C2
N° RG 20/02013
N° Portalis DBVM-V-B7E-KO64
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
Me Ladjel GUEBBABI
la SELARL NICOLAU AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 15 SEPTEMBRE 2022
Appel d’une décision (N° RG 20/00234)
rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE
en date du 23 juin 2020
suivant déclaration d’appel du 06 juillet 2020
APPELANTE :
S.A.R.L. TRANS’MO prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié es qualité audit siège,
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Ladjel GUEBBABI, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIME :
Monsieur [J] [W]
né le 03 Novembre 1954 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Alexia NICOLAU de la SELARL NICOLAU AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Marine BROGUET, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Blandine FRESSARD, Présidente,
M. Frédéric BLANC, Conseiller,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,
DÉBATS :
A l’audience publique du 16 juin 2022,
Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère chargée du rapport, assistée de Carole COLAS, Greffière, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.
Puis l’affaire a été mise en délibéré au 15 septembre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L’arrêt a été rendu le 15 septembre 2022.
EXPOSE DU LITIGE’:
Le 13 mars 2018 la société Trans’mo SARL a embauché M. [J] [W] dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein au poste de conducteur véhicule poids lourds courte distance, coefficient 138, groupe 6 de la convention collective nationale des entreprises de transport routier et des activités auxiliaires de transport.
Le 28 novembre 2018, M. [J] [W] s’est vu notifier un premier avertissement.
Le 10 septembre 2019, M. [J] [W] a reçu un second avertissement.
Le 21 novembre 2019 M. [J] [W] a été convoqué à un entretien préalable fixé au’2’décembre’2019 et s’est vu notifier une mise à pied conservatoire.
Le 21 novembre 2019, M. [J] [W] a été placé en arrêt de travail.
Le 5 décembre 2019 la société Trans’mo SARL a notifié à M. [J] [W] son licenciement pour faute grave.
La dernière rémunération de M. [J] [W] était fixée à un salaire de 1’542,80 euros bruts, le salaire moyen sur les trois derniers mois s’établissant à 2’362,29 euros.
Par requête du 10 mars 2020 M. [J] [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Grenoble le’10 mars 2020 d’une contestation de la rupture de son contrat de travail et de diverses demandes au titre de l’exécution du contrat de travail.
Suivant jugement en date du 23 juin 2020, le conseil de prud’hommes de Grenoble a’:
Dit que le licenciement de M. [J] [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamné la SARL Trans’mo à payer à M. [J] [W] les sommes suivantes’:
– 710,50 € bruts (sept cent dix euros et cinquante cts) à titre de mise à pied conservatoire,
– 71 € bruts (soixante et onze euros et cinq cts) à titre de congés payés afférents,
– 2 362,29 € bruts (deux mille trois cent soixante-deux euros et vingt-neuf cts) à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 236,23 € bruts (deux cent trente-six euros et vingt-trois cts) à titre de congés payés afférents,
– 986,26 € nets (neuf cent quatre-vingt-six euros et vingt-six cts) à titre d’indemnité légale de licenciement,
Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du 11 mars 2020
– 7’086,00 € nets (sept mille quatre-vingt-six euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 1 700,00 € (mille sept cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement’;
Rappelé que les sommes caractère salarial bénéficient de l’exécution provisoire de droit, nonobstant appel et sans caution en application de l’article R 1454-28 du code du travail dans la limite de 9 mois de salaire, la moyenne mensuelle brute des trois derniers mois de salaire étant de 2 362,29 € ;
Débouté M. [J] [W] du surplus de ses demandes,
Condamné la SARL Trans’mo aux dépens.
La décision rendue a été notifiée par lettres recommandées avec accusés de réception signés le’2 juillet 2020 par M. [J] [W] et le 1er juillet 2020 par le SARL Trans’mo.
La société Trans’mo a interjeté appel de la décision par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 6 juillet 2020.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 17 mai 2022, la société Trans’mo SARL sollicite de la cour de’:
A titre principal’:
Infirmer purement et simplement le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble en ce qu’il a jugé que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse’;
Dire que le licenciement de M. [J] [W] est fondé sur une faute grave,
En conséquence,
Débouter M. [J] [W] de l’intégralité de ses demandes afférentes à la rupture du contrat de travail,
Confirmer le jugement pour le surplus,
A titre subsidiaire’:
Dire et juger que le licenciement de M. [W] repose sur une cause réelle et sérieuse,
A titre infiniment subsidiaire :
Limiter le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse aux montants fixés à l’article L1235-3 du Code du travail, soit l’équivalent de deux mois de salaire, et au demeurant au préjudice subi’;
Dire et juger que M. [W] ne démontre pas avoir souffert d’un préjudice, ni dans son principe, ni dans son quantum, à la suite de la notification des avertissements du 28 novembre et du’10’septembre 2019′;
En tout état de cause’:
Condamner M. [J] [W] au paiement de la somme de 1’500’€ au titre de l’article 700 du code procédure civile.’;
Condamner le même aux entiers dépens de l’instance.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 26 avril 2022, M.'[J]'[W] sollicite de la cour de’:
Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Grenoble du 23 juin 2020 en ce qu’il a débouté M. [J] [W] de ses demandes suivantes :
Annuler les avertissements du 28 novembre 2018 et du 10 septembre 2019 ;
Condamner en conséquence la société Trans’mo à lui verser la somme de 3 000 € net à titre de dommages et intérêts pour chacune de ces sanctions injustifiées ;
Condamner la société Trans’mo à verser à M. [J] [W] la somme de 3 000 € net à titre de dommages et intérêts pour absence d’institutions représentatives du personnel ;
Condamner la société Trans’mo à verser à M. [J] [W] la somme de 5 000 € net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail ;
Et, statuant à nouveau,
Dire et juger que c’est à tort que la société Trans’mo ne s’est pas dotée d’institutions représentatives du personnel et d’un règlement intérieur, alors même que les seuils d’effectifs déclenchant leur mise en place étaient atteints ;
Condamner en conséquence la société Trans’mo à verser à M. [J] [W] la somme de 3’000’€ nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par ce dernier du fait de l’absence de dialogue social dans la société ;
Dire et juger que l’avertissement notifié à M. [J] [W] le 28 novembre 2018 par la SARL’Trans’mo est injustifié ;
Annuler en conséquence l’avertissement du 28 novembre 2018 ;
Condamner en conséquence la SARL Trans’mo à verser à M. [J] [W] la somme de 3 000 € net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de cet avertissement injustifié;
Dire et juger que l’avertissement notifié à M. [J] [W] le 10 septembre 2019 par la SARL’Trans’mo est injustifié ;
Annuler en conséquence l’avertissement du 10 septembre 2019 ;
Condamner en conséquence la SARL Trans’mo à verser à M. [J] [W] la somme de 3 000 € net de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de cet avertissement injustifié ;
Dire et juger que la SARL Trans’mo a manqué à son obligation d’exécution loyale de la relation de travail à l’égard de M. [J] [W] (avertissements du 28 novembre 2018 et du’10’septembre’2019 injustifiés, retenue sur salaire opérée à tort, négligence de l’employeur dans l’entretien du matériel, inaction de l’employeur s’agissant de la contravention reçue à tort par le demandeur, journées de récupération imposées) ;
Condamner en conséquence la SARL Trans’mo à verser à M. [J] [W] la somme de 5 000 € net à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices moral, financier et professionnel subis par ce dernier du fait de ce manquement ;
Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Grenoble du 23 juin 2020 en ce que celui-ci a jugé que le licenciement pour faute grave de M. [J] [W] du 5 décembre 2019 était sans cause réelle et sérieuse ;
Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Grenoble du 23 juin 2020, en ce que celui-ci a condamné la SARL Trans’mo à verser à M. [J] [W] la somme de :
– 710,50 € brut à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire (10 jours, du 21 novembre 2019 au 5 décembre 2019), outre la somme de 71,05 € brut au titre des congés payés afférents;
– 2 362,29 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis (un mois), outre la somme de 236,23 € brut au titre des congés payés afférents ;
– 986,26 € net à titre d’indemnité légale de licenciement (pour un salaire moyen de 2 362,29 € bruts par mois et une ancienneté de 1,67 an) ;
Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Grenoble du 23 juin 2020, en ce que celui-ci a limité le quantum de la condamnation de la SARL Trans’mo à 7 086 € net au titre des dommages et intérêts demandés par M. [J] [W] en réparation du préjudice moral, financier et professionnel subi par lui du fait de son licenciement abusif ;
Et, statuant à nouveau,
Dire et juger que le plafonnement des indemnités prévus par l’article L.1235-3 du Code du travail est inconventionnel, ce plafond violant les dispositions de l’article 24 de la charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l’OIT et le droit au procès équitable, ou à tout le moins inadéquat pour réparer le préjudice subi par M. [J] [W] du fait de sa perte d’emploi injustifiée ;
Ecarter par conséquent le plafonnement des indemnités prévus par l’article L.1235-3 du code du travail;
Condamner en conséquence la SARL Trans’mo à verser à M. [J] [W] la somme de 14’200’€ nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, financier et professionnel subi par lui du fait de ce licenciement sans cause réelle et sérieuse (environ 6 mois de salaire) ;
Condamner la société Trans’mo à verser à M. [J] [W] la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au paiement des entiers dépens.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient, au visa de l’article 455 du code de procédure civile, de se reporter à leurs écritures susvisées.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 mai 2022 et l’affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience du 16 juin 2022. La décision a été mise en délibérée au 15 septembre 2022.
MOTIFS DE L’ARRÊT’:
Sur la demande au titre des avertissements du 28 novembre 2018 et du 10 septembre 2019′:
Aux termes des articles L.’1333-1 et L.’1333-2 du code du travail, le juge peut, au vu des éléments que doit fournir l’employeur et de ceux que peut fournir le salarié, annuler une sanction irrégulière en la forme, injustifiée, ou disproportionnée à la faute commise.
Au cas d’espèce, en premier lieu, par courrier recommandé en date du 28 novembre 2018, la société Trans’mo a notifié à M. [J] [W] un avertissement ainsi libellé’:
«’Nous faisons constat de nombreux litiges à votre actif concernant des erreurs de manipulation de notre matériel ces dernières semaines.
Bris de prise ABS à la suite d’oublis de débranchement sur tracteur BZ608NE,
Accrochage rétroviseur sur le [Immatriculation 9] à la suite du mauvais stationnement sur notre site de [Localité 10],
Accrochage rétroviseur sur le CN707SZ par suite d’une sortie mal anticipée avec un usagé de la route,
Accrochage de notre semi-remorque CF291 à la suite d’une mauvaise man’uvre en direction de cous la ville.’».
Concernant le premier grief, l’employeur produit l’attestation de M. [F] [V] qui ne se révèle pas probante en ce que’:
– La forme de l’attestation et la formulation des phrases sont similaires à celles établie par un autre salarié, M. [B] [R], le prénom [B] n’ayant d’ailleurs pas été modifié dans l’attestation de M. [V],
– Le numéro d’immatriculation du véhicule cité dans l’avertissement par rapport au bris de prise [5] ne correspond pas à celui indiqué dans l’attestation.
Dès lors, la société Trans’mo n’établit pas la réalité du premier grief.
Concernant le second et le quatrième grief, l’employeur produit deux factures s’agissant de l’accrochage d’un rétroviseur du véhicule immatriculé [Immatriculation 9] et de l’accrochage du semi-remorque immatriculé CF291.
Toutefois, ces factures ne suffisent à établir un lien entre les réparations effectuées et le salarié, l’employeur ne produisant aucun autre élément à cet égard.
En conséquence, la société Trans’mo ne démontre pas la matérialité des deuxième et quatrième griefs.
Finalement, concernant le troisième grief, la société Trans’mo produit un constat amiable d’accident automobile, en date du 17 juillet 2018, qui fait état d’un accident entre M. [J] [W] et un autre conducteur avec le véhicule immatriculé CN707SZ.
Le salarié reconnaît d’ailleurs la réalité de cet incident du 17 juillet 2018 dans ses conclusions.
Néanmoins, le seul fait que le salarié ait eu un «’accrochage rétroviseur sur le CN707SZ par suite d’une sortie mal anticipée avec un usagé de la route’» ne suffit pas à établir le bien fondé de l’avertissement notifié le 28 novembre 2018, dès lors que l’employeur se base sur la multiplicité des accrochages alors que les autres incidents ne sont pas établis.
En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, il convient d’annuler l’avertissement du 28 novembre 2018.
En second lieu, par courrier recommandé en date du 10 septembre 2019, la société Trans’mo a notifié à M. [W] un avertissement ainsi libellé’:
«’Après lecture de vos rapports journaliers d’activité, nous nous apercevons que vous ne manipulez toujours pas correctement votre sélecteur de chronotachygraphe, malgré nos nombreux rappels. En effet’:
– Durant le 3-8-14-16 août 2019, vous n’avez effectué aucunes coupures de plus vous ne respecter la réglementation qui vous avez en fimo dernièrement.
– Je vous rappelle aussi que vous avez encore heurter 2 de nos véhicules durant les 2 dernier mois ce jour la CM488PJ et le tracteur EK464PB.’».
Mais l’employeur ne produit aucune pièce à l’appui des griefs reprochés au salarié, les pièces visées dans les écritures ne concernant que des faits survenus après l’avertissement du’10’septembre’2019.
Dès lors, l’employeur échouant à établir la matérialité des griefs, il convient, par infirmation du jugement entrepris, d’annuler l’avertissement du 10 septembre 2019.
Par conséquent, il convient de condamner la société Trans’mo à réparer le préjudice moral subi par M. [J] [W] du fait de la notification de ces deux avertissements par le paiement d’une somme de 1’000’euros, le salarié mettant en exergue une atteinte injustifiée à ses qualités professionnelles.
Sur la demande au titre de l’absence d’institutions représentatives du personnel et de règlement intérieur’:
L’article L.’2311-2 du code du travail dispose qu’un comité social et économique est mis en place dans les entreprises d’au moins onze salariés.
Sa mise en place n’est obligatoire que si l’effectif d’au moins onze salariés est atteint pendant douze mois consécutifs.
L’article L.’2314-9 prévoit que lorsque le comité social et économique n’a pas été mis en place ou renouvelé, un procès-verbal de carence est établi par l’employeur. L’employeur porte à la connaissance des salariés par tout moyen permettant de donner date certaine à cette information, le procès-verbal dans l’entreprise et le transmet dans les quinze jours, par tout moyen permettant de conférer date certaine à l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article’L.’8112-1. Ce dernier communique une copie du procès-verbal de carence aux organisations syndicales de salariés du département concerné.
L’article R.’2314-22, dans sa rédaction applicable du 1er janvier 2018 au 14 décembre 2019, dispose que le procès-verbal des élections au comité social et économique est transmis par l’employeur dans les quinze jours, en double exemplaire, à l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L. 8112-1.
L’article L.’1311-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable du 24 mars 2012 au 1er janvier 2020, prévoit que l’établissement d’un règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins vingt salariés.
Des dispositions spéciales peuvent être établies pour une catégorie de personnel ou une division de l’entreprise ou de l’établissement.
L’article L.’1311-2 du même code, à compter du 1er janvier 2020, prévoit que l’établissement d’un règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises ou établissements employant au moins cinquante salariés.
Au cas d’espèce, la société Trans’mo produit le décompte des effectifs pour 2018, soit 17,70 salariés, le procès-verbal de carence daté du 22 avril 2019 en raison de l’absence de candidat pour des élections prévues le 21 juin 2016 et l’accusé de réception à la DIRRECTE de Grenoble, daté du 25 avril 2019.
Dès lors, l’employeur établit avoir respecté les dispositions légales quant à la mise en place d’institution représentatives du personnel.
Par ailleurs, compte tenu de l’effectif de salariés en 2018, la société Trans’mo n’avait pas l’obligation, en application de l’article L.’1311-2 du code du travail, d’établir un règlement intérieur.
En revanche, le décompte des effectifs en 2019 s’établit à 21,86. Le seuil de 20 salariés étant dépassé, la société Trans’mo avait donc l’obligation, en 2019, d’établir un règlement intérieur, ce qu’elle échoue à démontrer.
Il résulte des énonciations qui précédent que la société Trans’mo n’a pas respecté ses obligations légales uniquement quant à l’établissement d’un règlement intérieur en 2019.
Pour autant, le salarié ne caractérise aucun préjudice résultant de l’absence d’un règlement intérieur et aucun préjudice nécessaire ne peut être reconnu, le salarié visant uniquement l’existence d’un préjudice nécessaire en l’absence de mise en place d’institutions représentatives du personnel.
Dès lors, il convient, par confirmation du jugement entrepris, de débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts au titre du l’absence d’institution représentatives du personnel et de l’absence d’établissement d’un règlement intérieur.
Sur la demande au titre l’exécution déloyale du contrat de travail’:
Conformément à l’article L. 1222-1 du code de travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur incombe au salarié.
Au cas d’espèce, M. [J] [W] reproche à son employeur une série de griefs’:
– Avertissements injustifiés,
– Retenue injustifiée sur le salaire du mois de septembre 2019,
– Négligence dans l’entretien du matériel,
– Passivité de l’employeur par rapport à une contravention reçue à tort,
– Journées imposées de récupération sans délai de prévenance.
D’une première part, la cour rappelle qu’elle a annulé les deux avertissements injustifiés des 28 novembre 2018 et 10 septembre 2019.
D’une deuxième part, M. [W] produit son bulletin de salaire du mois de septembre 2019 indiquant un montant net à payer de 1’865,74’€ et son relevé de compte précisant que le 11 octobre 2019, le montant de 1’590,83’€ lui a été versé au titre de son salaire par la SARL Trans’mo.
La société Trans’mo explicite cette retenue dans un courrier en date du 25 septembre 2019, produit par le salarié, informant M. [W] qu’un trop-perçu lui a été versé au mois de mai 2019 quant à son salaire d’avril 2019 et que la somme de 274,91’€ sera donc prélevée sur le salaire du mois de septembre 2019.
Cependant la société Trans’mo ne justifie nullement du bien fondé de cette retenue alors que la charge de la preuve du paiement des salaires lui incombe.
Dès lors, ce deuxième grief est établi.
D’une troisième part, le salarié verse deux attestations qui s’avèrent non probantes pour établir la négligence de l’employeur dans l’entretien du matériel, dès lors que M. [B] [Z] n’aborde pas ce sujet et que M. [C] [H] ne fait que relater les dires du salarié.
En revanche, il produit de nombreux SMS, dont certains avec photographies, entre le 12 mars et le’30’novembre 2019 par lesquels il informe son employeur de différents problèmes techniques sur les véhicules.
Outre que certains SMS sont restés sans réponse de la part de l’employeur, ce dernier ne produit aucun élément démontrant qu’il a pris en compte les alertes du salarié pour réparer les défaillances techniques.
Dès lors, le troisième grief relatif à la négligence dans l’entretien du matériel est suffisamment établi.
D’une quatrième part, M. [W] verse aux débats un avis de contravention en date du 28 mai 2019 quant à un «’stationnement très gênant d’un véhicule motorisé sur un trottoir’» le 26 mars 2019, le véhicule étant immatriculé [Immatriculation 6], ainsi qu’un avis du 17 octobre 2019, intitulé «’Amendes et condamnations pécuniaires’», qui précise la somme de 375’€ à payer en raison de ladite infraction, sur décision prononcée le 9 septembre 2019 par l’officier du ministère public près le tribunal de police.
De plus, il produit un SMS en date du 7 juin 2019 informant son employeur qu’il n’a «’pas souvenance d’avoir utiliser le véhicule en question’» et qu’une «’lecture minutieuse de la carte conducteur, du chronotachygraphe et des archives pourraient faciliter la levée des doutes’», ainsi qu’un second SMS en date du 21 octobre 2019 précisant qu’il transmet une photocopie de la condamnation pécuniaire précitée.
Par courrier en date du 3 novembre 2019, M. [J] [W] a relancé son employeur quant à cette contravention, celui-ci n’ayant pas pris les mesures pour s’assurer de l’identité du conducteur du véhicule le jour de l’infraction.
Le salarié verse également deux courriers en date des 1er juillet et 11 septembre 2020 par lesquels il demande à la SARL Trans’mo de lui faire parvenir «’une copie de chaque C.M.R. concernant mon activité du 26/03/2019 avec le Renault «’Clovis’» [Immatriculation 7] ainsi que les photocopies des C.M.R. ainsi que ceux concernant M. [D] [I] à bord du véhicule Renault [Immatriculation 6].’».
Il produit également un mail de son employeur, en date du 14 octobre 2020, qui lui transmet les CMR sollicités dans les courriers précités.
Finalement, il verse un bulletin de pension du mois de février 2020 indiquant un prélèvement «’opposition comptable public’» d’un montant de 375’€.
En réponse, l’employeur produit un mail, daté du 7 novembre 2019, par lequel il indique’: «’Ci-dessous, les données du chauffeur à «’dénoncer’» sur Antai’».
Néanmoins, outre que l’employeur a tardé à répondre à la demande du salarié faite par SMS au mois de juin 2019, la seule transmission des données du chauffeur à M. [W] apparaît insuffisante pour accompagner son salarié dans la contestation de la contravention, les pièces pertinentes n’étant finalement délivrées qu’au mois d’octobre 2020.
Dès lors, le quatrième grief est suffisamment établi.
D’une cinquième part, le salarié verse aux débats cinq SMS de son employeur par lesquels ce dernier l’informe «’Récupération demain’».
Bien que la modification des horaires de travail et l’imposition de journées de récupération relèvent du pouvoir de direction de l’employeur, le fait de prévenir le salarié le soir pour le lendemain constitue une exécution déloyale du contrat de travail en ce que cela porte atteinte à la vie privée du salarié, ce dernier ne pouvant prévoir ses jours de travail et ses jours de récupération.
Dès lors, le cinquième grief est établi.
Il ressort des énonciations précédentes que le salarié établit quatre griefs quant à l’exécution déloyale du contrat de travail.
Outre le préjudice résultant du paiement par le salarié de la contravention en février 2020, M. [J] [W] justifie d’un arrêt de travail du 21 novembre au 2 décembre 2019 pour syndrome anxieux, renouvelé jusqu’au 14 décembre 2019.
Par conséquent, par infirmation du jugement entrepris, il convient de condamner la société Trans’mo à payer à M. [J] [W] une indemnité de 2’500’€ en réparation du préjudice moral résultant de l’exécution déloyale de son contrat de travail.
Sur la demande au titre de la rupture du contrat de travail’:
Conformément aux articles L.’1232-1, L.’1232-6, L.’1234-1 et L.’1235-2 du code du travail, l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave doit établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre de licenciement. Il doit également démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis.
Les motifs invoqués par l’employeur doivent être précis, objectifs et vérifiables. Il ressort de l’article L.’1235-1 du code du travail qu’il appartient au juge d’apprécier non seulement le caractère réel du motif du licenciement disciplinaire mais également son caractère sérieux.
La procédure pour licenciement pour faute grave doit être engagée dans un délai restreint après la découverte des faits.
L’employeur, bien qu’informé de l’ensemble des faits reprochés à un salarié, qui choisit de lui notifier une sanction disciplinaire pour certains d’entre eux, a épuisé son pouvoir disciplinaire et ne peut prononcer ultérieurement un licenciement pour les autres faits que postérieurement à leur date.
En l’espèce, la lettre de licenciement en date du 5 décembre 2019, qui fixe les limites du litige en application de l’article L.’1232-6 du code du travail, est ainsi rédigée’:
«’M.,
Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d’une faute grave.
En effet, le 20 novembre 2019, vous avez causé un accident dans nos locaux à [Localité 10], vous avez accrocher le bâtiment et endommagé le tracteur EK467PB.
Je vous rappelle qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé en effet vous causé plusieurs accrochages en amont de ce litige.
Notification Janvier 2019′:
Bris de prise ABS à la suite d’oublis de débranchement sur tracteur BZ608NE,
Accrochage rétroviseur sur le [Immatriculation 9] à la suite du mauvais stationnement sur notre site de [Localité 10],
Accrochage rétroviseur sur le CN707SZ par suite d’une sortie mal anticipée avec un usagé de la route,
Accrochage de notre semi-remorque CF291 à la suite d’une mauvaise man’uvre en direction de cous la ville.’»
Notification Septembre 2019
Durant le 3-8-14-16 août 2019, vous n’avez effectué aucunes coupures de plus vous ne respecter la réglementation qui vous avez en fimo dernièrement.
Je vous rappelle aussi que vous avez encore heurter 2 de nos véhicules durant les 2 dernier mois ce jour la CM488PJ et le tracteur EK464PB.’»
Ces évènements caractérisent donc une exécution défectueuse des obligations qui sont les vôtres au terme de votre contrat de travail. […]
Après réflexion, nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute.
Compte tenu de la gravité de celle-ci, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible’; le licenciement prend donc effet immédiatement à la date du jeudi 5 décembre 2019 sans indemnité de préavis ni de licenciement.’».
Il ressort de la lettre de licenciement que la société Trans’mo reproche à M. [J] [W] d’avoir causé un accident dans les locaux et d’avoir endommagé le tracteur EK467PB.
D’une première part, la cour constate que la lettre de licenciement mentionne un accident le’20’novembre 2019, alors que l’employeur mentionne la date du 19 novembre 2019 dans ses conclusions, au même titre que le salarié, ainsi que l’attestation de M. [B] [R], présent au moment de l’accident.
D’une deuxième part, l’employeur produit l’attestation de M. [B] [R] qui précise’: «’Avoir été présent lors de l’accrochage du véhicule EK467PB subit par M. [J] [W], je précise qu’il n’avait pas de trafic sur le parc de véhicule. La scène s’est produite le mardi 19 novembre 2019 entre 06h00 et 07h00, cette personne a heurté le mur séparant les quais de chargement au stationnement.’».
Pour sa part le salarié reconnaît l’accrochage dans ses conclusions, soutenant qu’il n’y avait pas d’éclairage et que l’obstacle n’était pas signalé.
D’une troisième part, sur la facture produite par la société les réparations sont datées du 2 octobre 2020, alors que l’accident a eu lieu au mois de novembre 2019. Il s’en déduit que les dégâts occasionnés n’ont pas nécessité de réparations immédiates.
Il ressort des énonciations qui précédent que le salarié a effectivement eu un accrochage, seul, sur le parking de l’entreprise, le 19 novembre 2019, ayant entraîné de faibles dégâts.
Or la cour rappelle qu’elle a annulé les deux avertissements notifiés le 28 novembre 2018 et le 10 septembre 2019, mentionnés dans la lettre de licenciement et que seul l’accrochage de rétroviseur en juillet 2018 peut être imputé au salarié.
Par ailleurs, les deux autres accidents soulevés par l’employeur dans ses conclusions n’apparaissent pas pertinents pour évaluer la gravité de la faute commise, ceux-ci n’ayant pas fait l’objet d’une quelconque sanction disciplinaire et l’employeur ne les mentionnant pas dans la lettre de licenciement.
En conséquence, le licenciement pour faute grave de M. [J] [W], notifié le 5 décembre 2019, apparaît disproportionné, c’est donc par une juste appréciation des circonstances de l’espèce, que la cour fait sienne, que les premiers juges l’ont requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail’:
D’une première part, dans ces conditions, par confirmation du jugement entrepris, la Sarl Trans’mo est condamnée à payer à M. [J] [W] les sommes suivantes’:
– 710,50’€ au titre de la mise à pied conservatoire, outre 71’€ de congés payés afférents,
– 2’362,29 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 236,23’€ de congés payés afférents,
– 986,26 € au titre de l’indemnité légale de licenciement.
D’une deuxième part, l’article L.’1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis; et, si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.
En application de ces dispositions, M. [J] [W] peut prétendre à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre 1 et 2 mois de salaire, s’agissant d’un salarié qui disposait d’une ancienneté, au service du même employeur, de moins de deux’ans.
Il produit une attestation de la société Proman qui précise qu’il a travaillé pour l’agence depuis le 8 janvier 2020 en tant que chauffeur routier national super lourd, mais il s’abstient plus généralement de verser aux débats les pièces susceptibles d’établir l’ampleur du préjudice dont il sollicite réparation à raison de la perte injustifiée de son emploi.
Il convient, par conséquent, de condamner la SARL Trans’mo à verser à M. [J] [W] la somme de 4’000’€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, le jugement entrepris étant réformé quant au quantum.
Sur les demandes accessoires’:
La SARL Trans’mo, partie perdante à l’instance au sens des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d’en supporter les entiers dépens.
Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l’espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de M. [W] l’intégralité des sommes qu’il a été contraint d’exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu’il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la SARL Trans’mo à lui payer la somme de 1’700’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, de la condamner à lui verser la somme de 1’500’€ au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS’:
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l’appel et après en avoir délibéré conformément à la loi’;
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a’:
‘ Dit que le licenciement de M. [J] [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
‘ Condamné la SARL Trans’mo à payer à M. [J] [W] les sommes suivantes’:
– 710,50’euros bruts au titre de la mise à pied conservatoire, outre 71’euros bruts de congés payés afférents,
– 2’362,29 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 236,23’euros bruts de congés payés afférents,
– 986,26 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement.
– 1’700’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Débouté M. [J] [W] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’absence d’institutions représentatives du personnel et de l’établissement d’un règlement intérieur,
‘ Condamné la SARL Trans’mo aux dépens’;
L’INFIRME pour le surplus’;
Statuant à nouveau et y ajoutant
ANNULE les avertissements notifiés le 28 novembre 2018 et le 10 septembre 2019,
CONDAMNE la SARL Trans’mo à payer à M. [J] [W] les sommes suivantes’:
– mille euros (1’000’euros) nets au titre des dommages et intérêts pour avertissements injustifiés,
– deux mille cinq cents euros (2’500’euros) nets pour exécution déloyale du contrat de travail,
– quatre mille euros (4’000’euros) au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’;
DÉBOUTE la SARL Trans’mo de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
CONDAMNE la SARL Trans’mo à payer à M. [J] [W] une indemnité complémentaire de 1’500’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
CONDAMNE la SARL Trans’mo aux dépens d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente