Retenues sur salaire : 21 octobre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01899

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Retenues sur salaire : 21 octobre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01899

ARRÊT DU

21 Octobre 2022

N° 1707/22

N° RG 20/01899 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TFRG

OB/NB

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de Lille

en date du

07 Août 2020

(RG 18/00285)

GROSSE :

aux avocats

le 21 Octobre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANTE :

Mme [M] [N]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Karl VANDAMME, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Julien FAURE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

Société BUYSSE FOOD MACHINERY

[Adresse 4]

[Localité 3] / Belgique

représentée par Me Dominique GUERIN, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l’audience publique du 06 Septembre 2022

Tenue par Olivier BECUWE

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaëlle LEMAITRE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Olivier BECUWE

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Frédéric BURNIER

: CONSEILLER

Isabelle FACON

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Olivier BECUWE, Président et par Angelique AZZOLINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 5 juillet 2022

EXPOSE DU LITIGE :

Se prévalant d’un contrat de travail conclu à compter du 28 décembre 2015 avec la société de droit belge Buysse Food Machinery (la société) pour occuper des fonctions administratives et commerciales, engagée par celle-ci selon contrat écrit du 15 avril 2016 en qualité de responsable administratif sous une période d’essai de quatre mois renouvelable, Mme [N], dont l’essai a été rompu selon lettre du 25 juillet 2016, a saisi le conseil de prud’hommes de Lille de diverses demandes indemnitaires et salariales.

Par un jugement du 7 août 2020, la juridiction prud’homale l’en a débouté.

Par déclaration du 2 septembre 2020, la salariée a fait appel.

Par ses conclusions notifiées le 23 novembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, elle sollicite l’infirmation du jugement et réitère ses prétentions initiales, ce à quoi s’oppose l’employeur qui, par ses conclusions en défense, demande la confirmation de la décision attaquée s’en appropriant les motifs.

MOTIVATION :

1°/ Sur l’existence d’un contrat de travail pour la période du 28 décembre 2015 au 15 avril 2016 :

C’est par des motifs circonstanciés, que la cour adopte, qu’ayant exactement rappelé qu’il incombait à Mme [N], employée par un autre employeur, de démontrer l’existence de la relation salariée dont elle se prévalait à l’égard de la société, le conseil de prud’hommes a pertinemment estimé, analysant la valeur et la portée des éléments de preuve soumis à son appréciation et dont la teneur n’a pas évolué devant la cour, que la requérante ne justifiait pas de la qualité de salariée sur la période incriminée.

Il s’ensuit que les demandes de ce chef seront rejetées et le jugement confirmé.

2°/ Sur la rupture de la période d’essai :

C’est par des motifs pertinents, que la cour adopte, qu’ayant à bon droit énoncé que la rupture de l’essai restait libre, sauf à en sanctionner l’abus, le conseil de prud’hommes a retenu que Mme [N] n’avait pas exercé, sur la période antérieure, les fonctions contractuelles définies au sein du contrat de travail du 15 avril 2016 de sorte la société n’avait pu apprécier ses qualités professionnelles et que la stipulation d’un essai était alors valable.

Il s’ensuit que les demandes de ce chef seront rejetées et le jugement confirmé.

3°/ Sur le harcèlement moral :

Selon les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, le second dans sa rédaction antérieure à la modification issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Lorsque survient un litige, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail.

Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, la salariée, qui produit un certificat médical, allègue en substance des faits suivants :

A – Absence d’outils de travail mis à sa disposition ;

B – Absence d’accompagnement dans l’exercice des missions ;

C – Envois de courriels au ton humiliant par la supérieure hiérarchique ;

D – Notification le 20 juin 2016 d’un avertissement ;

E – Privation d’un déplacement professionnel en raison du prix d’un billet de train ;

F – Sanction en juin 2016 en raison d’un retard dû à la maladie de son enfant.

Les faits A, B et C ne sont matériellement pas établis, le conseil de prud’hommes les ayant d’ailleurs écartés par des motifs circonstanciés.

Les faits E ne résulte d’aucune des pièces versées aux débats.

Les faits F ont consisté dans le fait de contraindre Mme [N] à arriver quelques minutes plus tôt à son travail pour compenser le retard pris quelques jours plus tôt pour un motif familial.

Contrairement à ce que soutient l’appelante, il ne s’agit pas d’une sanction dès lors que, par analogie, l’employeur aurait parfaitement pu, sur le fondement de l’article L.1331-2 du code du travail, opérer une retenue sur salaire à proportion de la durée, comme la Cour de cassation l’a d’ailleurs déjà jugé (Soc., 31 mars 2012, n° 10-21.097), et comme le rappelle à juste titre l’employeur.

Les faits F ne peuvent donc pas être invoqués à l’appui de la demande au titre du harcèlement moral en ce qu’ils ne revêtent nullement la nature d’une sanction et sont, en eux-mêmes, matériellement neutres.

Il reste le fait D, factuellement exact et établi.

L’employeur soutient, sans en justifier, que l’avertissement était justifié par la non-exécution d’un travail demandé.

Mais il s’agit d’un fait resté isolé de sorte que le harcèlement moral, qui suppose des agissements répétés, ne peut être retenu.

Il s’ensuit que les demandes de ce chef seront rejetées et le jugement confirmé.

4°/ Sur le défaut de visite médicale d’embauche :

C’est à juste titre que le conseil de prud’hommes, retenant l’existence du manquement, a rejeté la demande en dommages-intérêts, faute de préjudice.

Le jugement sera confirmé.

5°/ Sur les frais irrépétibles :

Ayant succombé en son appel, Mme [N] sera logiquement de ce chef.

Mais il serait inéquitable de la condamner à ce titre en cause d’appel, étant observé que la condamnation en première instance à hauteur de 1 500 euros sera confirmée en ce qu’elle apparaît suffisante au regard de l’entier litige.

PAR CES MOTIFS :

La cour d’appel statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi :

– confirme le jugement rendu le 7 août 2020, entre les parties, par le conseil de prud’hommes de Lille ;

– y ajoutant, rejette les demandes de frais irrépétibles d’appel ;

– condamne Mme [N] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER

Angelique AZZOLINI

LE PRESIDENT

Olivier BECUWE

 


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