ARRÊT N°
N° RG 19/02671 – N° Portalis DBVH-V-B7D-HNDJ
EM/DO
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NÎMES
13 juin 2019
RG :18/00256
[K]
C/
S.A.S. BCL TELECOM
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 21 JUIN 2022
APPELANT :
Monsieur [Z] [K]
né le 26 Janvier 1973 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Mathilde BENAMARA, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Fabien DANJOU, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉE :
SAS BCL TELECOM
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Fanny SAUVAIRE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 05 Avril 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l’audience publique du 19 Avril 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 21 Juin 2022
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 21 Juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. [Z] [K] a été embauché par la Sas BCL Telecom en qualité de chef d’équipe Fibre optique à temps complet sous contrat à durée déterminée du 04 juillet 2016 au 04 janvier 2017.
Le 05 janvier 2017, le contrat de travail de M. [Z] [K] est régularisé à durée indéterminée.
Le 02 janvier 2019, suivant courrier recommandé, la Sas BCL Telecom demande à M. [Z] [K] de justifier son absence et par courrier du 09 janvier 2018, la Sas BCL Telecom lui adresse une lettre de relance.
Par courrier du 12 janvier 2018, M. [Z] [K] indique à son employeur refuser de nouvelles tâches et se dit prêt à reprendre son travail aux anciennes conditions.
Par courrier du 17 janvier 2018, la Sas BCL Telecom conteste les termes du courrier du M. [Z] [K] et lui demande de reprendre les fonctions de chef d’équipe.
Par courrier du 26 janvier 2018, la Sas BCL Telecom convoque M. [Z] [K] à un entretien préalable pour ‘faute grave’ et le 23 février 2018, la société licencie M. [Z] [K] pour faute grave.
M. [Z] [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes par requête du 02 mai 2018 aux fins qu’il soit jugé que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse et aux fins de condamnation de l’employeur à diverses sommes indemnitaires.
Suivant jugement du 13 juin 2019, le conseil de prud’hommes de Nîmes a :
– dit que M. [Z] [K] doit être positionné au groupe D de la convention collective applicable,
– condamné la Sas BCL Telecom au paiement des sommes suivantes au profit de M. [Z] [K] :
– 3 004,97 euros bruts de rappel de salaire conventionnel et 300,49 euros au titre des congés payés y afférents,
– 7 863,70 euros à titre de rappel sur heures supplémentaires et 786,49 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
– 668,59 euros bruts à titre de rappel sur heures supplémentaires sur la base d’un groupe D de la convention collective applicable et 66,58 euros au titre des congés payés y afférents,
– 2007 euros net à titre d’indemnité de requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté M. [Z] [K] du surplus de ses demandes,
– condamné M. [Z] [K] au paiement d’une somme de 491,40 euros à titre de rappel de salaire pour trop perçu,
– prononcé la compensation judiciaire,
– dit que cette somme de 491,40 euros viendra en déduction des sommes prononcées à titre de condamnation dues par la Sas BCL Telecom,
– rappelé l’exécution provisoire de plein droit en application des dispositions de l’article R1454-28 du code du travail et dit pour cela que la moyenne des trois deniers mois de salaire s’élève à 2007 euros,
– dit que les dépens seront à la charge de la Sas BCL Telecom.
Suivant déclaration envoyée par voie électronique le 03 juillet 2019, M. [Z] [K] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 05 avril 2022 et a fixé l’affaire à l’audience du 19 avril 2022 à laquelle elle a été retenue.
Dans le dernier état de ses conclusions, M. [Z] [K] conclut à la confirmation partielle du jugement entrepris et demande à la cour de :
– confirmer partiellement le jugement,
Statuant de nouveau,
– dire et juger qu’il a exercé les fonctions de conducteur de travaux au sein de la Sas BCL Telecom,
– dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– dire et juger qu’il peut prétendre à un rappel de salaire sur la période du 26 décembre à la date du licenciement, aucune absence injustifiée ne pouvant lui être reprochée,
– dire et juger qu’il peut prétendre à un rappel de salaire au niveau D seuil 1 de la convention collective nationale des télécommunications du 26 avril 2000,
– dire et juger qu’il peut prétendre à un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées et non rémunérées,
– dire et juger que la Sas BCL Telecom a volontairement omis de régler l’ensemble du temps de travail et a commis l’infraction de travail dissimulé,
En conséquence,
– condamner la Sas BCL Telecom à lui payer la sommes de :
– 5 854,7 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 5 854,7 euros à titre d’indemnité compensatrice de 2 mois de préavis en application de l’article 4.4.1 de la convention collective,
– 585,4 euros au titre des congés payés y afférents,
– 11 58,48 euros d’indemnité de licenciement,
– 6 022,23 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 26 décembre 2017 au 23 mars 2018,
– 602,20 euros au titre des congés payés y afférents,
– 3 004,97 euros à titre de rappel de salaire sur la base du groupe D seuil 1 de la convention collective nationale,
– 300,4 euros au titre des congés payés y afférents,
– 8 633,69 euros à titre de rappel de salaire afférent aux heures supplémentaires,
– 863,3 euros au titre des congés payés y afférents,
– 734,6 euros de rappel de salaires supplémentaires sur la base du groupeD,
– 73,4 euros au titre des congés payés y afférents,
– 12 044,46 euros à titre d’indemnité de travail dissimulé,
– 2 007,41 euros à titre d’indemnité de requalification,
– ordonner la remise par la Sas BCL Telecom de bulletins de paie et documents de fin de contrat rectifiés, conformément à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement,
– dire et juger que l’exécution provisoire se fera sur la base du salaire de référence de 2 927,35 euros,
– condamner la Sas BCL Telecom à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Il fait valoir que :
– dès l’origine il a exercé un poste de conducteur de travaux fibre optique et non de chef d’équipe, qu’il a signalé cette difficulté à son employeur qui lui a assuré que cette situation n’avait pas d’incidence,
– il a été licencié au motif de sa prétendue absence injustifiée consécutive à son refus de modification de son contrat de travail imposée par l’employeur, que la motivation adoptée par les premiers juges est particulièrement incompréhensible alors qu’il a estimé qu’il ne prouverait pas que son employeur entendait modifier ses tâches, alors qu’il suffit de lire le courrier de licenciement pour le constater, que son absence était justifiée par le fait qu’il avait été privé de ses fonctions initiales, de sorte qu’il considère que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
– pour chiffrer ses demandes, il y a lieu d’intégrer dans le salaire de base les rappels d’heures supplémentaires et la réévaluation du salaire de base de la grille conventionnelle, que l’employeur n’a jamais fait figurer la moindre classification sur le contrat de travail ni sur les bulletins de paie alors que les fonctions qu’il a exercées relevaient à minima du groupe D 1er groupe sur lequel sont positionnés les emplois de cadre, qu’il exerce désormais de nouvelles fonctions auprès de la société Axone comme responsable travaux sur la base d’une classification supérieure de niveau E statut cadre,
– il a effectué de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées et qu’il verse aux débats l’ensemble des fiches de géolocalisation de son véhicule qui démontrent la réalité de son travail, que malgré une injonction en ce sens, la Sas BCL Telecom n’a jamais produit les feuilles de géolocalisation de son véhicule de service pour la période de décembre 2016 à décembre 2017 et rappelle que selon la jurisprudence, le temps de trajet entre deux lieux de travail est du temps de travail effectif,
– la Sas BCL Telecom n’a pas réglé volontairement une large partie de son temps de travail, que le caractère intentionnel est établi dans la mesure où l’employeur disposait d’un système de géolocalisation pour justement contrôler l’activité des salariés et qu’il n’a jamais donné son accord pour effectuer des heures supplémentaires non payées,
– le contrat de travail à durée déterminée ne comporte aucun motif de recours et qu’il s’agissait manifestement d’une période d’essai déguisée, que le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a ordonné la requalification en contrat à durée indéterminée.
Dans le dernier état de ses écritures, la Sas BCL Telecom conclut à la réformation partielle du jugement dont appel et demande à la cour de :
Sur les demandes au titre de l’exécution du contrat :
– réformer le jugement en ce qu’il a attribué à M. [Z] [K] une indemnité de requalification de contrat à durée déterminée à contrat à durée indéterminée à hauteur de 2 007 euros,
– réduire la somme de 1 850 euros le montant de l’indemnité de requalification de contrat à durée déterminée à contrat à durée indéterminée,
– constater que M. [Z] [K] relevait du groupe C de la convention collective applicable,
– réformer le jugement dont appel en ce qu’il l’a condamnée au paiement d’un rappel de salaire au titre du groupe D à hauteur de 3 004,97 euros bruts et 300,49 euros bruts de congés payés y afférents,
– réformer le jugement dont appel en ce qu’il l’a condamnée au paiement de la somme de 7836,70 euros bruts de rappel d’heures supplémentaires, outre 786,30 euros bruts de congés payés y afférents,
– réformer le jugement dont appel en ce qu’il l’a condamnée au paiement de la somme de 668,59 euros bruts de rappel d’heures supplémentaires sur la base du groupe D de la convention collective applicalbe, outre 66,85 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
Sur la demande au titre de la rupture du contrat de travail :
A titre principal,
– confirmer que le licenciement de M. [Z] [K] repose bien sur une faute grave,
– confirmer le débouté de M. [Z] [K] de l’ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire,
– constater que le licenciement de M. [Z] [K] repose à tout le moins sur une cause réelle et sérieuse,
– débouter M. [Z] [K] de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– réduire à la somme de 809,38 euros le montant de l’indemnité de licenciement,
– réduire à la somme de 3 700 euros bruts le montant de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 370 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
Sur la demande au titre du travail dissimulé,
– confirmer le débouté de M. [Z] [K] de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
Sur ses demandes,
– condamner M. [Z] [K] à lui régler la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle fait valoir que :
– M. [Z] [K] a été embauché pour faire face à un surcroît temporaire d’activité, qu’elle a effectivement omis de faire figurer l’objet du recours au contrat à durée déterminée, qu’elle sollicite néanmoins la réduction de la demande de M. [Z] [K] de ce chef,
– M. [Z] [K] a été embauché en qualité de chef d’équipe fibre, que si sa classification professionnelle ne figure ni son contrat de travail ni sur ses bulletins de salaire, il n’a jamais été convenu qu’il bénéficierait du statut de cadre, que les éléments qu’il a versés aux débats n’établissent pas qu’il lui avait été reconnu ce statut, il demeurait soumis au contrôle du conducteur de travaux M. [A] [D], que son poste de chef d’équipe correspondait à un emploi du groupe C, que son salaire annuel était supérieur au minimum conventionnel de ce groupe, qu’en tout état de cause, le rappel de salaire sur la base du minimum conventionnel du groupe D ne pourrait s’élever qu’à la somme de 2 641,38 euros bruts, qu’ayant été mis à pied à titre conservatoire en janvier et février 2018, M. [Z] [K] ne pouvait pas revendiquer le paiement d’un rappel de salaire sur cette période,
– le système de géolocalisation installé sur les véhicules de service n’a pas vocation à contrôler la durée de travail des salariés et doit permettre seulement de veiller à la sécurité des véhicules et du matériel qu’ils peuvent contenir, que l’attribution de ces véhicules n’a pas un caractère exclusif de sorte que plusieurs salariés peuvent utiliser le même véhicule au gré de leurs besoins professionnels et ce, même à l’intérieur d’une seule et même journée de travail, que s’il n’est pas contesté que M. [Z] [K] a pu utiliser des véhicules au cours de la période d’emploi, d’autres salariés en ont également fait usage, que les relevés de géolocalisation ne constituent pas une preuve des heures supplémentaires mais traduisent au mieux une amplitude de travail dont il faut soustraire l’ensemble des temps de pause et de la pause déjeuner, que ni la direction ni ses supérieurs hiérarchiques n’ont requis l’accomplissement d’heures supplémentaires, que M. [Z] [K] n’a jamais formulé la moindre demande en ce sens ni même signalé une surcharge de travail ou un incident sur un chantier, que le salarié omet de préciser que compte tenu d’absences à son poste, il a travaillé plusieurs semaines bien en-deça de sa durée de travail contractuelle, voire pas du tout sans pour autant avoir de retenue sur salaire,
– que contrairement à ce que prétend M. [Z] [K], il exerçait bien les fonctions mentionnées dans le contrat de travail, que le salarié s’est octroyé plus de responsabilités qu’il n’en avait par le biais de sa signature mail, que sur l’ensemble des fiches de paie, il apparaît comme chef d’équipe fibre, qu’elle ne l’a pas promu conducteur de travaux pendant l’exécution du contrat de travail, qu’aucun acte ne démontre le contraire, que M. [L] conteste avoir rédigé une attestation dans l’intérêt de M. [Z] [K] lequel conteste l’écriture dans l’écrit que l’appelant produit aux débats ; que la demande d’intervention sur les chantiers était parfaitement justifiée, qu’elle ne pouvait expliquer l’opposition de M. [Z] [K] et motiver son absence injustifiée qui demeurait fautive,
– le licenciement reposant valablement sur une faute grave, c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a débouté M. [Z] [K] de ses demandes présentées sur ce fondement, que si par extraordinaire la cour ne devait pas valider la faute grave, elle devra à tout le moins juger que le licenciement de M. [Z] [K] repose bien sur une cause réelle et sérieuse et réduire ses condamnations,
– M. [Z] [K] ne démontre pas qu’il a réalisé des heures supplémentaires et qu’elle ne les aurait pas intentionnellement payées, que sa condamnation à l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé n’est pas justifiée.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens de parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l’audience.
MOTIFS :
I Sur les demandes relatives à l’exécution de la relation contractuelle :
Sur la demande de requalification du contrat à durée déterminée :
L’article L1242-12 du code du travail dispose que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée. (…)
L’article L1245-1 du même code stipule qu’est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L1242-1 à L. 1242-4, L1242-6 à L1242-8, L. 1242-12, alinéa premier, L. 1243-11, alinéa premier, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4.
Selon l’article L1242-2 du même code, (…) lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s’applique sans préjudice de l’application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.
En l’espèce, la Sas BCL Telecom ne conteste pas qu’elle a omis de mentionner dans le contrat de travail à durée déterminée litigieux la définition précise du motif de l’embauche de M. [Z] [K] et reconnaît le principe de la requalification.
La société appelante soutient que le montant mensuel du salaire de M. [Z] [K] s’élève à la somme de 1 850 euros et demande que l’indemnité de requalification soit fixée à cette somme.
L’indemnité au titre de la requalification du contrat à durée déterminée initial en contrat à durée indéterminée ne pouvant être inférieure à 1 mois de salaire, il convient de faire droit à la demande de M. [Z] [K] sur ce point et de confirmer le jugement entrepris qui l’a fixée à la somme de 2 007,41 euros ( déterminé ci-après).
Sur la demande relative au salaire minimum conventionnel :
– Sur les fonctions exercées par M. [Z] [K] durant l’exécution du contrat de travail:
Pour déterminer la qualification du salarié, les juges s’attachent aux fonctions réellement exercées par le salarié. Lorsque le salarié prétend exercer une autre fonction que celle indiquée dans le contrat de travail, il lui appartient d’en rapporter la preuve.
Le chef d’équipe fibre optique gère et anime une ou plusieurs équipes de collaborateurs, veille à la qualité et la productivité, est garant de la réglementation, réalise des visites sur site avec les clients, prépare et supervise les interventions (plans, planning…), participe aux interventions, aiguillages, tirages et raccordements, assure un suivi quotidien des équipements pour les différentes interventions, vérifie la conformité des installations sur site, effectue les relevés sous-terrains FOA, assure la bonne exécution des travaux et le respect des budgets et des délais, et assure le suivi et la facturation.
Le conducteur de travaux est chargé d’organiser et de suivre le déploiement de réseaux fibre optique pour le client, de planifier, d’organiser les interventions des équipes de techniciens et suivre les sous-traitants, de procéder à la réception des travaux, de gérer la logistique pour le chantier, d’élaborer, de piloter opérationnellement un ou plusieurs chantiers depuis la réception du projet jusqu’à la livraison des travaux et de garantir le respect du cahier des charges des règles de sécurité, des délais et de la qualité attendue, d’organiser et de suivre les différents moyens nécessaires à la réalisation d’un chantier de construction d’un réseau de fibre optique, de représenter l’entreprise auprès des différents intervenants du chantier et d’exercer une responsabilité managériale auprès des équipes de chantier.
En l’espèce, selon l’article 2 du contrat de travail contrat à durée indéterminée du 05 janvier 2017 M. [Z] [K] a été engagé en qualité de chef d’équipe fibre optique.
Le salarié soutient qu’il exerçait en réalité les fonctions de conducteur de travaux et produit à l’appui de ses prétentions :
– une attestation manuscrite établie au nom de M. [T] [L], directeur d’agence au sein de la Sas BCL Telecom, datée du 25 janvier 2017, qui indique que M. [Z] [K] travaille dans l’entreprise depuis début juillet 2016 en tant que conducteur de travaux,
– un attestation établie par M. [X] [B] qui se présente comme technicien fibre optique selon laquelle M. [Z] [K] était présent lors de son entretien de recrutement à la Sas BCL Telecom en présence de M. [L] [T] qui l’a présenté comme responsable de l’activité fibre optique en qualité de conducteur de travaux et non chef d’équipe,
– une attestation de M. [N] [S], conducteur de travaux, qui certifie que M. [Z] [K] lui a été présenté lors de sa visite dans les locaux de la Sas BCL Telecom par M. [W] [C] gérant de la société ainsi que par M. [L] [T], en qualité de responsable de l’activité fibre optique et génie civil, conducteur de travaux de ce fait, que M. [Z] [K] était bien l’intermédiaire entre le client Axione, maître d’oeuvre et la Sas BCL Telecom exécutant les travaux de ses chantiers,
– plusieurs échanges de courriels pour la période du 27 janvier 2017 au 08 décembre 2017 desquels il ressort que :
* il est demandé à M. [Z] [K] de fournir des éléments sur l’état d’avancement de certains chantiers notamment ‘en pourcentages pour chaque opération’ et les acomptes reçus (27 janvier 2017) ;
* le salarié indique qu’il part sur le terrain pour faire tous les relevés manquants pour clôturer les sites (30 mars 2017),
* M. [I] [J] est désigné comme chef d’équipe (25 avril 2017),
* il lui est demandé s’il n’a pas d’autre candidat pour recruter (04 août 2017),
* M. [T] [L] a adressé un courriel à une société cliente Gard VRD Terrassement et dont M. [Z] [K] est en copie, et qui mentionne ‘merci de rappeler le conducteur de travaux [Z] au…pour un rendez-vous afin de pouvoir mettre en place votre démarrage’, (09 mars 2017),
* M. [Z] [K] demande à un salarié de lui préparer du matériel (13 septembre 2017),
* un client Axione Tim demande à M. [Z] [K] la transmission d’un certain nombre de documents ‘afin de créer un contrat entre’ les deux sociétés ‘et simplifier le passage de commande’,
* M. [W] [C] demande à M. [Z] [K] de lister les travaux et les prix unitaires par rapport aux grilles tarifaires Free (19 septembre 2017),
* plusieurs mails adressés directement à M. [Z] [K] ou en copie relatifs à des réunions en présence du gérant et du directeur d’agence,
– plusieurs courriels adressés par M. [T] [L] pour la période du 02 novembre 2016 au 21 avril 2017 lui demandant de le tenir informé de l’état d’avancement de chacun des dossiers Free et de lui fournir un engagement sur les dates de travaux, de mettre à jour le plan de charge et les tableaux de production, et qui précise les tâches confiées à M. [Z] [K] : ‘[Z] prendra en charge en plus de ses équipes fibres, l’équipe génie civil, leur affectera les dossiers quotidiens et les planifiera et les renseignera sur Gesica, assurera les envois et les retours aux dict et police de roulage et gardera les retours travaux pour que je les renvoie à mon retour, il est impératif d’assurer le suivi production GC et Fibre quotidiennement, ils sont sur société à la disposition de tous. Pour les éventuelles commandes de matériel, il verra avec [W]’, et où il est demandé à M. [Z] [K] d’assurer le suivi de la production en fibre et au quotidien pour pouvoir ‘sortir une rentabilité moyenne sur chacune des affaires’ qui leur sont confiées,
– plusieurs échanges de courriels avec le client de la société Axione : M. [Z] [K] est consulté par M. [P] [R] chef de projets chez Rn Med dans le cadre d’un projet d’implantation d’une armoire de dégroupage sur la commune de [Localité 8] pour Bouygues télécom on lui demande un chiffrage (18 août 2017), le salarié est consulté pour des travaux sur la ville de [Localité 5], on lui demande de transmettre un devis pour des prestations (23 février 2017), on lui demande de fournir des devis (04 juillet 2017, 10 mai 2017), de transmettre le retour d’études (27 juillet 2017), de relancer sur le sujet du contrat cadre,
– plusieurs échanges de courriels avec un autre client Free dans lesquels :
– il est demandé à M. [Z] [K] de :
* ‘remplir le questionnaire du projet …’ (20 janvier 2017),
* faire des attachements sur plusieurs dossiers ( l’attachement est un document écrit ou dessiné qui consigne la nature et la quantité d’ouvrages exécutés ) (16 janvier 2017),
* établir des devis (03 février 2017),
* fournir un planning (09 décembre 2016),
* être présent pour un nouveau projet sur [Localité 6], de réaliser un devis et de mettre à jour le planning (30 janvier 2017),
* préparer le mail de suivi prévisionnel, donner le contact pour la visite sécurité de la raffinerie de Berre, demander les permissions de voirie et tenir les délais (17 mars 2017),
– M. [Z] [K] communique les coordonnées de son ‘chef d’équipe qui sera sur place…site [Localité 9] pour le raccordement de la tête optique – M [J] [I]’,
– plusieurs échanges de courriels avec le client Orange, dans lesquels, il est demandé à M. [Z] [K] de planifier la première visite de site (16 février 2017) ; M. [Z] [K] demande la communication du chargé d’affaire pour qu’il puisse convenir d’un rendez-vous et réaliser l’annexe A (29 juin 2017).
Les courriels envoyés par M. [Z] [K] supportent une signature électronique suivante ‘ M. [Z] [K] conducteur de travaux Fo Telecom…’
Il résulte de l’ensemble de ces éléments :
– d’une part, même en écartant l’attestation de M. [L] qui conteste en être le rédacteur, que M. [Z] [K] était présenté par sa hiérarchie comme ‘conducteur de travaux’ et qu’il se présentait lui-même en cette qualité sans que l’employeur ne justifie pas avoir reproché au salarié l’utilisation de sa signature électronique,
– d’autre part, que les différentes tâches qu’il exécutait se rattachaient manifestement à celles de chef de travaux ne se contentant pas de fournir des instructions et un ‘feedback’ aux travailleurs pendant leur travail, de réaliser les plannings de travail, d’inspecter le matériel et d’informer la direction sur son état, de s’assurer que les normes de santé et de sécurité étaient bien suivies, puisqu’il était également amené à superviser l’avancement et la qualité des travaux confiés à la société et la garantie de la tenue des engagements, de vérifier et transmettre tous les documents administratifs et légaux nécessaires à la réalisation des travaux, de garantir le respect des engagements en matière de qualité et de sécurité, et qu’il était en contact directement avec les clients de la société.
Incontestablement, M. [Z] [K] exerçait les fonctions de conducteur de travaux fibre optique et le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur la qualification conventionnelle du poste occupé par M. [Z] [K]
L’article 6.2.1 de la convention collective des Télécommunications stipule que ‘les définitions des différents groupes de classification ont été établies à partir des critères classants suivants : complexité des tâches, autonomie, impact des décisions prises, relations et connaissance que nécessite l’emploi tenu. La complexité prend en compte la difficulté et la diversité des situations rencontrées dans l’emploi et le niveau de réflexion nécessaire pour effectuer les tâches ou prendre les décisions inhérentes à l’emploi.
L’autonomie détermine le degré de liberté de l’emploi, dans le processus de décision ainsi que la nature des contrôles exercés.
L’impact des décisions prises rend compte de l’influence de l’emploi sur le fonctionnement et le résultat de l’équipe, de l’entité ou de l’entreprise.
Les relations caractérisent le niveau et la nature des relations de l’emploi avec son environnement interne et/ou externe.
Les connaissances requises évaluant l’ensemble des savoirs (savoir être et savoir faire), des compétences et aptitudes requis par l’emploi, et non celles détenues par l’individu, quelque soient leurs modes d’acquisition : formation initiale, formation continue ou expérience professionnelle, que ceux-ci aient été sanctionnés ou non par un diplôme, un titre homologué ou un certificat de qualification professionnelle. (…)
Groupe D
Complexité: ces emplois correspondent à de l’organisation et de la coordination de travaux, voire à de l’encadrement, à partir de directives constituant le cadre d’ensemble de l’activité et définissant l’objet de travail, mais aussi à la réalisation directe de tâches complexes supposant un savoir faire appuyé sur des connaissance théoriques.
Autonomie : l’activité nécessite une initiative significative, l’interprétation de données reçues mais reste guidée par des procédures définies selon des techniques éprouvées. Des adaptations soumises à validation, peuvent être proposées en fonction du contexte.
Impact des décisions prises : l’emploi indique des actions ou décisions dont les effets se constatent au niveau d’une équipe ou d’une activité large.
Relations : les relations consistent à échanger et faire partager toutes informations utiles à la réalisation de l’activité et/ou à animer une équipe ou un groupe de travail.
Groupe C:
Complexité : ces emplois correspondent à des travaux qualifiés correspondant à des modes opératoires relativement élaborés (ordonnancement des tâches à réaliser) combinant un savoir faire pratique associé à un savoir théorique du métier,
Autonomie : l’activité laisse place à l’initiative dans le cadre de procédures définies selon des techniques éprouvées qui ne peuvent être remises en cause.
Impact des décisions prises : les opérations effectuées ont un impact significatif sur d’autres postes de travail,
Relations : les relations consistent à échanger toutes les informations et à préconiser des améliorations utiles à la réalisation de l’activité,
Connaissances : les connaissances nécessaires acquises par la formation initiale, la formation ou l’expérience professionnelle allient théorie et pratique de processus avancés. Elles correspondent le plus souvent à celles déterminées aux niveaux IV ou III de l’éducation nationale,
Connaissances : les connaissances nécessaires associent des notions techniques et économiques à des connaissances professionnelles permettant une bonne maîtrise de l’emploi. Elles correspondent le plus souvent à celles déterminées au niveau III ou II de l’éducation nationale’.
L’annexe 4 de la convention propose à titre indicatif des définitions d’emplois et leurs positionnements dans la grille des classifications.
La Directive européenne n°91-533 du 14 octobre 1991 relative à l’obligation de l’employeur d’informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail dispose que ‘le salarié doit être informé par écdrit, dans les deux mois de son embauche, des éléments suivants ‘titre, grade, qualité ou catégorie d’emploi ou description sommaire du travail’.
La convention collective prévoit un salaire minimum de 23 897 euros annuel pour 2016 et 24 089 euros annuel pour 2017 pour un salarié relevant du groupe D.
En l’espèce, il n’est pas contesté que ni le contrat de travail, ni le bulletins de salaire ne mentionnent la classification professionnelle de M. [Z] [K], notamment le groupe conventionnel dont il relevait.
La Sas BCL Telecom soutient qu’il n’a jamais été convenu que M. [Z] [K] ait le statut de cadre, ne conteste pas que le salarié bénéficiait d’une certaine autonomie dans l’organisation de son travail mais prétend qu’il exécutait seulement les directives de ses supérieurs, M. [L] et M. [C], et leur rendait compte, ce qui est effectivement établi par les échanges de courriels, et indique que M. [A] [D] était le conducteur de travaux, sans que les pièces produites aux débats ne corroborent ces dernières affirmations, aucun courrier ou courriel de mentionne son nom et ne fait état de directives qu’il aurait adressées à à M. [Z] [K].
Les éléments versés aux débats mettent en évidence que si M. [Z] [K] devait se conformer aux directives de sa hiérarchie, il n’en demeurait pas moins qu’il bénéficiait d’une réelle autonomie, qu’il était chargé de l’animation de plusieurs équipes fibres et de l’équipe génie civil dont il devait assurer la coordination, de la transmission des informations et de l’attribution des dossiers, de sorte qu’il remplissait en réalité les fonctions correspondant à la classification du groupe D de la convention collective susvisée.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont dit que M. [Z] [K] sera positionné au groupe D de la convention collective applicable et le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur le salaire minimum conventionnel :
Selon la convention collective des Télécommunications, le salaire minimum annuel applicable pour les salariés du groupe D sur la base de 35 heures s’élevait en 2016 à 23 897 euros et en 2017 à 24 089 euros.
Or, M. [Z] [K] a perçu un salaire mensuel brut de 1 850 euros, soit d’un montant annuel de 22 200 euros, manifestement inférieur au minimum annuel conventionnel.
La Sas BCL Telecom conteste le paiement du rappel de salaire à ce titre pour janvier et février 2018 au motif que le salarié a fait l’objet d’une mise à pied conservatoire, mais ne justifie pas de la réalité de la mise en oeuvre de cette sanction.
Par contre, l’augmentation du minimum conventionnel du groupe D n’a été applicable qu’à compter de l’arrêté du 19 juin 2017 de l’accord de branche du 03 février 2017 de sorte qu’elle ne peut être prise en compte pour l’intégralité de l’année 2017.
Il convient dès lors de faire droit à la demande du salarié au titre du rappel de salaire au titre du minimum conventionnel à hauteur de la somme de 848,46 euros pour 2016 sur une période de 6 mois et à hauteur de 994,46 euros pour 2017 et 2018 sur une période de 13,7 mois, soit la somme totale de 2 908 euros bruts [2016 : 6 mois X (1991,41 – 1850), 2017 et 2018 : 6 mois X (1991,41 – 1850 ) + 7,7 mois X ( 2007,41 -1850) ].
Le jugement entrepris sera donc réformé en ce sens.
Sur la demande d’heures supplémentaires :
L’heure supplémentaire peut être définie comme toute période répondant à la définition de temps de travail effectif effectuée par un salarié au-delà de la durée légale du travail.
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures supplémentaires de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précisées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En cas de litige relatif à l’existence et au nombre d’heures effectuées, l’employeur doit être mesure de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié dans la limite de la prescription quinquennale.
L’amplitude de la journée de travail correspond à la période qui s’écoule entre le moment où le salarié prend son poste et le moment où il le quitte et est déterminée par l’addition des temps de travail effectif et des temps de pause.
En l’espèce, M. [Z] [K] soutient avoir réalisé de nombreuses heures supplémentaires et produit à l’appui de ses prétentions :
– les fiches de géolocalisation de véhicules de service de la Sas BCL Telecom, une Citroen immatriculée EE484DA et une Fiat immatriculée DW740PC pour les mois de décembre 2016, du 13 au 25 janvier 2017, du 02 au 28 février 2017, du 01 au 31 mars 2017, du 1er au 29 avril 2017, du 15 au 31 mai 2017, du 1er au 30 juin , du 1er juillet au 31 juillet, du 1er août 31 août 2017, le 1er septembre 2017, du 02 au 31 octobre 2017, le 1er novembre et les 1er et 2 décembre 2017, sur lesquelles sont mentionnées la date, les lieux et les heures de départ et d’arrivée au dépôt, la durée des trajets et la distance en kilomètres,
– un tableau récapitulatif des heures supplémentaires prétendument effectuées sur lesquels sont mentionnés la semaine concernée, l’heure d’arrivée au dépôt et l’heure de départ, le total des heures de travail de la journée et du mois et le nombre d’heures supplémentaires hebdomadaires, pour les mois de décembre 2016 et de l’année 2017.
De son côté, la Sas BCL Telecom qui ne produit aux débats aucun élément de nature à justifier du temps de travail effectivement réalisé par M. [Z] [K], soutient que :
– l’attribution des véhicules de service n’a pas un caractère exclusif et que plusieurs salariés peuvent l’utiliser, sans pour autant en justifier,
– la pause déjeuner durait une heure, ce qu’elle ne justifie pas non plus,
– le contrat de travail prévoit expressément que M. [Z] [K] ne pouvait pas prendre l’initiative de la réalisation d’heures supplémentaires et qu’elles devaient préalablement et expressément être commandées par la direction ce qui est confirmé à l’article 8 du contrat de travail, cependant, la demande du salarié ne peut être écartée au seul motif qu’il ne justifie pas d’une demande préalable, dès lors que ces heures ont été réellement effectuées, et peu importe que le responsable d’agence M. [L] et un conducteur de travaux, M. [A] [D], attestent qu’il n’a jamais été demandé à M. [Z] [K] de réaliser des heures supplémentaires et que les heures de nuit étaient payées ou récupérées,
– M. [Z] [K] s’est absenté sans justificatif pendant la relation contractuelle pour se rendre à l’étranger pour des raisons personnelles notamment du 26 janvier 2017 au 1er février 2017 alors que son salaire a été maintenu sans contrepartie de travail sur la base de 35 heures et qu’aucun congé ne lui a été décompté.
La Sas BCL Telecom se limite à critiquer les pièces versées aux débats par le salarié sans fournir aucun élément de contrôle de la durée du travail, les premiers juges ayant néanmoins à bon droit déduit les périodes d’absence du salarié.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a fait droit aux prétentions de M. [Z] [K] de ce chef mais réformé sur le montant retenu, la somme due s’élevant à 8 633,69 euros bruts et non pas à 7 633,69 euros, tout comme pour l’indemnité de congés payés qui s’élève dès lors à 863 euros bruts.
Sur la majoration du rappel de salaire relatif aux heures supplémentaires sur la base du minimum conventionnel applicable :
Il y a lieu de faire droit à la demande de M. [Z] [K] relative à un rappel de salaire sur les heures supplémentaires sur la base du groupe D de la convention collective applicable et de faire droit à la demande de M. [Z] [K] à hauteur de 734,60 euros à ce titre outre 73 euros au titre des congés payés, sommes non sérieusement contestées par l’employeur.
Le jugement entrepris sera donc réformé en ce sens.
Sur la demande relative à l’indemnité pour travail dissimulé :
En l’espèce, s’il apparaît que l’employeur a mentionné sur les bulletins de paie de M. [Z] [K] un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, par contre, à défaut de preuve de l’intention de l’employeur de se soustraire à ses obligations, énoncées à l’article L. 8221-5 du code du travail, la demande formée par M. [Z] [K] n’est pas fondée et sera donc rejetée;
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
II Sur le licenciement pour faute grave :
S’agissant d’un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs formulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l’employeur qui l’invoque d’en rapporter la preuve.
La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.
Si l’article L1332-4 du code du travail prévoit en principe qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur a eu connaissance, en revanche ce texte ne s’oppose à pas à la prise en considération d’un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s’est poursuivi dans ce délai.
Selon l’article L1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
L’article 1332-2 du même code dispose que lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié. Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. Au cours de l’entretien, l’employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié. La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien. Elle est motivée et notifiée à l’intéressé.
L’absence après un refus de l’employeur de toute autorisation d’absence constitue un refus volontaire de travail’et peut légitimer un licenciement et caractériser la faute grave sans que les juges n’aient à rechercher si cet acte d’insubordination avait entraîné ou non des perturbations dans le fonctionnement de l’entreprise.
En l’espèce, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, énonce les griefs suivants :
‘Nous vous avions convoqué à l’entretien préalable qui devait se tenir le 20 février dernier.
Vous pré ne vous y êtes pas senté.
Nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.
Les raisons qui motivent cette décision et qui vous auraient été exposées si vous étiez rendu à votre entretien préalable sont les suivantes :
vous ne vous êtes plus présenté à votre poste de travail depuis le 26 décembre 2017,
nous vous avons adressé une première mise en demeure en date du 2 janvier 2018 à laquelle vous n’avez pas donné de suite.
Nous vous avons ensuite de nouveau demandé de justifier de votre absence par courrier recommandé avec accusé de réception du 09 janvier 2018.
Le 12 janvier 2018 vous nous avesz finalement répondu et avez tenté d’expliquer votre absence. Vous avez ainsi prétexté que M. [L] aurait tenté de vous faire accepter une modification de vos fonctions de conducteur de travaux en vous demandant de vous rendre sur les chantier et qu’il vous aurait donné l’ordre de restituer votre véhicule, votre ordinateur en vous précisant qu’à défaut d’accord vous pouviez rentrer à votre domicile.
Dès le 17 janvier 2018, nous nous sommes inscrits en faux contre les propos que vous prêtiez à M. [L]. Nous vous avons rappelé que celui-ci vous avait demandé d’être plus présent sur les chantiers et de ne pas rester uniquement au bureau ce que vous aviez tendance à faire.
Nous vous avons spécifié que certaines de vos tâches nécessitaient une présence physique sur chantier, ce qui légitimait la demande de M. [L].
Nous vous avons confirmé que notre volonté n’était aucunement de vous modifier vos fonctions mais que nous souhaitions uniquement que vous exerciez l’ensemble de vos attributions de chef d’équipe.
Nous vous avons à ce titre rappelé que vous aviez été engagé en qualité de chef d’équipe et non pas conducteur de travaux comme vous le prétentiez abusivement. C’est d’ailleurs cet emploi qui figure sur votre contrat de travail et l’ensemble de vos bulletins de paie.
En outre, si M. [L] vous avait demandé de laisser le véhicule de l’entreprise au bureau c’était uniquement parce que vous deviez vous rendre sur le chantier avec le camion de l’entreprise.
Nous vous avons expressément invité à reprendre votre travail.
Malgré ce, vous n’avez jamais repris votre poste et ne nous avez pas communiqué de justificatif d’absence.
Vous êtes donc en absence injustifiée depuis le 26 décembre 2017 ce que nous ne pouvons pas tolérer.
Par conséquent, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour faute grave.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible.
Aussi, votre licenciement sera effectif dès la notification de la présente lettre, sans pravis ni indemnité de rupture…’.
A l’appui de ses prétentions, la Sas BCL Telecom produit aux débats :
– une lettre de mise en demeure du 02 janvier 2018 qui mentionne l’absence du salarié depuis le 26 décembre 2017, rappelle les termes du contrat de travail selon lesquelles le salarié doit l’informer et justifier de toute absence dans un délai de 48 heures, et qui demande à M. [Z] [K] de produire un justificatif de son absence ou à défaut de réintégrer son poste de travail,
– un second courrier du 09 janvier 2018 qui rappelle les termes de la mise en demeure et lui rappelle qu’il est resté en possession du véhicule de service et de l’ordinateur portable appartenant à l’entreprise,
– un courrier en réponse de M. [Z] [K] daté du 12 janvier 2018 dans lequel il indique avoir envoyé un courrier recommandé daté du 26 décembre, avoir discuté avec M. [L] sur ses conditions de travail, que celui-ci lui a dit de ‘rejoindre le chantier pour tirer des câbles, de rendre’ son ‘véhicule’, son ‘pc et bureau’ et en cas de refus de ‘rentrer à’ son ‘domicile’, ne pas être en abandon de poste ni en démission et qu’il reste à la disposition de la société pour reprendre son poste de conducteur de travaux,
– un courrier du 17 janvier 2018 qu’elle a adressé à M. [Z] [K] et dans lequel elle entend rappeler qu’il exerce les fonctions de chef d’équipe qui a pour ‘pour mission de ‘sécuriser le chantier et son environnement, désactiver un réseau électrique, démonter les câbles électriques…’ des tâches qui ne peuvent qu’être réalisées en étant physiquement présent sur le chantier’, qu’elle ne lui a jamais imposé une modification des conditions de travail, que le salarié a apparemment ‘confondu l’exercice de son pouvoir de direction’ par son ‘responsable avec une tentative de pression ou autre’ le ‘conduisant à adopter un comportement qui aurait pu conduire à envisager sérieusement la rupture’ de son ‘contrat de travail’ et qui invite M. [Z] [K] à reprendre son poste,
– la lettre de convocation à un entretien préalable du 26 janvier 2018.
Il n’est pas discuté que M. [Z] [K] ne s’est plus présenté à son poste de travail depuis le 26 décembre 2017.
M. [Z] [K] soutient que son licenciement a été motivé à son refus d’une modification de son contrat de travail.
Si l’abandon de poste du salarié, qui trouve son origine dans un manquement de l’employeur à ses obligations, ne saurait constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, il n’en demeure pas moins, en l’espèce, que M. [Z] [K] ne justifie pas, d’une part avoir avisé son employeur d’une quelconque difficulté liée à l’exécution du contrat de travail avant son courrier du 12 janvier 2018, d’autre part, que son employeur entendait modifier ses conditions de travail à compter de décembre 2017, peu importe que la Sas BCL Telecom ait rappelé qu’il avait été engagé en qualité de chef d’équipe et qu’elle ne conteste pas qu’il lui avait été demandé de se rendre sur les chantiers notamment pour assurer leur sécurité, les interventions sur le terrain sollicitées par son supérieur hiérarchique, de façon occasionnelle, même si elles se rattachent davantage au poste de chef d’équipe qu’à celui de conducteur de travaux étaient insuffisantes pour caractériser une modification de ses conditions de travail initiales et ne constituaient manifestement pas un manquement aux obligations de l’employeur de nature à légitimer son absence prolongée à son poste et ce, sans demande d’autorisation préalable et sans cause légitime.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que M. [Z] [K] ‘ n’apporte pas la preuve que son employeur entendait modifier les tâches réellement exercées par lui jusqu’alors’.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
III Sur les autres demandes :
Les parties ne contestent pas les dispositions du jugement entrepris relatives à la condamnation de M. [Z] [K] au paiement d’une somme de 491,40 euros à titre de rappel de salaire pour un trop perçu et à la compensation ordonnée judiciairement avec les condamnations prononcées à l’encontre de la Sas BCL Telecom.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud’homale et en dernier ressort;
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nîmes le 13 juin 2019 en ce qu’il a :
– dit que M. [Z] [K] doit être positionné au groupe D de la convention collective applicable,
– condamné la Sas BCL Telecom au paiement des sommes suivantes au profit de M. [Z] [K] :
* 2 007 euros net à titre d’indemnité de requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté M. [Z] [K] du surplus de ses demandes,
– condamné M. [Z] [K] au paiement d’une somme de 491,40 euros àç titre de rappel de salaire trop perçu,
– prononcé la compensation judiciaire,
– dit que cette de 491,40 euros viendra en déduction des sommes prononcées à titre de condamnation dues par la Sas BCL Telecom ,
– rappelé l’exécution provisoire de plein droit en application des dispositions de l’article R1454-28 du code du travail et dit pour cela que la moyenne des trois deniers mois de salaire s’élève à 2007 euros,
– dit que les dépens seront à la charge de la Sas BCL Telecom.
L’infirme pour le surplus,
Statuant sur les dispositions réformées,
Condamne la Sas BCL Telecom à payer à M. [Z] [K] la somme de 2 908 euros bruts de rappel de salaire conventionnel et 290 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
Condamne la Sas BCL Telecom à payer à M. [Z] [K] la somme de 8 633,69 euros bruts à titre de rappel sur les heures supplémentaires et 863 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
Condamne la Sas BCL Telecom à payer à M. [Z] [K] la somme de 734,60 euros bruts à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires sur la base du groupe D de la convention collective applicable, outre 73 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
Y ajoutant,
Condamne la Sas BCL Telecom à payer à M. [Z] [K] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Ordonne la remise par la Sas BCL Telecom de bulletins de paie et documents de fin de contrat rectifiés, conformément à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement,
Condamne la Sas BCL Telecom aux dépens de la procédure de première instance et d’appel.
Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame OLLMANN, Greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,