Retenues sur salaire : 16 décembre 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/02188

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Retenues sur salaire : 16 décembre 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/02188

16/12/2022

ARRÊT N° 2022/552

N° RG 21/02188 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OFCT

SB/KS

Décision déférée du 28 Avril 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FOIX

( F 19/00011)

[C] [U]

SECTION INDUSTRIE

[W], [S] [X]

C/

S.A.S. FROMAGERIE JEAN FAUP

INFIRMATION PARTIELLE

Grosses délivrées

le 16/12/2022

à

Me Emmanuelle PLAIS-THOMAS

Me Laurent SEYTE

ccc

le 16/12/2022

à

Me Emmanuelle PLAIS-THOMAS

Me Laurent SEYTE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SEIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [W], [S] [X]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Emmanuelle PLAIS-THOMAS de la SELARL PLAIS-THOMAS – SALVA, avocat au barreau d’ARIEGE

INTIMÉE

S.A.S. FROMAGERIE JEAN FAUP

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Laurent SEYTE de la SELARL GUYOMARCH-SEYTE AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S. BLUME, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUME, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

M. [W] [X] a été embauché du 27 septembre 2004 au 31 décembre 2004 par la SAS Fromagerie Jean Faup en qualité d’ouvrier affinage, suivant contrat de travail à durée déterminée de remplacement régi par la convention collective nationale de l’industrie laitière.

Un second contrat à durée déterminée pour accroissement temporaire d’activité a été conclu par les parties le 30 décembre 2004, avec un terme fixé au 30 juin 2005.

Le 1er juillet 2005, la relation de travail s’est poursuivie avec la signature d’un contrat à durée indéterminée.

M. [X] a notifié à la société Fromagerie Jean Raup sa démission par courrier

du 22 décembre 2017, avec prise d’effet au 31 janvier 2018.

La société Fromagerie Jean Raup lui a remis le 28 février 2018 un solde de tout compte faisant mention d’une compensation de 3 642,56 € au titre des heures supplémentaires.

M. [X] a dénoncé, par lettre du 21 août suivant, son reçu pour solde de tout compte.

Par lettre du 28 septembre 2018, M. [X] a mis en demeure la société Fromagerie Jean Raup de lui rembourser le solde de sa banque d’heures et de lui payer son solde d’intéressement.

M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Foix, le 1er février 2019, pour demander un rappel de salaire au titre des heures impayées ainsi que diverses sommes.

Par jugement du 28 avril 2021, le conseil de prud’hommes de Foix a débouté les parties de leurs demandes et dit que chacune supporterait la charge de ses propres dépens.

Par déclaration du 12 mai 2021, M. [W] [X] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 4 mai 2022, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

Par dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique

le 7 janvier 2022, auxquelles il est expressément fait référence, M. [W] [X] demande à la cour de réformer le jugement dans toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :

A titre principal,

– de condamner la société Fromagerie Jean Faup à lui payer les sommes suivantes :

*3 788,29 € brut à titre de rappel de salaire, outre 378,82 € à titre de congés payés y afférents,

*236,14 € à titre de rappel de prime d’ancienneté, outre 23,61 € à titre de congés payés y afférents,

A titre subsidiaire,

– de juger que la société Fromagerie Jean Faup ne pouvait pas prélever plus du dixième de la somme de 3 788,29 €, soit 378,82 €,

– de condamner en conséquence la société Fromagerie Jean Raup à lui payer la somme de 3 409,47 € à titre de rappel de salaire, outre 340,94 € à titre de congés payés y afférents,

– de juger que la société devra lui délivrer, sous astreinte, les documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir,

En tout état de cause,

– de condamner la société Fromagerie Jean Raup à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique

le 18 octobre 2021, auxquelles il est expressément fait référence,

la SAS Fromagerie Jean Faup demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter M. [X] de l’intégralité de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 7 octobre 2022.

MOTIFS

M. [X] demande le paiement d’un rappel de salaire de 3 788,29 €, outre les congés payés y afférents, correspondant au solde débiteur figurant sur sa banque d’heures, soit une somme équivalant à 383,43 heures, conformément au récapitulatif hebdomadaire des heures arrêté au 31 décembre 2017 et au report d’heures de janvier 2018.

Il soutient que l’employeur n’a pas respecté les règles relatives à la modulation du temps de travail ; la convention collective prévoit la possibilité pour l’entreprise de recourir à un système de banque d’heures afin d’organiser la durée du travail d’une semaine à l’autre ; la convention collective prévoit, comme la loi, une période de référence annuelle, et l’employeur n’a pas consulté les instances représentatives du personnel pour y déroger laissant son débit d’heures de travail s’accumuler, sans recourir au chômage technique ainsi que le prévoit la convention collective. La société Fromagerie Jean Raup aurait dû remettre à zéro le compteur d’heures à la fin de la période de référence. L’employeur était tenu de lui délivrer le travail fourni, de sorte qu’il ne peut subir la retenue opérée sur son solde de tout compte.

La société Fromagerie Jean Faup explique avoir mis en oeuvre, conformément aux dispositions de la convention collective de l’industrie laitière, un système de modulation des heures de travail qui permet de compenser en terme d’horaires sur une période donnée les hausses et les baisses d’activité existant dans le secteur de la fabrication de produits laitiers. C’est ainsi que la durée annuelle maximale conventionnelle du travail a été fixée à 1 710 heures, soit 1 600 heures pour l’horaire collectif de référence et 110 heures supplémentaires imputables sur le contingent.

M. [X] quittait son poste de travail avant 12 heures de sorte qu’il accomplissait volontairement un nombre d’heures inférieur à celui prévu ; le récapitulatif des heures fait apparaître que M. [X] a réalisé 383,43 heures de moins que le nombre d’heures fixé dans son contrat de travail ; la convention collective permettait de reporter sur l’année 2018, le solde d’heures négatif de 2017, soit 335,17 heures, l’avis des institutions représentatives du personnel sur ce report n’étant que consultatif ; le compte d’heures devait être apuré au départ du salarié.

Le système de modulation du temps de travail mis en place par la société Fromagerie Jean Faup a été instauré par application de l’article L. 3121-44 du code du travail ; la convention collective de l’industrie laitière organise, comme suit, les conditions de cette modulation :

L’article 10 .7 de la convention collective de l’industrie laitière dispose :

‘Compte tenu de la fluctuation des horaires dans le cadre de la modulation, un compte de compensation sera institué pour chaque salarié afin de lui assurer une rémunération mensuelle lissée.

Les salariés bénéficiant d’un compte de compensation dans le cadre de la modulation sont soumis aux dispositions relatives au traitement des heures supplémentaires fixées conformément à la présente convention.

En conséquence, les dispositions de l’article L. 212-5-1 du code du travail ne sont pas applicables aux salariés bénéficiaires d’un compte de compensation.

Le compte de compensation, positif ou négatif, doit être apuré à la fin de chaque période de modulation. Un report du solde peut être instauré après consultation du comité d’entreprise ou d’établissement, ou à défaut, des délégués du personnel.

La régularisation intervient obligatoirement en cas de départ du salarié…’

Il résulte des pièces versées aux débats que la société Fromagerie Jean Raup a, conformément aux dispositions conventionnelles, institué, au bénéfice de M. [X] un compte de compensation et qu’à son départ de l’entreprise, le compte de M. [X] était débiteur de 383,43 h.

La société Fromagerie Jean Raup a prélevé, à l’occasion du solde de tout compte, l’équivalent salarial de ces 383,43 h, représentant la somme de 3 788,29 € reportée sur son dernier bulletin de paye de janvier 2018 sous la rubrique :’crédit d’heures’.

Ce faisant, la société Fromagerie Jean Raup a imposé à M. [X] la restitution financière des heures rémunérées avancées dans le cadre de la banque d’heures

alors que la régularisation ne pouvait s’opérer qu’en prestation de travail qu’il lui appartenait de faire exécuter par le salarié dans le cadre de son pouvoir de direction et d’organisation du temps de travail.

La cour constate également que la société Fromagerie Jean Raup a effectué le report du solde de débit d’heures de l’année 2017 sur l’année 2018 sans justifier avoir consulté les délégués du personnel dont l’avis était prescrit par l’article 10-7 de la convention collective susvisée.

Il en résulte que c’est à bon droit que M. [X] revendique le remboursement de la somme de 3 788,29 € brut à titre de rappel de salaire ; le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

En revanche il n’est pas justifié d’un prélèvement d’indemnité de congés payés sur cette somme de sorte que la demande en paiement de la somme de 378,82 € à titre de congés payés y afférents sera rejetée par confirmation du jugement dot appel.

Les parties conviennent du fait que la retenue de prime d’ancienneté opérée en janvier 2018 a suivi le sort de la retenue sur salaire opérée au titre du crédit d’heures de sorte qu’il sera également fait droit à la demande de remboursement de la prime d’ancienneté de 236,14 € par infirmation du jugement entrepris sans qu’il soit justifié d’un prélèvement au titre des congés payés y afférents de sorte que la demande présentée au titre des congés payés y afférents sera rejetée par confirmation du jugement dont appel.

Sur le surplus des demandes

Il sera enjoint à la société Fromagerie Jean Raup de délivrer à M. [X] ses documents sociaux conformes au présent arrêt sans qu’une astreinte ne soit justifiée.

La société Fromagerie Jean Faup qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et au paiement de la somme de 2 000 € en remboursement des frais irrépétibles d’appel, le jugement déféré étant infirmé sur les dépens et confirmé sur les frais irrépétibles de première instance.

La demande d’exécution provisoire est sans objet, le présent arrêt étant exécutoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris, à l’exception du rejet des demandes d’indemnités de congés payés sur le rappel de salaire et sur la prime d’ancienneté et de ses dispositions sur l’article 700 du code de procédure civile, ces dispositions étant confirmées,

statuant à nouveau sur les dispositions infirmées, et, y ajoutant,

Condamne la société Fromagerie Jean Faup à payer à M. [W] [X] les sommes suivantes :

– 3 788,29 € brut à titre de rappel de salaire,

– 236,14 € à titre de rappel de prime d’ancienneté,

– 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonne la remise à M. [X] par la société Fromagerie Jean Raup des documents sociaux conformes au présent arrêt et rejette la demande d’astreinte,

Condamne la société Fromagerie Jean Raup aux dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C.DELVER S.BLUMÉ

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