COUR D’APPEL
d’ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00446 – N° Portalis DBVP-V-B7E-EXWA.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 25 Novembre 2020, enregistrée sous le n° 19/00327
ARRÊT DU 19 Janvier 2023
APPELANT :
Monsieur [I] [V]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représenté par Monsieur [W] [M], défenseur syndical, muni d’un pouvoir
INTIMEE :
S.A.R.L. DIMAGH
[Adresse 1]
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Maître GIBIERGE, avocat substituant Maître Luc LALANNE de la SCP LALANNE – GODARD – HERON – BOUTARD – SIMON, avocat au barreau du MANS – N° du dossier 20191174
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Novembre 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame DELAUBIER, conseiller chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Estelle GENET
Conseiller : Mme Marie-Christine DELAUBIER
Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 19 Janvier 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame DELAUBIER, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
La société à responsabilité limitée Dimagh, distribution de matériels et gobelets hermétiques (ci-après dénommée la société Dimagh), gérée par M. [Y], est spécialisée dans le secteur de la vente par automates et autres commerces de détail. Elle emploie moins de onze salariés et applique la convention collective nationale de commerce de gros.
M. [I] [V] a été engagé par la société Dimagh dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mars 2017 en qualité d’agent réapprovisionneur.
En dernier état de la relation contractuelle, sa rémunération mensuelle brute s’élevait à la somme de 1 800 euros.
Par courrier du 6 mai 2019, la société Dimagh a notifié à M. [V] un avertissement après avoir découvert dans le véhicule du salarié 26 produits alimentaires périmés.
Le 28 mai 2019, étaient découvert dans le distributeur automatique situé à la gare SNCF du [Localité 3], deux sandwichs à la vente périmés depuis la veille.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 29 mai 2019, M. [V] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au ‘mardi’12 juin suivant. Une erreur de date dans la convocation (le 12 juin 2019 étant un mercredi et non un mardi) ayant été soulevée par le conseiller du salarié lors de l’entretien, M. [V] a été de nouveau convoqué aux mêmes fins pour le 24 juin 2019 par un courrier recommandé du 13 juin 2019.
Puis, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 28 juin 2019, la société Dimagh a notifié à M. [V] son licenciement pour faute grave lui reprochant principalement la présence de produits périmés dans le distributeur automatique situé en gare du [Localité 3].
Contestant le bien fondé de son licenciement, M. [V] a saisi le conseil de prud’hommes du Mans le 9 juillet 2019 pour obtenir la condamnation de la société Dimagh au paiement d’une indemnité de licenciement, d’une indemnité compensatrice de préavis, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’un rappel de salaire sur absence maladie, des dommages et intérêts pour amende pécuniaire suite à une retenue de la somme de 30 euros sur son solde de tout compte et d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Dimagh s’est opposée aux prétentions de M. [V] et a sollicité sa condamnation au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 25 novembre 2020, le conseil de prud’hommes a :
– écarté des débats les attestations communiquées par la société Dimagh sous les pièces n° 9, 10, 11, 12 ,13, 14 et 15 qui ne sont pas conformes à l’article 202 du code de procédure civile ;
– dit que le licenciement de M. [V] repose sur une faute grave ;
– en conséquence, débouté M. [V] de ses demandes d’indemnité de licenciement, d’indemnité de préavis et congés payés y afférents, et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– dit que M. [V] a bien été réglé de ses indemnités journalières pour absence maladie;
– condamné la société Dimagh à verser à M. [V] les sommes suivantes :
* 30 euros au titre du remboursement du bouchon d’essence ;
* 60 euros à titre de dommages et intérêts pour amende pécuniaire ;
– débouté M. [V] de sa demande de remise de documents de fin de contrat rectifiés;
– débouté M. [V] et la société Dimagh de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société Dimagh aux éventuels dépens de l’instance.
Pour statuer en ce sens, le conseil de prud’hommes a notamment considéré que M. [V] avait la responsabilité des produits alimentaires présents dans le distributeur automatique et donc celle de changer ces produits lorsqu’ils arrivaient à péremption. Il a estimé que le fait de ne pas avoir accompli cette tâche, pourtant basique au regard des fonctions occupées, justifiait son licenciement pour faute grave.
M. [V], représenté par M. [W] [M], défenseur syndical, a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue par le greffe de la cour d’appel le 14 décembre 2020.
La société Dimagh a constitué avocat en qualité de partie intimée le 28 décembre 2020.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 26 octobre 2022.
Le dossier a été fixé à l’audience du conseiller rapporteur du 15 novembre 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. [V], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 11 janvier 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
– dire et juger que son action est recevable en la forme et fondée ;
– condamner la société Dimagh à lui payer les sommes suivantes :
* 984,46 euros : indemnité de licenciement ;
* 3 150,28 euros : indemnité de préavis ;
* 315,03 euros : congés payés sur préavis ;
* 25 200 euros : indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 426,42 euros : rappel sur absence maladie ;
* 1 000 euros : dommages et intérêts pour amende pécuniaire (articles L. 1331-2 et L. 1334-1 du code du travail) ;
* 1000 euros : article 700 du code de procédure civile ;
* 100 euros / jour : attestation Pôle emploi rectifiée sous astreinte ;
* 100 euros / jour : certificat de travail rectifié sous astreinte ;
* 100 euros / jour : bulletin de salaire sur préavis sous astreinte ;
– condamner la société Dimagh aux entiers dépens ;
– ordonner les intérêts de droit à la date de la saisine.
Au soutien de son appel, M. [V] sollicite le remboursement de la somme de 30 euros indûment retenue par son employeur sur son solde de tout compte au titre d’un ‘bouchon d’essence’ assurant qu’il s’agit d’une amende pécuniaire prohibée par la loi de sorte qu’il réclame l’indemnisation de son entier préjudice.
Le salarié affirme ensuite qu’il n’est pas démontré l’existence de faits empêchant la poursuite immédiate de la relation de travail. Il relève à cet égard l’absence de toute mise à pied conservatoire prononcée à son encontre et observe que la faute reprochée dans la lettre de licenciement n’est pas celle évoquée lors de son premier entretien préalable à la rupture du contrat.
Il formule enfin divers reproches à l’encontre de M. [Y] durant la relation contractuelle et considère que son licenciement voulu par son employeur depuis longtemps s’appuie sur des griefs inventés et étayés par des attestations dont les auteurs ont reçu des pressions pour témoigner. Surtout, il souligne qu’il travaillait en binôme avec Mme [L] laquelle n’a pas été sanctionnée par l’employeur.
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La société Dimagh, dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 17 mars 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le licenciement prononcé le 28 juin 2019 repose sur une faute grave ;
– rejeter les demandes présentées par M. [V] au titre de l’indemnité de licenciement, du préavis et des congés payés y afférents, et des dommages et intérêts pour licenciement abusif.
À titre subsidiaire,
– dire et juger que ‘le barème Macron à vocation à s’appliquer’;
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée au paiement d’une somme de 60 euros à titre de dommages et intérêts pour amende pécuniaire ;
– condamner M. [V] au paiement d’une indemnité de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [V] en tous les frais et dépens.
Au soutien de ses intérêts, la société Dimagh fait valoir que M. [V] était l’unique salarié de la société à avoir en charge le réapprovisionnement et l’entretien des distributeurs situés dans les locaux de la gare SNCF du Mans. Elle soutient ensuite que deux sandwichs périmés ont été retrouvés dans le distributeur le 28 mai 2019 et reproche au salarié de n’avoir organisé aucun contrôle sur ce distributeur du 27 au 31 mai 2019. L’employeur estime que M. [V] a gravement manqué à ses obligations contractuelles d’une part, en exposant un consommateur potentiel à un risque sanitaire et d’autre part, en faisant peser un risque de mise en jeu de la responsabilité civile et pénale de la société. Elle ajoute qu’elle pouvait licencier le salarié pour faute grave sans avoir l’obligation de lui notifier une mise à pied à titre conservatoire.
La société Dimagh indique par ailleurs que M. [V] ne présente aucune explication relative à sa demande de rappel de salaire pour absence maladie et, en tout état de cause, que les pièces produites permettent de constater que le salarié a bien perçu ses indemnités journalières.
Enfin, elle fait observer que la retenue sur salaire de 30 euros en juin 2019 ne constitue pas une sanction pécuniaire mais correspond à la valeur du bouchon d’essence égaré par M. [V].
MOTIVATION
La cour statuant dans les limites de l’appel dont la portée est déterminée au regard des dernières conclusions, il y a lieu de constater qu’aucune partie ne critique les dispositions du jugement ayant écarté des débats les attestations communiquées par la société Dimagh sous les pièces n° 9, 10, 11, 12 ,13, 14 et 15 non conformes à l’article 202 du code de procédure civile de sorte que celles-ci sont définitives.
– Sur les sommes réclamées au titre du ‘bouchon d’essence’ :
L’article L. 1331-2 du code du travail interdit à l’employeur d’infliger au salarié des amendes ou autres sanctions pécuniaires.
Sous le titre ‘dispositions pénales’, l’article L. 1334-1 du même code punit le fait d’infliger une amende ou une sanction pécuniaire par une amende de 3750 euros.
Aux termes des articles L. 3251-1, L. 3251-2 du code du travail pris ensemble, l’employeur ne peut opérer une compensation entre le montant du salaire et les sommes qui lui seraient dues pour fournitures diverses qu’en cas de fournitures d’outils et d’instruments nécessaires au travail, de matériaux ou matières dont le salarié a la charge et l’usage, de sommes avancées pour l’acquisition de ces mêmes objets.
M. [V] sollicite le remboursement de la somme de 30 euros qui lui a été prélevée sur son solde de tout compte en remboursement du bouchon d’essence assurant qu’il s’agit d’une sanction pécuniaire prohibée par la législation applicable.
La retenue sur salaire opérée sur le solde de tout compte de M. [V] n’est pas contestée par la société Dimagh. Elle produit une facture datée du 26 juin 2019 indiquant l’achat d’un bouchon d’essence d’une valeur de 28,26 euros, somme à laquelle elle a ajouté 1,74 euros pour le ‘temps passé à commander – à aller le chercher’, soit un montant total de 30 euros. L’employeur indique que M. [V] avait perdu le bouchon d’essence du véhicule qui lui avait été confié, précisant toutefois que s’il accepte de supporter le coût de remplacement du bouchon, il conteste la qualification de sanction pécuniaire au remboursement effectué à son profit.
Il résulte du solde de tout compte versé aux débats et daté du 1er juillet 2019 qu’une somme de 299,02 euros a été déduite au titre d’une ‘saisie sur salaire’ sans plus de précision sur l’origine de cette déduction. Par courrier du 22 juillet 2019, M. [Y] précisait à M. [V] ‘le détail de la saisie-arrêt pratiquée’ sur son bulletin de salaire de juin 2019 comme suit :
– pension alimentaire : 217,80 euros ;
– frais d’huissier : 51,22 euros ;
– bouchon d’essence : 30 euros.
En l’occurrence, le remplacement d’un bouchon d’essence dont il n’est pas même établi que M. [V] soit responsable de sa perte, n’entre pas dans la catégorie des fournitures d’outils et d’instruments nécessaires au travail, de matériaux ou matières dont le salarié a la charge et l’usage visée par l’article L. 3251-2 précité. La compensation opérée par l’employeur n’était pas fondée.
Dans ces conditions, la retenue sur salaire de 30 euros caractérise une sanction pécuniaire au sens de l’article L. 1331-2 du code du travail précité.
Il s’en suit que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a condamné la société Dimagh à verser à M. [V] la somme de 30 euros brut indûment prélevée correspondant à la retenue injustifiée au regard des textes susvisés.
En revanche, M. [V] ne justifie d’aucun préjudice supplémentaire correspondant à la somme totale de 1000 euros réclamée à titre de dommages et intérêts, étant relevé que les dispositions pénales n’ont pas vocation à s’appliquer devant le juge du travail.
M. [V] sera débouté du surplus de sa demande de dommages et intérêts et le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la société Dimagh au paiement de la somme supplémentaire de 60 euros à titre de dommages et intérêts.
– Sur le licenciement pour faute grave :
L’article L. 1235-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure de licenciement suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute existe, il profite au salarié. Les juges du fond apprécient souverainement si les faits reprochés au salarié à l’appui d’un licenciement de nature disciplinaire sont établis.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.
En l’espèce, la lettre de licenciement du 28 juin 2019, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :
‘Le 28 mai 2019 à 08 heures 16 minutes, chez le client SNCF, [Adresse 2] au [Localité 3], vous avez transgressé la réglementation sur l’hygiène alimentaire en proposant à la vente des sandwichs périmés.
Une première fois, en réunion du personnel, vous avez été clairement informé des conséquences graves d’un tel comportement et un avertissement vous a été communiqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 mai 2019.
Vous n’avez pas souhaité apporter d’explication sur votre comportement le lundi 24 juin 2019 à 09 heures 30 minutes lors de l’entretien préalable à l’application d’une sanction en ne vous présentant pas à cet entretien.
Circonstance aggravante, vous n’aviez pas prévu dans votre planning rédigé de votre propre main, de passer à la SNCF durant la semaine de 27 mai 2019 au 31 mai 2019, ce qui de façon irrémédiable nous faisait perdre le client si les sandwiches n’étaient pas vendus, soit nous exposaient à de graves conséquences d’intoxication alimentaire si la vente était réalisée.
Vous n’avez pas voulu en tenir compte, c’est la raison pour laquelle nous prenons la décision de vous licencier pour faute grave à compter du 30 juin 2019.
(…).’
Il est ainsi reproché au salarié la présence de produits alimentaires périmés dans le distributeur situé dans la gare SNCF du [Localité 3] et le défaut d’organisation d’un contrôle de ce lieu durant la semaine du 27 mai au 31 mai 2019.
Selon le contrat de travail de M. [V], le salarié avait pour mission de réapprovisionner les distributeurs ‘secteur Sarthe et département limitrophes’. Il lui appartenait en conséquence de vérifier la présence de produits périmés lors de ses tournées, ce qui n’est nullement remis en cause par le salarié.
Le planning produit par l’employeur (pièce 8), n’est pas suffisamment probant pour confirmer l’absence de contrôle prévu par M. [V] sur le distributeur situé dans la gare SNCF du [Localité 3] sur la période du 27 au vendredi 31 mai 2019. En effet, si plusieurs clients sont nommés, aucune date n’est mentionnée à l’exception de ‘mai 2019’. De même, le tableau de commande du 20 mai 2019, lequel indique la commande de sandwichs différents (pièce 22 employeur), ne permet pas de justifier la présence d’un produit périmé dans le distributeur de la gare SNCF du [Localité 3].
En revanche, les photographies prises le 28 mai 2019 et produites par l’employeur montrent la présence d’au moins un produit périmé (sandwich jambon emmental) depuis la veille dans le distributeur (pièce 6 employeur).
Sans contester le fait qu’il était responsable du client gare SNCF du Mans, le salarié prétend il était accompagné d’une collègue, Mme [L], pour réaliser ses tournées de réapprovisionnement et que celle-ci n’a reçu aucune sanction pour ces faits. Cependant il résulte de l’arrêt de travail produit par la société Dimagh confirmé par l’attestation de Mme [L] que cette dernière était placée en arrêt maladie du 20 au 28 mai 2019 (pièces 24 et 25 employeur).
Enfin, M. [V] ne produit aucun élément permettant de considérer qu’il n’avait pas en charge le client SNCF sur la période du lundi 27 au vendredi 31 mai 2019 ou encore que M. [Y] aurait lui-même déposé les sandwichs périmés comme il le prétend. La seule détention de l’ensemble des clés des distributeurs automatiques par le gérant ou le fait que celui-ci ait été amené à vérifier les prestations effectuées par ses salariés après leur passage ne sauraient suffire à prouver le montage dont M. [V] accuse son employeur pour le licencier, ni même à créer un doute sur l’auteur des faits reprochés.
Il est donc établi que M. [V] a laissé des produits périmés dans le distributeur automatique de la gare SNCF du [Localité 3] dont il avait la charge, alors que le maintien dans l’appareil de produits périmés présentait un risque sanitaire évident outre des poursuites de l’employeur pour non-respect des règles d’hygiène et de santé publique sans compter les enjeux commerciaux non négligeables liés à la perte éventuelle de clientèle. Au demeurant, M. [V] ne prétend nullement qu’il avait prévu de se rendre à ce distributeur la semaine de la découverte des produits périmés. Enfin, il ne peut valablement prétendre dans ses écritures ‘qu’il y a un sérieux discernement entre un sandwich passé d’une journée et qui plus est une date de fraîcheur et ainsi même pas périmé! Mais qui doit être retiré pour des raisons d’éthique et de visuel de date vis à vis du client’. Or, l’examen des produits litigieux photographiés ne révèle pas une date de durabilité minimale ou la mention : ‘à consommer de préférence avant le …’, s’agissant de sandwichs au jambon dont les conditions de conservation doivent être impérativement respectées. Les tableaux récapitulatifs de commande versés par la société Dimagh mentionnent bien une date limite de consommation pour de tels produits. Dès lors, les propos tenus par M. [V] démontrent à l’évidence que le salarié n’a pas compris les enjeux des missions qui lui étaient confiées.
Or, il résulte des attestations produites par la société Dimagh (pièces 26 à 30 employeur) que M. [V] a déjà été rappelé à l’ordre sur ce point lors de la réunion mensuelle de février 2019 alors que des sandwichs périmés avaient été découverts chez le client Ouest Affiches – client sous sa responsabilité.
Il doit être rappelé qu’en matière prud’homale, la preuve est libre, que rien ne s’oppose à ce que le juge prud’homal examine une attestation établie par un salarié, et il appartient seulement au juge d’en apprécier souverainement la valeur et la portée. M. [V] soutient que les salariés ont fait l’objet de pressions de la part de l’employeur mais n’en rapporte aucunement la preuve.
Au surplus, il est incontestable que M. [V] a fait l’objet d’un avertissement notifié par courrier du 6 mai 2019 pour la présence de 26 produits périmés dans son véhicule (pièce 2 employeur). Cet avertissement n’a pas été remis en cause et il n’en n’est pas sollicité l’annulation.
Dans ces conditions, le salarié a été défaillant dans la gestion des dates limites de consommation des produits proposés à la vente dans les distributeurs automatiques dont il avait la charge, ce malgré les rappels de l’employeur. Il est manifeste que ce manque de rigueur démontre que M. [V] n’a pas mesuré l’importance de cette tâche essentielle dans les missions confiées au regard du risque sanitaire et commercial encouru.
Les critiques opérées par M. [V] à l’encontre de son employeur et dont il n’est tiré aucune conséquence juridique sont sans rapport avec le présent litige.
Par ailleurs, le salarié soutient que la faute reprochée dans la lettre de licenciement serait différente de celle évoquée lors d’un premier entretien préalable du 12 juin 2019, preuve de la gravité toute relative du motif in fine retenu par l’employeur. Néanmoins, il ressort du compte-rendu de cet entretien réalisé par le conseiller ayant assisté le salarié, que la rencontre n’a pas été menée à son terme mais, d’un commun accord, reportée ultérieurement compte tenu de l’erreur de date glissée dans la convocation et soulevée par le conseiller. Or, le salarié ne prétend pas que le motif invoqué lors du second entretien du 24 juin 2019 ayant précédé la notification du licenciement était différent de celui repris dans la lettre de licenciement et il n’est invoqué du reste aucune irrégularité de procédure. En tout état de cause, ces seules circonstances ne permettent pas d’atténuer la gravité des faits reprochés à M. [V].
En définitive, les faits établis à l’encontre du salarié présentent bien un caractère de gravité suffisant pour empêcher la poursuite immédiate du contrat de travail et justifier un licenciement pour faute grave, étant rappelé que l’employeur n’avait pas l’obligation de prononcer une mise à pied à titre conservatoire avant de notifier le licenciement pour faute grave.
Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [V] repose bien sur une faute grave et l’a débouté de ses demandes d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de licenciement et d’indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents, comme de sa demande de délivrance des documents de fin de contrat.
– Sur la demande de rappel de salaire pour arrêt maladie :
M. [V] sollicite la condamnation de la société Dimagh à lui verser un rappel de salaire à hauteur de 426,42 euros correspondant à ses absences maladie sans fournir d’explications à cette demande.
Il est établi que M. [V] a été placé en arrêt maladie du 14 au 29 juin 2019.
Les feuilles de la caisse primaire d’assurance maladie de la Sarthe produites par le salarié indiquent le versement de 27,61 euros pour son absence du 17 juin 2019 puis de 303,71 euros pour celle du 18 au 28 juin 2019 soit un montant total de 331, 32 euros après déduction des retenues RDS-CGS.
Si le solde de tout compte en date du 1er juillet 2019 et le bulletin de paie clarifié du mois de juin 2019 indiquent une retenue de 757,74 euros pour ‘absence maladie’ (pièces 2 et 3 salarié), il apparaît que la société Dimagh a régularisé la situation en juillet 2019 selon bulletin de paie du 31 juillet 2019 en procédant au paiement de la somme de 420,44 euros net (en ce compris une indemnité compensatrice de congés).
M. [V] ne développe aucun moyen au soutien de son appel sur ce point.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande à ce titre.
– Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel en faveur de l’une ou l’autre des parties.
M. [I] [V], partie qui succombe même partiellement, sera condamné aux dépens de la procédure d’appel.
***
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant dans les limites de l’appel, par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes du Mans le 25 novembre 2020 sauf en ce qu’il a condamné la société Dimagh à payer à M. [I] [V] la somme de 60 euros à titre de dommages et intérêts pour amende pécuniaire ;
Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés et y ajoutant,
REJETTE la demande de dommages et intérêts présentée par M. [I] [V] au-delà de la somme de 30 euros au paiement de laquelle le conseil de prud’hommes a condamné la société Dimagh en remboursement du bouchon d’essence ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en cause d’appel ;
CONDAMNE M. [I] [V] aux entiers dépens de la procédure d’appel.
LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,
Viviane BODIN M-C. DELAUBIER