Retenues sur salaire : 22 juin 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 19/01728

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Retenues sur salaire : 22 juin 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 19/01728

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80H

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 JUIN 2022

N° RG 19/01728

N° Portalis DBV3-V-B7D-TDQY

AFFAIRE :

Société YEGO

C/

[J] [G]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Mars 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Nanterre

N° Section : Commerce

N° RG : 17/01213

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

– Me Nathalie NAVON SOUSSAN

– Me Ariane VENNIN

Copie numérique certifiée conforme délivrée à :

– Pôle emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant fixé au 26 janvier 2022 prorogé au 02 mars 2022 prorogé au 06 avril 2022 prorogé au 18 mai 2022 prorogé au 15 juin 2022 prorogé au 22 juin 2022 les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Société YEGO

N° SIRET : 504 131 376

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Nathalie NAVON SOUSSAN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B159

APPELANTE

****************

Monsieur [J] [G]

né le 27 Décembre 1994 à [Localité 5] (Bangladesh), de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Ariane VENNIN de la SELEURL A7 AVOCAT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1186

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 novembre 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,

Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

FAITS ET PROCÉDURE,

A compter du 19 février 2014, Monsieur [J] [G] a été engagé en qualité de livreur par la société à responsabilité limitée Yego, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.

Alors que les parties avaient initialement convenu d’un engagement à temps partiel, elles ont conclu un avenant prévoyant une durée hebdomadaire de travail de 35 heures à compter du 1er juillet 2014.

La relation de travail entre les parties était régie par la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants. La société employait au moins onze salariés.

Par courrier daté du 12 décembre 2016 adressé à la société, le salarié a indiqué prendre acte de la rupture de son contrat de travail, en faisant grief à cette dernière du ‘non-respect des règles d’hygiène et de son obligation de sécurité de résultat’ et du ‘non-respect des obligations inhérentes au contrat de travail’.

Par requête reçue au greffe le 5 mai 2017, Monsieur [J] [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre en sollicitant notamment la requalification de la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’obtenir le paiement de diverses sommes à titre d’indemnités et de rappels de salaires.

Par jugement du 14 mars 2019, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Nanterre, section commerce, a :

– dit que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié constituait une démission ;

– condamné la société à verser au salarié les sommes suivantes :

. 11 722,68 euros à titre de paiement d’heures supplémentaires ;

. 1 172,28 euros au titre des congés payés y afférents ;

. 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté le salarié de l’ensemble de ses autres demandes ;

– débouté la société de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– laissé à chacun la charge de ses dépens.

Par déclaration au greffe du 3 avril 2019, la société Yego a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 2 juillet 2019 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, elle expose notamment que :

– la rupture du contrat de travail de l’intimé ne lui est pas imputable, les manquements qu’il allègue (de prétendues violences de son employeur le 12 novembre 2017, l’absence de rémunération d’heures supplémentaires) n’étant pas établis ;

– l’appelant n’apporte aucun élément au soutien de ses demandes de paiement de primes ou permettant de justifier du préjudice moral, financier et corporel dont il se prévaut ;

– elle justifie de son adhésion à un service de santé au travail et être à jour de ses règlements, de sorte que le salarié n’est pas fondé à lui reprocher de ne pas avoir respecté ‘ses obligations vis à vis de la médecine du travail’ ;

– la déloyauté de l’intimé est avéré, celui-ci ayant en réalité rompu son contrat de travail de façon à recouvrer sa liberté et profiter du système d’indemnisation.

Elle demande donc à la cour de :

– réformer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à verser au salarié les sommes de :

. 11.722,68 euros au titre des heures supplémentaires et des congés payés y afférents ;

. 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– confirmer le jugement pour le surplus ;

– condamner l’intime à lui verser une somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

En réplique, par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 2 juillet 2019 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, Monsieur [J] [G], intimé, soutient en substance que :

– la rupture de son contrat de travail est imputable à la société, au vu de la gravité des manquements de cette dernière (à savoir des violences commises par son gérant et deux membres de sa famille, le défaut d’organisation de la visite médicale d’embauche, le non-respect de son droit au repos hebdomadaire, le défaut de rémunération par moitié des mois de mars à juin 2014 et l’absence de rémunération de nombreuses heures supplémentaires) ;

– il produit de récapitulatifs des heures qu’il a travaillées entre les années 2014 et 2016, ainsi que des témoignages de collègues au soutien de sa demande de paiement d’un rappel de salaires pour heures supplémentaires ;

– il est fondé à obtenir un rappel de salaire pour la période comprise entre les mois de mars à juin 2014, pour lesquels il a travaillé de fait sur une base de 35 heures par semaine alors qu’il était rémunéré sur une base de 75,84 heures de travail par mois ;

– l’employeur a indûment prélevé sur sa paie des sommes correspondant prétendument à des avantages nourriture, alors qu’il n’a jamais bénéficié de tels avantages ;

– le manquement de l’employeur à son droit au repos hebdomadaire a engendré un trouble dans sa vie personnelle et créé des risques pour sa santé et sa sécurité.

Par conséquent, il demande à la cour de :

– débouter la société de l’ensemble de ses demandes ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société à lui verser les sommes de :

. 11 722,68 euros au titre des heures supplémentaires et des congés payés y afférents ;

. 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que sa prise d’actes s’analysait en une démission ;

Statuer à nouveau et :

– juger que sa prise d’acte de la rupture de son contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses autres demandes ;

– condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

. 18 050,30 euros à titre d’indemnité sans cause réelle et sérieuse ;

. 3 610,70 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

. 361,07 au titre des congés payés y afférents ;

. 656,22 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;

. 2 890,67 euros à titre de rappel de salaires relativement au rattrapage d’une partie du salaire de mars à juin 2014 ;

. 289,06 euros au titre des congés payés y afférents ;

. 4 140,32 euros à titre de rappel de salaires relativement au remboursement des avantages nourriture indûment prélevés de 2014 à 2016 ;

. 2 107,88 euros à titre d’indemnité de congés payés ;

. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du droit au repos hebdomadaire ;

– condamner la société à lui remettre une attestation Pôle emploi régularisée sous astreinte de 100 euros à compter de la date de la signification à partie de la décision à intervenir ;

– condamner la société à lui remettre un reçu pour solde de tout compte et un bulletin de paie pour le mois de décembre 2016 régularisés sous astreinte de 100 euros par document à compter de la date de la signification à partie de la décision à intervenir ;

– condamner la société à lui verser 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance d’incident du 15 juin 2020, le magistrat chargé de la mise en état a dit n’y avoir lieu à caducité de la déclaration d’appel, rejeté la demande de l’intimé et condamné ce dernier aux dépens de l’incident ainsi qu’au paiement d’une somme de 500 euros à l’appelante sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 27 octobre 2021.

MOTIFS

Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

L’article L. 3171-2 du code du travail dispose que lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

L’article L. 3171-3 du code du travail prévoit quant à lui que l’employeur tient à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L. 8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié.

Par ailleurs, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En outre, selon l’article L. 3121-22 du code du travail en sa rédaction en vigueur entre le 1er mai 2008 et le 10 août 2016, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l’article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.

En l’espèce, au soutien de ses allégations selon lesquelles il a effectué des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées par la société entre les années 2014 et 2016, le salarié produit :

– un récapitulatif des heures de travail qu’il a accomplies quotidiennement entre le 19 février 2014 et le 12 novembre 2016, lequel mentionne notamment qu’il a, en-dehors du mois de février 2014, accompli davantage d’heures de travail qu’il n’avait été prévu par contrat :180,8 heures au mois d’avril 2014, 195,3 heures au mois de septembre 2014, 199,833 heures au mois de janvier 2015, 192,466 heures au mois d’avril 2016 ;

– un décompte hebdomadaire des heures de travail qu’il indique avoir réalisées entre le 3 mars 2014 et le 1er mai 2016, lequel indique des durées de travail hebdomadaires comprises entre 37 heures et 46 heures 15 ;

– une attestation établie par Monsieur [E] [H], ancien collègue au sein de la société, qui rapporte notamment qu’il a travaillé tous les jours fériés, qu’il a accompli des heures supplémentaires, qu’il ne disposait que d’un repos le dimanche matin, jusqu’au mois de mai 2016 et qu’il n’a jamais pris de congés ;

– une attestation établie par Monsieur [N] [W], ancien collègue au sein de la société, laquelle rejoint en substance l’attestation signée par Monsieur [H].

Il n’y a pas lieu de douter de la crédibilité de ces attestations, l’employeur se bornant à évoquer d’anciens collègues de l’intimé ayant ‘quitté la société avec manifestement beaucoup de rancoeur’, sans fournir davantage d’explication sur ce point.

Les pièces ainsi produites par l’intimé constituent des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies, en ce qu’elles laissent notamment apparaître, sur la base de décomptes quotidien et hebdomadaire, le volume d’heures qu’il indique avoir accompli au-delà des heures de travail contractuellement convenues et pour lesquelles il a été rémunéré. Elles permettent à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En réplique, l’employeur produit :

– des attestations réalisées par trois salariés :Messieurs [A] [C], [D] [W], Md [Z] [P], lesquels indiquent essentiellement leurs horaires de travail ;

– des bulletins de paie remis au salarié à compter du 1er mai 2016, lesquels font mention du paiement d’heures supplémentaires : 17,33 heures entre les mois de mai et septembre 2016, 3,33 au mois de novembre 2016.

Si Monsieur [P] indique que ses horaires sont identiques à ceux des autres livreurs, son attestation est dépourvue de force probante dans la mesure où elle a été établie le 14 septembre 2017, de sorte qu’aucune conclusion ne saurait être tirée s’agissant de la relation de travail entre les parties, laquelle a été rompue antérieurement. Les attestations par ailleurs produites par l’employeur ne se rapportent qu’à la situation individuelle d’autres salariés et n’apportent aucune indication quant aux horaires qui ont pu être effectivement accomplis par l’intimé. Ainsi, de façon générale, ces attestations ne permettent nullement de remettre en cause les éléments produits par ce dernier, et particulier le récapitulatif quotidien et le décompte hebdomadaire auxquels il se réfère.

Par ailleurs, les bulletins de paie produits font uniquement état du paiement d’heures supplémentaires pour la période postérieure au mois de mai 2016 et ne permettent nullement d’établir le paiement d’heures supplémentaires pour la période antérieure.

Au vu de l’ensemble des bulletins de paie du salarié à compter du début de la relation de travail entre les parties, la cour relève en outre, d’une part, qu’aucune heure supplémentaire n’a été payée au salarié avant le mois de mai 2016 et, d’autre part, que l’instauration du paiement d’heures supplémentaires par l’employeur coïncide avec l’envoi d’un courrier daté du 11 mai 2016, par lequel le salarié lui reprochait notamment de ne jamais lui avoir rémunéré ses heures supplémentaires.

En complément, alors que la société ne saurait utilement se prévaloir de l’absence de caractère probant du récapitulatif produit par l’appelant, au vu de sa précision, il convient de relever qu’elle ne produit aucun décompte de la durée du travail accompli par le salarié.

Si la société soutient que le salarié a refusé de signer les feuilles de présence qu’elle lui a soumises, le courrier d’avertissement qu’elle a notifié à ce dernier mentionne qu’il n’a pas signé cette feuille ‘depuis le 2 mai 2016″.

Or, dès lors que l’action du salarié porte sur une période ayant débuté au cours de l’année 2014, l’employeur ne saurait utilement se prévaloir d’un dispositif de suivi qu’il n’apparaît avoir mis en place que le 2 mai 2016 ou pour lequel il n’est en mesure de fournir aucun justificatif pour la période antérieure, dans l’éventualité où le salarié aurait effectivement signé lesdites feuilles de présence avant le 2 mai 2016, le courrier d’avertissement semblant ambigu sur ce point.

En tout état de cause, la circonstance selon laquelle le salarié a refusé de signer ces feuilles, ainsi qu’il le reconnaît, en indiquant qu’elles comportaient des horaires ne correspondant par à la réalité, ne saurait dispenser l’employeur, qui dispose de la faculté de sanctionner les salariés qui se soustraient aux règles applicables dans l’entreprise, de ses obligations en matière de décompte du temps de travail de ses salariés.

Au vu de l’ensemble des éléments produits par le salarié, auxquels l’employeur n’apporte pas d’élément de contradiction suffisamment pertinent, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il lui alloue une somme de 11 722,68 euros bruts à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires non rémunérées, soit 4 397,17 euros pour l’année 2014, 5 386,03 euros pour l’année 2015 et 1 939,48 euros entre le 1er janvier et le 1er mai 2016.

Le jugement sera par ailleurs confirmé en ce qu’il alloue au salarié une somme de 1 172,28 euros bruts au titre des congés payés afférents au rappel de salaires pour heures supplémentaires.

Sur la demande de rappel de salaires relative au rattrapage d’une partie du salaire de mars à juin 2014

Il résulte notamment de l’article L. 3123-1 du code du travail qu’est considéré comme salarié à temps partiel le salarié dont la durée du travail est inférieure à la durée légale du travail.

Par ailleurs, il résulte de l’article L. 3123-14 du code du travail que le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; il en résulte que l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet et il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

En l’espèce, s’agissant de la période pendant laquelle les parties étaient liées par un contrat de travail à temps partiel, la cour relève que le salarié ‘ne désavoue pas sa signature’ telle qu’elle figure sur le contrat de travail initialement signé entre les parties le 19 février 2018.

Au vu de ce contrat et de l’avenant applicable à compter du 1er juillet 2014, il est ainsi établi qu’une durée mensuelle de travail de 75,86 heures avait été convenue entre les parties, avant que le salarié ne passe à temps complet.

Par ailleurs, le récapitulatif des heures de travail accomplies quotidiennement à compter du 19 février 2014, lequel n’est pas contredit par des éléments suffisamment précis, ainsi qu’il a été montré précédemment, démontre qu’il a travaillé plus de 35 heures par semaine à compter du 1er mars 2014.

En tout état de cause, il y a lieu de relever, d’une part, que le contrat du 19 février 2014 versé aux débats par la société ne fait nullement mention de la répartition de la durée du travail du salarié et, d’autre part, que l’employeur n’apporte aucun élément permettant de renverser cette présomption.

Il est ainsi établi que les parties étaient liées par un contrat de travail à temps plein à compter du 19 février 2014, alors que le salarié a été rémunéré sur la base d’un contrat de travail à temps partiel jusqu’au 1er juillet 2014. La cour relève que le salarié ne formule sa demande de rappel de salaire à ce titre que pour la période débutant au 1er mars 2014.

Au vu de la rémunération mensuellement perçue par le salarié entre les mois de mars et juin 2014 (722,76 euros), du montant du salaire mensuel afférent à un travail à temps complet (1 445,42 euros) et dans la mesure où le rappel de salaires pour heures supplémentaires ne porte que sur les heures de travail accomplies au-delà de la durée légale de travail, le salarié sera justement indemnisé par le versement d’une somme de 2 890,64 euros bruts à titre de rappels de salaires pour la période comprise entre les mois de mars et juin 2014, outre une somme de 289,06 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ces chefs.

Sur la demande de rappel de salaires relative au remboursement des avantages nourriture indûment prélevés de 2014 à 2016

Il appartient à l’employeur de prouver le bien-fondé de la retenue sur salaire à laquelle il procède.

En l’espèce, il est constant qu’entre les mois de février 2014 et novembre 2016, à l’exception du mois de novembre 2014, la société a indiqué le paiement mensuel au salarié de sommes comprises entre 28,08 euros et 154,88 euros à titre d’ ‘avantages nourriture au MG’ ou d’ ‘indemnité compensatrice nourriture’ sur les bulletins de paie de ce dernier.

Alors que le salarié soutient qu’il n’a bénéficié d’aucun avantage en contrepartie de ces retenues et verse aux débats une attestation établie par un ancien collègue, Monsieur [E] [H], qui conforte ses allégations, l’appelant ne produit aucun élément permettant de démontrer le fondement des dites retenues.

Par conséquent, le salarié sera dûment indemnisé par le versement d’une somme de 4 410,32 euros bruts à titre de remboursement des avantages nourriture indûment prélevés.

Sur l’indemnité de congés payés

Il appartient à l’employeur, débiteur de l’obligation du paiement de l’intégralité de l’indemnité due au titre des jours de congés payés, qui en conteste le nombre acquis, d’établir qu’il a exécuté son obligation.

En l’espèce, le salarié indique qu’il est fondé à percevoir une indemnité de congés payés d’un montant de 2 107,88 euros, au vu de la rémunération brute qu’il a perçue entre les mois de mai 2015 à juin 2016.

L’employeur, sur qui pèse la charge de la preuve des paiements du salaire ainsi que de l’indemnité compensatrice de congés payés, ne formule aucune observation sur ce point. Il ne met la cour en mesure ni de vérifier que la somme de 2.571,74 euros figurant sur le bulletin de paie du mois de décembre 2016 sous l’intitulé ‘indemnité compensatrice de CP’ a été versée au salarié, ni de déterminer si celle-ci a permis au salarié d’être rempli de ses droits.

L’employeur sera donc condamné à verser à l’intimé une somme de 2 107,88 euros à titre d’indemnité de congés payés.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect du droit au repos hebdomadaire

Selon l’article L. 3132-1 du code du travail, il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine.

Par ailleurs, l’article L. 3132-2 du code du travail dispose que le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien.

En l’espèce, le récapitulatif des horaires de travail accomplies quotidiennement entre le 19 février 2014 et le 12 novembre 2016 produit par le salarié laisse apparaître qu’il a travaillé quotidiennement jusqu’au mois de juillet 2016, en-dehors de quelques jours de repos exceptionnels.

L’employeur, à qui il incombe de prouver que le salarié a bénéficié de son repos hebdomadaire, ne produit aucun élément probant permettant de remettre en cause le récapitulatif produit par le salarié.

Le manquement de l’employeur à son obligation d’assurer au salarié le bénéfice d’un jour repos hebdomadaire ainsi caractérisé a été de nature à causer un préjudice à ce dernier, au vu des conséquences de ce rythme de travail sur sa santé et en ce qui concerne son équilibre entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle.

Le salarié sera donc justement indemnisé par le versement d’une somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le non-respect du droit au repos hebdomadaire.

Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.

Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail

La prise d’acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu’il reproche à son employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail.

En l’espèce, le courrier de prise d’acte de la rupture de son contrat de travail établi par le salarié est rédigé dans les termes suivants :

‘Il m’apparaît clairement que certains de vos agissements à mon égard constituent des manquements graves inhérents à vos obligations d’employeur.

Ces manquements sont les suivants :

– Non-respect des règles d’hygiène et de votre obligation de sécurité de résultat :

o J’ai été victime sur le lieu de travail de violences physiques de votre part ainsi que de la part de deux membres de votre famille, très exactement le samedi 12 novembre 2016. Pour cette raison le docteur [Y] [M] du Centre médico-judiciaire de l’hôpital RAYMOND POINCARE, après avoir constaté plusieurs lésions traumatiques, a conclu à deux jours d’incapacité totale de travail à compter des faits. Ces agissements sont constitutifs d’atteintes à mon intégrité physique, mais aussi morale et psychologique puisque je vis désormais dans la crainte d’une nouvelle agression de votre part (…)

o Vous n’avez jamais organisé la visite médicale d’embauche qui est pourtant obligatoire et prévue dans mon contrat de travail. Je vous ai averti à plusieurs reprises de ce manquement – notamment par plusieurs courriers recommandés avec accusé de réception en date du 11 mai 2016 et du 24 mai 2016 dans lesquels je vous demande régulariser ma situation – mais vous m’avez toujours refusé cette visite médicale (…)

– Non-respect des obligations inhérentes au contrat de travail

o Vous n’avez jamais respecté mon droit au repos hebdomadaire. Mon contrat stipule que ma durée de travail hebdomadaire est de 35 heures, et l’article 21 de la Convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997 prévoit deux jours de repos hebdomadaires obligatoires. Or, depuis que je suis arrivé dans votre entreprise en février 2014, vous ne m’avez jamais autorisé de temps de repos hebdomadaire complet : jusqu’à mars 2016 vous ne me permettiez de me reposer que le dimanche matin, puis à partir de mars 2016 je n’avais que les lundi et mercredi après-midi et le dimanche matin pour me reposer (…)

o Vous avez ne m’avez pas également versé la totalité des salaires dus, et ce à plusieurs

reprises. Notamment, entre le mois de mars et le mois de juin 2014, vous ne m’avez comptabilisé mensuellement que 75,840 heures de travail, alors même qu’au-delà des 35 heures stipulées sur mon contrat de travail je travaillais sept jours sur sept avec comme seul temps de repos le dimanche soir et le lundi matin (…)

o Enfin vous n’avez jamais rémunéré la moindre heure supplémentaire effectuée depuis mes débuts dans votre entreprise, ni indemnisé ou compensé les fours fériés au cours desquels j’ai travaillé (…)

Ces actes, prohibés par le Code du travail, viennent en violation de vos obligations légales et réglementaires, et je considère qu’ils sont constitutifs d’une grave défaillance à vos devoirs à mon égard.

Je me vois placé dans l’impossibilité de poursuivre mon contrat de travail.

Par la présente, je prends acte de la rupture de mon contrat de travail, laquelle me libère de mes

obligations à votre égard et de toute période de préavis.’

Ainsi qu’il a été montré précédemment, les manquements de l’employeur à ses obligations contractuelles sont établis :

– non-respect quasi-systématique du droit au repos hebdomadaire du salarié entre le 19 février 2014 et le mois de juillet 2016 ;

– non-paiement des heures supplémentaires réalisées par le salarié à compter du 1er mars 2014, à hauteur de 11 722,68 euros (outre les congés payés y afférents) ;

– l’absence de versement de la rémunération afférente au travail à temps complet effectué par le salarié entre les mois de mars et juin 2014, à hauteur de 2 890,64 euros (outre les congés payés y afférents) ;

– les retenues indues effectuées mensuellement au titre de prétendus avantages en nature, entre les mois de février 2014 et novembre 2016, à hauteur de 4 410,32 euros.

La gravité de ces manquements résulte tant ce qu’ils se rapportent à un élément déterminant du contrat de travail (à savoir la rémunération du salarié) que de la durée pendant laquelle ils se sont déroulés.

En outre, la cour relève l’ampleur de ces manquements, telle qu’elle résulte des montants précités. Par ailleurs, il convient de souligner que, par sa durée et son caractère systématique, le non-respect du droit au repos hebdomadaire du salarié était de nature à exposer ce dernier à un risque pour sa santé et sa sécurité.

Au surplus, les justificatifs d’adhésion de l’employeur à un service de santé interentreprise au travail ne suffisent pas à démontrer que le salarié a effectivement bénéficié d’un examen médical d’embauche, tel que prévu par les article R. 4624-10 du code du travail en sa rédaction en vigueur entre le 1er juillet 2012 t le 1er janvier 2017.

En tout état de cause, la cour relève que le salarié a, avant de prendre acte de la rupture de son contrat de travail, protesté auprès de son employeur s’agissant de ces manquements, en particulier par courriers datés des 11 et 24 mai 2016.

Ainsi, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner le grief tiré de l’agression alléguée par le salarié, les manquements ainsi établis de l’employeur à ses obligations contractuelle et de sécurité suffisent, par leur gravité, à justifier la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié.

Il convient donc de dire que cette rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Sur les conséquences de la prise d’acte aux torts de l’employeur

Dans la mesure où la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce dernier est fondé à percevoir diverses sommes, compte tenu de son ancienneté de deux ans et neuf mois au service de l’entreprise et de son salaire mensuel moyen de 1.805,03 euros euros bruts au moment de la rupture.

L’intimé, qui n’a pu accomplir le préavis d’une durée de deux mois prévu par l’article L. 1234-1 du code du travail, sera indemnisé par le versement d’une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 3 610,06 euros bruts, outre une somme de 361,01 euros au titre des congés payés y afférents.

En outre, en application des articles L. 1234-9 et R. 1234-1 et suivants du code du travail, il sera dûment indemnisé par le versement d’une somme de 656,22 euros à titre d’indemnité légale de licenciement (dans les limites de sa demande).

Enfin, compte tenu des circonstances de la rupture et de son ancienneté au service de la société, une somme de 10 850 euros sera allouée au salarié à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail en sa rédaction en vigueur entre le 1er mai 2008 et le 24 septembre 2017.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail étant dans le débat, la cour a des éléments suffisants pour fixer à six mois, le montant des indemnités versées à Monsieur [J] [G] que la société devra rembourser en application de l’article L. 1235-4 du code du travail.

Sur les autres demandes

La remise d’un reçu pour solde de tout compte, d’une attestation Pôle emploi et d’un bulletin de paie rectificatifs conformes au présent arrêt s’impose, sans qu’il y ait lieu de prévoir une astreinte.

Il y a lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et d’allouer à ce titre une somme de 1 500 euros au salarié.

La SARL Yego qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire :

INFIRME le jugement rendu le 14 mars 2019 par le conseil de prud’hommes de Nanterre, sauf en ce qu’il condamne la société à responsabilité limitée Yego à verser à Monsieur [J] [G] des sommes de 11 722,68 euros bruts à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires non rémunérées, de 1 172,28euros bruts au titre des congés payés y afférents et de 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

DIT que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de Monsieur [J] [G] produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société à responsabilité limitée Yego à verser à Monsieur [J] [G] les sommes suivantes :

– 2 890,64 euros bruts à titre de rappels de salaires pour la période comprise entre les mois de mars et juin 2014 ;

– 289,06 euros bruts au titre des congés payés afférents aux de rappels de salaires pour la période comprise entre les mois de mars et juin 2014 ;

– 4 410,32 euros bruts à titre de rappels de salaire afférents au remboursement des avantages nourriture indûment prélevés de 2014 à 2016 ;

– 2 107,88 euros bruts à titre d’indemnité de congés payés ;

– 4 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le non-respect du droit au repos hebdomadaire ;

– 3 610,06 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 361,01 euros au titre des congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de préavis ;

– 656,22 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;

– 10 850 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE la remise par la société à responsabilité limitée Yego à Monsieur [J] [G] d’un reçu pour solde de tout compte, d’une attestation Pôle emploi et d’un bulletin de paie rectificatifs conformes au présent arrêt ;

ORDONNE le remboursement par la société à responsabilité limitée Yego à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Monsieur [J] [G] dans la limite de six mois d’indemnités,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la société à responsabilité limitée Yego aux dépens de première instance et d’appel.

– Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,

 


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