RUL/CH
[R] [D]
C/
S.A.S. BABEAU SEGUIN
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 19 JANVIER 2023
MINUTE N°
N° RG 21/00425 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FWWZ
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIJON, section Industrie, décision attaquée en date du 11 Mai 2021, enregistrée sous le n° F 19/00623
APPELANT :
[R] [D]
[Adresse 3]
[Localité 2] / FRANCE
représenté par Me Romain CLUZEAU de la SELAS LEGI CONSEILS BOURGOGNE, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉE :
S.A.S. BABEAU SEGUIN
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Olivier PLOTTON de la SCP PLOTTON-VANGHEESDAELE-FARINE-YERNAUX, avocat au barreau de l’AUBE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 06 Décembre 2022 en audience publique devant la Cour composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre, Président,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
qui en ont délibéré,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,
ARRÊT rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [R] [D] a été embauché par la société BABEAU-SEGUIN en qualité d’assistant administratif et technique à compter du 4 octobre 2010 par un contrat de professionnalisation puis par un contrat à durée indéterminée.
A partir du 1er avril 2013, il a exercé les fonctions de conducteur de travaux, statut ETAM, échelon B.
Le 1er septembre 2013, il a été promu conducteur de travaux, échelon C.
Le 17 décembre 2019, il a démissionné.
Par requête antérieure du 1er octobre 2019, il avait initialement saisi le conseil de prud’hommes de Dijon afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail puis demandé de faire requalifier sa démission en une prise d’acte de la rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et faire condamner l’employeur à, notamment, lui payer diverses sommes à titre d’indemnité légale de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour exécution déloyale du contrat de travail, outre un rappel de frais de repas et d’heures supplémentaires, une somme au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour dépassement du contingent annuel et l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
Par jugement du 11 mai 2021, le conseil de prud’hommes de Dijon a jugé que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail s’analyse en une démission et débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes à l’exception d’un rappel au titre de la majoration de la 39ème heure pour les années 2017 et 2018.
Par déclaration formée le 31 mai 2021, M. [D] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures du 26 septembre 2022, l’appelant demande de :
– réformer le jugement déféré,
– constater la gravité des manquements commis par la société BABEAU SEGUIN,
– constater que ces manquements rendaient impossible la poursuite du contrat de travail,
– constater que sa démission doit s’analyser en une prise d’acte de la rupture devant produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la société BABEAU SEGUIN à lui régler les sommes suivantes :
* 7 110,34 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
* 6 094,58 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 27 425,61 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 5 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
* 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* 1 537,24 euros au titre des frais de repas,
* 16 669 euros bruts à titre de rappel de salaire pour des heures supplémentaires en 2017, 2018 et 2019, outre 1 666,90 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 7 981,28 euros bruts au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour dépassement du contingent annuel, outre 798,13 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 18 283,74 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
– dire que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête prud’homale et ordonner la capitalisation des intérêts,
– ordonner à la société BABEAU SEGUIN de lui remettre ses documents légaux (bulletins de salaire rectifies, certificat de travail, attestation Pôle Emploi),
– dire que la société BABEAU SEGUIN supportera les entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures du 1er mars 2022, la société BABEAU SEGUIN demande de :
– prendre acte du fait qu’elle reconnaît devoir à M. [D] la somme de 248,78 euros au titre de la majoration de la 39ème heure supplémentaire,
S’agissant des heures supplémentaires,
– constater que les éléments présentés par M. [D] sont imprécis de sorte qu’ils ne lui permettent pas d’apporter une réponse à la demande de ce dernier,
– le débouter de ses demandes relatives aux heures supplémentaires, indemnité pour dépassement du contingent annuel et indemnité pour travail dissimulé,
– compte tenu du caractère tardif des demandes portant sur les heures supplémentaires, la majoration de 25% de la 39ème heure supplémentaire, la charge de travail, sa prestation de travail pendant son arrêt maladie, les frais professionnels, juger que M. [D] tenait les manquements qu’il lui reproche pour insuffisamment graves de sorte qu’ils ne peuvent servir de base à la requalification de sa démission en une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ces manquements n’ayant pas empêché pas la poursuite du contrat de travail,
– à l’exception de l’absence d’application de la majoration de 25% à la 39ème heure supplémentaire relative au titre des années 2017 et 2018, juger que les griefs invoqués par M. [D] sont soit infondés, soit inexistant,
– quand bien même ils seraient avérés, compte tenu de la réaction tardive de M. [D] et de l’antériorité des faits reprochés, juger que lesdits griefs ne rendaient pas impossibles la poursuite du contrat de travail,
– qualifier la rupture du contrat de travail du 17 décembre 2019 en une démission,
– débouter M. [D] de sa demande de requalification de sa démission en une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et par voie de conséquence, le débouter de ses demandes de paiement d’indemnité de préavis, d’indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et dommage-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– à l’exception de la demande portant sur la majoration de 25% de la 39ème heure hebdomadaire qui sera circonscrite aux seules années 2017 et 2018, débouter M. [D] de l’ensemble de ses demandes,
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
– condamner M. [D] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I – Sur les heures supplémentaires :
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Arguant que son contrat de travail prévoit un horaire de travail de 39 heures par semaine, M. [D] soutient que sa charge de travail l’a conduit à accomplir de nombreuses heures supplémentaires sans percevoir de rémunération.
A l’appui de sa demande, il produit :
– un tableau de ses heures de travail (jour, début et fin de journée), déduction faite de la pause repas, et un calcul des heures supplémentaires effectuées pour les années 2017, 2018 et 2019 (pièces n° 7.1, 7.2, 8.1, 8.2, 9.1 et 9.2),
– des courriers électroniques justifiant selon lui le non-respect par l’employeur de ses horaires de travail (pièces n° 10, 11 et 12),
– ses bulletins de paye des années 2016 à 2019 (pièces n° 3 à 6).
La cour considère que ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées prétendument accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
La société BABEAU SEGUIN ne produit pour sa part aucun élément ou décompte du temps de travail effectif du salarié.
Elle oppose néanmoins que :
– les tableaux produits par le salarié ont été établis pour les seuls besoins de la cause,
– le salarié ne s’est jamais plaint de ne pas avoir été rémunéré des heures supplémentaires prétendument accomplies,
– les heures de commencement et de fin de travail ne sont étayées par aucun élément probant ni justificatif des heures alléguées ou précision sur les lieux, chantiers ou réunions,
– les heures de prise des pauses repas ne sont pas précisées de sorte qu’il ne peut lui être répondu,
– il ne démontre pas qu’il a travaillé sans discontinuer dans les créneaux horaires indiqués, l’amplitude horaire séparant l’envoi d’un premier courrier électronique le matin de l’envoi d’un dernier courrier électronique le soir ne pouvant témoigner de la durée effective de travail du salarié, ce d’autant que M. [D] n’hésitait pas à honorer des rendez-vous personnels pendant son temps de travail, sans respecter la procédure interne d’autorisation d’absence,
– lorsqu’il ne s’absentait pas pour un motif personnel, M. [D] ne consacrait pas toute sa journée à travailler, s’occupant également de ses affaires personnelles,
– les heures indiquées sont erronées.
A titre subsidiaire, elle sollicite de retenir au titre de l’année 2017 un contingent de 180 heures supplémentaires et de 300 heures au titre de l’année 2018 compte tenu de l’avenant n° 4 du 7 mars 2018 prévoyant que «les entreprises peuvent utiliser pendant l’année civile un contingent d’heures supplémentaires dans la limite de 265 heures par salarié. Ce contingent est augmenté de 35 heures par an et par salarié pour les salariés dont l’horaire n’est pas annualisé » (pièces n° 12 et 13).
Néanmoins, peu important que le salarié n’ait jamais élevé la moindre protestation et que les tableaux récapitulatifs dactylographiés des heures supplémentaires prétendument effectuées par le salarié n’aient pas été établis au fur et à mesure du déroulement de la relation de travail, l’employeur échoue à justifier des heures de travail effectives du salarié, lequel est donc bien fondé à en réclamer le paiement.
Toutefois, la cour relève, avec l’employeur, que le salarié détermine le nombre d’heures prétendument effectuées sur la seule base des heures de début et de fin de service déterminées par un échantillon de courriers électroniques qui ne permettent pas que quantifier avec précision les heures effectuées, étant par ailleurs ajouté que le report de ces horaires sur son tableau comporte de multiples erreurs ou incohérences.
Par ailleurs, plusieurs courriers électroniques produits démontrent que M. [D] traitait ses affaires personnelles ou se rendait à des rendez-vous privés pendant ses heures de travail, ce qui est confirmé par M. [X], responsable technique (pièce n° 38).
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il sera alloué à M. [D] la somme de 5 000 euros à titre de rappel de salaire pour les années 2017 à 2019, outre 500 euros au titre des congés payés afférents, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
II – Sur la contrepartie obligatoire en repos pour dépassement du contingent annuel :
M. [D] soutient que les heures supplémentaires effectuées en 2017 au-delà du contingent annuel de 180 heures fixé à l’article 4.1.2 de la convention collective auraient dû donner lieu à la contrepartie obligatoire en repos fixée à 100% desdites heures selon l’article L3121-38 du code du travail, le contingent d’heures étant de 300 pour l’année 2018.
Il sollicite en conséquence la somme de 7 981,28 euros bruts, outre 798,13 euros bruts au titre des congés payés afférents.
La société BABEAU SEGUIN conclut au rejet des demandes du salarié.
Il ressort toutefois des développements qui précèdent que M. [D] ne justifie pas que les heures supplémentaires dans leur montant retenu par la cour dépassent le contingent conventionnel en fonction du quota annuel applicable à chaque année, de sorte qu’il n’est pas fondé à réclamer le paiement de la contrepartie obligatoire en repos.
La demande sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
III – Sur l’indemnité pour travail dissimulé :
Au terme de l’article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé, a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L’article L. 8221-5 2° du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
En l’espèce, il résulte des développements qui précèdent que l’existence d’heures non rémunérées est établie. Néanmoins, la mention, sur les bulletins de paie de M. [D], d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui qui a été réellement effectué ne relève pas d’une volonté avérée de dissimulation d’emploi salarié de la part de la société BABEAU SEGUIN.
Le rejet de la demande d’indemnité pour travail dissimulé s’impose, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
IV – Sur la majoration de la 39ème heure supplémentaire :
La société BABEAU SEGUIN sollicite dans le dispositif de ses conclusions qu’il soit pris acte qu’elle reconnaît devoir à M. [D] la somme de 248,78 euros au titre de la majoration de la 39ème heure supplémentaire.
Toutefois, une telle prise d’acte ne caractérise pas une demande à laquelle la cour est tenue de répondre, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce point, au demeurant sans objet dans la mesure où M. [D], qui admet dans ses propres écritures avoir perçu cette somme le 9 février 2022, ne formule aucune demande à cet égard.
V – Sur les frais de repas :
Au visa de l’article 5D de son contrat de travail, M. [D] soutient qu’il bénéficiait d’une carte bancaire destinée à payer ses frais de repas mais que son employeur a procédé tous les mois à une retenue sur salaire au titre des frais de repas.
Il sollicite en conséquence la somme de 1 537,24 euros. (pièce n° 16)
La société BABEAU SEGUIN oppose que si l’avenant au contrat de travail du 12 mars 2013 prévoit effectivement que le salarié bénéficiait d’une carte bancaire destinée à régler ses frais de déplacements (pièce n° 3), une note de service – visée dans l’avenant lui-même – a encadré la prise en charge des frais de repas. Il en résulte selon elle que le service comptabilité effectuait un lissage tous les mois en prenant en compte le nombre de repas multiplié par le forfait puis comparait le total avec celui des frais dépensés. En cas de dépassement, il était effectué une retenue sur la paye du salarié, retenue correspondant au dépassement constaté dans le mois.
Il ressort de l’examen de l’avenant du 12 mars 2013 (article 5 relatif aux frais professionnels) que depuis le 1er avril 2013, et du fait de ses nouvelles fonctions, un véhicule de service et une carte TOTAL ont été remis au salarié pour payer le carburant et les frais d’autoroute. Il est en outre précisé que les autres frais professionnels engagés par le salarié seront pris en charge par l’employeur dans des conditions fixées par une note de service dont le salarié a pris connaissance au moment de la signature de l’avenant.
Cette note de service, établie à l’attention de l’ensemble du personnel, prévoit que le forfait repas de 12 euros (12,70 euros à compter du 1er janvier 2015) est limité à un repas par jour ouvré et par salarié et qu’en cas de dépassement, le surcoût reste à la charge du salarié et donneront lieu à régularisation sur les fiches de paye pour les salariés qui détiennent une carte bancaire (pièce n° 14).
Il ressort des pièces produites par la société BABEAU SEGUIN que les retenues sur les fiches de paye au titre des remboursements de frais sont pleinement justifiées (pièces n° 33-A à 33-D, 34, 35 et 36).
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.
VI – Sur la rupture de la relation de travail :
Le 17 décembre 2019, M. [D] a démissionné et sollicite dans le cadre de la présente procédure que cette rupture soit requalifiée en prise d’acte aux torts de l’employeur.
Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission la rendant équivoque, l’analyser en une prise d’acte de rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, ou, dans le cas contraire, d’une démission.
En l’espèce, la référence dans la lettre de démission à une procédure en cours devant le conseil de prud’hommes de Dijon aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail « compte tenu des manquements graves de la société BABEAU SEGUIN à ses obligations contractuelles » est de nature à la rendre équivoque.
A ce titre, M. [D] formule à l’encontre de son employeur les griefs suivants :
– le défaut de paiement de nombreuses heures supplémentaires,
– une prise en charge incomplète de ses frais professionnels,
– une charge de travail inadaptée démontrant que l’employeur n’a pas tout mis en ‘uvre pour assurer la protection de ses salariés.
En premier lieu, il résulte des développements qui précèdent que le grief fondé sur la non prise en charge de frais professionnels n’est pas fondé.
En revanche, peu important la démonstration par l’employeur que M. [D] a manifesté le souhait de bénéficier d’une rupture conventionnelle afin de pouvoir créer sa propre société et changé de comportement après le refus de cette demande, il ressort des développements qui précèdent que la société BABEAU SEGUIN a manqué à son obligation de paiement de l’intégralité des heures de travail effectuées par le salarié.
Un tel manquement fautif de l’employeur, ce jusqu’à la fin de la relation contractuelle puisque les sommes réclamées portent sur la période 2017 à 2019 alors que la démission dont il est demandé la requalification en prise d’acte de la rupture du contrat de travail date du 17 décembre 2019, justifie, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur le grief fondé sur la surcharge de travail, que ladite démission soit requalifiée en une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il s’en déduit, par infirmation du jugement déféré, que le salarié est fondé à réclamer les demandes indemnitaires afférentes.
a – Sur l’indemnité de licenciement :
Sur la base d’un salaire moyen calculé sur les trois derniers mois (moyenne la plus favorable) s’établissant à 3 047,29 euros et d’une ancienneté de 9 ans et 4 mois, M. [D] sollicite la somme de 7 110,34 euros à ce titre.
La société BABEAU SEGUIN oppose que les périodes d’arrêt maladie doivent être exclues du calcul de l’ancienneté, aboutissant à une ancienneté de 8 années et 9 mois.
Néanmoins, l’article 10.3 de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment non visées par le décret du 1er mars 1962 (c’est-à-dire occupant plus de 10 salariés) du 8 octobre 1990 prévoit que « en cas de licenciement non motivé par une faute grave, l’employeur verse à l’ouvrier qui, au moment de son départ de l’entreprise, ne remplit pas les conditions pour bénéficier d’une pension de vieillesse à taux plein du régime général de la sécurité sociale, ni d’un régime assimilé, une indemnité de licenciement, distincte du préavis, calculée sur les bases suivantes :
– à partir de 2 ans et jusqu’à 5 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 1/10 de mois de salaire par année d’ancienneté,
– après 5 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 3/20 de mois de salaire par année d’ancienneté, depuis la première année dans l’entreprise,
– les années d’ancienneté au-delà de 15 ans donnent droit à une majoration de 1/20 de mois de salaire par année d’ancienneté.
En cas de licenciement d’un ouvrier âgé de plus de 55 ans à la date d’expiration du préavis, effectué ou non, qui lui est applicable, le montant de l’indemnité de licenciement, tel qu’il est fixé ci-dessus, est majoré de 10 % »
L’article 10.4 de ce même texte prévoit que pour l’application des dispositions de l’article 10.3, il est tenu compte au titre de l’ancienneté de la durée des interruptions pour notamment maladie, accident, maternité.
En conséquence, étant relevé que les bulletins de salaire produits jusqu’en août 2019 établissent la moyenne des salaires la plus favorable au salarié (juin à août 2019) à 2 713,02 euros et non 3 047,29 euros tel qu’allégué, il sera alloué à M. [D] la somme de 3 798,22 euros, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
b – Sur l’indemnité de préavis :
L’article 10.1 de la convention collective applicable fixant la durée du délai de préavis (hors faute grave) à deux mois pour les salariés justifiant d’une ancienneté supérieure à 2 ans, il sera alloué à M. [D] la somme de 5 426,04 euros.
c – Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
M. [D] sollicite à ce titre la somme de 27 425,61 euros nets correspondant à 9 mois de son salaire moyen.
La société BABEAU SEGUIN conclut au rejet de la demande et oppose que M. [D] a débuté son activité professionnelle personnelle dès le 21 février 2020, quatre jours après avoir radié de ses effectifs (pièce n° 43).
Compte tenu des circonstances de la rupture, il sera alloué à M. [D] la somme de 8 139,06 euros en application de l’article L1235-3 du code du travail.
VII – Sur le dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :
Considérant que l’employeur a manqué à ses obligations contractuelles en ne payant pas notamment l’intégralité des heures supplémentaires, M. [D] allègue d’un préjudice moral dont il demande réparation à hauteur de 5 000 euros.
La société BABEAU SEGUIN oppose qu’il ne justifie d’aucun préjudice.
Il ressort des développements qui précèdent que l’employeur a manqué à ses obligations contractuelles du seul fait du non paiement des heures supplémentaires.
Néanmoins, étant rappelé qu’il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l’existence et l’évaluation de celui-ci relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats, M. [D] n’apporte en l’espèce aucun élément permettant de justifier de la réalité d’un préjudice distinct non indemnisé au titre de la rupture du contrat de travail requalifiée en prise d’acte aux torts de l’employeur.
La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
VIII – Sur les demandes accessoires :
– Sur les intérêts au taux légal :
Il sera dit par infirmation du jugement déféré que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société BABEAU SEGUIN de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt, et que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt.
– Sur la remise des documents légaux :
La société BABEAU SEGUIN devra remettre à M. [D] un bulletin de salaire rectifié, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi.
– Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Le jugement déféré sera infirmé sur ces points.
La société BABEAU SEGUIN sera condamné à payer à M. [D] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La demande de la société BABEAU SEGUIN au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
La société BABEAU SEGUIN succombant au principal, elle supportera les dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Dijon du 11 mai 2021 sauf en ce qu’il a :
– rejeté la demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour dépassement du contingent annuel,
– rejeté la demande d’indemnité pour travail dissimulé,
– rejeté la demande au titre des frais de repas,
– rejeté la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– condamné la société BABEAU SEGUIN à payer à M. [R] [D] la somme de 248,78 euros au titre de la majoration de la 39ème heure pour les années 2017 et 2018,
Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,
REQUALIFIE la démission M. [R] [D] du 17 décembre 2019 en une prise d’acte aux torts de l’employeur produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société BABEAU SEGUIN à payer à M. [R] [D] les sommes suivantes :
– 5 000 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour les années 2017 à 2019, outre 500 euros au titre des congés payés afférents,
– 3 798,22 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– 5 426,04 euros à titre d’indemnité de préavis,
– 8 139,06 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
DIT que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société BABEAU SEGUIN de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt, et que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt,
CONDAMNE la société BABEAU SEGUIN de remettre à M. [R] [D] un bulletin de salaire rectifié, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi,
REJETTE la demande de la société BABEAU SEGUIN au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société BABEAU SEGUIN aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier Le président
Kheira BOURAGBA Olivier MANSION