Retenues sur salaire : 16 mai 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 18/03230

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Retenues sur salaire : 16 mai 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 18/03230

Arrêt n° 23/00306

16 Mai 2023

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N° RG 18/03230 – N° Portalis DBVS-V-B7C-E5HP

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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ

16 Novembre 2018

17/853

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

seize mai deux mille vingt trois

APPELANTS :

M. [U] [K]

[Adresse 2]

Représenté par Me Cécile CABAILLOT, avocat au barreau de METZ

FEDERATION DES SERVICES CFDT prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 5]

Représentée par Me Cécile CABAILLOT, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

S.A.S. THIRIET [Localité 4] représentée par son représentant légal

[Adresse 1]

Représentée par Me Hervé HAXAIRE, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Ariane QUARANTA, avocat plaidant au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Selon contrat à durée indéterminée et à temps complet, M. [U] [K] a été embauché à compter du 17 mai 1993 par la société Thiriet distribution Metz, en qualité de chauffeur-vendeur-livreur.

A compter du 1er mai 2000, M. [K] s’est vu conférer le statut de VRP exclusif salarié.

L’accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 était applicable à la relation de travail.

Le 24 octobre 2014, M. [K] a été désigné délégué syndical au sein de la société Thiriet distribution par le syndicat CFDT.

M. [K] détient aussi des mandats électifs au sein de l’entreprise.

Par courrier du 20 avril 2017, M. [K] a été sanctionné d’une mise à pied disciplinaire d’une durée de trois jours pour avoir tenu, lors d’une réunion le 27 février 2017, des propos injurieux envers sa hiérarchie et des propos diffamatoires concernant la direction générale.

Estimant nulle la sanction, M. [K] a saisi, le 23 août 2017, la juridiction prud’homale du litige l’opposant à son employeur, la société Thiriet distribution.

Par jugement contradictoire du 16 novembre 2018, la formation paritaire de la section encadrement du conseil de prud’hommes de Metz a débouté M. [K] et la fédération des services CFDT de leurs demandes, débouté la société Thiriet distribution de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que condamné M. [K] aux éventuels frais et dépens de l’instance.

Le 14 décembre 2018, M. [K] a interjeté appel par voie électronique.

Par décision du 21 avril 2020, l’inspection du travail des Vosges a donné l’autorisation de procéder au transfert du contrat de travail de M. [K] de la société Thiriet distribution vers la société Thiriet [Localité 4].

Par acte d’huissier délivré à personne morale le 6 septembre 2021, M. [K] a fait assigner la société Thiriet [Localité 4] devant la cour.

Dans leurs dernières conclusions déposées par voie électronique le 11 octobre 2021, M. [K] et la fédération des services CFDT requièrent la cour :

– de débouter la société Thiriet distribution et la société Thiriet [Localité 4] de toutes leurs prétentions’;

– d’infirmer le jugement’;

statuant à nouveau,

– d’annuler la mise à pied notifiée par courrier du 20 avril 2017 ;

– de recevoir l’intervention volontaire de la société Thiriet [Localité 4] comme étant recevable et bien fondée ;

à titre principal,

– de condamner la société Thiriet [Localité 4] à payer à M. [K] les sommes de :

* 126,55 euros brut de rappel de salaire au titre de la retenue sur salaire opérée en raison de la mise à pied ;

* 12,65 euros brut de congés payés afférents ;

* 9 187,71 euros net de dommages-intérêts en raison de l’illégitimité de la sanction;

– de recevoir l’intervention volontaire de la fédération des services CFDT comme étant recevable et bien fondée ;

– de condamner la société Thiriet [Localité 4] à payer à la fédération des services CFDT la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi que la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

– de condamner la société Thiriet [Localité 4] à payer à M. [K] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

à titre subsidiaire,

– de condamner la société Thiriet distribution à payer à M. [K] les sommes de :

* 126,55 euros brut de rappel de salaire au titre de la retenue sur salaire opérée en raison de la mise à pied ;

* 12,65 euros brut de congés payés afférents ;

* 9 187,71 euros net de dommages-intérêts en raison de l’illégitimité de la sanction ;

– de recevoir l’intervention volontaire de la fédération des services CFDT comme étant recevable et bien fondée ;

– de condamner la société Thiriet distribution à payer à la fédération des services CFDT la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi que la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de condamner la société Thiriet distribution à payer à M. [K] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’appui de l’appel, ils exposent’:

– que ne sont versés aux débats ni le contrat de location gérance initial ni celui qui aurait été signé ensuite ;

– que M. [K] n’a pas été informé des conditions dans lesquelles son contrat de travail a été transféré ;

– que le salarié dont le contrat de travail s’est poursuivi dans le cadre du transfert d’une entité et qui entend obtenir l’exécution des obligations nées à la date du transfert peut exercer son action aussi bien à l’encontre de l’ancien employeur que du nouveau.

Concernant l’illégitimité de la sanction, ils arguent :

– que l’ensemble des griefs et la présentation des faits sont contestés ;

– que le salarié protégé peut refuser la notification d’une mise à pied disciplinaire, à charge pour l’employeur de prononcer une autre sanction ou d’envisager une procédure de licenciement auprès de l’inspecteur du travail’;

– que M. [K], en contestant la sanction, l’a implicitement refusée’;

– que l’employeur aurait dû rechercher l’accord de M. [K], puisque la mise à pied disciplinaire a modifié la rémunération pour le mois de la sanction.

Ils ajoutent :

– que la société intimée a dénaturé les propos tenus par M. [K] lors de la réunion ;

– que le simple fait de couper la parole à l’un de ses supérieurs hiérarchiques ne saurait être considéré comme étant une attitude injurieuse ou diffamatoire ;

– que M. [K] n’a jamais tenu de propos déplacés à l’égard de la direction ;

– que seuls trois collègues de travail sur une quinzaine ont accepté d’attester contre lui;

– qu’un cadre confirme que la société Thiriet a exercé des pressions sur les salariés afin d’obtenir de leur part une attestation.

Ils estiment que si la cour devait considérer les faits comme établis, elle devrait juger que les propos injurieux ou diffamatoires -que M. [K] conteste- ont été prononcés dans un contexte très particulier qui leur ôte tout caractère fautif.

Au titre des sanctions précédentes dont M. [K] a fait l’objet, ils relèvent :

– que l’avertissement du 29 octobre 2015 ne saurait être révélateur d’une quelconque réitération des faits fautifs ;

– que sur les trois griefs alors reprochés, l’un d’entre eux est totalement étranger aux faits sanctionnés par la mise à pied litigieuse ;

– qu’à la suite de son souhait de se porter candidat aux élections professionnelles, il s’est vu notifier deux sanctions disciplinaires.

Ils estiment :

– que la privation de son travail pendant trois jours a causé à M. [K] un préjudice ;

– que l’employeur essaye de constituer un dossier disciplinaire à l’encontre de M. [K];

– que les agissements de l’employeur ont affecté l’ensemble de la fédération des services CFDT;

– que l’employeur tente d’empêcher les représentants du personnel d’exercer librement leur mandat.

Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 31 janvier 2022, la société Thiriet [Localité 4] sollicite que la cour :

– déclare M. [K] irrecevable en ses demandes ;

– déclare le syndicat fédération des services CFDT irrecevable en ses demandes ;

en toute hypothèse et à titre subsidiaire :

– déclare M. [K] et le syndicat fédération des services CFDT mal fondés ;

– confirme le jugement’;

– déboute M. [K] et le syndicat fédération des services CFDT de leurs prétentions ;

– dise régulière et bien fondée la sanction de mise à pied notifiée à M. [K] par lettre du 20 avril 2017′;

– condamne M. [K], ainsi que la fédération des services CFDT à lui verser chacun une indemnité de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle réplique :

– que le contrat de M. [K] lui a été transféré à la suite de l’autorisation délivrée par l’inspecteur du travail du 21 avril 2020, ce qui n’a jamais été contesté ;

– que M. [K] était parfaitement au courant des conditions dans lesquelles son contrat de travail serait transféré, puisqu’il a participé aux réunions extraordinaires du CSE des mois de janvier et mars 2020 ;

– que les manquements dont le salarié sollicite l’indemnisation sont de nature extra-contractuelle;

– qu’elle n’est pas l’auteur des faits et des agissements que M. [K] -et surtout la fédération des services CFDT- tentent de lui imputer.

Elle fait valoir :

– que, lors de la réunion du 27 février 2017, le salarié est intervenu à plusieurs reprises, de façon impromptue, au cours de la prise de parole de M. [G], en répétant à haute voix «’mensonges mensonges’» ;

– que M. [A] a été contraint d’intervenir pour demander à M.[K] d’arrêter et de se calmer, mais en vain, puisque M. [K] a poursuivi ;

– que les propos injurieux et diffamatoires tenus par M. [K] se sont accompagnés d’un comportement inapproprié (haussement de ton, énervement, agitation…) ;

– que c’est seulement deux mois après, à savoir le 3 juillet 2017, que le conseil du salarié a contesté les griefs.

Elle souligne :

– que M. [K] s’était déjà vu notifier un recadrage écrit, puis un avertissement pour des faits de même nature tenant à un écart de comportement en 2013, puis en 2015 ;

– que le règlement intérieur est régulier, en ce qu’il fixe une durée maximale de 5 jours pour une mise pied disciplinaire ;

– que la protection dont bénéficie le salarié titulaire d’un mandat de représentation du personnel s’applique, selon les articles L. 2411-1, L. 2411-3 et suivants du code du travail, en cas de licenciement, de rupture d’un CDD, de transfert partiel d’entreprise ou d’établissement, ce qui n »était pas le cas en l’espèce ;

– que la mise à pied disciplinaire ne modifie pas le contrat de travail et ne nécessite pas l’accord exprès du salarié ;

– que l’exercice d’un mandat représentatif ne confère aucune immunité disciplinaire au salarié protégé ;

– que les griefs reprochés à M. [K] n’ont pas trait à son mandat, mais à l’exécution de bonne foi du contrat de travail.

Elle précise :

– que les faits se sont déroulés lors d’une réunion en présence de plusieurs salariés qui ont été témoins de la violence du comportement de M. [K], ainsi que de propos injurieux et diffamatoires ;

– que M. [K] a eu un comportement excessif et disproportionné ;

– que les faits commis par M. [K] sont non seulement avérés, mais également constitutifs d’une faute d’une certaine gravité.

Elle affirme qu’elle ne s’est jamais montrée hostile à l’égard de l’activité des représentants du personnel et syndicaux.

Concernant l’action du syndicat CFDT et sa demande, la société mentionne que l’article L. 2132-3 du code du travail ne permet à un syndicat d’agir dans le cadre d’une action prud’homale engagée par un salarié que s’il justifie de l’existence d’un «’préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession», tel n’étant pas le cas en l’espèce.

Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 31 janvier 2022, la société Thiriet distribution sollicite que la cour’constate que M. [K] la met hors de cause et en toute hypothèse’:

– déclare M. [K] irrecevable, à tout le moins mal fondé, en ses demandes ;

– déclare le syndicat fédération des services CFDT irrecevable, à tout le moins mal fondé ;

– confirme le jugement’;

– déboute M. [K] de ses demandes’;

– dise régulière et bien fondée la sanction de mise à pied notifiée à M. [K] par lettre du 20 avril 2017′;

– condamne M. [K], ainsi que la fédération des services CFDT, à lui verser chacun une indemnité de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle souligne notamment que les conclusions récapitulatives de l’appelant du 31 août 2021 ne formulent aucune demande à son encontre, les demandes de condamnation étant dirigées exclusivement envers la société Thiriet [Localité 4].

Pour le surplus, elle développe des moyens identiques à ceux de la société Thiriet [Localité 4].

Par ordonnance du 7 juin 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction.

MOTIVATION

Durant l’exécution de son contrat, le représentant du personnel est soumis au pouvoir disciplinaire de l’employeur dans les conditions de droit commun. L’employeur peut ainsi prononcer une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement, à condition de ne pas se rendre coupable de discrimination ou de délit d’entrave.

Aucune modification de son contrat de travail ni aucun changement de ses conditions de travail, qu’elle qu’en soit la cause, ne peut être imposée à un salarié protégé. Lorsque la sanction envisagée emporte modification du contrat ou des conditions de travail, le salarié est en droit de la refuser, l’employeur devant alors renoncer à la sanction ou engager la procédure de licenciement.

Sauf abus du salarié, la sanction se rattachant à l’exercice de ses fonctions représentatives est discriminatoire.

En l’espèce, par courrier du 20 avril 2017, la société Thiriet distribution a notifié à M. [K] une mise à pied disciplinaire d’une durée de trois jours pour des propos injurieux envers sa hiérarchie et des propos diffamatoires concernant la direction générale, relatés comme suit :

‘En date du 27 février 2017, lors du briefing de l’après-midi, votre hiérarchie a fait lecture d’une note d’information de la part de la Direction générale relative aux négociations annuelles concernant notamment la rémunération et faisant réponse aux tracts syndicaux dûment affichés et dont les collaborateurs avaient pu prendre connaissance.

Au cours de cette lecture, vous avez coupé la parole à Monsieur [D] [G], Responsable du centre, à plusieurs reprises en répétant ‘mensonges, mensonges’. Monsieur [M] [A], Responsable régional, vous a donc demandé de cesser vos agissements qui perturbaient le briefing et de laisser Monsieur [G] terminer.

S’en est suivi, un échange entre les collaborateurs et Messieurs [A] et [G], qui répondaient aux questions à tour de rôle.

Vous avez de nouveau interrompu votre hiérarchie à plusieurs reprises pour donner des informations contraires, arguant du fait que, ayant vous-même assisté aux réunions préparatoires relatives à la refonte de la rémunération des VRP, vous pouviez répondre à vos collègues avec plus d’exactitude.

Toutefois, les éléments que vous énonciez étaient erronés, ce que Monsieur [A] a relevé et démontré. Cela vous a déplu. Mécontent, vous avez haussé le ton et avez qualifié Monsieur [A] de ‘menteur’.

Ce dernier a souligné que, l’auteur de la note d’information était Madame [B], et que, par conséquent, vous qualifiez Madame le Directeur général de ‘menteuse’. De plus, vos collègues délégués syndicaux de FO (Force Ouvrière), présents eux aussi aux réunions préparatoires des NAO, avaient rédigé un tract sur le sujet. Ce tract corroborait les informations de la Direction. Monsieur [A] a donc remarqué qu’en conséquence, vous qualifiez Messieurs [J] [W] et [T] [V] de ‘menteurs’. Cela vous a énervé.

Vous avez alors répondu que la note d’information de Madame [B] était en effet un tissu de mensonges. Puis, vous adressant à Monsieur [A] et faisant référence à Madame [B] et aux délégués syndicaux FO, vous avez dit ‘ce sont tous des menteurs comme vous’.

Enfin, vous avez qualifié Monsieur [A] de ‘clown’ et lui avez indiqué qu’il devait arrêter ‘son numéro’.

Nous ne pouvons tolérer que vous vous permettiez de tels propos et un tel comportement irrespectueux et injurieux envers votre hiérarchie. De même, nous ne pouvons accepter que vous teniez des propos diffamatoires concernant Madame [B] et plus généralement à l’encontre de la Direction Générale.

Outre le fait qu’un tel comportement est de nature à troubler vos collègues de travail et à nuire à l’ambiance de travail et au climat social, nous soulignons qu’en agissant de la sorte vous avez abusé de votre droit d’expression et en avez outrepassé les limites. (…)’.

A titre liminaire, il y a lieu de constater que la retenue opérée sur les salaires des mois de mai et juin 2017 de M. [K] résultait uniquement de la sanction disciplinaire qui n’emportait modification ni du contrat de travail ni des conditions de travail de ce salarié protégé, de sorte que l’employeur n’était pas tenu de recueillir son accord.

Pour justifier de la véracité des faits survenus le 27 février 2017, la société Thiriet [Localité 4] verse aux débats quatre attestations.

L’attestation du 16 mars 2017 de M. [X] [O] (pièce n° 20), cadre, ne doit pas être prise en compte, car, dans un second témoignage établi concomitamment à son licenciement au mois de janvier 2018 et remis par M. [K], M. [O] a indiqué avoir été contraint par sa hiérarchie de ‘faire’ une attestation contre celui-ci, avoir subi des pressions et avoir décidé de revenir sur ses propos.

Mme [Y] [I] (pièce n° 9), assistante administrative, atteste ‘à la demande de (sa) direction’ qu’elle a assisté au ‘briefing’ du 27 février 2017 pendant lequel il y a eu une altercation entre M. [K] et le responsable régional, M. [A]. Elle précise que M. [K] a tenu les propos suivants à M. [A] : ‘ce sont des mensonges’, ‘vous êtes un menteur’, ‘on dirait un clown’, ‘vous en savez rien, vous n’étiez même pas aux réunions NAO’.

M. [D] [G] (pièce n° 10), responsable de centre, relate que, lors de la réunion, ‘Monsieur [A] [M] répond aux questions posées et lors de ses interventions Monsieur [K] [U] intervient sans en être invité. Le ton monte et Monsieur [K] [U] commence à élever la voix et en arrive à dire à Monsieur [A] [M] qu’il est un ‘menteur’ et en arrive même à dire que celui-ci a une attitude de ‘clown’. Monsieur [A] [M] ne rétorque pas, nous mettons fin au briefing. Tout le monde présent et choqué de l’attitude et des propos tenus par Monsieur [K] à l’encontre de Monsieur [A]’.

M. [N] [Z] (pièce n° 11), VRP, témoigne que ‘Présent au Briefing du lundi 27-02-2017 à 17H Mr [A] nous fait la lecture des présentations des NAO de Mme [B]. Mr [K] a dit que vous n’étiez pas au NAO. que vous êtes un menteur. Arretez on dirait un clown’.

La société Thiriet [Localité 4] présente ainsi trois attestations précises et concordantes dont rien ne permet de douter de la sincérité, le fait rapporté par M. [K] concernant Mme [I] (il soutient, dans ses conclusions, qu’il ‘avait rencontré des difficultés relationnelles avec celle-ci qui l’avait accusé de manière totalement mensongère de harcèlement sexuel’) étant à cet égard indifférent.

M. [K] verse aux débats une attestation de M. [X] [O] du 23 janvier 2018 (pièce n° 12), mais dont il ne peut être tiré aucune conclusion, ce salarié ayant rédigé un écrit d’une teneur tout-à-fait différente quelques mois auparavant (voir ci-dessus). Au demeurant, dans l’attestation du 23 janvier 2018, M. [O] indique que M. [K] n’a pas eu de propos injurieux ou diffamatoires envers la directrice générale, mais le témoin ne précise rien s’agissant de ceux tenus envers M. [A], se contentant d’indiquer que M. [K] ‘a en effet coupé la parole à Me [G] et Monsieur [A], mais c’était un débat ouvert qui a eu lieu’.’

Mme [P] [E] (pièce n° 21), VRP, a rédigé une attestation, mais n’était pas présente lors de la réunion.

M. [F] [C] (pièce n° 20), VRP, relate avoir été présent lors du ‘briefing’ du 27 février 2017 et ajoute :

‘Un échange verbal a eu lieu entre M. [K] et M. [A] au sujet des NAO.

M. [A] a lu un communiqué de la direction concernant les NAO.

M. [K] a vivement contredit les propos tenus par M. [A].

Celui-ci a répondu : ‘Vous dites que la direction générale et moi même sommes des menteurs.’

M. [K] lui a alors rétorqué : ‘c’est vous qui tenez ces propos pas moi, ce que vous dites est faux’

Sur ce, M. [A] lui a dit : ‘Vous dites que tout est faux comme dans FO’

Propos qui ont fait rire plusieurs personnes.

M. [A] cherchait par ses propos à se moquer de M. [K] et à le discréditer, en effet M. [K] avait fait diffuser un tract appelant à la grève quelques jours avant.

M. [K] n’a à aucun moment tenu des propos injurieux ou déplacé envers la direction.

Tout ce ci a eu lieu dans un contexte tendu entre deux réunions des NAO’.

Ce témoignage, établi le 28 avril 2018, soit plus d’une année après les faits, est d’autant moins pertinent qu’il est isolé.

Il confirme que M. [K] a été pour le moins virulent le 27 février 2017, tout en se dispensant de détailler la teneur des propos du salarié lorsque celui-ci a ‘vivement contredit’ M. [A].

En définitive, l’employeur rapporte la preuve de la réalité des faits sanctionnés.

Il n’est pas contesté que les faits se sont produits pendant une réunion quotidienne de briefing des VRP.

M. [K], lui-même VRP, n’y était donc pas présent dans le cadre de ses fonctions syndicales.

Les termes qu’il a utilisés, diffamatoires et injurieux envers sa hiérarchie, notamment M. [A], étaient abusifs, même en période de forte tension sociale, en ce qu’ils dépassaient la liberté d’expression dont bénéficie le salarié au sein de l’entreprise.

La société Thiriet distribution était ainsi bien fondée à sanctionner M. [K].

Il ressort de l’article 6 du règlement intérieur du 28 octobre 2014 de la société Thiriet distribution (pièce n° 13) qu’en cas de faute, la direction se réserve le droit d’appliquer diverses sanctions dont la mise à pied, étant précisé que ‘La durée de la mise à pied, fixée en fonction de la gravité des agissements fautifs, ne saurait excéder cinq jours ouvrés consécutifs ou non’.

La mise à pied disciplinaire de trois jours décidée par la direction n’est pas disproportionnée, au regard de la gravité des faits du 27 février 2017 et de l’avertissement du 29 octobre 2015 qui avait été délivré notamment pour des propos déplacés envers un responsable et une attitude inappropriée au centre d'[Localité 3], étant toutefois précisé que le ‘recadrage’ du 15 mai 2013 ne doit pas être pris en compte, en application de l’article L. 1332-5 du code du travail qui dispose qu’aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l’engagement des poursuites ne peut être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction.

Aucun élément ne permet de supposer que la sanction traduirait une discrimination syndicale de la part de l’employeur.

En conséquence, la mise à pied disciplinaire de trois jours décidée par la société Thiriet distribution à l’encontre de M. [K] est bien fondée.

Il s’ensuit que les demandes présentées au bénéfice de M. [K] sont rejetées, peu important la détermination de son employeur actuel.

L’article L. 2132-3 du code du travail dispose que les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice et qu’ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer les droits réservés à la partie civile, concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

En l’espèce, le litige entre la société Thiriet distribution ou la société Thiriet [Localité 4] et M. [K] a un caractère individuel et ne traduit pas une atteinte à un intérêt collectif de la profession.

Les premiers juges sont donc approuvés, en ce qu’ils ont déclaré irrecevable l’intervention de la fédération des services CFDT.

Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.

M. [K] et le syndicat des services CFDT sont déboutés de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les deux sociétés sont déboutées de leurs demandes sur le fondement de ce même article à l’encontre du syndicat des services CFDT.

M. [K] est condamné sur le fondement de ce même article, au titre des frais exposés en cause d’appel, à payer la somme de 400 euros à la société Thiriet distribution et la somme de 400 euros à la société Thiriet [Localité 4].

M. [K] est condamné aux dépens d’appel comme il l’a été à ceux de première instance.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Condamne M. [U] [K] à payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés en cause d’appel, la somme de 400 euros à la SAS Thiriet distribution et la somme de 400 euros à la SASU Thiriet [Localité 4];

Rejette les autres demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne M. [U] [K] aux dépens d’appel.

Le Greffier, La Présidente de chambre,

 


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