Retenues sur salaire : 15 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/02110

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Retenues sur salaire : 15 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/02110

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/02110 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M5UW

S.A.S. L’ITEC (L’INGENIERIE DES TECHNIQUES ETUDES CONSEIL S)

C/

[J]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 06 Mars 2020

RG : 18/03099

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 15 MARS 2023

APPELANTE :

Société L’ITEC (L’INGENIERIE DES TECHNIQUES ETUDES CONSEILS)

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Emmanuel MOUCHTOURIS de la SELARL SOCIETE D’AVOCATS SAINT CYR AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[K] [J]

né le 04 Juin 1985 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Ophélie DESCHAMPS-JAKOVLEVITCH, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 16 Janvier 2023

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Joëlle DOAT, présidente

– Nathalie ROCCI, conseiller

– Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 15 Mars 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Malika CHINOUNE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société L’Ingénierie des Techniques Etudes Conseils (ci-après nommée L’ITEC) a pour activité la conception de réseaux lumière et la mise en place des systèmes afférents à cette activité d’ingénierie.

M. [K] [J] a été embauché suivant contrat de travail à durée indéterminée du 18 décembre 2013 en qualité de Concepteur Lumière, qualifié Technicien, ETAM, coefficient 400, position 3.1.

M. [J] avait notamment en charge d’intervenir sur les chantiers, de réaliser les astreintes et travaux programmés la nuit ou le week-end, de mettre en service les installations électriques et électroniques, de réaliser les études et de réaliser les interventions techniques sur des chantiers.

La Convention Collective applicable est celle des Bureaux d’Etudes Techniques et Cabinets d’Ingénieurs Conseils.

Le 3 octobre 2016, M. [K] [J] se voyait notifier un avertissement pour divers

retards.

Par courrier en date du 3 février 2017, reçu le 13 février 2017, M.[K] [J] était sanctionné par un second avertissement en raison de retards et d’absences injustifiées. Il lui était en outre reproché un non-respect des matériels et infrastructures mis à sa disposition ainsi qu’un comportement irrespectueux à l’égard d’un client de la société.

Par courrier daté du 17 février 2017 M. [J] recevait en main propre contre décharge, un courrier de convocation à un entretien pour échanger sur le principe d’une rupture conventionnelle, fixé au 27 février 2017.

Par courrier en date du 9 mars 2017, M. [K] [J] se voyait notifier un troisième avertissement en raison de sa mauvaise volonté dans le cadre du dossier [T]. Ledit courrier concluait de la manière suivante « Par conséquent, nous allons prendre des dispositions, cette fois, pour que notre collaboration s’arrête rapidement »

Par courrier en date du 28 mars 2017, M. [J] était convoqué à un entretien en vue d’un licenciement, fixé au 6 avril 2017.

Par lettre en date du 7 avril 2017, la société L’ITEC a notifié à M.[K] [J] son licenciement dans les termes suivants :

« Monsieur,

Ensuite de notre entretien du 6 avril 2017, je vous indique que nous avons pris la décision de procéder à votre licenciement.

Les raisons en sont les suivantes

– Vous êtes entré dans la société par contrat à durée indéterminée en date du 18 décembre

2013 en qualité de concepteur lumière qualifié technicien ETAM au coefficient 400.

Vos fonctions sont les suivantes :

– Interventions sur les chantiers,

– Astreintes et travaux programmés de nuit ou week-end,

– Mise en service d’installations électriques et électroniques,

– Réalisation d’études,

– Interventions techniques sur des travaux,

Dans votre contrat de travail, outre un horaire de travail, il est prévu une clause de mobilité prévoyant « un travail effectué à [Localité 6] et sur des déplacements sur toute la France et à l’étranger ».

Il est très expressément indiqué également : « au titre des différents déplacements et à l’étranger, que Monsieur [J] [K] devra effectuer, il aura le statut de personnel non sédentaire ».

a) Vos nombreux retards, vos absences injustifiées ou justifiées tardivement, ont conduit à vous notifier un avertissement le 3 octobre 2016 auquel vous n’avez pas jugé nécessaire de répondre.

Le 3 février 2017, nous avons été contraints de vous notifier un nouvel avertissement, à propos de nouveaux retards, mais également au sujet des clients Mairie de [Localité 8] et Mairie de [Localité 5] qui ont fait part de votre comportement irrespectueux dans votre manière de parler, lorsque vous êtes en phase de mise en service ou en phase de réglages sur les installations d’éclairage.

Enfin, nous avons attiré votre attention sur le fait que vous ne respectiez pas les règles élémentaires du matériel et des infrastructures qui sont mise à votre disposition au sein de l’entreprise.

Vous avez systématiquement nié les faits, non sans reconnaître un oubli dans l’envoi tardif d’un arrêt maladie couvrant a posteriori, votre absence.

b) Depuis lors, et en considération de notre important chantier au MALI, vous refusez de vous déplacer, sans avancer la moindre justification, mais également sans égard à la clause de mobilité figurant dans ce contrat.

Votre refus injustifié constitue un manquement à vos obligations professionnelles.

Au surplus, cela désorganise notre entreprise, puisque Monsieur [V] [Y], dirigeant de L’I.T.E.C., doit alors pallier à votre défection.

c) Il nous a alors clairement apparu, à travers de ce qui précède, que vous souhaitiez quitter l’entreprise, et afin, d’éviter un contentieux, nous avons échangé sur la possibilité d’une rupture conventionnelle aux mieux des intérêts de chacun

A cette occasion, vous nous avez remis un document établi par votre conseil, Me BRIGAUD, ayant comme objet de « définir les termes et conditions dans lesquels la société l’ITEC s’engage à reverser à Monsieur [J], auteur des modèles SWING, 50% des revenus tirés de l’exploitation des dits modèles » et prévoyant ainsi une redevance à votre profit.

Cette demande, injustifiée au demeurant, atteste du fait que vous entendrez battre monnaie en échange d’une rupture amiable.

Ce comportement n’est pas plus acceptable que celui qui est désormais le vôtre.

d) Votre mauvaise volonté dans le dossier [T], pour lequel il vous a été demandé un document important, nous a conduits à solliciter un confrère extérieur pour pallier à votre défaillance.

J’ai dû reprendre le dossier INGEROP, à la dernière minute et refaire la notice technique que vous aviez établie de manière incomplète et suffisamment détaillée.

Ces faits ne sont pas acceptables.

Vos explications lors de notre entretien du 6 avril ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation.

Dans ces circonstances, nous sommes tenus d’opérer votre licenciement.

Vous serez tenu au préavis de deux mois (…)’.

Par acte du 23 mars 2018, M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de voir la société ITEC condamner à lui payer divers dommages-intérêts et indemnités.

Après une décision de radiation de l’affaire du 21 septembre 2018, l’affaire a fait l’objet d’une demande de réinscription en date du 4 octobre 2018.

Par un jugement du 6 mars 2020, le Conseil de Prud’hommes a :

– Fixé le salaire de référence de M.[K] [J] à la somme de 2 435,00 euros brut,

– Dit et jugé que le licenciement de M.[K] [J] est sans cause réelle et sérieuse,

– Condamné la société SAS L’ITEC à verser la somme de 30 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à M. [J]

– Dit que la procédure de licenciement de M. [J] n’a pas été respectée et a condamné la société SAS L’ITEC à verser la somme de 2 435,00 euros nets à M. [J] titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

– Débouté M.[J] de sa demande de licenciement vexatoire,

– Dit et jugé que l’avertissement prononcé à l’égard de M. [J] est injustifié,

– Annulé l’avertissement de M. [J] et condamné la société SAS L’ITEC à lui verser la somme de 1 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts,

– Condamné la société SAS L’ITEC à verser à M. [J] la somme de 2 000,00 euros nets à titre de manquement à l’obligation de versement régulier du salaire et ce de manière réitérée,

– Constaté que les congés payés du 23 janvier au 3 févier 2017, de M.[J] sont retenus à tort,

– Condamné la société SAS L’ITEC à verser à M. [J] la somme de 665,66 bruts pour non-versement des congés payés retenus à tort,

– Ainsi condamné la société SAS L’ITEC à verser à M. [J] la somme de 500 euros nets pour exécution déloyale du contrat de travail,

– Condamné la société SAS L’ITEC à verser à M. [J] la somme de 1500 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Ordonné l’exécution provisoire d’office sur l’entier jugement,

– Condamné la SAS L’ITEC aux entiers dépens de l’instance.

La cour est saisie de l’appel interjeté le 16 mars 2020 par l’ITEC.

Par conclusions notifiées le 12 juin 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société l’Ingénierie des Techniques Etudes Conseils, demande à la cour de :

– Infirmer le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Lyon en date du 6 mars 2020,

– Dire et juger que le licenciement de M. [J] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

– Constater que l’irrégularité de la procédure de licenciement n’a créé aucun préjudice à M. [J] ;

En conséquence :

– Débouter M. [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– Condamner M. [J] à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 4 septembre 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, M. [J] demande à la cour de :

– Rejeter l’intégralité des demandes de la société L’ITEC et de confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Lyon en date du 6 mars 2020, sauf en ce qu’il la débouté de sa demande au titre du licenciement vexatoire

Statuant à nouveau

– Réformer la décision du conseil de prud’hommes en ce qu’il a rejeté sa demande visant à voire dire et juger que le licenciement notifié le 7 avril 2017 est vexatoire,

– Condamner la société L’I.T.E.C. à lui verser la somme de 5 000 euros nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

En tout état de cause,

– condamner la société L’I.T.E.C. à :

‘ 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Intérêts au taux légal.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2022.

MOTIFS

– Sur le licenciement :

Il résulte des articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail que le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et résulte d’une lettre de licenciement qui en énonce les motifs.

En vertu de l’article L.1235-1 du code du travail, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure de licenciement suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

En l’espèce, il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que L’ITEC a licencié M. [J] pour cause réelle et sérieuse en invoquant

1°)

– des retards et absences injustifiées ou justifiées tardivement ;

– un comportement irrespectueux envers les clients des mairies de [Localité 8] et de [Localité 5] ;

– l’absence de soin du matériel et des infrastructures.

2°)le refus du salarié de se conformer à la clause de mobilité contenue dans son contrat de travail.

3°) la mauvaise volonté du salarié dans la conduite du dossier [T].

Sur le premier point, M. [J] soutient que ces faits ayant déjà fait l’objet d’une sanction disciplinaire par l’avertissement en date du 3 février 2017, la mesure de licenciement ne peut se fonder sur ces éléments déjà sanctionnés.

Sur le refus de se conformer à la clause de mobilité, M. [J] fait valoir que :

– deux salariés auraient, lors de la réunion du 10 octobre 2016, eut le même positionnement, sans que cela ne suscite la moindre difficulté et sans sanction pour le second salarié,

– son soi-disant refus motivant son licenciement, date de plus de 5 mois avant la notification du licenciement,

– lors des discussions entre les parties, ce refus de déplacement n’a jamais été invoqué.

****

Il ressort des éléments factuels que :

– le premier avertissement, notifié le 3 octobre 2016, portait sur des absences non justifiées et/ou non autorisées au poste de travail et des retards constatés au cours des dernières semaines, sans plus de précisions sur les dates, ni l’ampleur des retards ;

– le deuxième avertissement notifié le 3 février 2017 visait une absence le 2 janvier toute la journée et la matinée du 12 janvier 207 ainsi que des retards variant de 15 à 35 minutes la première quinzaine de janvier 2017 ;

– M. [J] a justifié d’arrêts de travail pour maladie les 2 et 12 janvier 2017, et a expliqué dans un courrier du 16 février 2017 qu’il avait égaré son arrêt de travail du 2 janvier mais avait prévenu la veille au soir de son absence, et qu’il avait oublié la feuille du 12 janvier 2017, ce dont il s’excusait ;

– les retards ne sont objectivés par aucun élément du débat et sont contestés par M. [J] qui soutient qu’il n’a eu au cours de la première quinzaine de janvier qu’un seul retard ne dépassant pas 5 minutes ;

– aucune pièce du débat ne démontre l’existence d’un comportement irrespectueux envers les clients des mairies de [Localité 8] et de [Localité 5], ni l’absence de soin du matériel et des infrastructures.

Il en résulte que le premier grief n’est pas établi et que l’avertissement du 3 février 2017 n’est pas justifié.

En ce qui concerne le refus de M. [J] de se conformer à la clause de mobilité contractuelle, l’employeur produit les comptes rendus des réunions de planning des 24 mars 2016, 25 mai 2016, 28 juin 2016, 20 juillet 2016, 28 octobre 2016, 3 avril 2017 et 15 juin 2017 qui portent invariablement la mention suivante :

‘ Concernant le Mali, [N] évoque le fait que l’affaire devrait continuer. Dans cet objectif, il demande à [L] et [K][J] ( [K] [J]) de faire des heures supplémentaires s’il le faut et de travailler sur ce dossier qui serait urgent. [L] et [K][J] ne veulent pas se déplacer sur site. [N] doit organis(é) si nécessaire.’

Il apparaît que le refus de [K] [J] de se déplacer sur le site malien de [Localité 4] a été acté régulièrement pendant plus d’une année sans que l’employeur n’en tire d’autre conséquence que la nécessité de ‘s’organiser si nécessaire’, ce qui laisse présumer que le positionnement de M. [J] sur un déplacement au Mali n’a à aucun moment été jugé comme étant fautif et que les salariés, dont M. [J], disposaient d’une option sur ce déplacement.

Faute pour la société L’ITEC d’avoir exprimé sa décision univoque de soumettre M. [J] à la clause de mobilité contractuelle pour un déplacement au Mali, aucun manquement de ce chef ne saurait être retenu contre M. [J].

Il en résulte que ce deuxième grief n’est pas établi.

Enfin, s’agissant de la mauvaise volonté du salarié dans le dossier [T], aucun élément du débat n’objective ce grief .

Il s’ensuit que le licenciement de M. [J] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; le jugement entrepris, qui a fait une juste appréciation des éléments du débat doit être confirmé de ce chef.

Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu’il a annulé l’avertissement du 3 février 2017 et en ce qu’il a alloué la somme de 1 000 euros de dommages-intérêts à ce titre à M. [J].

– Sur les dommages-intérêts :

En application des articles L.1235-3 et L.1235-5 anciens du code du travail, M. [J] ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l’absence de réintégration dans l’entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l’effectif de l’entreprise, dont il n’est pas contesté qu’il est habituellement de plus de 11 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [J] âgé de 31 ans lors de la rupture, de son ancienneté de trois années, trois mois et dix-neuf jours, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture doit être indemnisé par la somme de 15 000 euros, sur la base d’un salaire moyen mensuel de 2 435 euros.

Le jugement qui lui a alloué la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif au caractère abusif du licenciement doit être infirmé sur le montant.

M. [J] sollicite en outre la confirmation du jugement qui lui a alloué la somme de 2 435 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement.

L’ITEC s’oppose à cette demande au motif que M. [J] ne justifie pas de son préjudice.

Le courrier de licenciement a été adressé moins de deux jours ouvrables après la date prévue pour l’entretien préalable au licenciement, de sorte que la procédure est irrégulière au regard des dispositions de l’article L. 1232-6 du code du travail.

Mais, l’indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement ne se cumulant pas avec l’indemnité accordée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [J] sera débouté de cette demande et le jugement infirmé sur ce point.

Enfin , il ne résulte pas des circonstances du licenciement qu’elles ont présenté un caractère vexatoire justifiant une indemnisation distincte de celle qui a été allouée en réparation du licenciement injustifié,de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts formée à ce titre.

– Sur la demande d’indemnisation au titre des retards récurrents dans le paiement du salaire :

M. [J] soutient qu’il a constaté, ainsi que les autres salariés de la société L’ITEC, des retards de paiement du salaire au cours de l’année 2015.

Ainsi, il résulte du courrier adressé le 8 avril 2015 par M. [J] à son employeur que :

– le salaire d’octobre a été versé le 7 novembre 2014

– le salaire de novembre a été payé le 8 décembre 2014

– le salaire de décembre a été payé le 5 janvier 2015

– le salaire de janvier a été payé le 9 février 2015

– le salaire de février a été payé le 19 mars 2015

– à la date du 8 avril 2015, le salaire de mars n’était toujours pas payé.

M. [J] ajoute qu’à la date du 7 mars 2017, il n’avait toujours pas reçu son salaire de février.

Il invoque deux courriers adressés par les salariés à l’inspection du travail, le 13 octobre 2015 pour des retards de versement des salaires ainsi que dans le remboursement des notes de frais et le non versement des primes de vacances, et le 10 mars 2016 pour des retards dans le remboursement des notes de frais et le non versement des primes de vacances 2014.

L’employeur n’a pas conclu sur cette demande.

****

Il résulte des dispositions de l’article L. 3242-1 du code du travail relatives au paiement du salaire que le paiement de la rémunération est effectué une fois par mois, ce dont il résulte que le délai de versement entre deux salaires ne pourra pas excéder un mois.

M. [J] a, par courrier du 30 mars 2015, co-signé par trois autres salariés, expressément sollicité une date fixe de versement du salaire pour l’avenir, ainsi que pour les notes de frais.

Cette situation n’a pas été contestée par la société L’ITEC qui, dans un courrier d’information du même jour, soit le 30 mars 2015, adressé à M. [J], invoquait ses problèmes actuels de trésorerie et le remerciait par avance pour sa compréhension.

Il est par conséquent acquis au débat que la société L’ITEC n’a pas respecté, à plusieurs reprises, l’obligation de versement du salaire dans un délai maximum de trente jours.

S’ag issant d’un manquement à une obligation essentielle du contrat de travail, M. [J] est fondé à solliciter l’indemnisation de son préjudice et la cour, constatant que le conseil de prud’hommes a fait une juste appréciation du préjudice du salarié, confirme le jugement en ce qu’il a condamné la société L’ITEC à payer à M. [J] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts.

– Sur la demande de rappel de salaire liée à des congés sans solde imposés par l’employeur :

Le jugement déféré a condamné la société L’ITEC à payer à M. [J] la somme de 665, 66 euros correspondant à une retenue sur salaire au titre d’une période de congés sans solde du 23 janvier au 3 février 2017, ainsi que la somme de 500 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail.

Constatant que la société l’ITEC n’a développé aucun moyen à l’appui de son appel incident sur ces deux chefs, la cour confirme le jugement déféré.

– Sur le remboursement des indemnités de chômage :

En application de l’article L.1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d’indemnisation.

– Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge de la société L’ITEC les dépens de première instance et en ce qu’il a alloué à M. [J] une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société L’ITEC, partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens d’appel.

L’équité et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement

CONFIRME le jugement déféré, sauf sur le montant des dommages-intérêts alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et sauf en ce qu’il a condamné l’ITEC à payer à M. [J] la somme de 2 435 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement

INFIRME le jugement déféré sur ces chefs

STATUANT à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société L’ITEC à payer à M. [J] la somme de15 000 euros bruts à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse

DÉBOUTE M. [J] de sa demande de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure

ORDONNE d’office à la société L’ITEC le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. [J] dans la limite de trois mois d’indemnisation,

CONDAMNE la société L’ITEC à payer à M. [J] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel,

CONDAMNE la société L’ITEC aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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