Retenues sur salaire : 18 janvier 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 16/00094

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Retenues sur salaire : 18 janvier 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 16/00094

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 18 JANVIER 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 16/00094 – N° Portalis DBVK-V-B7A-M2GX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 06 SEPTEMBRE 2016

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER

APPELANT :

Monsieur [O] [E]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représenté par Me Thomas GONZALES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

Me Guillaume LARCENA – Mandataire Ad’hoc de Société LANGUEDOC TRANSPORT EXPRESS

[Adresse 5]

[Localité 3]

NON COMPARANT

Association AGS CGEA DE TOULOUSE

[Adresse 1]

[Adresse 7]

[Localité 2]

NON COMPARANT

Ordonnance de clôture du 24 Février 2021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 NOVEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Jean-Pierre MASIA, Président, chargé du rapport, et M.Jacques FOURNIE, Conseiller.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

– REPUTE CONTRADICTOIRE;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [O] [E] a été engagé à compter du 17 juin 2009 par la SARL Languedoc Transport Express exerçant une activité de transport routier de fret de proximité en qualité de chauffeur livreur dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps complet moyennant un salaire mensuel brut de 1321,02 euros.

Il a présenté sa démission en février 2013 et il a cessé de travailler au 1er mars 2013 avant d’être à nouveau embauché par la SARL Languedoc Transport Express à compter du 1er juillet 2013 en qualité de chauffeur livreur.

Le 7 avril 2014 il a été placé en arrêt de travail pour accident du travail et n’a pas repris le travail par la suite.

Le 12 mai 2014 le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Le 16 mai 2014, Monsieur [O] [E] a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Montpellier, laquelle, par ordonnance du 11 septembre 2014 faisait partiellement droit à ses demandes en ordonnant la remise par l’employeur des bulletins de paie et d’une attestation à destination de pôle emploi signée, renvoyant pour le surplus les parties à mieux se pourvoir.

Par requête du 29 octobre 2014, Monsieur [O] [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier aux fins de condamnation de la SARL Languedoc Transport Express à lui payer différentes sommes à titre de rappel de salaire, de réintégration des primes mensuelles au salaire brut de juillet 2013 à février 2014, d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de dommages-intérêts du fait de la carence de pôle-emploi pendant quatre mois, de dommages-intérêts pour remise tardive des documents sociaux de fin de contrat et de frais irrépétibles d’instance.

Par jugement du 6 septembre 2016, le conseil de prud’hommes de Montpellier en sa formation de départage disait que la rupture du contrat de travail liant les parties s’analysait en une démission, ordonnait la remise par la SARL Languedoc Transport Express à Monsieur [O] [E] des documents sociaux de fin de contrat rectifiés conformes au jugement concernant la période du 17 juin 2009 au 28 février 2013 inclus et du 1er juillet 2013 au 12 mai 2014 inclus, d’une part en faisant disparaître les mentions des primes pour réintégrer celles-ci au salaire brut de base, lequel sera recalculé en partant du net payé, d’autre part en rectifiant les erreurs matérielles notamment quant à des mentions d’heures supplémentaires, et ce sous astreintes de dix euros par jour de retard et par document à compter du trentième jour après notification du jugement. Le conseil de prud’hommes ordonnait également toute régularisation idoine auprès des organismes sociaux sur cette base et sous astreinte de dix euros par jour de retard à compter du trentième jour après la notification du jugement. Il condamnait la SARL Languedoc Transport Express à payer à Monsieur [O] [E] les sommes suivantes :

‘140,30 euros bruts de rappel de salaire au titre de la retenue injustifiée de mars 2014,

‘1000 euros nets de dommages-intérêts pour le retard dans la remise des documents sociaux,

‘1000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [O] [E] a relevé appel de la décision du conseil de prud’hommes le 15 septembre 2016.

Le 21 août 2017 la liquidation judiciaire de la SARL Languedoc Transport Express était prononcée par le tribunal de commerce de Montpellier et Maître Luc Marion était désigné en qualité de mandataire liquidateur.

La liquidation judiciaire de la SARL Languedoc Transport Express était clôturée pour insuffisance d’actif par jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 12 novembre 2021 et Me Guillaume Larcena était désigné en qualité de mandataire ad hoc de la SARL Languedoc Transport Express.

La déclaration d’appel accompagnée des conclusions d’appelant a été signifiée à l’UNEDIC, délégation AGS, CGEA de Toulouse le 13 avril 2021 et le 25 mai 2022 au mandataire ad hoc.

Si la SARL Languedoc Transport Express avait initialement constitué avocat, elle n’a déposé aucune écriture et n’était plus représentée à compter du 11 octobre 2016.

L’UNEDIC délégation AGS n’a pas constitué avocat.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 20 mai 2022 et signifiées aux parties le 25 mai 2022, Monsieur [O] [E] conclut à l’infirmation du jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Montpellier le 6 septembre 2016 relativement aux demandes desquelles il a été débouté, à la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné la Société à lui verser la somme de 140,30 euros à titre de rappel de salaire sur retenue injustifiée au titre d’une prétendue absence les 20 et 21 mars 2014. Il réclame en outre la remise des bulletins de salaire régularisés portant mention d’un net à payer de 1.500 euros mensuels, et ce pour la période de juin 2009 à février 2013 ainsi qu’intégration de la prime (non contractualisée) au salaire de base brut mensuel, et ce pour la période de juillet 2013 à mai 2014, outre l’attestation de salaire suite à un accident du travail conformes ainsi que la régularisation de sa situation auprès de l’ensemble des organismes. Il revendique ensuite que soit fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société les sommes suivantes :

-5.000 euros net de dommages et intérêts pour remise tardive des documents sociaux ;

-9.000 euros net au titre du travail dissimulé ;

-35.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-3.000 euros à titre d’indemnité de préavis, outre 300 euros au titre des congés payés afférents.

En tout état de cause, il demande que soit ordonnée la remise des bulletins de paie, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi rectifiés, faisant apparaître les condamnations qui seront prononcées, de dire qu’à défaut de fonds disponibles ces sommes seront réglées par le CGEA et que les éventuels dépens resteront à la charge de Maître Larcena, es qualités de Mandataire ad hoc de la société.

La déclaration d’appel accompagnée des conclusions d’appelant a été signifiée à l’UNEDIC, délégation AGS, CGEA de Toulouse le 13 avril 2021 et le 25 mai 2022 au mandataire ad hoc.

L’ordonnance de clôture était rendue le 28 octobre 2022.

SUR QUOI

Si aucun moyen n’est opposé aux prétentions de l’appelant, il appartient à la cour, d’examiner au vu des moyens d’appel la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s’est déterminé.

> Sur la retenue sur salaire de mars 2014

Le premier juge a pertinemment retenu que la charge de la preuve de l’absence du salarié incombait à l’employeur et il a relevé que la SARL Languedoc Transport Express n’apportait aucune preuve de cette absence pour les journées des 20 et 21 mars 2014. Partant, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fait droit à la demande, et de fixer la créance du salarié à ce titre à la somme de 140,30 euros bruts correspondant au salaire des 20 et 21 mars 2014.

> Sur la réintégration des primes mensuelles au salaire brut, la rectification des documents sociaux et la régularisation auprès des organismes sociaux

La Cour constate que le litige se présente dans les mêmes termes et sur la base des mêmes pièces que devant le premier juge.

C’est par une exacte appréciation des faits que le premier juge, après avoir examiné les bulletins de paie et analysé les primes versées, a constaté que seule la somme brute de 1279,16 euros qui correspondait aux primes brutes versées entre juillet 2013 et décembre 2013 inclus, devait encore être soumise à cotisations sociales, qu’il a par ailleurs constaté et estimé que les bulletins de paie devaient être rectifiés en ce qu’ils comportaient des erreurs matérielles reconnues par l’employeur et qu’il y avait lieu de supprimer la mention de primes puisqu’il s’agissait de salaire

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit y avoir lieu à rectification des bulletins de salaire établis entre les parties, d’une part en faisant disparaître les mentions de primes pour réintégrer celles-ci au salaire brut de base, lequel sera recalculé en partant du net payé, d’autres par en rectifiant les erreurs matérielles quant à des mentions d’heures supplémentaires, cette rectification entraînant la nécessité de délivrer au salarié des documents de fin de contrat également rectifiés quant à cette même période: attestation de salaire suite à un accident et attestation pôle emploi, et de diligenter toute régularisation idoine auprès des organismes sociaux.

Le jugement sera en revanche réformé quant aux astreintes prononcées relativement à la régularisation auprès des organismes sociaux ainsi qu’à la rectification des bulletins de salaire et des documents sociaux de fin de contrat, en l’absence de nécessité d’astreinte à ces différents titre.

> Sur la demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Monsieur [E] fait valoir que la déclaration préalable à l’embauche pour le second contrat a été faite le 22 janvier 2014 en sorte qu’il n’a pas été déclaré aux organismes sociaux du 1er juillet 2013 au 31 décembre 2013 et du 1er janvier 2014 au 22 janvier 2014, la déclaration nominative ne portant que sur la période du 1er janvier 2013 au 28 février 2013, date de sa démission quant au premier contrat passé. Il ajoute que ses bulletins de salaire ne lui ont pas tous été remis avant le 1er septembre 2014, qu’ils présentent des erreurs matérielles, que le salaire brut mensuel mentionné sur les bulletins de paie est intentionnellement faux en sorte que le travail dissimulé est constitué.

Or le premier juge a pertinemment retenu pour rejeter l’élément intentionnel allégué que si la déclaration de Monsieur [E] aux organismes sociaux a été tardive elle a été faite avant toute demande de celui-ci, qu’il a en réalité reçu l’intégralité de son salaire et même au-delà, que ses bulletins de salaire lui ont été remis et que s’ils doivent donner lieu à des rectifications c’est seulement parce que l’employeur l’a en réalité mieux rémunéré que ce à quoi il pouvait contractuellement prétendre, que si le comptable a porté en primes brutes la différence entre le salaire réellement dû et la somme versée, l’employeur l’a en réalité avantagé et n’a en aucune manière cherché à contrecarrer la législation sociale.

Aussi y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande à ce titre en l’absence de tout élément intentionnel du travail dissimulé.

> Sur la rupture du contrat de travail

À l’appui de ses prétentions Monsieur [E] fait valoir que les bulletins de salaire étaient systématiquement non remis, que lorsqu’ils étaient remis, le libellé de ceux-ci était volontairement erroné, privant ainsi le salarié de l’entier bénéfice de ses droits aux indemnités journalières et de ses droits à la retraite, que tant le brut que le net étaient erronés, le brut n’incluant pas certaines primes, qu’une retenue injustifiée a été effectuée sur son salaire de mars 2014, qu’il n’a pas non plus été déclaré aux organismes sociaux pour la période de juillet 2013 au 22 janvier 2014, que l’existence d’un travail dissimulé justifie à elle seule le prononcé d’une prise d’acte aux torts exclusifs de l’employeur, que sa situation n’est toujours pas régularisée vis-à-vis des organismes sociaux.

A cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail, la charge de la preuve des manquements qu’il impute à l’employeur lui incombe, d’autre part, que seuls les manquements invoqués antérieurs à la rupture sont susceptibles de faire produire à la prise d’acte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, il a été rappelé que les bulletins de salaire même s’ils comportaient des erreurs avaient été remis et que si le salarié avait été déclaré tardivement aux organismes sociaux, il l’avait été avant toute demande en sorte qu’il ne justifie en réalité d’aucun préjudice, que l’élément intentionnel du travail dissimulé n’a pas été établi, et, que, comme l’a relevé à fort juste titre le premier juge, les erreurs matérielles résultent de la volonté de l’employeur d’arrondir les chèques versés en paiement des salaires, ce qui a été très favorable au salarié ayant été mieux rémunéré que ce qui était contractuellement prévu.

Il convient en outre de relever que le salarié n’a à aucun moment jusqu’à la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail formé une demande de régularisation concernant un au moins des éléments qu’il invoque.

C’est pourquoi l’existence d’une retenue sur salaire injustifiée d’un montant de 140,30 € en mars 2014 et la remise tardive de l’attestation de salaire consécutive à un arrêt de travail pour accident du travail du 7 avril 2014 dont la régularisation n’était pas demandée en exécution du contrat ne constituaient pas des manquements suffisamment graves de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail au 12 mai 2014.

Aussi y a-t-il lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié produisait les effets d’une démission et en ce qu’il l’a débouté de ses demandes indemnitaires subséquentes.

> Sur la demande de dommages-intérêts pour remise tardive des documents sociaux de fin de contrat

La remise à monsieur [E] seulement le 1er septembre 2014 des documents sociaux de fin de contrat signés ayant conduit à une privation d’indemnités d’avril à septembre 2014, c’est par une juste appréciation des éléments de la cause que le premier juge a alloué au salarié en réparation de ce préjudice une somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts.

> Sur les demandes accessoires

Compte tenu de la solution apportée au litige les dépens seront supportés par la SARL Languedoc Transport Express représentée par Me Guillaume Larcena, es qualités de mandataire ad hoc de la SARL Languedoc Transport Express, et il convient de les déclarer frais privilégiés au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Languedoc Transport Express.

En considération de l’équité, il convient de dire n’y avoir lieu à condamnation titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 6 septembre 2016 par le conseil de prud’hommes de Montpellier sauf en ce qu’il a prononcé une astreinte relative à la régularisation idoine de la situation du salarié auprès des organismes sociaux ainsi qu’une astreinte relative à la rectification des bulletins de salaire et des documents sociaux de fin de contrat;

Et statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,

Dit n’y avoir lieu au prononcé d’astreintes à ces différents titres;

Y ajoutant,

Fixe la créance de Monsieur [O] [E] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Languedoc Transport Express aux montants suivants :

‘140,30 euros bruts à titre de rappel de salaire sur retenue injustifiée de mars 2014,

‘1000 euros à titre de dommages-intérêts pour retard dans la remise des documents sociaux de fin de contrat,

Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

Déclare le présent arrêt opposable à l’UNEDIC, délégation AGS, CGEA de Toulouse dans la limite de sa garantie;

Dit que les dépens de l’instance d’appel seront supportés par la SARL Languedoc Transport Express représentée par Me Guillaume Larcena, es qualités de mandataire ad hoc de la SARL Languedoc Transport Express, et les déclare frais privilégiés au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Languedoc Transport Express;

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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