Retenues sur salaire : 2 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/01576

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Retenues sur salaire : 2 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/01576

AFFAIRE PRUD’HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

N° RG 20/01576 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M4PO

Société ISI SECURITE MOBILE

S.E.L.A.R.L. AJ PARTENAIRES

S.E.L.A.R.L. JEROME ALLAIS

C/

[L]

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 8]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 31 Janvier 2020

RG : 18/00693

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRET DU 02 Juin 2023

APPELANTES :

Société ISI SECURITE MOBILE

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par Me Pierre-luc NISOL de la SELARL ACO, avocat au barreau de VIENNE

S.E.L.A.R.L. AJ PARTENAIRES ès qualités de commissaire à l’éxécution du plan de la société ISI SECURITE MOBILE

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Pierre-luc NISOL de la SELARL ACO, avocat au barreau de VIENNE

S.E.L.A.R.L. JEROME ALLAIS ès qualités de mandataire judiciaire de la société ISI SECURITE MOBILE

[Adresse 9]

[Localité 5]

représentée par Me Pierre-luc NISOL de la SELARL ACO, avocat au barreau de VIENNE

INTIMES :

[C] [L]

né le 20 Octobre 1976 à [Localité 10]

[Adresse 1]

[Localité 7]

représenté par Me Stéphane TEYSSIER de la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 8]

[Adresse 4]

[Localité 8]

représentée par Me Charles CROZE de la SELARL AVOCANCE, avocat au barreau de LYON

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Avril 2023

Présidée par Béatrice REGNIER, président et Catherine CHANEZ, conseiller, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Rima AL TAJAR, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Béatrice REGNIER, président

– Catherine CHANEZ, conseiller

– Régis DEVAUX, conseiller

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 02 Juin 2023 par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Béatrice REGNIER, président, et par Rima AL TAJAR, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

M. [C] [L] été engagé dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel le 1er juin 2014 par la SARL Isi Sécurité Mobile en qualité d’agent de sécurité confirmé.

La SARL Isi Sécurité Mobile a été placée en redressement judiciaire le 19 avril 2017.

Après avoir été convoqué le 21 juin 2017 à un entretien préalable fixé au 30 juin suivant, M. [L] a été licencié pour motif économique le 5 juillet 2017.

Contestant le bien-fondé de cette mesure, il a saisi le 9 mars 2018, le conseil de prud’hommes de Lyon.

Le 18 avril 2018, la SARL Isi Sécurité Mobile a été admise au bénéfice d’un plan de redressement par voie de continuation.

Par jugement du 31 janvier 2020, le conseil de prud’hommes a :

– requalifié le contrat à temps partiel en contrat à temps plein ;

– dit que le licenciement de M. [L] est sans cause réelle et sérieuse ;

– condamné la SARL Isi Sécurité Mobile à payer au salarié les sommes de :

– 9 144 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 7 500 euros net de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts pour refus fautif de transmission du contrat de sécurisation professionnelle (CSP) à Pôle emploi ;

– 5 887 euros brut, outre 588 euros brut de congés payés, à titre de rappel de salaire sur la requalification du temps partiel en temps plein,

– 11 615,80 euros brut, outre 1 161 euros brut de congés payés, au titre des heures supplémentaires non rémunérées,

– 500 euros net à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de formation,

– 500 euros net à titre de dommages et intérêts pour non-respect des visites médicales,

– 636,46 euros, outre 63 euros brut de congés payés, à titre de rappel de salaire,

– 5 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

– 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné la transmission d’une fiche de paie rectificative et documents afférents ;

– mis hors de cause l’AGS ;

– débouté les parties du surplus de leurs prétentions.

Par déclaration du 27 février 2020, la SARL Isi Sécurité Mobile, la SELARL AJ Partenaires en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de la SARL Isi Sécurité Mobile et la SELARL Jérôme Allais en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL Isi Sécurité Mobile ont interjeté appel du jugement en visant expressément les dispositions attaquées.

Par conclusions transmises par voie électronique le 28 décembre 2020, la SARL Isi Sécurité Mobile, la SELARL AJ Partenaires en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de la SARL Isi Sécurité Mobile et la SELARL Jérôme Allais en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL Isi Sécurité Mobile demandent à la cour d’infirmer le jugement en ses dispositions critiquées et de débouter M. [L] de l’intégralité de ses réclamations.

Elle soutiennent que :

– le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse en ce que, aucun poste n’étant disponible au sein de l’entreprise et du groupe auquel elle appartient, la société a respecté son obligation de reclassement ;

– la société a arrêté les critères d’ordre dans le respect des dispositions légales et les a respectés ;

– c’est à juste titre que la société a indiqué à M. [L] qu’il était hors délai lorsqu’il a souhaité adhérer au dispositif du CSP le 25 juillet 2017 dans la mesure où le délai de 21 jours calendaires suivant la notification des documents – intervenue le 1er juillet 2017 – avait été dépassé ; que la circonstance que M. [L] n’a retiré ces documents que le 8 juillet 2017 n’a pas eu pour effet de repousser le délai ;

– l’avenant au contrat de travail a bien été signé par M. [L] ; qu’il n’y a donc pas lieu de requalifier le contrat à temps partiel en contrat à temps complet ;

– M. [L] n’a pas accompli d’heures supplémentaires et la société ne lui a jamais demandé d’en effectuer ;

– la société n’a jamais été informée de la qualité de travailleur handicapé de M. [L] et donc de la nécessité de le faire bénéficier d’un suivi médical renforcé ; que par ailleurs les restrictions émises par le médecin du travail le 24 novembre 2016 n’étaient pas obligatoires;que l’employeur n’a donc pas failli à son obligation de sécurité ; qu’en tout état de cause il n’est justifié d’aucun préjudice à ce titre ;

– M. [L], qui en tout état de cause était déjà agent de sécurité avant son embauche par la SARL Isi Sécurité Mobile, a bénéficié d’une formation complémentaire au cours de la relation contractuelle ; que la société n’a donc pas failli à son obligation de formation ; qu’en outre M. [L] ne justifie d’aucun préjudice ;

– M. [L] ne démontre aucun préjudice distinct des autres demandes indemnitaires formulées au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail qu’il invoque.

Par conclusions transmises par voie électronique le 16 novembre 2020, M. [L], qui a formé appel incident, demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– requalifié le contrat à temps partiel en contrat à temps plein ;

– dit que le licenciement de M. [L] est sans cause réelle et sérieuse ;

– condamné la SARL Isi Sécurité Mobile à lui payer les sommes de :

– 7 500 euros net de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts pour refus fautif de transmission du contrat de sécurisation professionnelle (CSP) à Pôle emploi;

– 5 887 euros brut, outre 588 euros brut de congés payés, à titre de rappel de salaire sur la requalification du temps partiel en temps plein,

– 11 615,80 euros brut, outre 1 161 euros brut de congés payés, au titre des heures supplémentaires non rémunérées,

– 500 euros net à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de formation,

– 636,46 euros, outre 63 euros brut de congés payés, à titre de rappel de salaire,

– 5 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

– 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

sauf à inscrire les créances antérieures au jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire au passif de la SARL Isi Sécurité Mobile ;

– ordonné la transmission d’une fiche de paie rectificative et documents afférents ;

– débouté la SARL Isi Sécurité Mobile de ses prétentions ;

– l’infirmer pour le surplus et condamner la SARL Isi Sécurité Mobile à lui payer les sommes de :

– 20 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou subsidiairement pour violation des critères d’ordre,

– 9 144 euros net à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 1 500 euros net à titre de dommages et intérêts pour non-respect des visites médicales,

ces montants produisant intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes et les intérêts étant capitalisés,

et sauf à inscrire au passif de la SARL Isi Sécurité Mobile les créances antérieures au jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la SARL Isi Sécurité Mobile ;

– ordonner sous astreinte à la SARL Isi Sécurité Mobile de lui remettre des documents de rupture conformes et des bulletins de paie rectifiés conformément à l’arrêt à intervenir, la cour se réservant le contentieux de la liquidation de l’astreinte ;

– déclarer l’arrêt à intervenir opposable à l’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 8] ;

– condamner la SARL Isi Sécurité Mobile à payer à M. [L] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel.

Il fait valoir que :

– alors qu’il a remis le 25 juillet 2017 son CSP à la SARL Isi Sécurité Mobile, celle-ci a refusé son adhésion ; que pourtant la remise a été réalisée dans le délai imparti de 21 jours, ce délai ayant commencé à courir le 9 juillet 2017 puisqu’il a réceptionné les documents le 8 juillet ou au plus tard le 6 juillet – première présentation du pli recommandé par la Poste ;

– la SARL Isi Sécurité Mobile ne justifie pas avoir effectué des recherches sérieuses de reclassement ; que le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– la SARL Isi Sécurité Mobile ne justifie pas quels critères d’ordre elle a utilisés et comment ils ont été appliqués ;

– le contrat à temps partiel doit être requalifié en contrat à temps plein dès lors que :

– il a régulièrement travaillé pour une durée supérieure à la durée légale de travail ;

– ni le contrat de travail initial, ni l’avenant ne prévoient la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois, ce qui entraîne une présomption de travail à temps complet que la SARL Isi Sécurité Mobile ne renverse pas ;

– il a accompli des heures supplémentaires non rémunérées ;

– le défaut de déclaration des heures supplémentaires accomplies a été intentionnel ;

– il n’a pas bénéficié d’un suivi médical régulier, alors même qu’il était travailleur handicapé et travaillait de nuit ; que par ailleurs les préconisations émises par le médecin du travail le 24 juin 2016 n’ont pas été respectées ; que ces manquements à l’obligation de sécurité de l’employeur ont conduit à la dégradation de son état de santé ;

– il n’a bénéficié ni des formations requises par l’accord de branche du 26 septembre 2016 pour les agents de sécurité confirmés, ni d’aucune autre formation ;

– il a fait l’objet d’une retenue sur salaire illicite en avril 2017 ;

– la SARL Isi Sécurité Mobile a exécuté de manière fautive le contrat de travail en ne lui fournissant pas du travail certains mois, en modifiant unilatéralement son contrat de travail, en payant ses salaires en retard, en ne respectant pas les durées maximales de travail, en lui adressant une attestation Pôle emploi incomplète et en ne rémunérant pas ses frais d’entretien des tenues ;

– l’AGS doit sa garantie pour toutes les créances antérieures au jugement d’ouverture de la procédure collective.

L’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 8] a constitué avocat mais n’a pas conclu.

SUR CE :

– Sur le licenciement :

Attendu qu’aux termes de l’article L. 1233-4 du code du travail dans sa version applicable : ‘Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie. / Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure./ Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.’ et que, selon l’article L. 1233-4-1 du même code : ‘Lorsque l’entreprise ou le groupe dont l’entreprise fait partie comporte des établissements en dehors du territoire national, le salarié dont le licenciement est envisagé peut demander à l’employeur de recevoir des offres de reclassement dans ces établissements. Dans sa demande, il précise les restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. L’employeur transmet les offres correspondantes au salarié ayant manifesté son intérêt. Ces offres sont écrites et précises. / Les modalités d’application du présent article, en particulier celles relatives à l’information du salarié sur la possibilité dont il bénéficie de demander des offres de reclassement hors du territoire national, sont précisées par décret.’ ;

Que les possibilités de reclassement qui doivent être recherchées au sein du groupe auquel l’entreprise appartient le sont parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu’elles doivent par ailleurs s’apprécier à la date où le licenciement est envisagé ; que n’est pas de nature à faire obstacle à la reconnaissance d’un groupe de reclassement l’indépendance juridique des entreprises ou l’absence de lien capitalistique entre elles ;

Qu’ il appartient à l’employeur de justifier qu’il a recherché toutes les possibilités de reclassement existantes ou qu’un reclassement était impossible ;

Attendu qu’en l’espèce, pour justifier de ses recherches de reclassement et de l’absence de postes disponibles au sein de l’entreprise et du groupe auquel elle appartient, la SARL Isi Sécurité Mobile se borne à produire le courrier recommandé contenant la note économique et le formulaire CSP qu’elle a adressé au salarié le 5 juillet 2017 faisant état de l’impossibilité de le reclasser et expliquant cette impossiblité ; que toutefois ce seul document est insuffisant à en établir la démonstration, s’agissant des simples affirmations de la société ; que, par confirmation, la cour retient que la SARL Isi Sécurité Mobile a failli à son obligation de reclassement et que le licenciement est par voie de conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu que, la SARL Isi Sécurité Mobile comptant plus de dix salariés et M. [L] ayant plus de deux ans d’ancienneté, l’intéressé a droit, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salariés des six derniers mois ; qu’en considération de son ancienneté (3 ans), de sa rémunération mensuelle brute (1 074,36 euros), de son âge (41 ans au moment du licenciement) et du fait qu’il a effectué des missions d’intérim dans le secteur de la sécurité à partir de 2018, son préjudice a été justement évalué à la somme de 9 144 euros brut par le conseil de prud’hommes ;

Attendu qu’en application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d’inscrire sur le relevé des créances de la procédure collective de la SARL Isi Sécurité Mobile la créance de Pôle emploi portant sur les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite d’un mois ;

– Sur le refus de transmission du CSP à Pôle emploi :

Attendu qu’en application de l’article L. 1233-66 du code du travail l’employeur a l’obligation de proposer le bénéfice du CSP à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique ;

Qu’aux termes de l’article 4 de l’annexe à l’arrêté du 16 avril 2015 relatif à l’agrément de la convention du 26 janvier 2015 relative au contrat de sécurisation professionnelle : ‘§1.-Chacun des salariés concernés doit être informé, par l’employeur, individuellement et par écrit du contenu du contrat de sécurisation professionnelle et de la possibilité qu’il a d’en bénéficier. / Il dispose d’un délai de vingt et un jours pour accepter ou refuser un tel contrat à partir de la date de la remise du document proposant le contrat de sécurisation professionnelle selon les modalités prévues au paragraphe 2 du présent article.’ ;

Attendu qu’en l’espèce le document proposant le contrat de sécurisation professionnelle n’a été réceptionné par le salarié, et partant remis, que le 8 juillet 2017 ; que, disposant d’un délai de 21 jours jours pour accepter ou refuser le contrat, l’intéressé avait donc jusqu’au 29 juillet 2017 ; qu’il a respecté ce délai puisqu’il s’est rendu chez son employeur dès le 25 juillet 2017 pour remettre le contrat ; qu’en refusant de le prendre en compte au motif de la tardiveté de l’acceptation, la SARL Isi Sécurité Mobile a commis une faute ; que le préjudice subi de ce chef par le salarié, qui a été privé de la possibilité de bénéficier des mesures d’accompagnement de nature à favoriser un retour dans l’emploi dans le cadre du CSP, a été justement évalué à la somme de 7 500 euros net de CSG et de CRDS par les premiers juges ;

– Sur la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet :

Attendu que M. [L] sollicite à ce titre le paiement de la somme de 5 887 euros brut, outre les congés payés y afférents, correspondant à un rappel de salaire pour la période comprise entre novembre 2016 et le terme de la relation contractuelle ;

Attendu qu’alors que selon son contrat de travail M. [L] est embauché pour une durée

de travail de 104 heures mensuelles, ses bulletins de salaire indiquent un temps de travail équivalent à un temps plein à compter du mois de février 2015 et jusqu’au mois d’octobre 2016 ; que, le recours par l’employeur à des heures complémentaires ayant ainsi eu pour effet de porter la durée hebdomadaire du travail du salarié, employé à temps partiel, au niveau de la durée légale, le contrat à temps partiel doit, par confirmation, être requalifié comme étant à temps complet à compter du mois de février 2015, et ce sans qu’il soit besoin d’examiner le moyen tiré de ce que le contrat de travail ne prévoyait pas de répartition de la durée du travail – invoqué pour une requalification à compter du 1er octobre 2016 uniquement; que les dispositions du jugement allouant à M. [L] un rappel de salaire à compter du mois de novembre 2016 – M. [L] ayant perçu une rémunération à temps plein pour les mois antérieurs – doivent comme le réclame l’intéressé également être confirmées ;

– Sur les heures supplémentaires :

Attendu qu’aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés ;

Que, selon l’article L. 3171-3 du même code dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 l’employeur tient à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail – le texte antérieur visant quant à lui l’inspecteur ou du contrôleur du travail – les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié ; que la nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminés par voie réglementaire ;

Que, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu’au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; que si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ;

Qu’il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires susvisées ;

Qu’enfin le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées ;

Attendu qu’en l’espèce M. [L] soutient avoir accompli des heures supplémentaires entre mars 2015 et décembre 2016 ; qu’il produit un décompte de ses heures de travail, avec mention du nombre d’heures accomplies chaque semaine, ainsi qu’un tableau récapitulatif du nombre d’heures supplémentaires réalisées et du montant dû ;

Attendu que le salarié produit ainsi des éléments suffisamment précis à l’appui de sa demande ;

Attendu que les appelantes contestent la réalisation d’heures supplémentaires et font valoir que leur réalisation n’a jamais été autorisée par l’employeur ;

Attendu que les appelantes ne produisent aucun décompte des heures de travail de M. [L] ; que l’empoyeur ne justifie donc pas avoir satisfait à ses obligations en la matière; que M. [L] soutient par ailleurs sans être contredit qu’il travaillait selon les plannings d’intervention fixées par la SARL Isi Sécurité Mobile, ce qui implique que les heures supplémentaires étaient accomplies avec l’accord implicite de son employeur et rendues nécessaires par l’accomplissement des tâches confiées ; qu’au vu des éléments produits de part et d’autre la cour a la conviction au sens du texte précité que M. [L] a bien effectué les heures supplémentaires dont il sollicite le paiement ; que le jugement est donc confirmé sur ce point ;

– Sur le travail dissimulé :

Attendu qu’aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail : ‘Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : / 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ; / 2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; / 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.’ ;

Attendu que la volonté délibérée de la SARL Isi Sécurité Mobile de dissimuler sur les bulletins de paie les heures réellement accomplies par le salarié n’est pas suffisamment caractérisée, la seule circonstance qu’elle planifiait les interventions de M. [L] étant à cet égard insuffisante ; que la demande d’indemnité pour travail dissimulé est donc, par confirmation, rejetée ;

– Sur le non-respect des visites médicales :

Attendu que, selon l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur a l’obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés et veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes;

Attendu, d’une part, que l’article R. 4624-10 du code du travail dans sa rédaction applicable prévoit que le salarié bénéficie d’un examen médical avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai par le médecin du travail ; que par ailleurs l’article L. 3122-42 ainsi que R. 3122-18 et suivants dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 instauraient une surveillance médicale renforcée pour les travailleurs de nuit ; que la surveillance médicale spécifique pour les travailleurs de nuit a même été renforcée avec la loi précitée, conformément aux dispositions des artciles L. 3122-10 et L. 32122-11 ainsi que les articles R. 3122-11 du code du travail ;

Attendu qu’en l’espèce M. [L] soutient sans être contredit qu’il n’a bénéficié ni de la visite d’embauche, ni de la surveillance médicale renforcée pour les travailleurs de nuit alors même qu’il n’est pas davantage contesté qu’il travaillait de nuit ; qu’en revanche il ne peut se prévaloir d’une méconnaissance des dispositions prévoyant une surveillance spécifique pour les travailleurs handicapés dès lors qu’il n’est pas établi que la SARL Isi Sécurité Mobile avait connaissance de son statut de travailleur handicapé ;

Attendu, d’autre part, selon avis du 24 novembre 2016, le médecin du travail a déclaré M. [L] apte dans les termes suivants : ‘ Son état de santé de ce jour nécessite de travailler en horaires réguliers, de favoriser des horaires de jour plutôt que de nuit, et n’est pas compatible pour le moment avec la conduite automobile. / A revoir dans 3 mois pour suivi médical. / Si ces restrictions ne peuvent être respectées, relève de la médecine de soins, doit revoir son médecin traitant’ ;

Attendu que, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, les restrictions émises par le médecin du travail n’étaient pas facultatives puisqu’il avait été mentionné dans l’avis la nécessité de procéder aux aménagements prescrits ; que le médecin avait simplement envisagé des soins dans l’hypothèse où les restrictions ne pouvaient pas être respectées, préconisations certes peu claires mais qui en tout état de cause n’autorisaient pas l’employeur à s’affranchir des conditions posées pour la poursuite du travail et devaient à tout le moins le conduire à interroger le médecin du travail s’il ne pouvait respecter ses préconisations ; que, faute pour les appelantes de démontrer que ces préconisations auraient été respectées – leur méconnaissance étant au demeurant non contestée, la cour retient que la SARL Isi Sécurité Mobile a violé l’avis du médecin du travail ;

Attendu que le préjudice subi par M. [L], qui ne démontre pas de lien entre les manquements commmis par la SARL Isi Sécurité Mobile et la reconnaissance d’un taux d’incapacité de 50 %, a été justement évalué à 500 euros par le conseil de prud’hommes ;

– Sur le non-respect de l’obligation de formation :

Attendu que M. [L] ne démontre aucunement le préjudice subi durant la relation contractuelle en raison du défaut de formation allégué ; qu’il ne peut valablement invoquer à ce titre les difficultés à retrouver un emploi après son licenciement, le préjudice découlant de la rupture abusive de son contrat de travail ayant été ci-dessus indemnisé au vu des documents produits ; que sa demande indemnitaire est donc rejetée ;

– Sur les rappels de salaire :

Attendu que les dispositions non critiquées du jugement sur ce point doivent être confirmées;

– Sur l’exécution fautive du contrat de travail :

Attendu , d’une part, que M. [L] soutient sans être contredit que la SARL Isi Sécurité Mobile ne lui a plus communiqué de planning ni fourni de travail à compter du mois de décembre 2016 ;

Attendu qu’il en est de même pour l’absence de prise en charge de l’entretien de ses tenues dont le port était pourtant obligatoire ;

Attendu, enfin, que, selon l’article L. 3121-35 dans sa rédaction antérieure au 10 août 2016 et L. 3121-20 pour la période postérieure à cette date, au cours d’une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser 48 heures ; que par ailleurs que la preuve du respect des durées maximales de travail et minimales de repos incombe à l’employeur ;

Qu’en l’espèce une telle preuve n’est pas rapportée et qu’au contraire le décompte fourni par M. [L] tend à établir que l’intéressé a travaillé à plusieurs reprises au-delà de 48 heures par semaine ;

Attendu qu’en revanche M. [L] ne justifie d’aucun préjudice en lien le paiement tardif des salaires dans les mois qui ont précédé l’ouverture de la procédure collective ainsi qu’avec un travail à temps plein à compter du mois de février 2015, alors même qu’il a été réglé des heures accomplies entre février 2015 et octobre 2016 et qu’un rappel de salaire lui est octroyé pour la période postérieure ; qu’il ne démontre pas davantage de lien entre le défaut de signature de l’attestation Pôle emploi et les notifications de trop-perçu de cet organisme – en réalité motivées, d’après les documents fournis, par l’exercice d’une activité professionnelle salariée ;

Attendu que le préjudice subi par M. [L] du fait des manquements de l’employeur retenus est évalué à la somme de 2 000 euros ;

– Sur la remise des documents sociaux :

Attendu que, compte tenu de la solution donnée au litige, il y a lieu d’accueillir cette réclamation,sans qu’il soit besoin d’assortir la condamnation prononcée d’une astreinte ;

– Sur les intérêts :

Attendu que l’ouverture de la procédure collective de la SARL Isi Sécurité Mobile a entraîné de plein droit l’arrêt du cours des intérêts, de sorte que la demande présentée de ce chef doit être rejetée ;

– Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu’il convient pour des raisons tenant à l’équité d’allouer à M. [L] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel, les dispositions du jugement relatives aux frais exposés en première instance étant quant à elles confirmées ;

– Sur l’incidence de la procédure collective :

Attendu qu’il résulte de l’article L. 622-21 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 relative à la sauvegarde des entreprises que le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ;

Qu’en application des dispositions des articles L. 622-22 du code de commerce, L.3253-6 et L 3253-20 du code du travail, les sommes dues par l’employeur en exécution du contrat de travail antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective restent soumises, même après l’adoption d’un plan de redressement, au régime de la procédure collective, et ce même si la garantie de l’AGS n’a qu’un caractère subsidiaire ;

Que les sommes dont M. [L] a été reconnu créancier nées antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective de la SARL Isi Sécurité Mobile se heurte ainsi au principe de l’arrêt des poursuites individuelles, de sorte que la cour doit se borner à déterminer le montant des sommes à inscrire sur l’état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce, sans pouvoir condamner la société à payer celles-ci au salarié ;

Que la garantie subsidiaire du CGEA est donc dû, mais à défaut de disponibiltés suffisantes de l’employeur et dans la limite des dispositions légales ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré, excepté en ce qu’il a condamné la SARL Isi Sécurité Mobile à payer à M. [C] [L] 500 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de formation ainsi que 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et ordonné la mise hors de cause de l’AGS, et sauf dire que les créances de M. [C] [L] antérieures à l’ouverture de la procédure collective de la SARL Isi Sécurité Mobile sont fixées au passif de cette procédure,

Statuant à nouveau sur les chefs réformés et ajoutant,

Fixe à 2 000 euros la créance de M. [C] [L] au passif de la procédure collective de la SARL Isi Sécurité Mobile à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

Déboute M. [C] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation,

Inscrit sur le relevé des créances de la procédure collective de la SARL Isi Sécurité Mobile la créance de Pôle emploi portant sur les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite d’un mois,

Ordonne à la SARL Isi Sécurité Mobile de transmettre à M. [C] [L] une fiche de paie rectificative, une attestation Pôle emploi et un solde de tout compte conformes aux dispositions du présent arrêt,

Condamne la SARL Isi Sécurité Mobile à payer à M. [C] [L] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en cause d’appel,

Dit que l’ouverture de la procédure collective de la SARL Isi Sécurité Mobile a entraîné de plein droit l’arrêt du cours des intérêts,

Déclare le présent arrêt opposable à l’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 8], dans les limites de sa garantie légale telle que fixée par les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l’article D. 3253-5 du même code,

Dit que l’obligation de l’AGS de faire l’avance des sommes garanties ne pourra s’exécuter qu’à défaut de disponibilité suffisantes de l’employeur et que sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire et justification de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

Condamne la SARL Isi Sécurité Mobile aux dépens d’appel,

Le Greffier La Présidente

 


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