Retenues sur salaire : 2 décembre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/07532

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Retenues sur salaire : 2 décembre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/07532

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/07532 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MVO4

Société VILLARDIS

C/

[I]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 11 Octobre 2019

RG : 17/00271

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 02 DECEMBRE 2022

APPELANTE :

Société VILLARDIS

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Me Sébastien PONCET de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat postulant inscrit au barreau de LYON, et représentée par Me Hélène CONAN de la SELARL VALLAIS AVOCAT, avocat plaidant inscrit au barreau de NANTES substituée par Me Faustine RENAUD, avocat au barreau de LYON.

INTIMÉ :

[F] [I]

né le 09 Novembre 1991 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par Me Philippe METIFIOT-FAVOULET, avocat postulant inscrit au barreau d’AIN substitué par Me Jean marc BERNARDIN, avocat inscrit au barreau d’AIN

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Septembre 2022

Présidée par Régis DEVAUX, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Ludovic ROUQUET, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Béatrice REGNIER, président

– Catherine CHANEZ, conseiller

– Régis DEVAUX, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 02 Décembre 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Président et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société Villardis exploite un hypermarché, sous l’enseigne Super U, à [Localité 5] (Ain). Elle fait application de la convention collective du commerce de gros et de détail à prédominance alimentaire (IDCC 2216). Elle emploie plus de dix salariés permanents.

M. [F] [I] a été embauché par la société Villardis dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée à compter du 4 septembre 2010, puis d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2011, en qualité d’hôte de caisse.

Le 7 janvier 2017, son employeur l’a informé oralement qu’il décidait à son encontre une mesure de mise à pied conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 janvier 2017, M. [I] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 18 Janvier 2017. Il a été licencié, pour cause réelle et sérieuse,lettre recommandée avec accusé réception du 21 Janvier 2017, son employeur lui reprochant de ne pas avoir payé des achats personnels effectués au sein de son commerce, en ayant placé le ticket d’achat en attente, avant de l’annuler.

Le 21 novembre 2017, M. [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Bourg-en-Bresse, principalement afin de contester son licenciement.

Par jugement du 11 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Bourg-en-Bresse a:

– dit que le licenciement dont M. [I] a fait l’objet est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– en conséquence, condamné la SAS Villardis à payer à M. [I] les sommes suivantes :

– 765,10 euros bruts à titre de rappel de salaires pour la mise à pied conservatoire, outre 76,51 euros de congés payés afférents

– 1 660,98 euros au titre des congés payés indûment retirés

– 10 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle

– débouté M. [I] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct ;

– dit et jugé que les condamnations produiront intérêts au taux légal en vigueur, à compter du jour de la demande et jusqu’à parfait paiement ;

– ordonné la capitalisation des intérêts échus, selon les modalités fixées par les dispositions de l’article 1154 du code civil ;

– condamné la SAS Villardis à verser à M. [I] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté M. [I] de sa demande d’exécution provisoire ;

– débouté la société Villardis de l’ensemble de ses demandes.

La société Villardis a interjeté appel de ce jugement, par déclaration formée par voie électronique le 21 octobre 2019, aux fins de réformer totalement les dispositions du jugement du 24 septembre 2019 : tous les chefs du dispositif, à l’exception de celui déboutant M. [I] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct, sont expressément critiqués dans l’acte d’appel.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, notifiées le 21 juin 2022, la société Villardis ‘ Super U demande à la Cour de :

– réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Bourg-en-Bresse du 11 octobre 2019

Statuant à nouveau

– dire et juger que le licenciement de M. [I] repose sur une cause réelle et sérieuse

– débouter M. [I] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappel de salaire au titre du rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire et des congés payés afférents, de rappel de salaire au titre des congés payés indûment retirés

– condamner M. [I] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [I] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

A titre subsidiaire,

– dans l’hypothèse où la cour ferait droit à la demande de M. [I] au titre du rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire et des congés payés afférents, le condamner à lui rembourser la somme de 293,74 euros (montant net) qu’il a perçu indûment au titre du complément de salaire versé par son ancien employeur durant son arrêt maladie

– débouter M. [I] de sa demande en paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, s’il bénéficie de l’aide juridictionnelle

En cas de condamnation de la société Villardis en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– la dispenser totalement du remboursement au Trésor des sommes avancées par l’État au titre de l’aide juridictionnelle.

A l’appui des ses demandes, la société Villardis retrace la chronologie des faits reprochés à M. [I], en maintenant qu’il était interdit aux hôtes et hôtesses de caisse de mettre un ticket en attente. L’appelante affirme, s’agissant de la période de mise à pied conservatoire, qu’elle a finalement payé le salaire de M. [I] du 7 au 12 janvier 2017, avant que ce dernier ne soit placé en arrêt-maladie, du 13 au 21 janvier 2017. Elle indique encore que le préavis n’a pas été effectué par le salarié, d’un commun accord, M. [I] ayant souhaité au même moment prendre des jours de congés payés.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 31 mai 2022, M. [F] [I], intimé, demande pour sa part à la Cour de :

– confirmer le jugement déféré

Y ajoutant,

– dire et juger que les condamnations produiront intérêts au taux légal en vigueur, à compter du jour de la demande jusqu’au parfait paiement

– ordonner la capitalisation des intérêts échus, selon les modalités fixées par les dispositions de l’article 1154 du code civile

– condamner la société Villardis au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

M. [I] fait valoir que la pratique de mise en attente de tickets de caisse n’était pas interdite par son employeur, qu’il n’a pas procédé à un achat de marchandises dans le magasin le 29 novembre 2016 et encore qu’il était absent de son lieu de travail le 26 décembre 2016, date à laquelle la société Villardis lui reproche d’avoir annulé le ticket d’achats litigieux. Il souligne que, selon lui, la version des faits présentée par la société Villardis comporte de nombreuses incohérences. Il conteste avoir eu le comportement fautif que la lettre de licenciement lui impute. En outre, M. [I] souligne qu’il a été licencié pour une cause réelle et sérieuse, et non pas pour faute grave, et que pour autant son employeur ne lui a pas payé la somme d’argent correspondant à la retenue sur salaire pratiquée lors de la mise à pied conservatoire. M. [I] soutient par ailleurs que son employeur lui a imposé de prendre 30 jours de congés payés durant la période de préavis, ce qu’il n’était pas en droit de faire.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 28 juin 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

La Cour observe au préalable que le chef du dispositif du jugement du conseil de prud’hommes de Bourg-en-Bresse du 11 octobre 2019 qui déboute M. [I] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct n’est pas critiqué par la voie d’un appel incident ; ce chef du dispositif ne lui est donc pas déféré.

Sur le bien-fondé du licenciement :

En application de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

La cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d’objectivité. Elle doit être exacte. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.

Aux termes de l’article L.1232-6 alinéa 2 du code du travail, la lettre de licenciement comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur. Ces motifs doivent être suffisamment précis et matériellement vérifiables. La datation dans cette lettre des faits invoqués n’est pas nécessaire. L’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier des motifs. un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l’article L. 1235-1 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce.

Si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

En l’espèce, la lettre de licenciement, datée du 21 janvier 2017, adressée à M. [F] [I] énonce fixe ainsi les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à son encontre :

« )'( C’est ainsi qu’après avoir été alerté par Mme [Z] [G] fin décembre dernier, nous avons découvert que le mardi 29 novembre précédent, vous aviez personnellement procédé à l’encaissement d’achats personnels pour un montant de 25,50 euros puis vous aviez mis le ticket en attente, sans donc vous acquitter du paiement de ces achats, à savoir un plat cuisiné frais) du rayon charcuterie libre-service (un coffret-livre Trotro et du sérum physiologique).

Poursuivant nos investigations, nous avons aussi découvert que, près d’un mois plus tard, le lundi 26 décembre au matin, vers 9 h, alors que vous étiez seul à l’accueil, vous avez rappelé ce ticket et enregistré un règlement en espèces de 25,50 euros, sans pour autant mettre l’argent dans la caisse’ avant de rappeler à nouveau en fin de journée, vers 18 h 50, et d’enregistrer une annulation de la transaction pour la faire disparaître.

Lorsque nous vous avons reçu en entretien informel le samedi 7 janvier dernier, en présence de Mme [J], vous avez admis avoir mis ce ticket en attente le 29 novembre, puis avez soutenu avoir payé plus tard, sans nous dire à quelle date et sans nous expliquer les raisons qui pourraient exister l’existence de l’annulation de la transaction du 26 décembre !

Vous avez ainsi é avoir « vérifié »chez vous mais que vous n’aviez pas ces articles ! Vous avez alors continué en précisant que vous n’aviez en définitive pas pris ces articles à votre fin de journée de ce 29 novembre et que vous ne vous souveniez plus si c’était vous qui avait mis le ticket en attente.

Lorsque nous vous avons alors interrogé sur la saisie du ticket du 29 novembre, vous avez alors soutenu vous souvenir l’avoir effectuée et affirmé en revanche ne jamais avoir payé le prix correspondant (puisque vous n’aviez pas pris la marchandise selon vos dires), ce qui est en contradiction avec vos précédentes déclarations.

Nous avons poursuivi notre entretien et en sommes venus à la journée du lundi 26 décembre au matin. Nous vous avons alors demandé si vous ne vous souveniez plus avoir mis le ticket en attente et si vous n’aviez pas payé le prix, pourquoi vous aviez rappelé ce ticket et enregistré en caisse un paiement en espèces de 25,50 euros !

Vous nous avez alors répondu que vous aviez dû faire une erreur de saisie dont vous auriez pris conscience plusieurs heures plus tard, en fin de journée, ce qui expliquerait l’annulation de la transaction’

(‘) Nous avons retrouvé le duplicata de votre ticket dans les comptes client du personnel vous permettant de bénéficier de la remise de 6 % octroyée aux salariés du magasin : il s’agit donc bien de produits que vous avez pris puisqu’ils apparaissent dans les achats du personnel.

(‘) Il est également clair et sans conteste que vous vous êtes frauduleusement approprié de la marchandise sans en acquitter le prix, en utilisant une man’uvre consistant à enregistrer l’achat en caisse, à mettre le ticket en attente puis près d’un mois plus tard à rappeler le ticket, enregistrer un paiement avant d’annuler la transaction, pour « passer ni vu ni connu ».

(‘) Vous avez ainsi enfreint plusieurs règles applicables en matière d’encaissement des achats dès lors qu’il est interdit :

– de mettre des tickets en attente

– de s’encaisser soi-même lorsque l’on procède à des achats personnels.

(‘) Vous avez également frauduleusement sorti de la marchandise du magasin sans en acquitter le prix et avez ainsi manqué gravement à votre obligation de loyauté. (‘) »

La Cour retient en conséquence que la société Villardis a décidé de licencier M. [I] pour deux comportements distincts : d’une part, ne pas avoir respecté, le 29 novembre 2016, les règles d’encaissement du paiement d’achats personnels et, d’autre part, avoir, le 26 décembre 2016, finalement annulé le ticket d’achats personnels effectués précédemment, pour le montant de 25,50 euros.

Par courrier du 24 février 2017 adressé à son employeur (pièce n° 10 de l’intimé), M. [I] affirmait qu’il n’avait pas le souvenir d’avoir pris les trois articles mentionnés dans la lettre de licenciement, qu’il avait toujours payé les courses effectuées dans le magasin où il travaillait et encore que n’importe quel autre salarié avait pu enregistrer la transaction litigieuse, en utilisant son code personnel (qui n’était selon lui pas confidentiel). Il ajoutait que la pratique de mettre un ticket en attente était en réalité tolérée.

La Cour en conclut que, dès ce courrier, M. [I] contestait ne pas avoir payé des achats personnels effectués au sein du magasin, tout en prétendant que le fait de mettre un ticket en attente était toléré.

L’employeur verse aux débats un extrait du règlement intérieur de l’entreprise, lequel prévoit en son article 25 que l’achat de marchandises par le personnel est autorisé uniquement pendant les temps de pause, avec un paiement comptant aux caisses désignées par la direction (pièce n° 12 de l’appelante).

M. [I] ne conteste pas l’existence de cette disposition du règlement intérieur mais ajoute que la pratique de mettre en attente le ticket d’achat et donc de différer le paiement d’achats personnels était tolérée.

La Cour relève que cette assertion de M. [I] n’est corroborée par aucune pièce versée aux débats et en déduit que ce dernier avait connaissance de l’interdiction de mettre en attente un ticket d’achat.

Mme [L] [J], responsable administrative de la société Villardis, atteste d’ailleurs qu’elle a plusieurs fois rappelé, au cours de réunions du personnel où M. [I] était présent, que la pratique de la mise en attente des tickets était interdite : il était seulement toléré que de la nourriture achetée au cours de la pause méridienne fût payée un peu plus tard dans la journée, après la fin de cette pause. Mme [J] ajoute qu’au cours de l’entretien informel, M. [I] avait admis avoir mis un ticket en attente, tout en précisant qu’il avait payé plus tard (pièce n° 14 de l’appelante).

Mme [Z] [G], autre salariée de la société Villardis, qui occupait un emploi d’agent administratif, atteste pour sa part avoir constaté à plusieurs reprises entre le 29 novembre et le 26 décembre 2016 que M. [I] n’a pas payé un ticket placé en attente, alors qu’elle lui avait rappelé plusieurs fois de le faire. Elle précise que, le 30 décembre 2016, elle a constaté que ce ticket avait été annulé et que M. [I] lui a assuré qu’il avait payé les achats correspondants, en espèces. Mme [G] avait toutefois voulu vérifier ce point et, en visionnant les enregistrements du système de vidéo-surveillance équipant le magasin, avait vu que, le 26 décembre 2016, M. [I] avait scanné le ticket en attente mais n’avait pas placé d’argent dans la caisse-enregistreuse (pièce n° 15 de l’appelante).

M. [A] [V], salarié de la société Villardis, qui occupait un emploi d’agent de sécurité, atteste que M. [I] était présent le 26 décembre 2016, vers 8 h 30, à l’accueil du magasin. Lors du visionnage des enregistrements du système de vidéo-surveillance, M. [V] a vu lui aussi que M. [I] a annulé un ticket de caisse en attente sans payer les achats correspondants (pièce n° 19 de l’appelante).

Une autre salariée du magasin Super U, Mme [H] [S], atteste que le personnel, dont M. [I], a été informé à l’occasion de plusieurs réunions, qu’il était interdit de mettre un ticket en attente et d’encaisser le paiement de ses propres achats. Mme [S] indique que ses règles étaient rappelées dans une note de service, affichée sur le tableau d’information du personnel. Elle affirme que, à plusieurs reprises, elle a vu M. [I] mettre un ticket de caisse en attente et que, par ailleurs, celui-ci s’était confié à elle sur ses problèmes financiers (pièce n° 16 de l’appelante).

La société Villardis produit en outre copie des tickets de caisse en cause et des copie d’écran affichant les opérations enregistrées concernant ces tickets (pièces n° 5 et 6, 10 et 11 de l’appelante).

Il en résulte que, le 29 novembre 2016, le ticket n° 92959, correspondant à un achat de nourriture pour le montant de 2,41 euros, enregistré au nom de M. [F] [I], a été mis en attente et le paiement était noté comme différé. Le 18 décembre 2016, le ticket n° 92959 a été de nouveau mis en attente. A cette date, a été enregistré, toujours au nom de M. [F] [I], le ticket n° 93909, correspondant à l’achat d’un coffret de jouets et de sérum physiologique, pour le montant total de 23,09 euros. Ce ticket a été également mis en attente et le paiement noté comme différé. Le 26 décembre 2016, à 8 heures 59, ces deux tickets ont été rappelés et de nouveau mis en attente, ce qui a donné lieu à l’édition du ticket n° 95901, reprenant l’achat des trois articles pour un total de 25,50 euros. Le paiement de cette somme, en espèces, est noté. Le 26 décembre 2016, à 18 heures 52, le ticket n° 95901 a été rappelé et annulé. Le montant de 25,50 euros est en conséquence noté en débit.

La société Villardis verse aux débats des captures d’images extraites des enregistrements du système de vidéo-surveillance équipant le magasin, lesquelles la présence d’un homme derrière le guichet d’accueil du magasin, le 26 décembre 2016 à 9 heures 00 et à 18 heures 52 (pièces n° 18-a et 18-b de l’appelante). La société Villardis indique que cet homme est M. [F] [I] et produit, aux fins de comparaison, une photographie de ce dernier (pièce n° 44 de l’appelante). Au demeurant, dans ses conclusions, M. [I] met en doute l’authenticité de ces dates et heures (qui apparaissent en incrustation sur les images) mais ne conteste pas que ce soit effectivement lui qui apparaît sur ces extraits d’enregistrement vidéo.

M. [I] nie avoir travaillé le 26 décembre 2016, en se référant à la mention, sur son bulletin de paie de janvier 2017, d’une absence d’une durée de 6 heures 43 le 26 décembre 2016 (pièce n° 4 de l’intimé).

La société Villardis produit une attestation de M. [C] [B], gérant de la société qui a installé le système de vidéo-surveillance du magasin Super U (pièce n° 38 de l’appelante). Celui-ci précise que les dates et heures qui apparaissent en haut des images extraites des enregistrements vidéo ne peuvent pas être modifiées, ni falsifiées.

La société Villardis produit une capture d’écran de son logiciel de gestion du personnel, qui fait apparaître que M. [I] était présent sur son lieu de travail le 26 décembre 2016, de 8 h 00 à 12 h 06 et de 13 h 30 à 19 h 15, et affecté au guichet d’accueil du magasin (pièce n° 46 de l’appelante).

Dès lors, la Cour retient que, sans qu’il y ait lieu de s’arrêter à la simple dénégation de M. [I] et à l’unique mention portée sur le bulletin de paie de janvier 2017, il est établi que ce dernier a travaillé au sein du magasin Super U le 26 décembre 2016.

De manière plus large, la Cour déduit, après l’analyse de tous les éléments de preuve ci-dessus rappelés, que la société Villardis a démontré que M. [I] a effectué des achats personnels les 29 novembre et 18 décembre 2016, a différé le paiement de ceux-ci en mettant en position d’attente les tickets d’achats, avant d’annuler ceux-ci, le 26 décembre 2016. La matérialité du comportement qui lui est imputé dans la lettre de licenciement est ainsi établie, sans incohérence et sans qu’il y ait place pour le moindre doute.

Le licenciement de M. [I] pour cause réelle et sérieuse était fondé, demandes de ce dernier fondées sur le fait que le licenciement étaient dépourvu de cause réelle et sérieuse doivent être rejetées.conséquence, le jugement du conseil de prud’hommes sera é en ses dispositions le licenciement le versement à M. [I] d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la rémunération due pendant la période de mise à pied conservatoire :

Par principe, seule la mise en ‘uvre d’une procédure de licenciement pour faute grave ou pour faute lourde justifie que la période de mise à pied conservatoire, si l’employeur a décidé une mesure de cette nature, ne donne pas lieu au versement du salaire.

En l’espèce, M. [I] a fait l’objet d’une mise à pied conservatoire, à compter du 7 janvier 2017. Il a ensuite été en arrêt de travail pour cause de maladie du 13 au 27 janvier 2017 (pièce n° 33 de l’appelante). Après que son employeur a décidé de le licencier pour une cause réelle et sérieuse, celui-ci a annoncé qu’il lui verserait une somme d’argent correspondant à la rémunération des jours de mise à pied conservatoire non couverts par l’arrêt-maladie (pièce n° 28 de l’appelante).

M. [I] affirme pour sa part que son employeur n’a pas régularisé le salaire dû au titre de la mise à pied conservatoire, dans le cadre du solde de tout compte, et réclame en conséquence, sans détailler son calcul, la somme de 765,10 euros bruts, outre 76,51 euros de congés payés afférents.

La société Villardis indique qu’elle a versé à M. [I] son salaire pour la période allant du 7 au 12 janvier 2017, puis un complément aux indemnités journalières pour obtenir un montant équivalant au maintien de 100 % du salaire pour la période allant du 13 au 21 janvier 2017, date de la notification du licenciement, soit 376,59 euros bruts. Le bulletin de paie de M. [I] délivré en mars 2017 (pièce n° 34 de l’appelante) fait apparaître le versement de la somme de 376,59 euros, à titre de complément de salaire du 13 au 27 janvier 2017, et le salarié ne conteste pas avoir effectivement perçu les montants mentionnés sur le bulletin de paie.

La Cour retient que M. [I] a été licencié pour cause réelle et sérieuse et que, dès lors, la période de mise à pied conservatoire devait être rémunérée, dans les conditions prévues légalement et contractuellement. La société Villardis a justifié qu’elle a versé à M. [I] son salaire jusqu’au 12 janvier 2017, puis un complément de salaire à compter du 13 janvier 2017, date du début de l’arrêt de travail de M. [I] pour cause de maladie. Dès lors, ce dernier a été rempli de ses droits, sa demande de rappel de salaire pour cette période n’est pas fondée et doit être rejetée. Le jugement du conseil de prud’hommes sera infirmé en sa dispositions concernant le versement à M. [I] d’un rappel de salaire à titre de rémunération pour la période de mise à pied conservatoire.

Sur l’indemnité compensatrice de congés payés :

En l’espèce, l’employeur a, par écrit du 28 janvier 2017, dispensé M. [I] d’effectuer le préavis, pour la période allant du 4 au 23 mars 2017, en précisant que celle-ci serait rémunérée, alors même que ce dernier a indiqué par écrit, daté du même jour, prendre 30 jours de congés, du 28 janvier au 3 mars 2017 (pièces n° 36 et 37 de l’appelante, correspondant aux pièces n° 7 et 9 de l’intimé).

M. [I] soutient qu’il n’avait aucun intérêt à prendre les jours de congés qui lui étaient ouverts pendant la période de préavis et qu’il n’a rédigé l’écrit daté du 28 janvier 2017 qu’à la demande et sous la dictée de son employeur.

La Cour relève que M. [I] ne conteste pas être l’auteur de l’écrit daté du 28 janvier 2017, qu’il était en droit de demander à être en congés à la suite de l’arrêt-maladie et enfin qu’étant effectivement en congés payés du 28 janvier au 3 mars 2017, il n’a pas travaillé durant ce laps de temps. Dans ces circonstances, M. [I] ne peut pas prétendre à l’indemnité compensatrice de congés payés. Sa demande de ce chef n’est pas fondée, elle doit être rejetée. Le jugement du conseil de prud’hommes sera infirmé en sa dispositions concernant le versement à M. [I] d’une indemnité au titre de congés payés indûment retirés.

Sur les dépens :

M. [I], partie perdante, sera condamné aux dépens, de première instance et de l’instance d’appel, en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

Le jugement du conseil de prud’hommes sera infirmé en ce qu’il a condamné la société Villardis sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un motif tiré de l’équité, M. [I] sera condamné à payer à la société Villardis la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Constate que le chef du dispositif du jugement du conseil de prud’hommes de Bourg-en-Bresse du 11 octobre 2019 qui déboute M. [I] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct ne lui est pas déféré ;

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Bourg-en-Bresse du 11 octobre 2019, en toutes ses dispositions déférées ;

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de M. [F] [I] pour cause réelle et sérieuse est bien fondé ;

Rejette toutes les demandes de M. [F] [I] ;

Condamne M. [F] [I] aux dépens de première instance et de l’instance d’appel ;

Condamne M. [F] [I] à payer à la société Villardis ‘ Super U la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

 


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