COUR D’APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 20 OCTOBRE 2022
F N° RG 21/05768 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-ML2T
S.A.R.L. GIRONDE TRANSPORTS EXPRESS
c/
COMPTABLE PUBLIC RESPONSABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIAL
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 05 octobre 2021 (R.G. 21/05904) par le Juge de l’exécution de Bordeaux suivant déclaration d’appel du 20 octobre 2021
APPELANTE :
S.A.R.L. GIRONDE TRANSPORTS EXPRESS
Transports de marchandises, demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Nadine DESSANG, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
COMPTABLE PUBLIC RESPONSABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIAL COMPTABLE PUBLIC RESPONSABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIAL
ISE DE LA GIRONDE
demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Lucie ZAWADA substituant Me Thierry WICKERS de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 septembre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Remi FIGEROU, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Monsieur Remi FIGEROU, Conseiller,
Madame Christine DEFOY, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Annie BLAZEVIC
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [W] [T] [B] est redevable auprès du comptable public responsable du pôle recouvrement spécialisé de la Gironde de la somme de 191 047,91 euros correspondant à un redressement fiscal au titre de l’impôt sur les revenus 2015 (en principal et majoration de 10 %) mis en recouvrement le 31 décembre 2017.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 21 décembre 2020, le Comptable public responsable du pôle recouvrement spécialisé de la Gironde a notifié à la S.A.R.L. Gironde transports express un avis de saisie administrative à tiers détenteur pour obtenir recouvrement de cette somme due par M. [B].
La SARL Gironde Transports Express a accusé réception de cette lettre le 23 décembre 2020, mais n’a pas fait connaître la teneur de ses obligations vis-à-vis de M. [B], malgré la mise en demeure qui lui a en outre été adressée le 27 janvier 2021.
Par acte du 30 juin 2021, enregistré au greffe le 8 juillet 2021, le Comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Gironde a assigné la S.A.R.L. Gironde Transports Express devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de condamnation au paiement de la somme de 191 047,91 euros ; soit la somme due par M. [B] ; augmentée des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation, outre la somme de 1200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
La SARL Gironde Transports Express n’a pas comparu et ne s’est pas faite représenter.
Par jugement du 5 octobre 2021, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– condamné la SARL Gironde Transports Express à payer à M. le Comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Gironde la somme de 191 047, 91 euros,
– dit que cette somme porterait intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2021,
– condamné la SARL Gironde transports express à payer à M. le Comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Gironde la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SARL Gironde transports express aux entiers dépens de l’instance,
– rappelé que son jugement était exécutoire de plein droit.
La S.A.R.L. Gironde Transports Express a relevé appel du jugement le 20 octobre 2021 en ce qu’il l’a :
– condamné à payer à M. le Comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Gironde la somme de 191 047, 91 euros,
– dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2021,
– condamné à payer à M. le Comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Gironde la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné aux entiers dépens de l’instance,
– rappelé que son jugement était exécutoire de plein droit.
L’ordonnance du 9 décembre 2021 a fixé l’audience des plaidoiries au 7 septembre 2022.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 4 août 2022, la S.A.R.L. Gironde Transports Express demande à la cour, sur le fondement des articles L211-3 du code des procédures civile d’exécution, et de l’article 262 3° al 3 et 4 du Livre des procédures fiscales, de:
A titre principal,
– réformer en toutes ses décisions le jugement rendu par le juge de l’exécution le 5 octobre 2021 en ce qu’il l’a condamnée notamment à payer à M. Le Comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Gironde la somme de 191 047,91 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2021,
– condamner M. le Comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Gironde à la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
A titre infiniment subsidiaire,
– juger que sa dette s’élève à la somme de 183 461,86 euros,
– la condamner au seul paiement de cette somme,
– lui accorder des délais de paiement conformément à l’échéancier établi entre les parties, à savoir:
– 34 versements mensuels de 5 242 euros, au plus tard le 30 de chaque mois à compter du 30 mai 2022,
– 1 versement de 5 233,86 euros, au plus tard le 30 mars 2025,
– débouter M. le Comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Gironde du surplus de ses demandes.
Elle fait notamment valoir que :
– Le Comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Gironde connaissait la situation de M. [B] comme salarié de l’entreprise puisqu’il avait déjà effectué une saisie administrative à tiers détenteur et que d’autres informations complémentaires tels que les statuts étaient accessibles auprès du greffe du tribunal de commerce. De plus, la S.A.R.L. Gironde Transports Express n’a pas contesté le fait que M. [B] était l’un de ses salariés, ni le fait qu’elle était redevable à l’administration de l’obligation de versement du salaire de son salarié.
– La S.A.R.L. Gironde Transports Express a mis en place la retenue sur salaire en juin 2021 suite au calcul qui été fait par son expert-comptable et les sommes retenues ont été versées, de sorte qu’au jour du dépôt du dossier à l’audience, le 7 septembre 2021, plusieurs mois de retenues avaient été réglés au Comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Gironde
– il appartient au juge de condamner ou non l’employeur au paiement des sommes, ou d’accorder des délais au vu de la situation. Or, il ressort de la motivation du jugement de première instance que le juge n’a pas été informé de la mise en place de la saisie puisque le Comptable public s’est contenté de se référer à son assignation. La S.A.R.L. Gironde transports express a tenté de prendre contact avec le Comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Gironde afin d’obtenir des informations sur la mise en place de la retenue et les modalités de règlement dont l’édition d’un RIB, tentatives qui sont restées longtemps infructueuses. En outre, le versement d’une telle somme risque d’entraîner de fortes difficultés financières, s’agissant d’une petite entreprise avec de lourdes charges sociales, affectée par la crise sanitaire.
– Subsidiairement, un échéancier a été convenu entre les parties, de sorte qu’il convient, en cas de condamnation de la S.A.R.L. Gironde transports express de l’homologuer.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 18 août 2022, le Comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Gironde demande à la cour, sur le fondement des articles L 262-3 et suivants du Livre des procédures fiscales, de :
– débouter la S.A.R.L. Gironde Transports Express de ses demandes, fins et prétentions,
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf à limiter la condamnation à 183 461,86 euros, pour tenir compte des règlements du débiteur.
Y ajoutant,
– condamner la S.A.R.L. Gironde Transports Express à lui payer la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, dont distraction au profit de la SELAS Elige [Localité 2],
– la condamner aux entiers dépens d’appel.
Il fait notamment valoir que :
– Alors qu’elle était tenue de déclarer immédiatement l’étendue de ses obligations au comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Gironde, conformément à l’article L262 3° du livre des procédures fiscales, la S.A.R.L. Gironde transport express ne l’a pas fait. Elle n’a pas procédé aux formalités déclarative suite à la saisie. Elle ne l’a fait que six mois après la signification de l’assignation. En outre, la retenue sur les salaires mise en place à compter du mois de juin 2021 ne couvre pas la période du 23 janvier 2021 au 1er juillet 2021 où elle aurait déjà dû être mise en place.
– la S.A.R.L. Gironde Transport Express avait déjà fait l’objet d’une saisie administrative à tiers détenteur par le Comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Gironde, signifiée le 13 mai 2019 et restée sans réponse malgré une relance. Il s’avère que la gérante de la société est la compagne de M. [B], de sorte qu’elle ne peut ignorer sa situation financière. Il convient également de souligner que les salaires de M. [B] ont fortement diminué suite à l’assignation, de sorte que sur la base du salaire du mois de juin 2021, après calcul de la part saisissable, la S.A.R.L. Gironde transports express n’a versé au Comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Gironde qu’un chèque de 229,64 euros le 1er juillet 2021 avant de cesser tout virement au mois d’octobre 2021. Pourtant, M. [B] travaille toujours au sein de la société.
– la S.A.R.L. Gironde Transports Express allègue l’impossibilité de régler l’intégralité de la somme due par M. [B] au risque d’être en situation de cessation des paiements. Or, cette procédure ne tend qu’à l’obtention d’un titre exécutoire et non le paiement de l’intégralité de la somme, ce d’autant que le juge judiciaire est incompétent pour ce faire. De plus, le bilan simplifié de l’exercice 2020 de la société indique des disponibilités à hauteur de 427 5557 euros. Enfin, la S.A.R.L. peut également si elle le souhaite demander un paiement échelonné pour régler la dette.
– Dans le cadre d’engagements pris vis-à-vis du comptable public, M. [B] a procédé à un règlement qui a ramené le montant réclamé à 183 461,86 euros.
MOTIFS
L’article Article L3252-9 du livre des procédures fiscales dispose que : « Le tiers saisi fait connaître :
1° La situation de droit existant entre lui-même et le débiteur saisi ;
2° Les cessions, saisies, saisies administratives à tiers détenteur ou paiement direct de créances d’aliments en cours d’exécution.
Le tiers employeur saisi qui s’abstient sans motif légitime de faire cette déclaration ou fait une déclaration mensongère peut être condamné par le juge au paiement d’une amende civile sans préjudice d’une condamnation à des dommages et intérêts et de l’application des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 3252-10. »
L’article L 262 du même code ajoute que sous peine de se voir réclamer les sommes saisies majorées du taux d’intérêt légal, le tiers saisi, destinataire de la saisie administrative à tiers détenteur, est tenu de verser aux lieu et place du redevable, dans les trente jours suivant la réception de la saisie, les fonds qu’il détient ou qu’il doit, à concurrence des sommes dues par ce dernier.
En l’espèce, l’appelante prétend qu’elle aurait respecté son obligation d’information de l’administration fiscale et qu’elle se serait rapprochée de l’administration fiscale « bien avant d’être assignée » ce qu’elle ne démontre toutefois pas, et qui est contesté par l’intimé. Or, il résulte des pièces versées aux débats que ce n’est que postérieurement à la délivrance de l’assignation qu’elle s’est rapprochée de l’administration, en lui transmettant un chèque correspondant à une retenue sur salaire du mois de juin 2021, sans toutefois régulariser les sommes dues au titre des mois antérieurs, et sans déclarer les éléments d’information exigés par la loi.
En conséquence, la S.A.R.L. Gironde Transports Express n’a pas respecté son obligation déclarative.
Par ailleurs, si l’appelante soutient que la cause de l’assignation n’existait plus au jour de l’audience de plaidoirie devant le premier juge au motif qu’elle aurait « concrétisé la retenue » l’intimé démontre au contraire que la SARL Gironde Transports Express n’a mis en place une retenue qu’à compter du mois de juin 2021 alors que la retenue aurait dû être mise en place dans les 30 jours suivant la réception de la saisie, soit au plus tard le 23 janvier 2021, si bien qu’aucune retenue n’a été entreprise pour la période du 23 janvier 2021 au 1 er juillet 2021 ;
En conséquence, la cause de l’assignation persistait au jour de l’audience, si bien qu’il y a lieu de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a condamné la société Gironde Transports Express à payer dans la limite des quelques réglements entrepris par celle-ci et qui permettent de fixer la créance de l’intimé à la somme de 183 461,86 euros .
Pour solliciter des délais de paiement l’appelante fait valoir sa situation de petite entreprise, réalisant un chiffre d’affaires de 1 288 408 euros pour un bénéfice de 94 936 euros en 2000, et employant 20 salariés, si bien que la confirmation du jugement la condamnerait à déclarer sa cessation de paiements.
Toutefois, il résulte des pièces communiquées par l’intimé que la SARL Gironde Transports Express connaissait parfaitement le mécanisme de la saisie sur salaire, puisqu’une première saisie administrative à tiers détenteur lui avait été notifiée le 13 mai 2019, et qu’en raison de son silence, une relance lui avait été notifiée le 12 février 2020. Toutefois, elle était encore restée taisante. Par ailleurs, M. Le comptable public démontre encore que l’appelante a calculé la part saisissable du salaire de M. [B] sur la base de son salaire de juin 2021, mois au cours duquel il a perçu la somme de 1451, 67 euros, alors qu’il avait perçu antérieurement des sommes bien plus importantes, puisqu’il avait reçu de son employeur la somme de 7991,50 euros en décembre 2020, celle de 3553, 85 euros en janvier et février 2021, celle de 2520,28 euros en mars 2021, et celle de 3405,22 euros en avril et mai 2021. Or, rien n’explique la baisse de son salaire sur laquelle l’appelante ne donne aucun motif. En outre, cette dernière a cessé d’effectuer ses versements à compter du mois d’octobre 2021, alors que M. [B] était toujours son salarié.
Par ailleurs, l’appelante ne communique aucun élément actualisé et récent sur le plan comptable, notamment au titre de l’année 2021.
Il apparait qu’ainsi la SARL Gironde Transports express est seule responsable de la situation qu’elle déplore, alors qu’en toutes hypothèses, l’intimé sollicite uniquement l’obtention d’un titre exécutoire, lequel est justifié au regard des obligations méconnues de l’employeur.
En conséquence, à défaut d’accord express du créancier, et en raison de la mauvaise foi de l’appelante, il n’y a pas lieu d’accorder les délais de paiement sollicités par la société Gironde Transport Express.
Enfin, il serait inéquitable que M. le comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Gironde supporte les frais irrépétibles qu’il a engagé devant la cour d’appel.
En conséquence, la SARL Gironde transports express sera condamnée à lui verser, outre ses dépens, la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Confirme le jugement rendu le 05 octobre 2021par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux, sauf à condamner la SARL Gironde transports express à payer à M. le Comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Gironde la somme de 183 461,86 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2021, outre les entiers dépens, et la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant :
Condamne la SARL Gironde transports express à payer à M. le Comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Gironde la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,
ondamne la SARL Gironde transports express aux dépens d’appel.
La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Annie BLAZEVIC, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE