu de ce qu’elle a été en arrêt maladie du 26 septembre 2016 jusqu’à la prise d’acte de la rupture, Mme [G] [F] soutient n’avoir pas perçu le maintien de salaire, alors qu’en application de la convention collective, il est prévu en cas de maladie le versement d’une indemnité complémentaire après un an de présence permettant le maintien pendant un mois à hauteur de 100 %, pendant un demi mois à hauteur de 75 %, puis de 66 % encore pendant un demi-mois, de sorte qu’il lui est dû la somme nette de 941,76 euros, déduction faite des indemnités de sécurité sociale perçues.

Elle sollicite également la somme de 478,55 euros nets au titre des indemnités de prévoyance qu’elle aurait dues percevoir conformément à l’article 5.3 de l’accord du 11 juin 2011 relatif à la prévoyance obligatoire des salariés non cadre à l’expiration des obligations conventionnelles de maintien de salaire définies à l’article 37 de la convention collective.

La SARL Optique Lyre s’y oppose en faisant valoir que la salariée ne rapporte aucune preuve de la perception par l’employeur des indemnités de prévoyance.

Alors que la salariée tient ses droits des dispositions conventionnelles, elle n’a pas à justifier de la perception par l’employeur des indemnités versées par l’organisme de prévoyance.

L’examen des bulletins de paie depuis septembre 2016 jusqu’à la rupture du contrat de travail montre que Mme [G] [F] n’a perçu de sommes ni au titre du maintien de salaire, ni au titre de la prévoyance.

Or, selon l’article 37 de la convention collective dans sa version alors applicable, en cas de maladie dûment constatée par un certificat médical et contre-visite s’il y a lieu, les ouvriers et employés bénéficieront lorsqu’ils toucheront des indemnités journalières au titre des assurances sociales et éventuellement de tout autre régime obligatoire ou facultatif dans l’entreprise, d’une indemnité complémentaire calculée de façon qu’ils reçoivent, à compter du 4e jour :

Après 1 an de présence :

– pendant 1 mois 100 % de leurs appointements ;

– pendant 1/2 mois 75 % de leurs appointements ;

– pendant 1/2 mois 66 % de leurs appointements.

Aussi, la salariée est fondée à solliciter la condamnation de l’employeur au paiement de la somme de 941,76 euros nets suivant un calcul précis et conforme aux dispositions conventionnelles établi par la salariée et non utilement critiqué par l’employeur, la cour confirmant sur ce point le jugement entrepris.

Dès lors que l’article 5.3 de l’accord du 11 juin 2011 relatif à la prévoyance obligatoire des salariés non cadre dispose qu’à l’expiration des obligations conventionnelles de maintien de salaire telles que définies par l’article 37 précité, le salarié bénéficie de prestations d’un montant égal à 70 % du salaire de référence après déduction des indemnités versées par la sécurité sociale, pour les mêmes motifs que précédemment, la cour confirme le jugement entrepris ayant alloué à ce titre la somme de 478,35 euros bruts jusqu’à la date de rupture du contrat de travail au 24 février 2017, pas davantage critiquée de manière opérante.

II – demandes au titre de la rupture du contrat de travail

La prise d’acte est un mode de rupture du contrat par lequel le salarié met un terme à son contrat en se fondant sur des manquements qu’il impute à l’employeur.

Il convient d’apprécier les griefs reprochés par le salarié et de s’assurer qu’ils sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail et ainsi, qualifier la rupture de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A défaut, la prise d’acte s’analyse en une démission.

C’est au salarié qu’il incombe d’établir les faits allégués à l’encontre de l’employeur qu’ils soient mentionnés dans l’écrit ou invoqués au soutien de ses prétentions.

En l’espèce, aux termes de la lettre prenant acte de la rupture du contrat de travail du 24 février 2017, Mme [G] [F] invoque les griefs suivants :

-le comportement agressif et les violences commises sur elle,

-le harcèlement moral et les pressions qu’elle subit et qui influencent son état psychique et son bien-être au travail,

-le non-respect des engagements contractuels en refusant de lui régler les heures supplémentaires accomplies malgré ses demandes réiétérées.

Il résulte des éléments qui précèdent que le grief tenant au non paiement des heures supplémentaires est établi pour la période allant de juillet à septembre 2016.

Mme [G] [F], qui entretenait une relation intime avec M. [U], gérant de la SARL Optique Lyre, le couple vivant ensemble depuis 2013, explique que leur relation a commencé à se dégrader à compter d’avril 2015, que son conjoint s’est rendu coupable d’actes de violences graves à son encontre au sein de leur domicile les 25 décembre 2015, 10 avril 2016 et 23 septembre 2016, faits pour lesquels il a été condamné par le tribunal correctionnel d’Evreux par jugement du 14 juin 2017 pour les faits du 10 avril 2016 et par jugement du 7 juin 2021 pour ceux commis entre les 23 et 24 septembre 2016, qu’elle a été mise en arrêt maladie à compter du 26 septembre 2016 compte tenu des faits de violence mais aussi les actes de dénigrement portant atteinte à sa dignité, de sorte qu’elle a mis un terme à leur vie commune et a déménagé avec ses deux filles, que dans ces conditions, dès lors qu’elle était assistante de direction, peu important que les actes de violence aient été commis en dehors du lieu de travail, elle ne pouvait plus exercer son activité professionnelle sa sécurité n’étant plus assurée par son employeur.

A l’appui de ses allégations, Mme [G] [F] verse au débat la main courante du 26 décembre 2015, les jugements condamnant M. [U] pour les faits commis les 10 avril 2016 et 23 septembre 2016, ses arrêts maladie des 11 avril au 15 mai 2016 et à compter du 26 septembre 2016, le mail écrit par M. [U] le 24 septembre 2016 dans lequel il admet avoir un problème avec l’alcool, qu’il ne doit plus boire car cela le rend fou, sollicitant de l’aide, reconnaissant faire ainsi du mal à sa femme.

Aussi, même si ces faits ne sont pas constitutifs de harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail commis au temps et sur le lieu du travail, lequel ne peut pas davantage résulter de reproches que lui adressent son employeur dans le cadre de la présente procédure et si les événements tirés de la vie privée ne doivent pas d’une manière générale être pris en compte pour apprécier de la rupture du contrat de travail, néanmoins, dès lors que ceux-ci ont une nécessaire incidence sur l’exécution du contrat de travail et sont susceptibles de causer un trouble objectif dans la poursuite des relations contractuelles, comme en l’espèce, les faits répétés de violence ayant été commis par le gérant de la société employeur, au préjudice de sa conjointe, mais aussi, assistante de direction, se trouvant à ce titre en contact direct et permanent avec le gérant, au surplus dans une entreprise de petite taille, comme n’ayant que deux salariés au moment de la rupture du contrat de travail ainsi qu’indiqué dans l’attestation Pôle emploi, la poursuite du contrat de travail ne pouvait être envisagée sans causer un trouble objectif pour l’entreprise consistant en la crainte de la survenance de nouveaux incidents dès lors que les faits de violence étaient commis par le gérant à plusieurs reprises.

Aussi, pour ce seul motif, sans qu’il soit nécessaire de répondre dans le détail aux arguments des parties, la cour confirme le jugement entrepris ayant requalifié la prise d’acte de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Non discutées dans leur principe et leur montant, même à titre subsidiaire, les indemnités allouées au titre de l’irrégularité de la procédure, de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et indemnité légale de licenciement sont confirmées.

Mme [G] [F] sollicite que la SARL Optique Lyre soit condamnée à lui payer la somme de 32 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de l’ancienneté de 20 mois au moment de la rupture du contrat de travail, d’un salaire moyen mensuel de 2 841,18 euros, les mois complets, de ce qu’en application des dispositions de l’article L.1235-5 du code du travail dans sa version applicable au litige, la salariée doit être indemnisée du préjudice subi, de ce qu’elle ne produit aucune pièce permettant de connaître l’évolution de sa situation professionnelle après la rupture du contrat de travail, la cour lui alloue la somme de 4 500 euros à titre de dommages et intérêts, infirmant ainsi le jugement entrepris.

L’arrêt étant exécutoire même en cas de pourvoi, la demande d’exécution provisoire est sans objet.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie principalement succombante, la SARL Optique Lyre est condamnée aux entiers dépens, déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à Mme [G] [F] la somme de 1 500 euros en cause d’appel, en sus de la somme allouée en première instance pour les frais générés par l’instance et non compris dans les dépens en considération de la situation économique respective des parties.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a requalifié le contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée avec toutes conséquences au titre de l’indemnité de requalification, et de la rupture du contrat de travail requalifié, en ce qu’il a statué sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour la rupture du contrat à durée indéterminée ;

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée avec toutes conséquences de droit comme prescrite ;

Condamne la SARL Optique Lyre à payer à Mme [G] [F] les sommes suivantes :

rappel de salaire au titre des

heures supplémentaires : 2 894,93 euros

congés payés afférents : 289,49 euros

dommages et intérêts pour licenciement

sans cause réelle et sérieuse : 4 500,00 euros

Y ajoutant,

Dit sans objet la demande visant au prononcé de l’exécution provisoire du présent arrêt ;

Condamne la SARL Optique Lyre à payer à Mme [G] [F] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel ;

Déboute la SARL Optique Lyre de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile en appel ;

Condamne la SARL Optique Lyre aux entiers dépens de première d’instance et d’appel.

La greffièreLa présidente

 


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