Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 16 MAI 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02958 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDNMB
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Décembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS
APPELANT
Monsieur [U] [O]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Dominique DOLSA, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 444
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/010269 du 12/03/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMEE
S.A.S. L’ANNEAU
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Pearl GOURDON, avocat au barreau de PARIS, toque : D0309
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Daniel FONTANAUD, Magistrat honoraire, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Monsieur Daniel FONTANAUD, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [U] [O], engagée par la SAS L’ANNEAU à compter du 15 octobre 2014, en qualité d’agent de sécurité, au dernier salaire mensuel brut de 1513,52 euros, a été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre du du 17 mai 2019. énonçant le motif suivant:
‘…Le 2 avril 2019, vous étiez planifié sur le site EITMM afin d’effectuer une vacation le 07h00 à 19h00.
Lors de cette vacation, malgré les différents rappels à ce sujet, votre chef de site vous a surpris avec votre téléphone portable durant votre service.
Nous vous rappelons que le réglement intérieur de l’entreprise stipule que l’utilisation du téléphone portable est strictement interdit sauf en en cas d’urgence et aprés autorisation du supérieur hiérarchique du salarié mais également que ‘les salariés se doivent de promouvoir l’image de marque de la société : politesse et courtoisie sont de rigueur’.
Une telle attitude témoigne d’un manque flagrant de professionnalisme, mais égalememt d’un manque d’égard vis-à-vis de votre hiérarchie et de notre image envers notre client.
…Vos manquements à vos obligations contractuelles réitérées démontrent un manque total de professionnalisme, d’implication et d’intégrité dans l’exercice de vos fonctions.
Vos agissements sont préjudiciables à l ‘image de marque et au sérieux cle notre Entreprise et ont dégradé la relation de confiance avee notre client.
En effet, vous avez été sanctionné à de nombreuses reprises par des avertissements en date du 25 juillet 2018, 11décembre 2018 et une mise à pied en date du 28 septembre 2018.
En conséquence de l’ensemble de ce qui précède et vous ayant suffisamment prévenu, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Votre licenciement prendra donc effet à l’issue d’un préavis d’un mois…’.
Contestant son licenciement et réclamant des indemnités qui en découlent, M. [U] [O]a saisi le 16 décembre 2019 le conseil de prud’hommes de Paris, lequel par jugement rendu le 1er décembre 2020, l’a débouté de ses demandes, notamment à titre d’indemnités de rupture de son contrat de travail.
M. [O] en a relevé appel.
Par conclusions récapitulatives du 17 novembre 2021, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, M. [O] demande à la cour d’annuler les avertissements des 8 décembre 2017, 25 juillet 2018, 11 décembre 2018 et la mise à pied du 28 septembre 2018, de juger que son licenciement est sans cause réelle et serieuse, et de condamner la société L’ANNEAU à lui verser les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine:
– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 7.458,95 €
– Indemnité compensatrice de préavis : 1513,52 €
– congés payés afférents : 151,35 €
– 545,29 € bruts à titre de rappel de salaire et congés payés afférents d’un montant de 54,53€ bruts
– 234,40 € bruts à titre de rappel de salaire et congés payés afférents d’un montant de 23,44€ bruts
Il demande de condamner la société L’ANNEAU à verser à Me [T] [R] une indemnité de 3.000 € sur le fondement de1’article 37 de 1a loi du 10juillet 1991 ainsi qu’aux dépens.
Par conclusions récapitulatives du 20 septembre 2021, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société L’ANNEAU demande de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [O] de ses demandes et de le condamner à lui payer 1.700 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux aux dépens.
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel conformément à l’article 455 du code procédure civile.
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MOTIFS
Sur la demande d’annulation des avertissements des 8 décembre 2017, 25 juillet 2018, 11 décembre 2018 et de la mise à pied du 28 septembre 2018
Principe de droit applicable
Il ressort de l’article L.1333-1 du code du travail qu’en cas de litige, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
Application du droit à l’espèce
M. [O] sollicite à hauteur de cour l’annulation des avertissements et de la mise à pied de trois jours qui lui ont été infligés. Il demande un rappel de salaire correspondant aux retenues opérées pour les retards et absences injustifiés, soit au total 545,29 €, ainsi que le paiement du salaire correspondant à la mise à pied disciplinaire de trois jours les 5, 6 et 7 novembre 2018 pour laquelle une retenue sur salaire de 234,40 € a été opérée sur le salaire de décembre 2018.
L’avertissement du 8 décembre 2017 est relatif à une absence non justifiée le 4 novembre 2017. Le 16 novembre 2017, l’employeur a demandé par lettre recommandée un justificatif d’absence et rappelé au salarié que les absences devaient être justifiées dans les 48 heures, soit par un arrêt de travail, soit par une demande de congés payés ou sans solde. Or, M. [O] n’a renvoyé à la société L’ANNEAU un justificatif d’hospitalisation de sa femme que par courrier du 28 décembre 2017, soit environ six semaines après son absence, pour justifier qu’il gardait ses enfants. Il n’y a pas lieu d’annuler cet avertissement qui est justifié par la carence du salarié. L’employeur pouvait soustraire le temps d’absence injustifiée du salaire de l’intéressé.
S’agissant de l’avertissement du 25 juillet 2018 qui reprochait à M. [O] des retards injustifiés les 7, 8, 22, 23 juin et 3 juillet 2018. l’intéressé explique que ces retards, qu’il reconnaît, étaient liés à des grèves des transports. L’avertissement a été notifié au motif de cinq retards irréguliers de quinze minutes au motif que l’intéressé ne s’est pas présenté à l’heure et n’a pas apporté de justificatif. Il lui était rappelé qu’il devait avertir son employeur et son chef de site ou chef de poste de façon à ce que la direction puisse prendre les mesures nécessaires vis à vis du client.
Concernant l’avertissement du 11 décembre 2018 pour un retard de 30 minutes le 22 novembre 2018, le salarié fait valoir que ce retard était encore lié à une grève des transports. L’avertissement a été notifié au motif d’un retard irrégulier car le salarié ne s’est pas présenté à l’heure et n’a pas apporté de justificatif.
S’agissant des motifs de retard pour cause de grève des transport invoqués par le salarié, il est rappelé que l’intéressé devait justifier en temps utile de son impossibilité de se rendre au travail à l’heure et prévenir son employeur, ce qu’il n’a pas fait. Il est rappelé à cet égard que le salarié est en principe tenu de prendre les dispositions nécessaires pour se rendre sur son lieu de travail lorsqu’une grève est prévue. Or, en l’espèce, l’intéressé n’apporte pas de justification précise sur ses retards. Il s’ensuit que les avertissements du 25 juillet 2018 et du 11 décembre 2018 sont justifiés. Par ailleurs, l’employeur pouvait soustraire le temps de retard injustifié du salaire de l’intéressé.
S’agissant de la mise à pied notifiée le 28 septembre 2018 relative à des absences injustifiées du 11 juillet et 1er août 2018, M. [O] indique que le 11 juillet, son enfant était malade et qu’il a dû le garder et que le 1er août 2018, il était en arrêt rnaladie. Cependant, le salarié n’établit pas avoir apporté un justificatif sur ces deux absences malgré la mise en demeure qui lui avait été adressée le 1er août 2018.
Ainsi, la réalité des retards et absences sanctionnés par trois avertissements entre décembre 2017 et décembre 2018 n’est pas contestée par le salarié. Il en est de même des absences injustifiées du 11 juillet et 1er août 2018 qui ont motivé la mise à pied du 28 septembre 2018. Au vu des éléments versés au débat, le salarié n’a pas prévenu son employeur de l’impossibilité dans laquelle il se trouvait d’assurer son service selon le planning prévu, ni justifié en temps utile de ses absences conformément à ses obligations au regard de la Convention collective des entreprises de prévention et de sécurité applicable aux relations de travail entre les parties, et aux termes du règlement intérieur de l’entreprise.
Il s’ensuit que les trois avertissements et la mise à pied ont sanctionné des manquements commis par le salarié. Ces sanctions disciplinaires, régulières en la forme, ne sont pas disproportionnées et il n’y a pas lieu de les annuler.
Par ailleurs, il ressort des éléments versés au débat, et notamment des plannings de travail que l’employeur a opéré des retenues de salaire correspondant précisément aux absences et retards de M. [O] lorsqu’il ne s’est pas présenté à son poste de travail ou est arrivé en retard alors qu’il était planifié, ce qui n’est pas contesté.
En conséquence, c’est à juste titre que les premiers juges ont débouté le salarié de ses demandes de rappel de salaire correspondant aux retards et absences irrégulières. Ils seront confirmés. La cour, par ajout de la décision, rejette également les demandes d’annulation des avertissements et mais aussi de la mise à pied notifiée le 28 septembre 2018 ainsi que la demande subséquente de rappel de salaire retenu à ce titre, formées à hauteur d’appel.
Sur les motifs du licenciement
Principe de droit applicable :
Il ressort de l’article L.1235-1 du code du travail qu’en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.
Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
Application du droit à l’espèce
M. [O] conteste avoir utilisé son téléphone portable pour envoyer un message ou surfer sur intemet comme il est indiqué par le chef de site. Selon lui, il n’est pas prouvé qu’on lui aurait rappelé le jour même des faits que l’usage du téléphone portable durant le service était strictement interdit.
La société L’ANNEAU verse aux débats deux rapports d’incident :
– Dans son rapport, M. [H], Chef de poste du site sur lequel M. [O] travaillait, indique que le 2 avril 2019 « malgré les avertissements répétitifs effectués au niveau des agents pour ne pas utiliser leur téléphone portable en poste, (‘) l’agent en poste au métro sud, M. [O] a été pris en flagrant délit avec son portable par le chef de site, M. [J]. M. [D] ne respecte pas les consignes du site. »
– Dans son rapport d’incident en date du 3 avril 2019, M. [J], Chef de site de la Tour Montparnasse fait état des faits suivants : « Le mardi 2 avril 2019, vers 15H00, en passant par le poste contrôle du métro sud Tour Montparnasse, j’ai une nouvelle fois surpris l’agent M. [D] [L] [U] en poste en train d’utiliser son téléphone portable. M. [O] était en train d’envoyer un message ou de surfer sur internet. Il tenait son téléphone portable avec ses deux mains. Il n’a pas voulu me dire dans quel but il utilisait son téléphone portable durant son service. Je lui ai demandé de ranger immédiatement son portable et de se concentrer sur ses missions. Le jour même, comme tous les matins, un rappel a été fait à l’ensemble des agents lors de leur prise de service que l’usage du portable durant le service est strictement interdit.
M. [O] est un agent qui refuse régulièrement de se conformer aux directives de ses supérieurs.
Je demande une sanction voire un licenciement car nous ne parvenons plus à assurer correctement les prestations sur le site en raison de ce type de comportement’.
M. [O] n’apporte aucun élément de nature à mettre en doute la réalité des faits tels que relatés par ses supérieurs hiérarchiques.
Il est par ailleurs observé que M. [O] intervient sur le site de la Tour Maine Montparnasse en qualité d’agent de sécurité. Il s’agit d’un site hautement sensible sur le plan de la sécurité et le salarié devait, dans l’exercice de ses fonctions, être particulièrement vigilant et attentif aux passages à l’endroit où il était positionné. Or, lorsque M. [O] utilisait son téléphone portable alors qu’il était en poste contrôle du métro sud de la Tour Montparnasse, il ne pouvait correctement détecter des comportements à risque et prévenir son supérieur hiérarchique, tout en utilisant son téléphone portable.
Il est par ailleurs observé que le règlement intérieur de la société L’ANNEAU que le salarié n’est pas sans connaître précise que « (‘) l’utilisation du téléphone portable personnel est strictement interdite sauf en cas d’urgence et après autorisation du supérieur hiérarchique du salarié. »
Or, cet usage n’a pas été autorisé et M. [O] ne se trouvait pas dans une situation d’urgence qui nécessitait l’utilisation de son téléphone portable.
De plus, le jour même des faits, comme tous les matins, un rappel a été fait à l’ensemble des agents lors de leur prise de service que l’usage du téléphone portable était, durant le service, strictement interdit.
Aini, en utilisant son téléphone portable alors qu’il se trouvait sur son poste de travail, M. [O] a sciemment enfreint des consignes de son supérieur hiérarchique. Ce manquement est révélateur d’un comportement général manquant de professionalisme, d’autant que l’intéressé a déjà été sanctionné à de plusieurs reprises par des avertissements, puis par une mise à pied.
Il s’ensuit que, dans le contexte ci-dessus rappelé, la faute commise par M. [O] est suffisamment sérieuse pour justifier son licenciement
Le jugement du conseil de prud’hommes sera donc confirmé sur ce point et le salarié sera débouté de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande d’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents
Il n’est pas contesté que la société L’ANNEAU a fait effectuer un préavis d’un mois à M. [O] conformément aux termes de la lettre de licenciement indiquant : ‘Votre licenciement prendra donc effet à l’issue d’un préavis d’un mois’.
Or, M. [O] devait bénéficier d’un préavis de deux mois compte tenu de son ancienneté de 4 ans et demi dans l’entreprise, conformément à l’article L.1234-1 du code du travail. En conséquence, l’employeur reste devoir au salarié une indemnité compensatrice de préavis d’un mois de salaire s’élevant à 1513,52 € ainsi que des congés payés afférents à hauteur de 151,35 euros.
En conséquence, l’employeur sera condamné à payer ces sommes.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
INFIRME le jugement, mais seulement en ce qu’il a débouté M. [U] [O] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis ;
Et statuant à nouveau sur le chef infirmé :
CONDAMNE la SAS L’ANNEAU à payer à M. [U] [O] la somme de 1513,52 euros à titre de solde d’indemnité compensatrice de préavis et 151,35 euros au titre des congés payés y afférents.
CONFIRME le jugement en ses autres dispositions,
Y ajoutant,
DEBOUTE M. [U] [O] de ses demandes d’annulation des avertissements et de la mise à pied du 28 septembre 2018 et de sa demande de rappel subséquente.
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SAS L’ANNEAU ;
CONDAMNE la SAS L’ANNEAU aux dépens ainsi qu’à payer à Me Dominique DOLSA avocat de M. [U] [O], qui bénéficie de l’aide juridictionnelle, la somme de 1500 euros au titre des frais et honoraires non compris dans les dépens ,sur le fondement de l’article 700°2 du code de procédure civile, dans les conditions prévues par l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, en contrepartie de sa renonciation à la part contributive de l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle.
La greffière, La présidente.