COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 21 OCTOBRE 2022
N° 2022/225
Rôle N° RG 19/03569 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BD4ET
[V] [B] [I]
C/
SARL M2G CONSTRUCTION
Copie exécutoire délivrée
le 21 octobre 2022
à :
Me Myriam ETTORI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 71)
Me Vincent ARNAUD, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 336)
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX-EN-PROVENCE en date du 29 Janvier 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 18/00227.
APPELANT
Monsieur [V] [B] [I], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Myriam ETTORI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SARL M2G CONSTRUCTION au capital de 10.000 euros, prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège,, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Vincent ARNAUD, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2022
Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur [V] [B] [I] a été engagé par la société M2 Construction selon contrat de travail à durée déterminée à compter du 08 septembre 2011 jusqu’au 7 mars 2012 en qualité d’ouvrier professionnel, la relation de travail s’étant poursuivie à durée indéterminée à compter du 08 mars 2012.
La convention collective applicable est celle du Bâtiment-ouvriers entreprise occupant plus de 10 salariés.
Au dernier état de la relation de travail, Monsieur [B] [I] occupait un poste identique et percevait un salaire mensuel d’un montant de 1.789,71 € pour un horaire de 169 heures.
Par courrier en date du 14 avril 2014, Monsieur [B] [I] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 29 avril 2014, l’employeur lui notifiant également une mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 mai 2014, il a été licencié pour faute grave dans les termes suivants:
‘(…) A deux reprises vous avez été absent de façon injustifiée les 19 et 26 mars.
Cela marque déjà une forme d’insubordination puisqu’en dépit de reproches verbaux préalables, vous continuez à faire ce que vous souhaitez quand vous le souhaitez sans vous soucier de la désorganisation que cela peut créer dans nos équipes.
Ne supportant pas nos rappels à la règle, j’ai appris que vous profériez de graves menaces à l’égard de l’entreprise et à mon endroit en ma qualité de gérant.
Il m’a notamment été rapporté:
– que si je ne vous donnais pas 10.000 € vous alliez brûler le dépôt et ce sur un ton intimidant et agressif,
– que vous alliez m’attendre à la sortie de chez moi pour me tabasser toujours dans une attitude particulièrement nerveuse,
– que depuis le début du mois d’avril vous dites aux salariés que vous allez mettre aux prud’hommes ‘votre connard d’employeur et ça lui coutera la somme de 10.000 €,
– que le jour de votre mise à pied devant témoins, vous avez proféré des menaces directes envers moi en indiquant :’je sais que tu as deux petites filles, fais gaffe à toi’.
J’ai même été contraint de procéder à une plainte auprès des services de police pour ces faits.
A cela il s’ajoute un véritable ras le bol de vos collègues de travail qui ne peuvent plus travailler avec vous étant lassés d’entendre un dénigrement systématique et permanent de l’entreprise et de son gérants.
Il en est de même de nos partenaires.
Ces faits d’une particulière gravité justifient votre licenciement pour fautes graves…(..)’
Contestant la régularité et la légitimité de son licenciement et sollicitant le paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, d’indemnités et de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et licenciement sans cause réelle et sérieuse, Monsieur [B] [I] a saisi le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence par requête en date du 25 septembre 2014 lequel par jugement en date du 29 janvier 2019 a :
– débouté Monsieur [B] [I] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné à payer la somme de 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile,
– condamné Monsieur [B] [I] aux dépens.
Monsieur [B] [I] a relevé appel de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique en date du 01er mars 2019.
Aux termes de ses conclusions d’appelant notifiées par voie électronique le 28 mai 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, Monsieur [B] [I] a demandé à la cour de :
– le dire recevable en son appel,
Réformer le jugement du conseil de prud’hommes d’Aix en Provence du 29 janvier 2019 en toutes ses dispositions ,
Statuant à nouveau:
– prononcer la nullité de la mise à pied conservatoire du 15 avril 2014,
– dire que la rupture du contrat de travail de Monsieur [B] [I] s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En conséquence:
– condamner la société M2G Construction au paiement des sommes suivantes:
– 1.655,27 € à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires travaillées et non rémunérées pour la période du 28 avril 2012 au 20 juin 2014 outre 165,52 € à titre d’incidence congés payés,
– 1.707,11 à titre de rappel de salaire du 15 avril 2014 au 12 mai 2014 et 170,71 € de congés payés afférents,
– 1.500 € nets à titre de rappel de salaire pour retenue injustifiée sur le mois de mars 2014,
– 3.579,42 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 357,94 € de congés payés afférents,
– 954,51 € à titre de rappel d’indemnité de licenciement,
– ordonner à la société M2G Construction sous astreinte de 150,00 € par jour de retard 15 jours à compter de la notification de l’arrêt à intervenir d’avoir à délivrer à Monsieur [B] [I] les documents suivants:
– bulletins de salaire des mois de septembre ‘2011 à mai 2011″ rectifiés du chef de rappel de salaire,
– attestation Pôle Emploi rectifiée du même chef et mentionnant au titre de la rupture un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– tout document probant attestant de la régularisation des cotisations auprès des organismes de retraite,
– dire que les créances salariales précitées porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes soit le 19 septembre 2014,
– condamner en outre la société M2G Construction au paiement des sommes suivantes:
– 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,
– 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour licencement sans cause réelle et sérieuse,
– dire que les créances indemnitaires précitées porteront intérêt au taux légal à compter du jugement à intervenir,
– ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1154 du code civile,
– ordonner le remboursement des indemnités de chômages perçues par Monsieur [B] [I] entre le jour de son licenciement et le jour du jugement à intervenir,
– condamner la société défenderesse aux entiers dépens y compris les honoraires d’huissier ui pourraient être dus au titre de l’exécution du jugement à intervenir ce en application des dispositions de l’article 10 du décret du 12 décembre 1996,
– condamner la société M2G Construction à restituer l’intégralité des sommes perçues de Monsieur [B] [I] à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et au titre de l’article 700 en application du jugement entrepris,
– condamner la société défenderesse à payer à Monsieur [B] [I] la somme de 2.500 € à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Suivant conclusions d’intimée et d’appelante incidente notifiées par voie électronique le 29 juillet 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, la société M2G Construction a demandé à la cour de :
Confirmer le jugement rendu par le conseil des prud’hommes d’Aix en Provence en ce qu’il a:
– débouté Monsieur [B] [I] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné à payer la somme de 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant:
– condamner Monsieur [B] [I] au paiement des sommes suivantes :
– 3.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure d’appel abusive,
– 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Monsieur [B] [I] aux dépens ceux d’appel distraits au profit de la SELARL Vincent Arnaud sous affirmation d’en avoir fait l’avance.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 5 septembre 2022, l’audience de plaidoiries étant fixée au 19 septembre 2022.
SUR CE :
Sur l’exécution de la relation de travail :
Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires :
En application de l’article L.3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit financièrement
En revanche, le temps de transport des salariés entre l’entreprise et le chantier doit être considéré comme un temps de travail effectif, dès lors que le salarié doit se rendre dans l’entreprise avant d’être transporté sur le chantier. De même, les temps de trajet effectués par le salarié avec le véhicule de l’entreprise, entre l’entreprise et les différents chantiers, sont assimilés à du travail effectif.
Par ailleurs, l’indemnité de trajet prévue par la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant plus de dix salariés, ayant un caractère forfaitaire et ayant pour objet d’indemniser une sujétion pour le salarié obligé chaque jour de se rendre sur le chantier et d’en revenir, est due indépendamment de la rémunération par l’employeur du temps de trajet inclus dans l’horaire de travail et du moyen de transport utilisé.
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Enfin, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires , il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Monsieur [B] [I] soutient avoir accompli de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont jamais été rémunérées par l’employeur ce dont il s’est plaint dans la lettre recommandée avec accusé de réception qu’il lui a adressé le 24 mars 2014, ce dernier ayant prétendu à tort les lui avoir indemnisées au moyen de primes exceptionnelles et souligne que la société M2G Construction ne verse aucun élément probant de nature à déterminer la réalité des heures qu’il a accomplies.
L’employeur répond que le salarié n’a droit à aucun rappel au titre des heures supplémentaires sur la base d’un calendrier sans contreseing de l’employeur rempli postérieurement à la rupture du contrat de travail ne constituant pas même un commencement de preuve alors que les bulletins de salaire font apparaître toutes les heures supplémentaires accomplies et que le salarié se trompe dans son décompte, la sujétion liée au trajet étant indemnisée par l’indemnité conventionnelle de trajet mentionnée sur ces mêmes bulletins de salaire.
Cependant, Monsieur [B] [I] verse aux débats:
– les calendriers des années 2012 à 2013 partiellement illisibles sur lesquels il a mentionné manuscritement le nombre total d’heures qu’il prétend avoir accomplies soit 08h00 à 09h30 chaque jour du lundi au vendredi ou au samedi (pièces 4 à 6) ,
– un tableau récapitulatif (pièce n°9) totalisant un rappel de salaire sur heures supplémentaires de 1.655,27 € sur la période de janvier 2012 à octobre 2013,
– la copie d’une lettre recommandée avec accusé de réception adressée à l’employeur le 24 mars 2014 (pièce n°7) lui demandant de lui régler les heures de travail accomplies durant les samedis ainsi que les heures de travail correspondant au passage systématique par l’entreprise chaque matin et chaque soir pour prendre et ramener le matériel de chantier,
– une lettre recommandée de l’employeur adressée au salariée le 31/03/2014 lui répondant :
‘En ce qui concerne les Samedis que vous avez travaillés pour les besoins de la société et après acceptation de votre part, je vous précise qu’ils vous ont été systématiquement payés telles en attestent les primes exceptionnelles figurant sur certains de vos bulletins de salaire dont vous trouverez ci-joints une copie pour mémoire.
Pour ce qui est de vos heures effectives de travail sur les chantiers, je me permets de vous les rappeler bien que figurant sur votre contrat de travail à savoir 39 heures/semaine réparties du lundi au vendredi de 08h00 à12h00 et de 13h00 à 17h00.
Je vous précise que les 1/2 heures de trajet passées de 07h30 à 08h00 dans les camions mis à la disposition des ouvriers par la société pour vous rendre du dépôt jusqu’aux chantiers tous les jours vous sont payés sous la forme d’indemnités de trajet petits déplacements’ cette indemnité variant tous les mois en fonction du nombre de jour.
Après ces précisions, vous vous rendrez compte qu’une journée de travail normale se compose de 08h00 et non de 09h45 comme vous l’avancez.
En considérant une semaine de travail, les heures travaillées au-delà de la 36ème heure sont rémunérées à chaque employé en heures supplémentaires….(…)’
Les éléments présentés par le salarié suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies permettaient à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments ce que la société M2G Construction n’a pas fait se bornant à renvoyer à la lecture des bulletins de salaire mentionnant des heures supplémentaires rémunérées au taux majoré de 25%, une prime exceptionnelle (bulletins de salaire de janvier 2012 à janvier 2013) ainsi qu’une indemnité de trajet petit déplacement sans produire aucun décompte des heures effectivement accomplies par le salarié.
Or, l’employeur reconnaît avoir rémunéré les heures supplémentaires accomplies par le salarié de nombreux samedis durant l’année 2012/2013 au moyen du versement d’une prime exceptionnelle qui ne peut cependant tenir lieu de paiement d’heures supplémentaires, peu important que le montant de ces primes puisse correspondre à celui des heures supplémentaires effectuées, les heures supplémentaires ne donnant pas uniquement lieu à une majoration de salaire, mais d’une part doivent s’exécuter dans le cadre d’un contingent annuel, et d’autre part, ouvrent droit à un repos compensateur.
Au surplus le versement de l’indemnité de trajet indemnise une sujétion et non un temps de travail effectif alors que le temps de transport des salariés entre l’entreprise et le chantier doit être considéré comme un temps de travail effectif, dès lors que le salarié doit se rendre dans l’entreprise avant d’être transporté sur le chantier ce qui était le cas en l’espèce.
Dès lors, après avoir procédé à une comparaison entre les bulletins de salaire mentionnant le paiement d’heures supplémentaires au taux majoré de 25%, les calendriers et décomptes produits par le salarié, la cour estime contrairement aux dispositions du jugement entrepris qui sont infirmées que Monsieur [B] [I] est bien fondé à solliciter la condamnation de l’employeur à lui régler une somme à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour la période de janvier 2012 à octobre 2013, et non janvier 2011 à mai 2014 qu’il convient de fixer à 930,06 euros.
En revanche, le salarié, relevant de la caisse de congés payés du Bâtiment est débouté de sa demande de congés payés afférents au rappel de salaire obtenu, les dispositions en ce sens du jugement entrepris étant confirmées.
Sur le rappel de salaire au titre d’une retenue injustifiée sur le salaire du mois de mars 2014:
Monsieur [B] [I] soutient que l’employeur a opéré une retenue injustifiée d’une valeur de 1.500 € sur le salaire du mois de mars 2014 contestant avoir jamais sollicité d’acompte auprès de son employeur et n’avoir perçu aucun salaire à ce titre alors que l’intimée n’apporte pas la preuve de l’existence de cet acompte et ne justifie pas s’être libérée du paiement de l’entier salaire du salarié.
La société M2G Construction répond que pour satisfaire le salarié, elle lui a régulièrement accordé des acomptes et qu’au moment de la rupture de son contrat de travail, Monsieur [B] [I] présentait une situation de trop perçu qui a été régularisée, qu’il n’y a donc pas eu restitution.
Le bulletin de salaire du mois de mars 2014 mentionne un salaire net de 1.754,71 €, la déduction d’un acompte de 1.500 € et un net à payer de 324,35 €.
Cependant , la lecture comparé du tableau de la rémunération du salarié (pièce n°11) et du grand livre définitif (pièce n°12) avec les bulletins de salaire produits permet de constater que la somme litigieuse de 1.500 € ne correspond nullement à un acompte versé au salarié sur le bulletin de paie du mois de mars 2014 mais à une retenue sur salaire correspondant, selon l’employeur, à un trop-perçu de salaire entre le 31 juillet 2013 et le mois de février 2014.
En effet, les pièces de l’employeur font état le 31/07/2013 d’un acompte de 2000 € lequel ne figure pas sur le bulletin de salaire du mois de juillet, le 19/09/2013 d’ un acompte de 1.500 € alors que seul un acompte de 678,84 € figure sur le bulletin de salaire du mois de septembre, le 24/10/2013 d’un acompte de 1.000 € alors qu’un acompte de 200 € seulement figure sur le bulletin de salaire du mois d’octobre 2013.
Il s’en déduit que contrairement à ses affirmations l’employeur qui se prétend délivré du paiement de la totalité des salaires de Monsieur [I] [B] ne justifie pas de l’extinction de son obligation de sorte que par infirmation des dispositions du jugement entrepris, il convient de condamner la société M2G Construction à payer à celui-ci une somme de 1.500 € nette au titre de la retenue injustifiée du salaire du mois de mars 2014.
Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail :
Par application des dispositions de l’article L.1222-1 du code du travail prévoyant que le contrat de travail s’exécute loyalement et de bonne foi, Monsieur [I] [B] sollicite la condamnation de l’employeur à lui régler une somme de 1.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice distinct causé par l’abstention de celui-ci de rémunérer ses heures supplémentaires malgré ses nombreuses sollicitations à l’origine d’un pouvoir d’achat quotidien inférieur durant plus de deux ans, d’une imposition sur le revenu qui sera calculée sur une année fiscale pour 2 années de rappel de salaire.
Cependant, Monsieur [I] [B] ne justifie pas de la réalité d’un préjudice distinct des rappels de salaire dont il a obtenu le paiement par la société M2G Construction alors que la majorité des heures supplémentaires lui avaient été réglées par l’employeur qu’il ne justifiait pas avoir sollicité avant la lettre recommandée du 24 mars 2014.
Les dispositions du jugement entrepris ayant rejeté ce chef de demande sont confirmées.
Sur la rupture du contrat de travail :
L’article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c’est à dire pour un motif existant, exact, objectif et revêtant une certaine gravité rendant impossible, sans dommages pour l’entreprise, la continuation du contrat de travail et nécessaire le licenciement.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant d’un contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant le temps du préavis.
En application des dispositions des articles L 1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 alinéa 1 du code du travail, la reconnaissance de la faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement.
L’employeur doit rapporter la preuve de l’existence d’une telle faute et le doute profite au salarié.
Monsieur [I] [B] indique que la procédure de licenciement est irrégulière, les motifs de celui-ci ne lui ayant pas été expliqué durant l’entretien préalable qui a duré cinq minutes et conteste formellement les griefs qui lui sont reprochés, n’ayant pas été absent de manière injustifiée au mois de mars 2014 et ne s’étant jamais montré insultant, ou menaçant à l’encontre de son employeur ou d’autres salariés de l’entreprise lors de l’exécution de son contrat de travail, ses demandes légitimes concernant le paiement des heures supplémentaires ayant manifestement crispé la direction de la société M2G Construction qui a préféré se prévaloir artificiellement de prétendues fautes graves pour l’évincer de l’entreprise.
Il ajoute que les attestations produites par l’employeur non conformes aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile et critiquables sur le fond, le témoignage partial de Monsieur [D], cousin de l’employeur devant être écarté des débats, ne rapportent pas la preuve de la faute grave alors que l’employeur s’abstient fautivement de verser aux débats les suites réservées à la plainte pénale déposée par le gérant de la société à son encontre, que le doute doit lui profiter et qu’en tout état de cause cette sanction disciplinaire est totalement disproportionnée alors qu’il n’a jamais été sanctionné auparavant.
La société M2G Contruction indique qu’elle verse aux débats de nombreuses attestations de salariés et de sous-traitants ayant été directement témoins des agissements de Monsieur [I] [B], menaces, intimidations, insultes, chantage constitutifs d’une faute grave.
La procédure de licenciement n’est pas irrégulière dans la mesure où Monsieur [B] [I] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qu’il s’est présenté à cet entretien accompagné de Madame [N], conseillère du salarié, lequel bien que très bref lui a néanmoins permis de connaître les motifs de son licenciement, l’employeur ayant dit ‘j’envisage son licenciement. Il est une menace pour ma famille, mon entreprise et moi-même.’ (Pièce n°13) étant rappelé que, le cas échéant, le non-respect de cette formalité n’a pas pour effet de priver la rupture de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnisation qui n’est pas sollicitée en l’espèce.
S’il est exact que l’employeur ne justifie pas de la matérialité des deux absences des 19 et 26 mars 2014 caractéristiques de l’insubordination du salarié, il n’en va pas de même des menaces proférées à l’encontre du gérant de la société M2G construction et de l’entreprise.
En effet, alors que le dispositif des écritures de l’appelant ne contient aucune demande tendant à écarter tout ou partie des attestations versées aux débats par l’employeur, il est rappelé que les dispositions de l’article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité et qu’il appartient au juge d’apprécier souverainement si des attestations non conformes à cet article présente des garanties suffisantes pour emporter sa conviction.
De fait, les témoignages précis, circonstanciés et concordants de Messieurs [R] (pièce n°1), [D] [I] ( pièce n°4), tous deux ouvriers maçons et collègues de travail de Monsieur [I] [B], attestent que ‘depuis quelques temps’ pour le premier, ‘depuis le mois d’avril 2014″ pour le second, Monsieur [I] ‘n’arrête pas de répéter qu’il va mettre aux prud’hommes son connard de patron et que ça va lui couter 10.000 €’ ‘qu’il lui mettrait une rouste s’il ne lui donnait pas 10.000 €’, alors que Monsieur [D] [I] de même que Monsieur [M] [H] (pièce n°3), Monsieur [K] (pièce n°5) et Monsieur [E] (pièce n°6) précisent que le jour de la remise en main propre de la lettre de mise à pied (14/04/2014) ils l’ont entendu menacer leur patron dans les termes suivants : ‘je sais que tu as deux filles, fait gaffe à toi’ , Monsieur [K] rapportant que le 8 avril précédant Monsieur [I] lui a dit ‘qu’il allait attendre mon patron à la sortie de chez lui pour lui mettre une rouste et qu’il allait brûler le dépôt s’il ne lui donnait pas la somme de 10.000 €’ derniers propos dont la teneur a été confirmée par Monsieur [E] et également par Monsieur [Y] (pièce n°8).
Ces différents témoignages établissent incontestablement la réalité des propos particulièrement menaçants et agressifs tenus en son absence en avril 2014 à l’encontre de Monsieur [S], gérant de la société M2G Construction auprès de plusieurs salariés et sous-traitants de l’entreprise, propos faisant état de la destruction par incendie de l’entrepôt de l’employeur, ces menaces ayant été réitérées directement auprès de celui-ci le 14 avril 2014 visant également ses enfants.
Les menaces d’un salarié d’incendier le dépôt de son employeur et de s’en prendre physiquement au gérant de la société ainsi qu’à ses enfants caractérisent la faute grave privative d’indemnités rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant le temps du préavis et justifie en l’espèce la mise à pied à titre conservatoire notifiée le 14/04/2014 à Monsieur [I] [B].
Les dispositions du jugement entrepris ayant rejeté les demandes du salarié d’annulation de la mise à pied conservatoire et de rappel de salaire à ce titre, de condamnation de la société M2G Construction au paiement d’indemnités de préavis, de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de remboursement des indemnités de chômage et de délivrance des documents rectifiés de fin de contrat sont confirmées à l’exception toutefois de la délivrance d’un bulletin de salaire récapitulant les sommes versées à titre de rappels de salaire pour la période de janvier 2012 à octobre 2013 ainsi que mars 2014 que la société M2G Construction devra remettre à Monsieur [B] [I], cette injonction de faire n’étant cependant pas assortie d’une mesure d’astreinte.
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive :
Le sens du présent arrêt faisant partiellement droit aux demandes de Monsieur [B] [I] permet d’écarter toute notion d’abus du droit d’agir en justice.
Les dispositions du jugement entrepris ayant condamné Monsieur [B] [I] à payer à la société M2G Construction une somme de 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive sont infirmées.
Sur la demande de restitution par la société M2G Construction des sommes versées par le salarié au titre de l’exécution provisoire :
Monsieur [I] [B] demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu’il a versées au titre des dommages-intérêts pour procédure abusive et de l’article 700 du code de procédure civile en vertu du jugement assorti de l’exécution provisoire.
Cependant le présent arrêt, infirmatif sur ces points, constituant le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur cette demande.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
Les créances de nature salariale allouées porteront intérêts à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes. Le jugement sera de ce chef infirmé.
Les intérêts échus dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil. Le jugement déféré, qui a rejeté la demande, sera infirmé.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Les dispositions du jugement entrepris ayant condamné Monsieur [B] [I] aux dépens et à payer à la société M2G Construction une somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile sont infirmées.
La société M2G Construction est condamnée aux dépens qui ne peuvent comprendre les frais futurs afférents à l’exécution du présent arrêt, le salarié étant débouté de ce chef de demande, les demandes respectives des parties fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile étant rejetées.
PAR CES MOTIFS :
La Cour:
Statuant publiquement et en dernier ressort :
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a :
– rejeté les demandes de Monsieur [B] [I] de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour la période de janvier 2012 à octobre 2013,
– rejeté la demande de rappel de salaire pour retenue injustifiée sur le mois de mars 2014,
– rejeté la demande de délivrance d’un bulletin de salaire récapitulant les sommes versées à titre de rappels de salaire pour la période de janvier 2012 à octobre 2013 ainsi que mars 2014,
– condamné Monsieur [B] [I] à payer à la société M2G Construction une somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
– rejeté les demandes de Monsieur [B] relatives à l’application aux créances salariales des intérêts au taux légal et de leur capitalisation,
– condamné Monsieur [B] [I] à payer à la société M2G Construction une somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Le confirme pour le surplus.
Statuant à nouveau et y ajoutant:
Condamne la société M2G Construction à payer à Monsieur [B] [I] une somme de Neuf cent trente euros et six centimes (930,06 €) de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour la période de janvier 2012 à octobre 2013.
Condamne la société M2G Construction à payer à Monsieur [B] [I] une somme nette de Mille cinq cents euros (1.500 €) de rappel de salaire pour retenue injustifiée sur le mois de mars 2014.
Enjoint à la société M2G Construction de remettre à Monsieur [B] [I] un bulletin de salaire récapitulant les sommes versées à titre de rappels de salaire pour la période de janvier 2012 à octobre 2013 ainsi que mars 2014.
Rejette la demande de la société M2G Construction de condamnation de Monsieur [B] [I] au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Dit que les créances de nature salariale allouées porteront intérêts à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes.
Dit que les intérêts échus dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil.
Dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de restitution par la société M2G Construction des sommes versées par le salarié au titre de l’exécution provisoire.
Condamne la société M2G Construction aux dépens.
Rejette la demande de Monsieur [B] [I] au titre des frais futurs afférents à l’exécution du présent arrêt.
Rejette les demandes de Monsieur [B] [I] et de la société M2G Construction au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Le président