RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRÊT DU 22 Juin 2022
(n° , pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 19/05680 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B75FL
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 mars 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de CRETEIL Section encadrement RG n° F14/01404
APPELANT
Monsieur [G] [O]
[Adresse 1]
[Localité 3]
né le 29 septembre 1983 à [Localité 4]
représenté par Me Aïcha OUAHMANE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 335 substitué par Me Jamila SARRAF, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE,
INTIMEE
SAS GIFI MAG
[Adresse 6]
[Localité 2]
N° SIRET : 478 725 625
représentée par Me Barbara WAGER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 375
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Fabienne ROUGE, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Fabienne ROUGE, Présidente de chambre
Madame Anne MENARD, Présidente de chambre
Madame Véronique MARMORAT, Présidente de chambre
Greffier : Mme Juliette JARRY, lors des débats
ARRET :
– Contradictoire
– par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– Signé par Madame Fabienne ROUGE, présidente de dchambre et par Juliette JARRY, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [G] [O] a été engagé par la société GIFI MAG en contrat à durée indéterminée à temps plein à effet au 28 octobre 2009, en qualité de vendeur employé de caisse. La convention collective nationale applicable était celle du commerce de détail non alimentaire L’effectif de la société était supérieure à 50 salariés.
Monsieur [O] s a reçu un avertissement le 6 juin 2013, qu’il a contesté par lettre du 11 juin 2013 tout en se plaignant de chantages, de moyens de pressions et d’une surveillance quotidienne qui seraient exercées par Madame [P] (directrice de l’établissement). Monsieur [O] a déposé une plainte pour harcèlement moral à l’encontre de madame [P] et de monsieur [Z] (responsable magasin) le 11 juin 2013.
La société a convoqué monsieur [O] à un entretien préalable par courrier du 29/01/2014 et fixé le 10/02/2014, avec mise à pied conservatoire. Son licenciement pour faute grave lui a été notifié par un courrier en date du 18/02/2014,énonçant les motifs suivants :
‘ Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 29 janvier 2014 nous vous notifions une mise à pied à titre conservatoire et nous vous convoquions à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave pour le 10 février 2014 auquel vous vous êtes présenté. Compte tenu des faits ci dessus rappelés, nous vous informons par la présente que nous avons pris la décision de vous licencier
Vous avez été engagé le 28 octobre 2009 au sein du magasin de [Localité 5] en qualité de vendeur employé de caisse. En signant votre contrat de travail vous avez intégré une collectivité de travail et vous vous êtes engagé à exécuter vos fonctionsdans le respect de vos obligations professionnelles et en toute bonne foi
Or nous avons constaté que vous n’aviez eu de cesse de vous comporter comme bon vous semblait en violation avec vos obligations contractuelles
Ainsi vous vous êtes absenté du magasin du 21 au 28 janvier 2014 et ce sans daigner prévenir vos responsables de votre absence. Nous vous avons adressé un courrier recommandé avec accusé réception le 24 janvier 2014 par lequel nous vous demandions de justifier de votre absence . Vous n’avez pas répondu à ce courrier
Vous vous êtes ensuite présenté au magasin le 29 janvier 2014 pour reprendre vos fonctions sans saluer personne, sans fournir la moindre explication sur votre période d’absence et sans remettre de documents justifiant celle-ci à vos responsables
Madame [P] a donc pris contact avec le service juridique de la société pour l’informer de votre retour . Madame [B] , responsable du service juridique, vous a donc demandé téléphoniquement la raison de votre absence. Vous lui avez répondu sur un ton péremptoire ‘raison professionnelle ‘ et lorsque madame [B] a réitéré sa question vous lui avez répondu ‘raison personnelle ‘; Madame [B] vous a ensuite demandé si vous pouviez produire un justificatif, ce à quoi vous avez répondu avec intransigeance que vous n’en aviez pas et que vous n’en aviez pas besoin et que nous ne savions pas gérer
Au cours de l’entretien préalable, vous avez expliqué à monsieur [D] responsable de secteur que votre père étant décédé au cameroun le 12 janvier 2014 vous aviez du vous y rendre entre le 18 janvier et le 28 janvier 2014 . Monsieur [D] vous a donc rappelé que toute absence doit être justifiée et que tous les justificatifs d’absence doivent être adressés au service administratif du personnel contemporainement à l’absence . Or non seulement vous n’avez adressé aucun justificatif de votre absence mais au surplus lorsqu’à votre retour il vous a été demandé par plusieurs personnes successives et plusieurs fois la raison de votre absence et la production de vos jsutificatifs, vous avez adopté une attitude insolente et provocatrice en refusant de justifier votre absence
Qui plus est le 17 janvier 2014 lorsque vous avez repris votre posteàl’issue de votre congé individuel de formation vous vous êtes présenté à 10h au lieu de 9h et lorsque monsieur [C] votre responsable vous a fait remarquervotre retard vous n’avez pas daigné vous excuser poussant votre provocation jusqu’à lui dire ‘ne me parle pas comme ça, tu me compteras les heures que j’ai faite
Vos agissements constitutifs d’une faute grave sont contraires à la bonne foi contractuelle à laquelle vous êtes tenu . Nous ne pouvons accepter qu’un salarié intégré à une équipe de travail agisse comme bon lui semble avec une telle désinvolture et sans respect pour sa hiérarchie
Par conséquent et compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible, votre contrat de travail sera rompu de façon immédiate et définitive sans indemnité ni préavis à compter de la date d’envi de ce courrier recommandé avec accusé réception.
Il est entendu que la période pendant laquelle vous étiez mis à pied à titre conservatoire ne sera pas rémunéré’ .
Monsieur [O] a contesté son licenciement et saisi le Conseil de prud’hommes de Créteil le 23 juin 2014.
Par jugement du 15 mars 2019, ce dernier l’a débouté de toutes ses demandes.
Monsieur [O] en a interjeté appel le 26 avril 2019.
Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA le 10 juillet 2019 , auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [O] demande à la cour d’ infirmer
la décision en ce qu’elle a dit et jugé que le licenciement reposait sur une faute grave et statuant à nouveau de juger son licenciement est abusif , d’annuler la mise à pied conservatoire et , condamner la SAS GIFI MAG à payer à Monsieur [O] les sommes suivantes :
* 1.486,82 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied du 29 janvier au 18 février 2014.
* 148,68 € au titre des congés payés afférents,
* 37.034,40 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 3.086,20 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
* 308,62 € au titre des congés payés afférents,
* 1.234,48 € au titre de l’indemnité légale de licenciement,
* 18.517,20 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral ,
* 3 500. Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. d’ordonner la remise des documents suivants : -certificat de travail , bulletin de paye, attestation Pôle Emploi , sous astreinte de 100,00 € par document et par jour de retard à compter du prononcé de la décision.
Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA , le 9 octobre 2019 auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la SAS GIFI MAG demande à la cour de :
fixer la dernière rémunération brute mensuelle de monsieur [O] à la somme de 1 504,98 €, de constater le bien fondé du licenciement de monsieur [O] pour faute grave , le débouter de l’intégralité de ses demandes, et confirmer le jugement entrepris ,y ajoutant, condamner monsieur [O] à verser à la SAS GIFI MAG une indemnité de 2 000 € au visa de l’article 700 du Code de procédure civile.
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
Sur le licenciement
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie son départ immédiat. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ;à défaut de faute grave, le licenciement pour motif disciplinaire doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables présentant un caractère fautif réel et sérieux
Monsieur [O] indique que la véritable cause de son licenciement n’est pas une faute grave mais un changement de la direction générale et une machination à son encontre qui a été mise en place en raison de sa plainte pour harcèlement moral ,la période d’absence qui lui est reprochée était justifié par un congé légal pris suite au décès de son père survenu le 12 janvier 2014 au Cameroun. Il estime que son employeur n’établit le fait qu’il n’aurait pas prévenu de son absence et soutient qu’il n’y a aucun formalisme en cas de décès ni procédure particulière pour que l’employeur valide l’absence pour ce motif . Il indique qu’il n’y a eu aucune retenue sur son salaire de janvier . Enfin il estime que cet événement aurait du être traité avec toute l’humanité requise, surtout en raison du décès brutal de son enfant en juin 2013 puis de son père en janvier 2014.
Il conteste avoir eu une attitude provocante avec ses collègues et considère que l’employeur ne le démontre pas
Monsieur [O] [G] est arrêté du 17/01/2014 au 18/01/2014. Absent sur son poste, la société lui envoie une LRAR le 24/01/2014 lui demandant de s’expliquer sur les raisons de son absence depuis le 21 janvier 2014.
La SAS GIGI MAG indique qu’une retenue sur salaire pour absence injustifiée a bien été effectuée, non pas sur le salaire du mois de janvier 2014 compte tenu des dates de jours d’absence et de l’arrêté des comptes au 20 du mois mais sur le salaire du mois de février 2014 ;
la société a appris pour la première fois l’existence du voyage Monsieur [O] au Cameroun au cours de l’entretien préalable et considère que monsieur [O] a volontairement caché à son employeur son départ pour le Cameroun, qu’il l’avait nécessairement préparé en amont puisqu’il a obtenu son visa temporaire le 13/01/2014 et constitué préalablement son dossier en vue de l’obtention de son visa, en tout état de cause rien ne l’empêchait de prévenir son employeur dès le 13/01/2014, voire les jours suivants ;la société est restée sans nouvelle pendant plus de 10 jours ; lors de l’entretien préalable, Monsieur [O] ne s’était muni d’aucun justificatif, pas plus que les jours suivants malgré la demande du service des ressources humaines ;s’agissant de la perte de son fils, la société n’en avait pas connaissance et l’a appris à la lecture des conclusions ;
L’employeur considère que le comportement parfaitement désinvolte du salarié avait été relevé par les deux avertissements qui lui avaient été notifiés les 19/12/2012 et 06/06/2013., ce comportement s’est poursuivi avec son retard à son poste le 17 janvier 2014 et son manque de respect avec ses responsables .
Il résulte des pièces versées aux débats que monsieur [O] a repris son travail le 9 janvier 2014 suite à un arrêt maladie de plusieurs mois .
Il est versé aux débats un échange de mail entre une personne du magasin de [Localité 5] où travaillait le salarié pour mentionner le retard de celui-ci puis son absence tant à la visite médicale qu’à son poste de travail.
Il a cependant justifié cette absence par un arrêt maladie du 17 janvier 2014 jusqu’au 18 janvier .
Le grief du retard ne peut être retenu du fait de l’arrêt de travail .
Il n’est cependant pas contesté que celui-ci était absent le mardi 21 janvier suivant sans qu’il ne démontre avoir adressé un justificatif pour cette absence , ni avoir sollicité une autorisation d’absence . Malgré la mise en demeure de son employeur envoyée en lettre recommandée le 24 janvier 2014 d’avoir à informer son emplyeur de toute absence et d’en justifier , celui-ci ne l’a pas fait et ne le démontre pas .
Monseur [O] verse aux débats le certificat de décès de son père, ainsi que son passeport montrant qu’il s’est rendu du 19 janvier au 27 janvier au Cameroun mais ne produit aucun document démontrant avoir fournit ces documents à son employeur , ni même l’en avoir informé
Pas plus qu’il ne justifie avoir au moment de sa mise à pied ou de l’entretien préalable fournit ces éléments à son employeur .
Il ne peut donc soutenir que cette absence correspondait aux congés légaux de 3 jours prévus en cas de décès d’un proche .
Il sera observé que l’absence d’un vendeur sur son lieu de travail sans que l’employeur en soit informé oblige celui-ci à organiser son remplacement dans l’urgence et fait reposer sa charge de travail sur ses collègues .
Ce grief justifie à lui seul le licenciement , sans qu’il soit nécessaire que l’employeur démontre la réalité des autres reproches fait au salarié .
Il sera observé que monsieur [O] ne démontre pas le changement de direction qui serait à l’origine de son licenciement , ni une machination ourdie suite à sa plainte pour harcélement qui date du mois de juin 2013. Il sera également relevé que suite à sa dénonciation de changement de planning permanent t au harcèlement dont il se sentait l’objet , son employeur suite à l’avis du médecin du travail lui a proposé deux changements de magasin qu’il a refusé .
Dès lors, le lien entre ces éléments et son licenciement n’est pas établi .
La société GIFI a licencié monsieur [O] pour faute grave , cependant compte tenu de la situation personnelle du salrié qui a subi deux décès dans sa famille dans une période de temps proche , le licenciement sera considéré comme reposant sur une cause sérieuse et réelle .
Le salaire moyen de monsieur [O] sera fixé à 1504,98€
Il sera fait droit à la demande en paiement du salaire pendant la mise à pied soit la somme de 1053,48€ et 105,34€ au titre des congés payés afférents € à sa demande d’indemnité de licenciement soit la somme de 1234,48€ et de 3009,96€ et 300,90€ au titre des congés payés afférents
Sur le préjudice moral
s’il est inéniable que le décès de son enfant et de son père ont causé un préjudice moral à monsieur [O], l’employeur qui a licencié le salarié pour l’absence d’information et de justification des motifs de l’absence n’a comis aucune faute justifiant une indemnisation.
Monsieur [O] sera débouté de cette demande .
Sur la demande de remise de documents :
Compte tenu des développements qui précèdent, la demande tendant à la remise de documents sociaux conformes est fondée et il y est fait droit dans les termes du
dispositif notamment en ce qui concerne le préavis
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement ,
Et statuant à nouveau,
DEBOUTE monsieur [O] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral
CONDAMNE la société GIFI MAG à payer à monsieur [O] la somme de :
– 3009,96€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 300,90 € au titre des congés payés y afférents,
– 1234,48€ euros à titre d’indemnité (légale ou conventionnelle) de licenciement
– 1053,48€ à titre de rappel de salaire et 105,34€ au titre des congés payés afférents € à sa demande d’indemnité de licenciement soit la somme de et de€ au titre des congés euros et € au titre des congés payés y afférents
– Ordonne la remise par la société GIFI MAG à monsieur [O] de bulletins de paye, d’une attestation Pôle Emploi et d’un certificat de travail conformes au présent arrêt
DIT n’y avoir lieu à prononcer une astreinte
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société GIFI MAG à payer à monsieur [O] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties du surplus des demandes ,
LAISSE les dépens à la charge de la société GIFI MAG.
La Greffière La Présidente