ARRET
N°
[R]
FÉDÉRATION NATIONALE DES TRAVAILLEURS DU VERRE ET DE LA CÉRAMIQUE CGT
C/
S.A.S.U. SAGA DECOR
copie exécutoire
le 22/03/2023
à
Me KRIVINE
Me LAMBERTI
EG/IL/SF
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 22 MARS 2023
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N° RG 21/05798 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IJOH
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE CREIL DU 19 NOVEMBRE 2021 (référence dossier N° RG 20/00136)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTES
Madame [T] [R] épouse [N]
née le 25 Juillet 1969 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 1]
FÉDÉRATION NATIONALE DES TRAVAILLEURS DU VERRE ET DE LA CÉRAMIQUE CGT
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentées, concluant et plaidant par Me Judith KRIVINE de la SELARL DELLIEN Associés, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Juliette RENAULT, avocat au barreau de PARIS
ET :
INTIMEE
S.A.S.U. SAGA DECOR
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée, concluant et plaidant par Me Jérôme LAMBERTI de la SELARL BLB ET ASSOCIÉS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Paul REYES, avocat au barreau de PARIS
DEBATS :
A l’audience publique du 25 janvier 2023, devant Mme Eva GIUDICELLI, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :
– Mme Eva GIUDICELLI en son rapport,
– les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.
Mme Eva GIUDICELLI indique que l’arrêt sera prononcé le 22 mars 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Eva GIUDICELLI en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 22 mars 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.
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DECISION :
Mme [R], née le 25 juillet 1969, a été embauchée par la société Saga décor (la société ou l’employeur) par contrat à durée indéterminée à compter du 29 mars 1994 en qualité d’agent de ligne décor.
Au dernier état de la relation contractuelle, elle exerçait les fonctions de conductrice décor.
Son contrat est régi par la convention collective nationale de fabrication mécanique du verre.
La société emploie plus de 10 salariés.
Mme [R] exerçait des mandats de déléguée syndicale et d’élue au CSE.
Par courrier du 28 juillet 2020, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Ne s’estimant pas remplie de ses droits au titre de l’exécution du contrat de travail, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Creil le 17 juillet 2020.
La Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT est intervenue volontairement à l’instance auprès de Mme [R].
Le conseil de prud’hommes de Creil par jugement du 19 novembre 2021 a :
– déclaré recevable la demande d’annulation de l’avertissement du 27 décembre 2018 ;
– débouté Mme [R] de l’ensemble de ses demandes ;
– déclaré recevable la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT en son action ;
– débouté la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT de l’ensemble de ses demandes ;
– condamné in solidum Mme [R] et la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT à verser à la société Saga décor la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné Mme [R] aux dépens.
Par conclusions remises le 14 septembre 2022, Mme [R] et la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT, régulièrement appelantes de ce jugement, demandent à la cour de :
– confirmer le jugement rendu en formation de départage par le conseil de prud’hommes de Creil le 19 novembre 2021 (RG n°20/00136) en ce qu’il a jugé recevable l’action de la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT ;
– infirmer le jugement rendu en formation de départage par le conseil de prud’hommes de Creil le 19 novembre 2021 (RG n°20/00136) en ce qu’il les a déboutées :
– de leur demande tendant à voir condamner la société Sage décor à verser à Mme [R] la somme de 57,54 euros à titre de rappel de salaire au titre du repos entre deux postes dû le 26 avril 2019 ainsi que la somme de 5,75 euros au titre des congés payés afférents ;
– de leur demande tendant à voir juger que cette retenue de salaire avait porté atteinte au droit syndical de Mme [R], avait visé à entraver l’exercice normal de ses mandats et constituait une mesure discriminatoire ;
– de leur demande tendant à voir juger que ces sommes porteraient intérêt au taux légal à compter de l’introduction de l’instance devant le conseil de prud’hommes de Creil ;
– de leur demande tendant à voir condamner la société Saga décor aux dépens, en ce compris les sommes découlant de l’article A 444-32 du code de commerce et qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;
– infirmer le jugement rendu en formation de départage par le conseil de prud’hommes de Creil le 19 novembre 2021 (RG n°20/00136) en ce qu’il a débouté Mme [R] :
– de sa demande tendant à voir condamner la société Saga décor à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait de cette retenue de salaire ;
– de sa demande tendant à voir condamner la société Saga décor à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– infirmer le jugement rendu en formation de départage par le conseil de prud’hommes de Creil le 19 novembre 2021 (RG n°20/00136) en ce qu’il a débouté la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT :
– de sa demande tendant à voir juger que cette retenue de salaire avait porté atteinte à l’intérêt collectif de la profession et à voir condamner la société Saga décor à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre ;
-de sa demande tendant à voir condamner la société Saga décor à lui verser la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
– condamner la société Saga décor à verser à Mme [R] la somme de 57,54 euros à titre de rappel de salaire au titre du repos dû le 26 avril 2019 ainsi que la somme de 5,75 euros au titre des congés payés afférents ;
– juger que cette retenue de salaire a porté atteinte au droit syndical de Mme [R] et a visé à entraver l’exercice normal de ses mandats ;
– juger que cette retenue de salaire constitue une mesure discriminatoire ;
– juger que cette retenue de salaire lui a causé un préjudice moral et qu’elle a porté atteinte à l’intérêt collectif de la profession ;
En conséquence,
– condamner la société Saga décor à verser à Mme [R] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par le caractère discriminatoire de cette retenue de salaire ;
– condamner la société Saga décor à verser à la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif de la profession du fait du caractère discriminatoire de cette retenue de salaire ;
– juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de l’introduction de l’instance ;
– condamner la société Saga décor à verser à Mme [R] au titre de l’article 700 du code de procédure civile :
– la somme de 2 500 euros pour la procédure prud’homale ;
– la somme de 2 500 euros pour la procédure d’appel ;
– condamner la société Saga décor à verser à la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT au titre de l’article 700 du code de procédure civile :
– la somme de 1 000 euros pour la procédure prud’homale ;
– la somme de 1 000 euros pour la procédure d’appel ;
– condamner la société Saga décor aux dépens, en ce compris les sommes découlant de l’article A 444-32 du code de commerce et qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;
– débouter la société Saga décor de l’ensemble de ses demandes.
Par conclusions remises le 16 juin 2022, la société Saga décor demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu en formation de départage par le conseil de prud’hommes de Creil le 19 novembre 2021 (RG n°20/00136) en ce qu’il a débouté :
– Mme [R] et la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT de leur demande tendant à la voir condamner à verser à Mme [R] la somme de 57,54 euros à titre de rappel de salaire au titre du repos entre deux postes dû le 26 avril 2019 ainsi que la somme de 5,75 euros au titre des congés payés afférents ;
– Mme [R] et la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT de leur demande tendant à voir juger que cette retenue de salaire avait porté atteinte au droit syndical de Mme [R], avait visé à entraver l’exercice normal de ses mandats et constituait une mesure discriminatoire ;
– Mme [R] de sa demande tendant à voir la condamner à lui verser la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait de cette retenue de salaire ;
– la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT de sa demande tendant à voir juger que cette retenue de salaire avait porté atteinte à l’intérêt collectif de la profession et à la voir condamner à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre ;
– Mme [R] et la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT de leur demande tendant à voir juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de l’introduction de l’instance devant le Conseil de prud’hommes de Creil ;
– Mme [R] de sa demande tendant à la voir condamner à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT de sa demande tendant à la voir condamner à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Mme [R] et la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT de leur demande tendant à la voir condamnée aux dépens, en ce compris les sommes découlant de l’article A 444-32 du code de commerce et qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;
– confirmer le jugement rendu en formation de départage par le conseil de prud’hommes de Creil le 19 novembre 2021 (RG n°20/00136) en ce qu’il a condamné :
– in solidum Mme [R] et la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT à lui verser la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Mme [R] aux dépens ;
– infirmer le jugement rendu en formation de départage par le conseil de prud’hommes de Creil le 19 novembre 2021 (RG n°20/00136) en ce qu’il a déclaré recevable la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT en son action ;
– débouter Mme [R] et la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.
EXPOSE DES MOTIFS
1/ Sur la recevabilité de l’intervention de la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT
La société Saga décor affirme que l’intervention du syndicat est irrecevable en l’absence d’une discrimination établie et en raison de la nature strictement individuelle de l’affaire.
La Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT répond que s’agissant de faire respecter l’article 4 de l’accord collectif du 31 août 1999 et de faire sanctionner la discrimination et l’entrave dont Mme [R] a été victime, elle justifie d’un intérêt à agir.
En application de l’article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent devant toutes les juridictions, exercer les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.
L’intérêt à agir du syndicat professionnel n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action.
En l’espèce, la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT invoquant l’existence d’une entrave à l’action syndicale par l’employeur, ayant causé un préjudice à l’intérêt collective de la profession, son intervention est recevable.
Le jugement entrepris est donc confirmé de ce chef.
2/ Sur la durée minimale de repos quotidien
Les appelants exposent que, le 25 avril 2019, Mme [R], en sa qualité de déléguée syndicale, s’est rendue à une réunion de la commission nationale paritaire de l’emploi organisée par la Fédération du Verre qui se tenait entre 13h30 et 16h, et que le temps de délégation devant être interprété comme un temps de travail effectif et, par la même, assimilable à un poste au sens de l’article 4 de l’accord du 31 août 1999 relatif à l’aménagement et la réduction du temps de travail, elle disposait d’une durée minimale de repos quotidien de 16 heures conformément à cet accord et devait donc être payée pour l’intégralité de cette durée.
En réponse, la société Saga décor indique que la durée de repos journalier de 16 heures prévue par l’accord du 31 août 1999 s’impose uniquement pour les travailleurs postés entre deux postes de travail compte-tenu de l’objectif de prévention de la pénibilité associée à l’enchainement de deux postes. Elle précise que si le déplacement de la salariée à la commission nationale paritaire de l’emploi doit être considéré comme un temps de travail effectif lui permettant de prétendre à la durée minimale légale de repos quotidien de 11 heures, cette dernière ne pouvait être payée alors qu’elle était en absence injustifiée de 5h à 9h le 26 avril 2019.
Conformément aux dispositions prévues à l’article L.2143-17 alinéa 1 du code du travail, les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l’échéance normale.
Il en résulte que le salarié, disposant d’un mandat syndical, ne saurait être privé, du fait de l’exercice de ses heures de délégation, des salaires et avantages compensant une sujétion particulière de son emploi.
Par ailleurs, l’article L.3131-1 du code du travail, tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d’urgence, dans des conditions déterminées par décret.
L’article L.3131-2 du même code prévoit qu’une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut déroger à la durée minimale de repos quotidien prévue à l’article L. 3131-1, dans des conditions déterminées par décret, notamment pour des activités caractérisées par la nécessité d’assurer une continuité du service ou par des périodes d’intervention fractionnées.
L’article 4 de l’accord du 31 août 1999 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail annexé à la convention collective nationale de fabrication mécanique du verre du 8 juin 1972 prévoit notamment que tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures consécutives, et que les signataires affirment leur volonté de respecter, pour les travailleurs postés, un repos d’une durée de 16 heures entre chaque poste sauf exceptions liées à certains régimes de travail.
En l’espèce, il est constant que Mme [R] exerçait ses tâches habituelles de travail selon un régime posté, et que dans le cadre de ses fonctions syndicales, elle a assisté à une réunion de la commission nationale paritaire de l’emploi fixée le 25 avril 2019 de 13h30 à 16 h.
Tandis que sa prise de poste était prévue le lendemain à 5h, la salariée, se prévalant de la durée minimale de repos journalier de 16h prévue par l’accord du 31 août 1999, s’est présentée à son travail à 9 h.
Or, il ne saurait être remis en cause que la durée minimale de repos journalier de 16h prévue par cet accord constitue un avantage acquis ayant pour finalité de compenser une sujétion particulière de l’emploi habituel de Mme [R].
Ainsi, la salariée ne pouvait être privée de cet avantage en raison de l’exercice de ses heures de délégation qui relèvent d’un temps de travail effectif.
Quand bien même l’article 4 de l’accord du 31 août 1999 a pour finalité de prévenir la pénibilité associée à l’enchainement de deux postes comme le soutient l’employeur, Mme [R] devait bénéficier d’un temps de repos quotidien à l’issue de ses heures de délégation dans les mêmes proportions que si elle s’était trouvée sur son poste de travail.
Considération prise du retour à son domicile à 17h à l’issue de la réunion de la commission nationale paritaire de l’emploi, la salariée bénéficiait d’un temps de repos minimal prenant fin le 26 avril 2019 à 9h.
L’absence de la salariée sur son poste de travail entre 5h et 9h s’en trouvant justifiée, il sera fait droit à sa demande tendant au paiement des heures non rémunérées.
Dès lors, par infirmation du jugement déféré, la société Saga décor est condamnée à payer à Mme [R] la somme de 57,54 euros, outre 5,75 euros de congés payés afférents.
3/ Sur la discrimination et l’entrave syndicale
Mme [R] soutient que la retenue sur salaire du 26 avril 2019, directement liée au fait qu’elle se soit rendue à une réunion de la commission nationale paritaire de l’emploi, avait incontestablement vocation à porter atteinte à l’exercice normal de ses mandats et se trouve donc discriminatoire.
La Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT soutient que le caractère discriminatoire des décisions de l’employeur à l’égard de Mme [R] étant de nature à entraver l’action syndicale dans l’entreprise, l’intérêt collectif de la profession a subi un préjudice.
La société réplique que la règle conventionnelle du repos de 16 heures entre deux postes étant appliquée de la même manière à tous les salariés, qu’ils exercent un mandat syndical ou non, ni Mme [R] ni la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT n’apportent d’élément sur l’existence d’une discrimination, ou du préjudice qu’elles disent avoir subi.
Conformément aux dispositions prévues à l’article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d’horaires de travail, d’évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales ou mutualistes.
L’article L.2141-5 du code du travail interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.
Il résulte de l’article L.1134-1 du même code que lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Par ailleurs, constitue une entrave au sens de l’article L.2146-1 du code du travail, toute action ou abstention intentionnelle de l’employeur ayant pour conséquence de porter atteinte à l’exercice du droit syndical dans l’entreprise.
En l’espèce, la salariée présente à la cour :
– un courriel daté du 25 avril 2019 par lequel elle informe son employeur qu’elle sera présente à son poste de travail le 26 avril 2019 à 9h afin de respecter la durée minimale de repos journalier prévu par l’accord du 31 août 1999 ;
– un courriel de réponse de son employeur daté du 25 avril 2019 lui indiquant que la durée minimale de 16h n’avait pas lieu à s’appliquer à l’issue de la commission nationale paritaire de l’emploi et qu’elle était attendue sur son poste de travail le 26 avril 2019 à 5h ;
– les bulletins de salaire des mois de mai et juin 2019 laissant apparaitre la déduction de la somme totale de 57,54 euros pour absence non-autorisée pour la journée du 26 avril 2019
La cour a précédemment retenu que, compte-tenu de l’exercice de ses heures de délégation considéré comme un temps de travail effectif, Mme [R] ne pouvait être privée de la durée minimale de repos quotidien de 16h à l’issue de la commission nationale paritaire de l’emploi qui s’était tenue le 25 avril 2019.
La salariée présente ainsi des éléments de fait qui, pris dans leur ensemble, sont de nature à laisser supposer l’existence d’une discrimination en présence de laquelle l’employeur se doit d’établir que la décision qui lui est reprochée était étrangère à toute discrimination.
Or, l’employeur justifie de décisions similaires à l’égard de plusieurs salariés postés qui, en raison de l’exercice de leurs heures de délégation ou de leur participation à une formation quelconque, se sont vus informés que le temps consacré en dehors de leur poste de travail habituel était suivi d’une durée minimale de repos journalier de 11 heures.
Si Mme [R] soutient que ces éléments confirment l’existence d’une discrimination à l’égard des représentants de la CGT et que les autres situations évoquées ne sont pas comparables à la sienne, la cour relève pourtant que l’employeur a indistinctement appliqué une durée minimale de repos journalier de 11 heures aux salariés postés amenés à effectuer une activité en dehors de leur poste de travail habituel, qu’ils exercent un mandat syndical ou non.
Aussi, quand bien même l’employeur a fait application de façon erronée d’une durée minimale de repos journalier de 11 heures sans tenir compte d’un avantage dont la salariée ne pouvait être privée en raison de l’exercice de son mandat syndical, les éléments versés aux débats par la société Saga décor permettent d’établir que sa décision était étrangère à toute discrimination qu’elle soit directe ou indirecte.
Par conséquent, le jugement entrepris est confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande en paiement de dommages et intérêts tirée d’une décision discriminatoire prise à son égard.
Concernant la demande indemnitaire de la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT, la cour relève que la décision de l’employeur a pour conséquence de conditionner l’exercice des heures de délégation à la perte d’un avantage acquis pour les salariés postés, de sorte que c’est à raison que le syndicat soutient que cette mesure a pour effet de les dissuader d’exercer leurs mandats.
En refusant volontairement aux représentants syndicaux dans l’exercice de leur mandat le bénéfice d’un avantage acquis compensant une sujétion particulière de leur emploi, l’employeur a entravé l’exercice de ces mandats, causant un préjudice à l’intérêt collectif de la profession qu’il convient d’indemniser.
Dès lors, la société Saga décor est condamnée à payer à la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif de la profession, par infirmation du jugement déféré.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le sens du présent arrêt conduit à infirmer la décision déférée en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.
Il convient de condamner la société Saga décor, tenue aux entiers dépens, à payer à Mme [R] et à la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT la somme de 1 250 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du 19 novembre 2021 en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a déclaré recevable la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT en son intervention, et débouté Mme [R] de sa demande tendant à l’octroi de dommages et intérêts pour une discrimination fondée sur ses activités syndicales,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Saga décor à payer à Mme [R] la somme de 57,54 euros, outre 5,75 euros de congés payés afférents, à titre de rappel de salaire,
Condamne la société Saga décor à payer à la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique la somme de 1 500 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif de la profession,
Condamne la société Saga décor à payer à Mme [R] et à la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique la somme de 1 250 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette le surplus des demandes,
Condamne la société Saga décor aux dépens.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.