Retenues sur salaire : 16 mai 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/03913

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Retenues sur salaire : 16 mai 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/03913

GLQ/KG

MINUTE N° 23/417

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRET DU 16 MAI 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/03913

N° Portalis DBVW-V-B7F-HVID

Décision déférée à la Cour : 20 Juillet 2021 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE

APPELANT :

Monsieur [M] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Marc STAEDELIN, avocat au barreau de MULHOUSE

INTIMEE :

S.A.R.L. FSC SERVICES

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Nicolas LEGER, avocat au barreau de BESANCON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Février 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. PALLIERES, Conseiller rapporteur et M. LE QUINQUIS, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La S.A.R.L. FSC SERVICES est une entreprise spécialisée dans les prestations de balayage de voirie.

Par contrat à durée déterminée du 24 février 2020M. [M] [I] a été embauché en qualité d’agent d’entretien d’infrastructure pour conduire un camion de balayage. Par avenant du 26 mai 2020, la relation contractuelle s’est poursuivie sous la forme d’un contrat à durée indéterminée, avec effet à compter du 1er juin 2020.

Le 29 mai 2020, M. [M] [I] a heurté un candélabre avec l’arrière de la balayeuse qu’il conduisait.

Le 10 septembre 2020, M. [M] [I] a heurté un poteau avec l’avant du véhicule.

Le 14 septembre 2020, la S.A.R.L. FSC SERVICES a convoqué M. [M] [I] pour un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s’est tenu le 24 septembre 2020.

Par courrier du 29 septembre 2020, la S.A.R.L. FSC SERVICES a notifié à M. [M] [I] son licenciement pour faute grave.

Le 12 novembre 2020, M. [M] [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Mulhouse pour contester le licenciement.

Par jugement du 20 juillet 2021, le conseil de prud’hommes a :

– requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

– condamné la S.A.R.L. FSC SERVICES au paiement de la somme de 2 290,36 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de la somme de 1 145,18 euros bruts au titre du salaire dû pendant la mise à pied conservatoire,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– condamné la S.A.R.L. FSC SERVICES aux dépens, y compris les frais de l’exécution forcée, ainsi qu’au paiement de la somme de 1 100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. –

M. [M] [I] a interjeté appel le 23 août 2021.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 octobre 2021, M. [M] [I] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement abusif, pour préjudice moral distinct et de sa demande relative aux trois semaines de congés indûment déduites. Il demande à la cour, statuant à nouveau, de :

– condamner la S.A.R.L. FSC SERVICES au paiement de la somme de 2 290,36 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la S.A.R.L. FSC SERVICES au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,

– condamner la S.A.R.L. FSC SERVICES au paiement de la somme de 1 717,77 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les congés indûments déduits du 20 juillet au 08 août 2020,

– condamner la S.A.R.L. FSC SERVICES au paiement de la somme de 2 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 janvier 2022, la S.A.R.L. FSC SERVICES demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a :

– requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

– condamné la S.A.R.L. FSC SERVICES au paiement de la somme de 2 290,36 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, de la somme de 1 145,18 euros bruts au titre du salaire dû pendant la mise à pied conservatoire et de la somme de 1 100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de juger que le licenciement repose sur une faute grave, de débouter M. [M] [I] de ses demandes et de le condamner aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux écritures précitées, en application de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 06 septembre 2022. L’affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience du 24 février 2023 et mise en délibéré au 16 mai 2023.

MOTIFS

Sur la demande de rappel de salaire

M. [M] [I] sollicite un rappel de salaire au titre d’une cure thermale qu’il a suivi du 20 juillet au 20 août 2020 et pour laquelle son absence a fait l’objet d’une retenue sur salaire.

Si le salarié bénéficiait d’un accord de prise en charge par la caisse primaire d’assurance maladie, il ne justifie d’aucun arrêt de maladie ni d’un accord de l’employeur pour une absence au cours de cette période et n’invoque aucune disposition qui lui permettrait d’imposer une absence rémunérée pour ce motif.

Le salarié cite par ailleurs un arrêt de la cour de cassation (Soc., 18 octobre 2006, pourvoi n° 05-41.408, Bull. 2006, V, n° 311) qui mentionne une lettre du 11 septembre 1985 dans laquelle la CNAMTS indique que les accords de prise en charge de cure thermale délivrés par les caisses d’assurance maladie tiennent lieu d’arrêt de travail. La caisse a toutefois pris cette position en tant qu’employeur et une telle interprétation concerne uniquement les salariés soumis à la convention collective nationale des organismes de sécurité sociale dont M. [M] [I] ne relève manifestement pas.

Il ne démontre donc pas qu’il pouvait prétendre au maintien de sa rémunération pendant cette absence et le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande de rappel de salaire.

Sur le licenciement

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les limites du litige et il appartient à l’employeur qui invoque la faute grave d’en rapporter la preuve.

Dans la lettre de licenciement du 29 septembre 2020, l’employeur reproche au salarié d’avoir fait preuve de négligence le 10 septembre 2020 en accrochant un poteau avec le véhicule mis à sa disposition, une balayeuse, ce qui a occasionné 7900,85 euros HT de dégâts sur le véhicule qui a été immobilisé plusieurs jours. L’employeur fait également grief au salarié de ne pas avoir tenu comptes des remarques consécutives à un précédent accrochage. M. [M] [I] reconnaît en effet qu’il avait déjà provoqué deux accrochages le 24 février 2020, en reculant dans un portail, et le 29 mai 2020, en reculant dans un candélabre.

Pour contester la sanction prononcée, M. [M] [I] fait valoir que, s’il bénéficie d’une expérience de chauffeur poids-lourds d’une vingtaine d’années, il n’a jamais bénéficié d’une formation sur une balayeuse dont la conduite se fait à droite et non à gauche. Il ne démontre pas toutefois que le poste occupé nécessitait une formation spécifique complémentaire à celle dont il a bénéficié auprès de l’employeur lors de son embauche ni que l’employeur aurait manqué à son obligation en matière de formation professionnelle.

Il n’est pas davantage établi par le salarié que le véhicule mis à sa disposition ne présentait pas les équipements nécessaires à la conduite. En effet, l’employeur justifie que la balayeuse dispose de caméras et de rétroviseurs qui couvrent les angles morts et que, si aucun radar ou caméra de recul n’est installé, M. [M] [I] ne soutient pas que cet équipement présente un caractère obligatoire ni qu’il aurait été d’une quelconque utilité pour éviter le poteau qu’il a heurté avec l’avant du véhicule.

M. [M] [I] fait enfin valoir que l’accrochage du 10 septembre 2020 s’est produit après la fin de son programme de travail, alors que son employeur lui avait demandé d’intervenir pour balayer une rue et deux impasses oubliées par l’un de ses collègues. Il n’établit toutefois aucun lien entre ce contexte et l’accident qu’il a provoqué.

Il résulte de ces éléments qu’aucune circonstance extérieure ne permet d’expliquer l’accident provoqué par M. [M] [I] le 10 septembre 2020, pas davantage que celui qu’il avait déjà provoqué le 29 mai 2020, moins de quatre mois auparavant. L’employeur démontre ainsi que l’accrochage résulte d’une négligence fautive imputable au salarié. La faute grave est en outre caractérisée par la répétition des accrochages qui entraîne une perte de confiance envers le salarié et qui justifie qu’il soit mi-fin sans délai au contrat de travail.

Compte tenu de ces éléments, le jugement sera infirmé en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a fait droit aux demandes d’indemnité compensatrice de préavis et de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire. Il sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [M] [I] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement abusif et au titre du préjudice moral distinct. M. [M] [I] sera en outre débouté de l’ensemble des autres demandes présentées au titre du licenciement.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la S.A.R.L. FSC SERVICES aux dépens et à verser à M. [M] [I] la somme de 1 100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de l’issue du litige, il convient de condamner M. [M] [I] aux dépens de première instance et d’appel. Par équité, M. [M] [I] sera en outre condamné à payer à la S.A.R.L. FSC SERVICES la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. M. [M] [I] sera par ailleurs débouté de la demande présentée sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Mulhouse du 20 juillet 2021 en ce qu’il a :

– débouté M. [M] [I] de sa demande de rappel de salaire,

– débouté M. [M] [I] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement abusif et au titre du préjudice moral distinct ;

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

JUGE que le licenciement de M. [M] [I] repose sur une faute grave ;

DÉBOUTE M. [M] [I] de ses demandes de licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité compensatrice de préavis et de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire ;

CONDAMNE M. [M] [I] aux dépens de la procédure de première instance et d’appel ;

CONDAMNE M. [M] [I] à payer à la S.A.R.L. FSC SERVICES la somme de 1000 euros (mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE M. [M] [I] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 16 mai 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier Le Président

 


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