Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 8
ARRET DU 19 JANVIER 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/05780 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCJ47
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juillet 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° F18/02080
APPELANT
Monsieur [R] [J]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Slimane GACHI, avocat au barreau de PARIS, toque : G0444
INTIMÉE
S.C.P. KRANTZ & CUVELIER-HUTIN
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Daniel KNINSKI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 64
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente
Mme Corinne JACQUEMIN, conseillère
Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée, rédactrice
Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [J] été engagé par l’étude Mercadier et Krantz (devenue SCP Krantz et Cuvelier-Hutin) le 2 novembre 2005 en qualité de clerc de notaire, son contrat de travail relevant de la convention collective du notariat.
Le 27 décembre 2017, M. [J] a été mis à pied à titre disciplinaire pendant 5 jours.
En janvier 2018, le salarié a été placé en arrêt de travail prolongé.
Par courrier du 20 juin 2018, il a été convoqué à un entretien préalable à licenciement, fixé au 3 juillet 2018.
Cet entretien n’a donné lieu à aucune suite.
M. [J] a saisi le Conseil de prud’hommes de Bobigny, le 2 juillet 2018 afin de solliciter notamment le prononcé de la résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur.
Dans le cadre d’une visite de reprise qui s’est tenue le 13 septembre 2018, le salarié a été déclaré inapte à son emploi.
Par courrier du 19 septembre 2018, il a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 1er octobre 2018.
Le 4 octobre 2018, il a été licencié pour inaptitude.
Par jugement du 15 juillet 2020, le conseil de prud’hommes de Bobigny a :
-condamné la SCP Krantz et Cuvelier-Hutin à verser à M. [J] 2000 euros au titre de dommages et intérêts pour absence d’organisation de l’entretien professionnel,
-rappelé que les créances de nature salariale porteront intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 10 juillet 2018, et les créances à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent jugement,
-condamné la SCP Krantz et Cuvelier-Hutin à verser à M. [J] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-débouté M. [J] du surplus de ses demandes,
-débouté la société de sa demande reconventionnelle,
-condamné la SCP Krantz et Cuvelier-Hutin aux dépens.
Par déclaration en date du 17 juillet 2020, M. [J] a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique, le 19 septembre 2022, M. [J] demande à la Cour :
à titre liminaire:
à titre principal,
-de juger que la Cour n’est saisie d’aucune prétention visant à voir reconnaître l’absence d’effet dévolutif de l’appel.
à titre subsidiaire,
-de rejeter la fin de non-recevoir formulée par l’intimé.
sur le fond :
-de le juger recevable et bien fondé en son appel.
-de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SCP Krantz et Cuvelier-Hutin au paiement des sommes suivantes :
– 2 000 euros au titre de dommages et intérêts pour absence d’organisation de l’entretien professionnel,
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– d’infirmer le jugement déféré pour le surplus.
en conséquence,
sur l’exécution du contrat :
-d’annuler la mise à pied prononcée le 27 décembre 2017.
-de condamner la SCP Krantz et Cuvelier-Hutin au paiement des sommes de :
*1232,35 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied,
* 123,20 euros au titre des congés payés afférents,
* 50 000 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires à parfaire,
* 5 000 euros au titre des congés payés afférents,
*20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
sur la rupture du contrat :
à titre principal,
-de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la défenderesse.
-de dire et juger que la rupture produira les effets d’un licenciement nul du fait du harcèlement moral.
à titre subsidiaire,
-de dire et juger le licenciement nul.
à titre infiniment subsidiaire,
-de dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
en tout état de cause,
-de condamner la SCP Krantz et Cuvelier-Hutin au paiement des sommes de :
*16 884,41 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ainsi que 1684,41 euros de congés payés afférents,
* 67 000 euros à titre d’indemnité d’illécéité du licenciement,
* 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
-de dire que l’ensemble de ces sommes devra porter intérêts au taux légal à compter de la rupture soit à compter du prononcé du jugement à intervenir,
-de condamner la SCP Krantz et Cuvelier-Hutin aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique, le 6 juillet 2021, la SCP Krantz & Cuvelier-Hutin demande à la Cour :
-de dire et juger que la déclaration d’appel de M. [J] en date du 4 septembre 2020, n’a déféré à la Cour d’appel de Paris aucun chef de jugement critiqué.
en conséquence,
-de dire et juger que la Cour d’appel de Paris n’est saisie d’aucune demande de la part de M. [J].
-de la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident.
-de réformer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. [J] les sommes de :
*2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence d’organisation de l’entretien professionnel,
*1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
-de réformer le jugement rendu en ce qu’il l’a :
– condamné aux entiers dépens,
– débouté de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
-de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [J] du surplus de ses demandes.
-de condamner M. [J] à lui verser à la somme de 3 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et d’appel.
-de le condamner aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 octobre 2022 et l’audience de plaidoiries est fixée au 5 décembre 2022.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu’ aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.
MOTIFS
I – Sur l’effet dévolutif de la déclaration d’appel
Conformément aux dispositions de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, l’effet dévolutif n’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
En outre, conformément aux dispositions de l’article 542 du code de procédure civile, l’appel tend à la réformation ou à l’annulation du jugement par la cour d’appel.
Il est admis dans ce cadre que lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement mais que cette régle n’est applicable qu’à compter du 17 septembre 2020, date du premier arrêt de la cour de cassation publié en ce sens.
En l’espèce, la déclaration d’appel du 4 septembre 2020 est ainsi formulée :
‘Chefs du jugement critiqués : le jugement est critiqué en ce qu’il déboute M. [J] des demandes suivantes :
sur l’exécution du contrat:
-annuler la mise à pied prononcée le 27 décembre 2017.
– condamner la défenderesse au paiement d’une somme de 1232,35 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied et 123,20 euros au titre des congés payés afférents,
– condamner la défenderesse au paiement d’une somme 50 000 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires non payées ainsi que 5 000 euros au titre des congés payés afférents,
– condamner la défenderesse au paiement d’une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
sur la rupture du contrat:
à titre principal,
-prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la défenderesse.
-dire et juger que la rupture produira les effets d’un licenciement nul du fait du harcèlement moral.
à titre subsidiaire,
– dire et juger le licenciement nul.
à titre infiniment subsidiaire,
-dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
en tout état de cause,
-condamner la société au paiement des somme de de 16 884,41 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ainsi que 1684,41 euros de congés payés afférents
-condamner la société au paiement d’une somme de 67 000 euros à titre d’indemnité d’illécéité du licenciement
– dire que l’ensemble de ces sommes devra porter intérêt au taux légal à compter de la rupture soit à compter du prononcé du jugement à intervenir.’
Ainsi, conformément aux dispositions l’article 562 du code de procédure civile, l’appelant a défèré à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément.
S’il n’a par ailleurs pas expressément indiqué dans sa déclaration d’appel qu’il sollicitait l’infirmation du jugement, il ne résulte pas des dispositions du code de prorcédure civile précité qu’il devait le faire à ce stade alors qu’ il l’a fait par voie de conclusions signifiées le 3 décembre 2020 et le19 septembre 2022 et qu’en toute hypothèse l’obligation pour les parties de solliciter expressément l’infirmation du jugement n’était pas applicable à la date de la déclaration d’appel (le 4 septembre 2020).
La fin de non recevoir sera donc rejetée.
II- Sur l’exécution du contrat de travail
A – Sur les heures supplémentaires
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, en vertu de l’article L. 3171-4 du Code du Travail, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires.
En l’espèce, au soutien de sa demande de paiement d’heures supplémentaires, M. [J] fait valoir que le système de badgeage a été supprimé en 2012, date à laquelle il avait un solde créditeur d’heures supplémentaires et que depuis lors, un système de relevés d’heures manuel a été mis en place dont il n’a pas reçu copie.
Il verse au débat un relevé de ses horaires de travail pour l’année 2012 issu du badgeage alors mis en place dont il ressort un solde créditeur de 422, 30 heures après report de 389 heures au titre des années précédentes et le courrier de son conseil du 12 mars 2018 par lequel celui-ci demande à l’employeur de lui communiquer la copie des relevés d’heures du salarié auquel il précise que celui-ci n’a pas déféré.
Il ne produit cependant au débat aucun élément permettant de connaître le nombre d’heures de travail effectives qu’il revendique ni la période sur laquelle porte sa demande.
Aussi, à défaut d’éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies, il sera débouté de sa demande à ce titre.
B- Sur la demande d’annulation de la mise à pied disciplinaire notifiée au salarié le 27 décembre 2017
Une mise à pied de cinq jours a été notifiée au salarié le 27 décembre 2017 au motif :
-que le 26 octobre 2017, il avait régularisé une vente sans être détenteur des fonds (dossier P/L) ;
– que, dans un dossier ouvert le 24 septembre 2015,il n’avait pas demandé les documents nécessaires aux fins de régulariser une vente ;
-qu’en août 2017, en dépit des instructions reçues, il n’avait pas établi d’acte rectificatif dans un dossier pour mentionner que le prix n’était pas payé comptant contrairement aux mentions figurant à l’acte initial ;
– qu’à son retour d’arrêt de travail, le 27 novembre 2017, il avait refusé de recevoir le rendez vous de signature dans un dossier qui lui avait été confié le 30 novembre 2017 et dans lequel il est apparu que le décompte vendeur qu’il avait établi était erroné ;
– qu’il avait omis de préciser à la comptable qu’il avait inséré une clause de séquestre dans un acte ;
– qu’il n’avait pas respecté les consignes relatives à la dématérisalisation des dossiers.
Pour justifier des griefs ainsi reprochés au salarié, la société intimée produit au débat des pièces permettant d’établir la réalité du premier fait relatif au dossier P/L, soit: la déclaration de sinistre, la réponse de l’assureur et l’avertissement notifié à la comptable de l’étude (pièce 10, 11 et 13).
M. [J] conteste l’ensemble des griefs retenus en ce compris le premier, pourtant établi par les pièces produites au débat.
Il ne verse pour sa part aucun élément ni même ne discute sur le fond les faits qui lui sont ainsi reprochés.
Le premier grief étant établi et d’une gravité suffisante pour légitimer la sanction prononcée, il n’y pas lieu à annulation de la mise à pied.
Le salarié sera donc également débouté de la demande de rappel de salaires qu’il forme à ce titre.
C- Sur l’absence d’organisation d’entretiens professionnels
Conformément aux dispositions de l’article L6315-1 du code du travail, le salarié doit bénéficier tous les deux ans d’un entretien professionnel avec son employeur, lequel est consacré à ses perspectives d’évolution professionnelles notamment en terme de qualification et d’emploi.
En l’espèce, il n’est pas contesté que le salarié n’a bénéficié d’aucun de ces entretiens et qu’il n’a ainsi pas pu envisager avec son employeur de perspectives d’évolution.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a alloué à M. [J] une somme de 2 000 euros à ce titre.
D- Sur le harcélement moral
Le harcèlement moral s’entend aux termes de l’article L 1152-1 du Code du Travail, d’agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Par ailleurs, aux termes de l’article 1154-1 du Code du Travail, dans sa rédaction issue de la loi N° 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque survient un litige au cours duquel le salarié évoque une situation de harcèlement moral, celui-ci doit présenter des éléments de faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement, l’employeur devant prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, au soutien du harcélement qu’il invoque, le salarié produit aux débats :
– un courriel du 4 octobre 2017 dans lequel il lui est confirmé qu’il bénéficiera de l’aide pour rédiger ses dossiers à condition qu’il remette des dossiers classés et triés (pièce 15) ;
– un courriel du 13 novembre 2017 dans lequel son employeur lui demande de s’assurer préalablement à chaque rendez vous que l’intégralité des fonds est en sa possession et à cette fin lui indique qu’il nous pourra faire signer la vente que si une une autre salarié, V, appose son visa sur le décompte (pièce 16) ;
-un courriel du 14 novembre 2017 par lequel son employeur lui indique que s’il refuse de respecter les consignes, il sera contraint de lui notifier un avertissement (pièce 17) ;
– un courriel du 3 janvier 2018 dans lequel son employeur lui demande de vérifier la régularité des actes qu’il reçoit et d’apporter la plus grand soin à la rédaction des actes (pièce 18) ;
– un courrier du 6 février 2018, établi par M.C., psycho praticien menant des consultations de ‘souffrance et travail’ indiquant que M. [J] présente une symptomatologie de trouble post traumatique avec une composante anxio-dépressive et qu’il présente un état compatible avec ce qu’il décrit sur ses conditions d etravail dans les termes suivants : ‘depuis le mois d’octobre 2017, et en l’espace de quelques semaines, j’ai été surpris par une pléthore de reproches professionels de ma hiérarchie (verbales et par mails) se terminant par une mise à pied de 5 jours avec retenue sur salaire ( du15/01 au 19/01/2018). Ces reproches contrastent formellement avec mes attentes et mon comportement irréprochable au travail durant les 12 années précédentes’ et que son état de santé nécessite une thérapie de désensibilisation et de ressourcement (pièce 19) ;
– des arrêts de travail du 14 novembre 2017 au 25 novembre 2017 pour maladie puis à compter du 5 janvier 2018 pour accident du travail (pièce 6) ;
– l’avis d’inaptitude établi le 13 septembre 2018 (pièce 11).
Il résulte de ces éléments que le salarié a reçu plusieurs courriels par lesquels son employeur lui a fait des griefs relatifs à la qualité de son travail et ce, notamment alors qu’il était en arrêt de travail et qu’il a présenté dans un temps voisin un état de souffrance post traumatique.
Ces faits précis et concordants laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral lorsqu’ils sont pris dans leur ensemble.
Si l’employeur fait valoir que les reproches qu’il a fait au salarié étaient légitimes et ne sauraient constituer des faits de harcèlement, il ne verse au débat aucun élément pour justifier, au delà de la sanction disciplinaire prononcée, les envois répétés et sur une courte période d’octobre 2017 au 3 janvier 2018, de courriels de recadrage y compris quand M. [J] était placé en arrêt de travail.
Le harcélement moral doit donc être retenu.
Les faits subis par le salarié, leur durée et les conséquences qui en ont résulté justifient l’octroi d’une somme de 5 000 euros.
II- Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
Par application combinées des articles 1217, 1224, 1227 et 1228 du Code civil, tout salarié reprochant à son employeur des manquements graves à l’exécution de son obligation de nature à empêcher la poursuite du contrat peut obtenir le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.
Si les manquements invoqués par le salarié à l’appui de sa demande sont établis et d’une gravité suffisante, la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée aux torts de l’employeur et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dans l’hypothèse où le salarié a été licencié, le juge doit préalablement rechercher si la demande de résiliation était justifiée et s’il l’estime non fondée il doit alors statuer sur le licenciement.
En application de l’article L. 1152-3 du Code du Travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, tout acte contraire est nul.
En conséquence, toute rupture du contrat ayant pour origine le harcèlement moral dont le salarié a été victime est nulle.
En l’espèce, les faits de harcèlement moral subis par le salarié et leurs conséquences constituent un manquement grave justifiant que la rupture de son contrat de travail soit prononcée aux torts et griefs de son employeur.
Cette rupture a les effets d’un licenciement nul conformément aux dispositions de l’article L.1152-3 du code du travail.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande du salarié relative à l’indemnité compensatrice de préavis, laquelle a été calculée conformément à ses droits par application de la convention collective du notariat qui prévoit en son article 12 un préavis de 3 mois pour les salariés dont l’ancienneté est au moins de deux ans.
En outre, compte tenu de l’ancienneté du salarié à la date de la rupture de son contrat de travail (12 ans), de son âge (47 ans) et en l’absence d’éléments sur sa situation après la rupture de son contrat de travail à l’exception d’un bulletin de paye de novembre 2021 établissant qu’il a alors subi une perte de rémunération importante, il lui sera alloué une indemnité d’un montant de 45 000 euros au titre de la rupture du lien contractuel.
III- Sur le remboursement des allocations de chômage
Les conditions d’application de l’article L 1235 – 4 du code du travail étant réunies, il convient d’ordonner le remboursement des allocations de chômage versées à la salarié dans la limite de 6 mois d’indemnités.
IV- Sur les autres demandes
En raison des circonstances de l’espèce, il apparaît équitable d’allouer à M. [J] une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.
L’employeur qui succombe sera en outre condamné aux dépens.
DÉCISION
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a :
– condamné la SCP Krantz et Cuvelier-Hutin à verser à M. [J] la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence d’organisation de l’entretien professionnel,
-condamné la SCP Krantz et Cuvelier-Hutin à verser à M. [J] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-débouté M. [J] de sa demande d’annulation de la mise à pied disciplinaire et de ses demandes de rappel de salaire à ce titre ainsi qu’ au titre des heures supplémentaires
-débouté la société intimée de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
INFIRME le jugement pour le surplus,
STATUANT à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [J] aux torts et griefs de la SCP Krantz et Cuvelier-Hutin,
DIT que cette résiliation a les effets d’un licenciement nul,
CONDAMNE la SCP Krantz et Cuvelier-Hutin à payer à M. [J] les sommes de :
– 5000 euros à titre de à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
-16 884,41 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 1684,41 euros à titre de congés payés sur préavis,
-45 000 euros à titre d’indemnité pour rupture du contrat de travail aux torts et griefs de l’employeur produisant les effets d’un licenciement nul,
-1000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel.
ORDONNE le remboursement à l’organisme les ayant servies, des indemnités de chômage payées au salarié au jour du présent arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités,
DIT que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation en conciliation et que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de l’arrêt,
DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONDAMNE la SCP Krantz et Cuvelier-Hutin aux dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE