Retenues sur salaire : 16 décembre 2022 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 21/00145

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Retenues sur salaire : 16 décembre 2022 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 21/00145

ARRET N° 22/270

R.G : N° RG 21/00145 – N° Portalis DBWA-V-B7F-CHU7

Du 16/12/2022

[N] NEE [X]-[E]

C/

Etablissement BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE

COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU 16 DECEMBRE 2022

Décision déférée à la cour : jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FORT DE FRANCE, du 16 Mars 2021, enregistrée sous le n° 18//00363

APPELANTE :

Madame [S] [N] NEE [X]-[E]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Viviane MAUZOLE, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEE :

Etablissement BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean MACCHI, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 octobre 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Anne FOUSSE, Conseillère chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

– Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

– Madame Anne FOUSSE, Conseillère

– Monsieur Thierry PLUMENAIL, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Rose-Colette GERMANY,

DEBATS : A l’audience publique du 14 octobre 2022,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 09 décembre 2022 par mise à disposition au greffe de la cour, délibéré prorogé au 16 décembre2022.

ARRET : Contradictoire

**************

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [S] [N] a été engagée le 5 décembre 1990 par l’unité administrative de la BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE. En dernier lieu, elle occupait le poste de chargée de fonctions administratives au sein du pôle opératoire.

Mme [S] [N] a été placée de manière répétée, en arrêt maladie sur la période d’avril 2014 à juillet 2017.

Par lettre du 8 août 2017, la BNP PARIBAS a convoqué Mme [S] [N] à un entretien préalable au licenciement en date du 21 août 2017.

Par lettre du 5 septembre 2017, Mme [S] [N] a été licenciée pour perte de confiance comme suit :

‘Nous faisons suite à notre entretien du lundi 21 aout 2017 en présence de Mme [L] [R] responsable RH, et de M. [H] [W], Délégué Syndical, au cours duquel nous vous avons invité à nous fournir des éléments complémentaires liés à vos arrêts de travail courants, du 1er janvier 2014 au 13 juillet 2017. En effet après de multiples recours de notre part auprès de la CGSS de Martinique, cette dernière a confirmé ne jamais avoir reçu d’arrêt de travail vous concernant sur la période considérée, soit plus de 80 arrêts de travail et/ou prolongations.

Lors de cet entretien, vous nous avez confirmé à plusieurs reprises avoir régulièrement remis dans les temps les arrêts de travail à la CGSS. Vous avez ensuite modifié votre version en précisant avoir remis tous les volets 1 des avis d’arrêts de travail à la CGSS, avoir conservé les volets 2 pensant qu’il s’agissait là de copies et enfin avoir adressé les volets 3 à votre employeur.

Renseignement pris auprès de la CGSS il nous a été confirmé que les assurés sociaux doivent transmettre les volets 1 et 2 dans les 48h qui suivent la prescription mais qu’en cas de réception de l’un ou l’autre des volets, l’arrêt de travail est néanmoins saisi et l’assuré est indemnisé. Nous aurions donc dû percevoir sans aucun problème les sommes correspondantes. Il n’en est rien.

Il nous semble difficilement concevable que plus de 80 prescriptions médicales vous concernant aient été perdues par la CGSS en 3 ans et demi. Entendu sur ce point, vous avez persisté à dire que vous n’en saviez rien et maintenu avoir déposé les arrêts de travail en temps et en heure. Nous ne pouvons accorder de crédit à cette version des faits.

Nous vous rappelons également que sur la même période nous avons été amenés à vous adresser 12 courriers en recommandé accusé de réception pour abandon de poste car vous n’aviez pas adressé le volet 3 de vos arrêts de travail dans les temps.

La banque subit un préjudice de 26 433,09 euros car elle a continué à vous rémunérer pendant cette période et ne sera pas remboursée par la CGSS dans le cadre de la subrogation. Vous voudrez bien nous rembourser cette somme indûment perçue dans les plus brefs délais. A défaut nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour recouvrer cette créance.

Votre négligence met en cause la bonne marche de l’entreprise et en conséquence, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour perte de confiance. Dans ces circonstances, votre maintien au sein de l’entreprise s’avère impossible de votre fait et le licenciement prend donc effet immédiatement à réception de la présente.

Nous entendons vous dispenser de votre préavis qui vous sera réglé avec votre solde de tout compte.

Nous vous informons que vous êtes libre de tout engagement de non-concurrence à notre égard.

‘.’.

Par requête du 19 octobre 2018, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Fort de France pour contester son licenciement. Elle sollicitait des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (58192,49 euros), pour déloyauté et exécution de mauvaise foi du contrat(18873,24 euros), la restitution du solde de tout compte à hauteur de 33106,67 euros outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, le tout avec bénéfice de l’exécution provisoire et capitalisation des intérêts.

Par jugement contradictoire du 16 mars 2021, le conseil de prud’hommes de Fort-de-France a :

Dit que le licenciement de Mme [S] [N] est fondé,

Débouté Mme [S] [N] de toutes ses demandes,

Condamné Mme [S] [N] aux entiers dépens,

Le conseil a, en effet, considéré que le licenciement pour perte de confiance de Mme [N] est fondé. En effet, selon lui, il n’y a aucun élément prouvant que Mme [N] a effectivement fourni les volets 1et 2 à la CGSS dans les délais requis. Il en a déduit que la carence fautive de la salariée était bien établie et a rejeté ses demandes d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérets pour déloyauté et exécution de mauvaise foi du contrat et de sa demande de paiement du solde de tout compte d’un montant de 33106,67 euros.

Par déclaration électronique du 19 juin 2021, Mme [S] [N] a relevé appel du jugement dans les délais impartis.

Par conclusions d’appel, transmises par la voie électronique le 6 septembre 2021, Mme [S] [N] demande à la cour de :

Dire et juger que la perte de confiance retenue pour le licenciement n’est pas établie,

Déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement,

Condamner la société BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE à lui payer les sommes suivantes :

*449,38 euros à titre de salaire du 1er au 5 septembre,

*2097,03 euros à titre du 13è mois,

*1548,44 euros à titre d’indemnité de congés payés,

*6291,08 euros à titre d’indemnité de préavis,

*28 433,65 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

*31 455,40 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner la même aux entiers dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, Mme [N] fait valoir que l’article R 323 -10 du CSS applicable depuis le 1er juillet 2013, prévoit que l’employeur doit établir une attestation se rapportant aux périodes de références permettant l’ouverture des droits, attestation accompagnée des pièces prévues à l’article L 3243 du CT et transmettre ladite attestation de salaire à la caisse; que sur la base de cette attestation de salaire produite par l’employeur, l’assurance maladie détermine si le salarié remplit les conditions pour avoir droit aux indemnités journalières pendant son arrêt de travail, ce qui permet également le calcul du montant des indemnités dues.

Elle indique qu’elle n’a pas été informée d’une anomalie dans le traitement de son dossier. Elle précise que la demande de subrogation s’effectue lorsque l’employeur signale l’arrêt de travail dans la déclaration sociale nominative; que si l’entreprise n’a pas adhéré à la DSN, elle peut faire la demande au moment d’établir l’attestation de salaire à destination de l’assurance maladie soit par courrier soit sur le site : [04].fr, mais que quelque soit le moyen employé, il suffit de compléter l’encadré subrogation ou demande de subrogation en cas de maintien de salaire.

Elle affirme que l’employeur avait la possibilité de consulter le décompte des indemnités journalières liquidées par le régime général depuis son portail accessible sur [04]. Elle rappelle que c’est à la date du 24 avril 2017 que l’employeur cessait de verser les indemnités journalières et au 8 août suivant que la procédure de licenciement était initiée; que l’employeur a mis 3 années pour faire remonter les difficultés existant dans le cadre de la subrogation au titre des indemnités journalières qui devaient être versées par la caisse.

Selon elle les pièces de la procédure établissent que l’employeur avait connaissance des faits sur lesquels il fonde le grief reproché, que les arrêts maladie lui ont été transmis alors qu’ayant connaissance des faits depuis 2014, il avait la possibilité d’interroger à la fois la CGSS et elle même sur le non réglement des indemnités journalières dans le cadre de la subrogation, puis faire des investigations utiles afin d’éviter tant pour l’entreprise que pour elle même, cette situation inédite. Elle fait donc valoir que seule la désorganisation de la banque a généré le préjudice allégué.

Elle oppose donc la prescription des faits en application de l’article L 1432-4 du code du travail rappelant qu’employée depuis 27 ans, elle a reçu la médaille du travail et a été licenciée pour perte de confiance sans recevoir au préalable ni mise en garde ni avertissement.

En conclusion, elle fait valoir que l’employeur ne justifie pas d’éléments matériels d’une perte de confiance qui n’est qu’une notion subjective et ne peut être retenue comme cause de licenciement. .

Aux termes de ses conclusions d’appel du 3 décembre 2021, la société BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE demande à la cour de confirmer le jugement entrepris.

Statuant à nouveau de :

Dire fondé le licenciement de Mme [N]

Débouter Mme [N] de l’ensemble de ses moyens, fins et conclusions,

Condamner Mme [N] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La BNP PARIBAS expose que la salariée était placée en arrêt maladie d’avril 2014 à juillet 2017 de manière répétée et qu’elle mettait en place la subrogation de salaire en maintenant le salaire de l’intéressée sans en déduire les indemnités journalières. Subrogée, elle aurait donc du percevoir directement les indemnités journalières de la sécurité sociale; qu’à la suite d’un contrôle interne des indemnités journalières, elle s’est aperçue qu’aucune indemnité journalière ne lui avait été versée depuis avril 2014 et a donc suspendu la subrogation à compter du 24 avril 2017; qu’à la fin de juillet 2017 elle a acquis la certitude que cette absence de versement était due à la carence de Mme [N], laquelle n’avait pas adressé ses certificats d’arrêts maladie à la CGSSM depuis avril 2014. L’intimée ajoute que, les faits reprochés ne sont pas contestés et qu’en l’occurence, la négligence de Mme [N] est caractérisée.

L’employeur affirme que, cette négligence lui a entrainé un préjudice conséquent comptant un déficit de 26 433,09 euros, au titre des indemnités journalières de sécurité sociale avancées par l’employeur et non remboursées par la CGSS.

La BNP PARIBAS indique que ce n’est qu’à la suite d’un controle interne des indemnités journalières de sécurité sociale en avril 2017, qu’elle s’est aperçue qu’aucune indemnité journalière n’avait été versée par la CGSS depuis avril 2014. A ce titre, elle ajoute que, ce n’est que fin juillet 2017 qu’elle a eu la certitude que cette absence de versement d’indemnité journalière était due à la carence fautive de Mme [N].

La BNP PARIBAS verse aux débats 10 courriers alertant Mme [N], entre 2013 et 2017, du défaut d’envoi de justificatifs d’absence.

Elle considère que la perte de confiance constitue en l’espèce une cause de licenciement puisqu’elle repose sur des éléments objectifs. Elle argue que Mme [N] doit être déboutée de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse car le licenciement est fondé et que celle-ci ne justifie ni de sa situation financière, ni de sa situation professionnelle depuis son licenciement.

Finalement, la BNP PARIBAS fait valoir que le paiement du solde de tout compte, a été évalué à hauteur de 37 661,79 euros brut. Néanmoins selon elle, la somme de 33 106,67 euros a été déduite à hauteur de 26 433,09 euros au titre des IJSS et, des règlements divers correspondant aux oppositions, ATD et saisies sur salaires.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 20 mai 2022.

MOTIFS

Sur le licenciement de Mme [N]

L’article L 1232-1 du code du travail dispose que ‘tout licenciement pour motif personnel est justifé par une cause réelle sérieuse’.

Il est constant que, la perte de confiance ne peut jamais constituer en tant que telle une cause de licenciement. En revanche, elle peut constituer un tel motif si elle est fondée sur des éléments objectifs, imputables au salarié et vérifiables permettant au juge de s’assurer de son bien-fondé.

Enfin tel est le cas si, le comportement du salarié fait courir à l’entreprise un risque objectif tel, qu’il ne permette pas, sans dommage pour l’entreprise, la poursuite de l’exécution du contrat.

Par ailleurs, l’article R321-2 du code de la sécurité sociale précise qu’en cas d’interruption de travail, l’assuré doit envoyer à la caisse primaire d’assurance maladie, dans les deux jours suivant la date d’interruption de travail, et sous peine de sanctions fixées conformément à l’article L. 321-2, une lettre d’avis d’interruption de travail indiquant, d’après les prescriptions du médecin, la durée probable de l’incapacité de travail. En cas de prolongation de l’arrêt de travail initial, la même formalité doit, sous peine des mêmes sanctions, être observée dans les deux jours suivant la prescription de prolongation.

Aussi, il ressort des dispositions de l’article D323-2 du code de la sécurité sociale, qu’en cas d’envoi à la caisse primaire d’assurance maladie de l’avis d’interruption de travail ou de prolongation d’arrêt de travail au-delà du délai prévu à l’article R. 321-2, la caisse informe l’assuré du retard constaté et de la sanction à laquelle il s’expose en cas de nouvel envoi tardif dans les vingt-quatre mois suivant la date de prescription de l’arrêt considéré. En cas de nouvel envoi tardif, sauf si l’assuré est hospitalisé ou s’il établit l’impossibilité d’envoyer son avis d’arrêt de travail en temps utile, le montant des indemnités journalières afférentes à la période écoulée entre la date de prescription de l’arrêt et la date d’envoi est réduit de 50 %.

En revanche, en application de l’article R 323-12 du CSS ‘la caisse est fondée à refuser le bénéfice des indemnités journalières afférentes à la période pendant laquelle son contrôle aura été rendu impossible, sans préjudice des dispositions de l’article L. 324-1″.

L’article R 323-11 du code de la sécurité sociale dispose qu’en cas de maladie :

«Lorsque le salaire est maintenu en totalité, l’employeur est subrogé de plein droit à l’assuré, quelles que soient les clauses du contrat, dans les droits de celui-ci aux indemnités journalières qui lui sont dues.

Lorsque, en vertu d’un contrat individuel ou collectif de travail, le salaire est maintenu en totalité ou en partie sous déduction des indemnités journalières, l’employeur qui paie tout ou partie du salaire pendant la période de maladie sans opérer cette déduction peut être subrogé par l’assuré dans ses droits aux indemnités journalières pour la période considérée, à condition que le salaire maintenu au cours de cette période soit au moins égal au montant des indemnités dues pour la même période.

Dans les autres cas, l’employeur est seulement fondé à poursuivre auprès de l’assuré le recouvrement de la somme correspondant aux indemnités journalières, dans la limite du salaire maintenu pendant la même période».

Il est admis en cas d’envoi tardif deux hypothèses :

– soit l’avis d’arrêt de travail a été envoyé hors délai mais reçu avant la date de fin de prescription, le montant des indemnités journalières dues entre la date de prescription de l’arrêt et la date de l’envoi est réduit de 50 %,

– soit l’arrêt de travail est envoyé hors délai et reçu après la date de fin de prescription : l’article R 323-12 précité est applicable et la caisse est fondée à refuser le bénéfice des indemnités journalières pour la période pendant laquelle son contrôle a été impossible.

Ainsi en cas d’interruption de travail, l’assuré doit envoyer à la caisse dans le délai de deux jours suivant la date d’interruption du travail, une lettre d’avis d’interruption de travail mentionnant les prescriptions établies par le médecin ainsi que la durée potentielle de l’arrêt de travail. En l’absence d’une telle information, la caisse est fondée après un avertissement à refuser le bénéfice des indemnités journalires afférentes à la période pendant laquelle son contrôle aura été rendu impossible.

En l’espèce, il ressort de la lettre de licenciement de Mme [N] que l’employeur lui reproche de ne pas avoir transmis à la caisse primaire d’assurance maladie, ses arrêts maladie, et ce, dans les délais légaux impartis. Le défaut de diligence de Mme [N] a entrainé des sanctions de la part de la CGSSM, la privant ainsi, d’indemnisation. La société BNP PARIBAS démontre que la carence fautive de la salariée lui a provoqué un dommage à hauteur de 26 433,09 euros, au titre des indemnités journalières de sécurité sociale avancées par elle et, non remboursées par la CGSSM.

Mme [N] dit alors ne pas avoir été informée d’anomalies dans le traitement de son dossier.

Or par différents courriers en date du 28 juin 2017, la CGSSM opposait à cette dernière la forclusion de chacune de ces demandes d’indemnisation pour les périodes des 02/04/14 au 25/04/14 , 10/09/14 au 03/10/14, 18/10/14 au 21/11/14, 02/02/15 au 13/02/15, 19/02/15 au 12/03/15 à chaque fois dans les termes suivants : ‘…. Vous nous avez adressé une demande d’indemnisation pour votre arrêt de travail du …. Vous disposiez pour nous l’envoyer d’un délai de deux ans à compter du premier jour du trimestre civil suivant le début de votre arrêt de travail. En conséquence, nous ne pouvons pas donner une suite favorable à votre demande’.

Par courrier du 4 juillet 2017, la caisse indiquait à Mme [N], ‘Vous nous avez adressé une demande d’indemnisation pour votre arrêt de travail du 11/08/2014 au 02/09/2014. Vous disposiez pour nous l’envoyer d’un délai de deux ans à compter du 1er jour du trimestre civil suivant le début de votre arrêt de travail. Nous ne pouvons donner une suite favorable à votre demande..’.

Par un courrier du 5 juillet 2017, la CGSS opposait encore une forclusion pour la période de 2 avril 2014 à 2017 dans les termes suivants :

Lors de votre passage au centre de Césaire le mardi 27 juin 2017, vous nous avez remis des avis d’arrêt de travail de 2014 à 2017. Une première étude de ces arrêts nous amène à vous adresser les courriers de forclusions joints :

du 02/04/14 au 25/04/14, du 11/08/14 au 02/09/14, du 10/09/14 au 03/10/14, du 18/10/14 au 21/11/14, du 02/02/15 au 13/02/15, du 19/02/15 au 12/03/15, du 18/06/15 au 29/06/15.

Par courrier du 13 juillet 2017 la caisse rappelait à l’intéressée l’avertissement qui lui avait été adressé par lettre recommandée AR pour l’arrêt du 30 juin 2015 au 3 juillet 2015, de sorte que pour les autres arrêts, des sanctions à 100 % lui avaient été appliquées et notifiées par courrier recommandé AR pour des périodes discontinues du 11 août 2015 au 2 juin 2017, lesquelles ne donneraient pas lieu à indemnisation.

Ainsi il apparait que la salariée avait déjà fait l’objet d’un avertissement de la caisse relatif à l’envoi hors délai de son arrêt du 30 juin au 3 juillet 2015 et nonobstant cet avertissement elle n’adressait ses arrêts postérieurs pour la période du 11 août 2015 au 2 juin 2017 que bien après le délai précité faisant fi du précédent avertissement.

Le fait pour la salariée de n’avoir pas remis ses arrêts de travail à la CGSSM dans les délais de 2 jours suivant la date d’interruption de travail, est donc établi, l’intéressé ne contestant d’ailleurs pas la matérialité de ce fait dans ses écritures.

La négligence de la salariée est encore avérée au regard de la dizaine de courriers adressés en recommandé par l’employeur à la salariée entre mars 2013 et juin 2017, correspondant à des demandes de justifications d’absences et rappellant que toute indisponibilité doit être signalée à la hiérarchie au plus tard dans les 24 heures, qu’un certificat médical justifiant dès son début l’absence pour maladie, accident du travail ou de trajet et indiquant la durée prévisible de l’indisponibilité doit être fourni au plus tard dans les 48 heures… et l’invitant à justifier de son absence dans les meilleurs délais.

La salariée invoque alors la prescription des faits fautifs prévue par l’article L 1332-4 du code du travail lequel dispose qu’Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales’.

Il est constant que ce délai de prescription ne court que du jour ou l’employeur a eu connaissance exacte et complète des faits reprochés.

Par courrier du 24 avril 2017 ayant pour objet ‘Vos absences maladie – contrôle des IJSS’, la BNP PARIBAS écrivait à Mm [N] pour lui indiquer qu’elle avait constaté que depuis plusieurs mois, cette dernière avait manqué à ses obligations d’information de la caisse d’assurance maladie; que le salaire avait été maintenu pendant ces arrêts de travail, la subrogation devait permettre à son employeur de percevoir directement, en ses lieu et place les indemnités journalières qui lui étaient dues par la caisse pour la période de ses arrêts de travail ou prolongations; qu’en procédant de la sorte, elle avait continué à percevoir un salaire de la part de l’employeur, sans que celui ci ne soit remboursé par la caisse d’assurance maladie; que la salariée lui devait la somme de 24 538,02 euros correspondant au montant des indemnités journalières afférentes à la période écoulée du 2 avril 2014 à ce jour, non remboursées par l’assurance maladie; qu’elle suspendait donc la subrogation à compter du 24 avril 2017, lui indiquant que sous réserve de respecter les formalités lui incombant, elle percevrait directement les indemnités journalières de sa caisse d’assurance maladie.

Elle joignait à ce courrier le tableau listant les arrêts maladie depuis le 2 avril 2014 à janvier 2017, et le décompte des salaires payés jusqu’au 31 janvier 2017, pour un montant de 24538,02 euros, non remboursés.

En l’espèce, il n’est pas contesté par la salariée que celle-ci remettait à son employeur les courriers adressés par la CGSS des 5 juillet et 13 juillet 2017 précités, qui l’avait informée de la forclusion de ses demandes d’indemnisation de l’ensemble de ses arrêts de travail d’avril 2014 à juin 2017.

Si en avril 2017, que l’employeur s’apercevait, à la faveur d’un contrôle interne, qu’aucune indemnité journalière ne lui avait été versée depuis avril 2014 concernant Mme [N], ce n’est que mi juillet 2017, à la remise par cette dernière des courriers que lui avait adressé la caisse ,les 5 et 13 juillet 2017, qu’il avait eu la confirmation, tant de la négligence fautive de la salariée que de son ampleur, la synthése des versements effectués par l’employeur au titre des indemnités journalières s’élevant à la somme de 26433,09 euros au 24 avril 2017.

Aucune pièce ne démontre que la BNP PARIBAS avait eu connaissance de cette situation avant le mois d’avril 2017. La négligence de l’établissement bancaire dans la gestion du contrôle du réglement des indemnités journalières opposée par la salariée ne saurait exonérer cette dernière de ses propres obligations de loyauté envers son employeur depuis l’année 2014 au regard des multiples rappels faits par ce dernier du réglement intérieur prévoyant la remise des certificats d’arrêts de travail dans les 48 heures, et de l’avertissement que la caisse indiquait lui avoir adressé à défaut de réception dans les 48 heures de son certificat d’arrêt de travail du 30 juin au 3 juillet 2015.

Mme [N] n’établit pas donc pas que l’employeur avait été destinataire durant toute cette période d’un message de refus d’indemnisation de la caisse, à défaut de la transmission des volets 1 et 2 à la caisse par la salariée dans les 48 heures.

Il apparait donc que ce n’est qu’en avril 2017, que l’employeur a eu connaissance de l’absence de versement des indemnités journalières à Mme [N]. Ce n’est qu’à la mi juillet 2017, qu’il a eu la certitude de la négligence de la salariée et la confirmation de l’ampleur de son préjudice financier.

En conséquence, le délai de prescription de deux mois prévu par l’article L 1332-4 du code du travail ne peut être opposé à l’employeur qui a engagé la procédure de licenciement dès le 8 août suivant soit dans le délai de deux mois à compter de la mi juillet 2017.

En l’espèce la perte de confiance est bien fondée sur des éléments objectifs et vérifiables imputables à Mme [N]. Le jugement est donc confirmé en ce qu’il dit que ce licenciement pour perte de confiance est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes indemnitaires de Mme [N]

a) Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En l’espèce, Mme [N] sollicite le paiement de la somme de 31455,40 euros pour ce poste de préjudice.

Il a été considéré que le licenciement de Mme [N] était fondé sur une cause réelle et sérieuse.

La demande est donc rejetée comme en première instance.

b) Sur les autres demandes

Il ressort des dispositions de l’article 1302 du code civil que ‘tout paiement suppose une dette, ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution’.

Mme [N] sollicite le paiement de 449,38 euros à titre de salaire du 1er au 5 septembre, de 2097,03 euros à titre du 13è mois pour l’année 2017, de 1548,44 euros à titre d’indemnité de congés payés, de 6291,08 euros à titre d’indemnité de préavis de 2 mois pour ses 27 ans d’ancienneté, de 28 433,65 euros à titre d’indemnité légale de licenciement, soit 38819,58 euros.

La salariée ne justifie pas du quantum de sa demande au titre du 13ème mois de sorte que la somme de 939,26 euros proposée par l’employeur sera validée par la Cour, en application de l’article 9 du code de procédure civile qui dispose qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Le solde de tout compte a donc pris en compte le montant du 13éme mois, les montants du salaire du mois de septembre, de l’indemnité de préavis, de l’indemnité légale de licenciement, de congés payés, sommes pour le montant total de 37 661,79 euros comme mentionné sur le bulletin de paie du mois de septembre 2017.

Sur ce montant dû à Mme [N], l’employeur a déduit la somme de 33106,67 euros correspondant à des réglements divers effectués par la banque à hauteur de 6673,58 euros en raison d’ATD, d’opposition sur son salaire ou de saisie sur celui-ci, décomposés comme suit :

– ATD : 4616,43 euros prélevés sur le salaire de septembre 2017, (pièce 1 de l’employeur, correspond au solde de l’ATD délivré par la DGFIP reçu par la BNP en octobre 2016 pour un montant total de 7270 euros, que la BNP a commencé à prélever sur le salaire à compter de décembre 2016),

– Saisie sur rémunération : 1938,98 euros prélevée sur le salaire de septembre 2017 (pièce 2 de l’employeur, correspondant au solde de la saisie sur rémunérations de Mme [N] pour un montant total de 11372,55 euros au profit de la société civile immobilière Clairbois),

– Opposition administrative du 19 mai 2016 : 118,18 euros prélevée sur le salaire du mois de septembre 2017 (pièce 3 de l’employeur, correspond au solde de l’opposition administrative du 19 mai 2016 d’un montant total de 375 euros que la BNP a commencé à prélever sur le salaire de Mme [N] à compter de mai 2017).

L’employeur a retenu par ailleurs la somme de 26433 euros correspondant aux indemnités journalières de sécurité sociale dont la BNP PARIBAS a fait l’avance d’avril 2014 à juin 2017,

La BNP PARIBAS a donc prélevé ces deux sommes de 6673,58 euros + 26433,09euros (33106,67 euros) sur le solde de tout compte comprenant le détail des sommes dues à Mme [N] en raison de son licenciement, à savoir :

449,38 euros à titre de salaire du 1er au 5 septembre,

939,26 euros à titre du 13è mois pour l’année 2017,

1548,44 euros à titre d’indemnité de congés payés,

6291,08 euros à titre d’indemnité de préavis de 2 mois,

28 433,65 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

soit 37 661,79 euros

* sur la compensation opérée par l’employeur

En application de l’article L 3251-1 du code du travail, l’employeur ne peut opérer une retenue de salaire pour compenser les sommes qui lui seraient dues par un salarié pour fournitures diverses, qu’elle qu’en soit la nature.

L’article L 3251-3 du code du travail dispose que, ‘en dehors des cas prévus au 3° de l’article L 3251-2, l’employeur ne peut opérer de retenue sur salaire pour les avances en espèces qu’il a faites , que s’il s’agit de retenues successives ne dépassant pas le dixième du montant des salaires exigibles.

La retenue opérée à ce titre ne se confond pas avec la partie saisissable ou cessible..’.

Si aux termes de L’artice L 3251-1 du code du travail, l’employeur ne peut opérer une retenue de salaire pour compenser des sommes qui lui seraient dues par un salarié pour fournitures diverses, quelle qu’en soit la nature, la compensation des créances de l’employeur avec les salaires dus au salarié est possible dès lors que les dettes répondent aux conditions générales du code civil à savoir certaines, liquides et exigibles.

En l’espèce, en l’état des sanctions appliquées par la CGSSM à la salariée, non contestées par elle devant le TASS, l’indemnisation des arrêts de travail de cette dernière par l’employeur est désormais indue et la créance de la BNP PARIBAS est certaine, liquide fixée à la somme de 26433,09 euros et exigible.

Cependant la retenue sur les sommes versées ayant le caractère de salaire tels les rappels de salaire, le 13ème mois, les indemnités de préavis et de congés payés, ne pouvait se faire que par retenues successives ne dépassant pas le dixième du montant des salaires exigibles.

Tel n’est pas le cas en l’espèce de sorte que la retenue des indemnités journalières et sur la totalité du solde de tout compte est infondée.

En revanche l’interdiction de compensation ne portant pas sur l’indemnité de licenciement, l’employeur pouvait déduire la somme de 26433,09 euros correspondant aux indemnités journalières indues, de l’indemnité de licenciement d’un montant de 28 433,65 euros.

La salariée n’opposant aucun moyen à la retenue sur cette indemnité de licenciement, celle-ci sera déclarée fondée sur la seule indemnité de licenciement. Il resterait donc dû après déduction à la salariée la somme 28433,65-26433,09 = 2000,56 euros.

* sur les saisies sur le solde de tout compte

L’employeur a encore déduit du solde de tout compte la somme de 6673,58 euros correspondant aux saisies et opposition et ATD effectuées par différents créanciers sur les salaires de la salariée.

L’article L 3252-2 dispose que ‘sous réserve des dispositions relatives aux pensions alimentaires prévues à l’article L 3252-5, les sommes dues à titre de rémunération ne sont saisissables ou cessibles que dans les proportions et selon des seuils de rémunération affectées d’un correctif pour toute personne à charge, déterminés par décret en conseil d’état’.

Il est admis que cette procédure est inapplicable aux indemnités de licenciement.

L’employeur ne justifie pas que la saisie opérée sur les sommes dues à la salariée listées sur le solde de tout compte a été opérée conformément aux dispositions des articles L 3252-2, soit sur les seules sommes dues à titre de rémunérations (salaire du 1er au 5 septembre, 13ème mois, préavis, congés payés, d’un montant total de 9228,16 euros) et dans le respect des seuils prévus aux à l’article R 3252-2 et suivants du code du travail.

Il s’ensuit que la compensation entre les sommes dues par l’employeur sera limitée à la somme retenue au titre des indemnités jounalières indument perçues à hauteur de 26433,09 euros sur l’indemnité de licenciement.

Il est donc du à Mme [N] la somme de 9228,16 euros + 28 433,65 euros (indemnité légale de licenciement) – 26433,09 euros (indemnités journalières) = 11228,72 euros.

Il apparait que sur cette somme Mme [N] a perçu la somme de 2474,21 euros mentionnée sur le solde de tout compte.

LA BNP PARIBAS prétend que le solde de tout compte est correct alors que la salariée n’a perçu que la somme de 2474,21 euros mentionnée sur le solde de tout compte.

Il reste donc du à la salariée la somme de 11228, 72 euros ‘ 2474,21 euros déjà perçus =8754,51 euros.

Le jugement est donc infirmé sur le seul quantum de la somme restant due à Mme [N].

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Fort-de-France le 16 mars 2021, en ce qu’il déboute Mme [S] [N] de toutes ses demandes,

STATUANT à nouveau sur le quantum des sommes dues à Mme [S] [N],

CONDAMNE la BNP PARIBAS à payer à Mme [S] [N] la somme de 8754,21 euros correspondant aux salaires et indemnités listées dans le solde de tout compte déduction faite des indemnités journalières avancées à tort par la BNP,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la BNP PARIBAS aux dépens de première instance et d’appel

Et ont signé le présent arrêt Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Rose-Colette GERMANY, Greffier

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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