Retenues sur salaire : 23 juin 2022 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/00051

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Retenues sur salaire : 23 juin 2022 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/00051

ORDONNANCE

du 23 Juin 2022

A l’audience publique des référés tenue le 12 Mai 2022 par Mme BERTOUX, Président de chambre délégué par ordonnance de Mme la Première Présidente de la Cour d’Appel d’AMIENS en date du 13 décembre 2021,

Assistée de Madame PILVOIX, Greffier.

Dans la cause enregistrée sous le N° RG 22/00051 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IM2K du rôle général.

ENTRE :

S.A.S. VPS

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Assignant en référé suivant exploit de la SELARL HARDY-BOSSE, PICY-MACQUIN, Huissier de Justice, en date du 29 Mars 2022, d’un jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de COMPIÈGNE le 31 Janvier 2022.

Représentée, concluant par la SCP LUSSON CATILLION, avocat postulant au barreau d’Amiens et plaidant par Maître MONIN, avocat au barreau de Versailles.

ET :

Madame [S] [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]

DÉFENDERESSE au référé.

Représentée, concluant et plaidant par Maître DECOCQ de la SELARL XY AVOCATS, avocat au barreau de Compiègne.

Madame la Présidente après avoir constaté qu’il s’était écoulé un temps suffisant depuis l’assignation pour que la partie assignée puisse se défendre.

Après avoir entendu :

– en ses assignation et plaidoirie : Maître MONIN, conseil de la SAS VPS,

– en ses conclusions et plaidoirie : Maître DECOCQ, conseil de Mme [I].

L’affaire a été mise en délibéré au 23 Juin 2022 pour rendre l’ordonnance par mise à disposition au Greffe de la copie.

Mme [S] [I] a été embauchée par la société VPS « Vêtements Protection Sécurité » en qualité d’assistance commerciale au niveau 4 échelon 1 de la convention collective de l’habillement industrie.

Par courrier recommandé, Mme [I] a été convoquée à un entretien préalable devant se tenir le 25 mars 2021.

Mme [I] a été licenciée pour faute grave le 3 avril 2021.

Saisi par Mme [I], par acte d’huissier en date du 3 juin 2021, d’une demande tendant à voir requalifier son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, le conseil de prud’homme de Compiègne, par jugement rendu le 31 janvier 2022, a :

– dit que le licenciement de Mme [I] était abusif ;

– condamné la SAS VPS à payer à Mme [I] les sommes de :

– 20 000 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 6 611,90 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 661,19 € bruts de congés payés sur préavis ;

– 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et licenciement vexatoire ;

– 2 528,65 € au titre de la retenue sur salaire injustifiée et de nature à constituer une sanction pécuniaire prohibée ;

– condamné la SAS VPS à la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit que les sommes porteraient intérêts au taux légal à compter du jugement ;

– ordonné l’exécution provisoire sur la totalité du jugement ;

– ordonné la remise des documents de fin de contrat conformes au jugement sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 31ème jour suivant la notification ;

– ordonné le remboursement aux organismes intéressés des indemnités pôle emploi versées à Mme [I] dans la limite de six mois d’indemnités conformément à l’article L 1235-4 du code du travail ;

– débouté Mme [I] des autres demandes ;

– débouté la SAS VPS de sa demande reconventionnelle ;

– condamné la SAS VPS aux entiers dépens.

La SAS VPS a relevé appel de ce jugement par déclaration d’appel en date du 25 février 2022.

Par acte d’huissier du 29 mars 2022, actualisé par conclusions du 10 mai 2022, la SAS VPS a fait assigner Mme [I] devant Mme la première présidente de la cour d’appel d’Amiens, au visa des articles R. 1454-14 et R. 1454-28 du code du travail et 514-3 et 517-1 du code de procédure civile aux fins de :

– la voir déclarer recevable et bien fondée en sa demande ;

– y faisant droit, arrêter l’exécution provisoire de la totalité du jugement rendu le 31 janvier 2022 par le conseil de prud’hommes de Compiègne ;

condamner Mme [I] à lui payer la somme de 1 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

– il existe des moyens sérieux de réformation ou d’annulation de la décision dont appel dans la mesure où :

– c’est à tort que le conseil de prud’hommes a dit que le licenciement était abusif ;

– la salariée avait unilatéralement et délibérément décidé de modifier la méthode de calcul de sa prime alors que cette méthode était déterminée contractuellement, ce qui caractérisait une faute grave ;

– le conseil des prud’hommes a omis de statuer sur cet élément déterminant et démontré par l’employeur ; le licenciement étant justifié, le jugement sera infirmé par la cour d’appel ;

– le conseil de prud’hommes a procédé à des condamnations forfaitaires alors que la salariée n’a démontré ni la réalité, ni l’étendue d’un quelconque préjudice ; le préjudice n’est plus automatique;

– l’exécution de la décision aurait des conséquences manifestement excessives dans la mesure où :

– les disponibilités de l’entreprise s’élèvent à peine à 24 283 € ;

– l’exécution de la décision conduirait nécessairement à déclarer la cessation des paiements ;

– elle est toujours en plan de redressement, dès lors, une cessation des paiements entrainerait de droit la liquidation judiciaire .

Par conclusions en réponse du 5 mai 2022, Mme [I] demande à Mme la première présidente de bien vouloir :

– constater l’absence de moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision attaquée ainsi que l’absence totale de conséquences manifestement excessives en cas d’exécution provisoire de la décision par la société VPS et en conséquence débouter la société VPS de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

– condamner la société VPS à payer à Mme [I] la somme de 6 000 € à titre de dommages et intérêts compte tenu notamment du caractère dilatoire et de sa profonde mauvaise foi dans le cadre de la saisine du premier président de céans ;

– condamner la société VPS à payer à Mme [I] une somme de 2 500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Au titre de ses prétentions, elle fait valoir que :

– il n’existe pas de moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision attaquée dans la mesure où

– aucun élément probant ne démontre que les documents portés devant le conseil de prud’hommes auraient été sciemment et délibérément falsifiés ;

– aucune nouvelle pièce, aucun élément sérieux nouveau n’est produit par la société VPS en cause d’appel ;

– les conclusions sont identiques entre la première instance et l’appel ;

– le montant des dommages et intérêts à hauteur de 20 000 € n’est pas excessif au regard de son ancienneté (14 ans) ;

– les conséquences manifestement excessives ne sont pas démontrées dans la mesure où :

– aucun élément n’est versé aux débats permettant de démontrer que la situation financière de la société ne s’est pas améliorée en 2022, le montant des disponibilités le plus récent datant du 30 juin 2021 ;

– la société réalise un bénéfice de 23 049 € après avoir passé une dotation exceptionnelle en provision d’un montant de 77 528 € désigné comme un litige « prud’hommes » ;

– il s’agit du litige l’opposant à la société VPS ;

– la société VPS est une filiale de la société Vitalpro International dont les disponibilités s’élèvent à 221 423 € au 28 juillet 2020 ;

– au vu des liens unissant les deux sociétés, tout est fait pour organiser l’insolvabilité de la société VPS.

En réponse aux conclusions de Mme [I] du 05 mai 2022, la SAS VPS, dans ses conclusions remises le 10 mai 2022, réplique que :

– les arguments de Mme [I] sont inopérants dans la mesure où :

– les conclusions versées en cause d’appel ne sont nullement identiques aux conclusions de première instance puisque ces dernières ont pour objet de critiquer ledit jugement ;

– elle n’a jamais prétendu que la salariée avait falsifié des documents ;

– ainsi, la faute reprochée à la salariée est de n’avoir pas respecté les termes de son contrat de travail aux fins de s’enrichir au détriment de l’entreprise ;

– elle justifie intégralement sa contestation en appel sur le quantum des condamnations ;

– elle a démontré que le licenciement était justifié ;

– depuis la réforme de 2017, la somme des différentes indemnités perçues ne peut plus dépasser le plafond maximum prévu pour l’indemnité versée en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– la société Vital Pro et elle sont deux structures différentes.

À l’audience du 12 mai 2022, la SAS VPS était représentée par Me Monin et Mme [I] était représentée par Me Decocq.

Me Monin a indiqué que la société a une trésorerie en difficulté et a sollicité la suspension sur les dommages-intérêts.

Il a fait valoir que la salariée a « triché » sur le calcul des commissions ce qui a abouti à un licenciement pour faute et a estimé avoir de grandes chances de réformation.

Me Decocq a indiqué avoir déposé une requête en radiation sur le fond pour défaut d’exécution. Il a souligné que l’assignation portait sur la suspension de l’exécution sur la totalité.

Le conseil a considéré que la situation financière de la société n’est pas si catastrophique et que la maison mère pourrait prêter de l’argent pour régler ses dettes. Il a soulevé l’absence de production de pièces comptables et sollicité le débouté de la société ainsi que 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’affaire a été mise en délibéré au 23 juin 2022.

SUR CE,

En application de l’article 517-1 du code de procédure civile, lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d’appel, que par le premier président si elle est interdite par la loi, ou lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

Sur le risque de conséquences manifestement excessives,

Il incombe à la partie qui demande la suspension de l’exécution provisoire d’établir les conséquences manifestement excessives qu’elle risque d’entraîner.

Le risque de conséquences manifestement excessives suppose un préjudice irréparable et une situation irréversible en cas d’infirmation.

La société VPS fait valoir qu’elle a des difficultés de trésorerie et affirme que le règlement immédiat des sommes auxquelles elle a été condamnée provoquerait un état de cessation des paiements et l’ouverture d’une liquidation judiciaire.

Mme [I] soutient quant à elle qu’aucun élément ne démontre que l’exécution de la décision aurait des conséquences manifestement excessives pour la société VPS.

Il n’est pas contesté par les parties que la SAS VPS a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire par jugement du 28 septembre 2011, modifiée par jugement du 9 décembre 2020 (pièces n°4 et 5 de la demanderesse).

La SAS VPS produit au débat les bilans comptables des années 2020 et 2021.

Le compte de résultat s’agissant de l’exercice clos le 30 juin 2020 fait apparaitre un chiffre d’affaires net de 782 616 € ainsi qu’un résultat net de 55 945 € (pièce n°7 de la demanderesse).

Le compte de résultat s’agissant de l’exercice clos le 30 juin 2021 fait quant à lui apparaitre un chiffre d’affaires net de 680 221 € ainsi qu’un bénéfice de 23 049 € (pièce n°8 de la demanderesse).

La société verse également au débat son relevé de compte au 29 avril 2022, affichant un solde créditeur de 8 203, 98 € (pièce n°9 de la demanderesse).

En outre, selon la SAS VPS, l’activité a été reprise par la société Vital Pro avec autorisation du tribunal, le 23 octobre 2019.

À cet égard, les comptes annuels de la société Vital Pro sur l’exercice clos du 31 décembre 2019 font apparaitre un résultat bénéficiaire (pièce n°12 de la défenderesse) tandis que la société VPS se prévaut d’un solde débiteur de 51 146, 41 € s’agissant du relevé de compte de la société Vital Pro au 29 avril 2022 (pièce n°11 de la demanderesse).

Force est de constater, toutefois, que la demanderesse ne verse aucun bilan comptable récent permettant d’évaluer la situation financière actuelle de ladite société.

Il doit également être relevé que dans le compte de résultat relatif à l’exercice clos le 30 juin 2021 une somme d’un montant de 77.528 € intitulée « provision litige » est mentionnée, elle figure à la rubrique des provisions pour risques du passif du bilan. Il s’en déduit que le litige prud’homal opposant la SAS VPS à Mme [I] et le risque de condamnation a été provisionné.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la SAS VPS échoue donc à démontrer que l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Les deux conditions de l’article 517-1 étant cumulatives, il n’est pas nécessaire d’apprécier les moyens sérieux de réformation ou d’annulation de la décision.

En conséquence, il convient de débouter la SAS VPS de sa demande de suspension de l’exécution provisoire dont est assorti le jugement rendu le 31 janvier 2022 par le conseil de prud’homme de Compiègne.

Sur les dépens et frais irrépétibles,

La SAS VPS succombant à l’instance, supportera la charge des entiers dépens.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [I] les frais irrépétibles qu’elle a dû exposer pour les besoins de la présente instance, la SAS VPS doit en conséquence être condamnée à lui verser la somme de 800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement et contradictoirement,

DÉBOUTONS la SAS VPS de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement rendu le 31 janvier 2022 par le conseil de prud’homme de Compiègne. ;

CONDAMNONS la SAS VPS à payer à Mme [S] [I] la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNONS la SAS VPS aux entiers dépens.

A l’audience du 23 Juin 2022, l’ordonnance a été rendue par mise à disposition au Greffe et la minute a été signée par Mme BERTOUX, Présidente et Mme PILVOIX, Greffier.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

 


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