Retenues sur salaire : 15 mars 2023 Cour d’appel de Limoges RG n° 22/00434

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Retenues sur salaire : 15 mars 2023 Cour d’appel de Limoges RG n° 22/00434

ARRÊT N°

N° RG 22/00434 – N° Portalis DBV6-V-B7G-BIK2Y

AFFAIRE :

[G] [J]

C/

FONDATION JACQUES CHIRAC

PLP/TT

Demande d’annulation d’une sanction disciplinaire

Grosse délivrée le 15/03/2023 à Me Elvina JEANJON et Me Christophe DURAND-MARQUET

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

————

ARRÊT DU 15 MARS 2023

————-

A l’audience publique de la Chambre économique et sociale de la cour d’appel de LIMOGES, le quinze Mars deux mille vingt trois a été rendu l’arrêt dont la teneur suit ;

ENTRE :

Madame [G] [J], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Elvina JEANJON, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANTE d’un jugement rendu le 11 Mai 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TULLE

ET :

FONDATION JACQUES CHIRAC Représentée par le Président de son Conseil d’Administration domicilié en cette qualité audit siège de la fondation., dont l’adresse est [Adresse 1]

représentée par Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMEE

—==oO§Oo==—

L’affaire a été fixée à l’audience du 23 Janvier 2023, après ordonnance de clôture rendue le 7 décembre 2022.

Conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles magistrat rapporteur, assistée de Mme Sophie MAILLANT, Greffier, a tenu seule l’audience au cours de laquelle elle a été entendue en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Après quoi, Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 15 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la Loi.

Au cours de ce délibéré Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, a rendu compte à la cour composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller et d’elle-même.

A l’issue de leur délibéré commun a été rendu à la date fixée, l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition au greffe.

LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Mme [G] [J] a été engagée par l’association des centres éducatifs du Limousin devenu la FONDATION JACQUES CHIRAC le 1er mars 1991, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en qualité d’infirmière diplômée d’Etat (IDE).

Le 4 mars 2021, elle a reçu une convocation à un entretien préalable à une sanction disciplinaire fixé le 11 mars suivant.

Par un courrier recommandé du 22 mars 2021, Mme [J] s’est vue notifier une mise à pied disciplinaire d’une durée de 3 jours retenue sur salaire (du 13 au 15 avril 2021 inclus), l’employeur lui reprochant des agissements fautifs allant à l’encontre de ses obligations personnelles et contractuelles, à savoir un non-respect de la prescription du médecin psychiatre concernant un usager le 7 janvier 2021, ainsi que la non-référence à l’ordonnance du médecin généraliste concernant la délivrance d’un antibiotique le 23 février 2021.

Contestant la mise à pied disciplinaire dont elle avait fait l’objet, Mme [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Tulle par une demande reçue le 12 mai 2021.

Par jugement du 11 mai 2022, le conseil de prud’hommes de Tulle, estimant que la sanction disciplinaire était justifiée, a :

– confirmé la sanction disciplinaire de mise à pied à l’encontre de Mme [J] par la FONDATION JACQUES CHIRAC ;

– débouté Mme [J] de l’ensemble de ses demandes ;

– débouté la FONDATION JACQUES CHIRAC de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens éventuels.

Mme [J] a interjeté appel de la décision le 3 juin 2022.

Aux termes de ses écritures du 9 novembre 2022, Mme [J] demande à la cour de :

– réformer le jugement dont appel en ce qu’il a confirmé la sanction disciplinaire de mise à pied, en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et en ce qu’il a dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens éventuels ;

Statuant à nouveau :

– d’annuler la sanction disciplinaire dont elle a fait l’objet et notifiée par courrier du 22 mars 2021 ;

– condamner la FONDATION JACQUES CHIRAC à lui verser les sommes de :

* 324,94 € en réparation du préjudice économique subi du fait de la sanction disciplinaire injustifiée ;

* 5 000 € en réparation de son préjudice moral ;

En toute hypothèse, de :

– confirmer le jugement critiqué pour le surplus ;

– débouter la FONDATION JACQUES CHIRAC de toutes demandes, fins et conclusions contraires ;

– condamner la même à lui verser la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Mme [J] soutient que rien ne justifie la sanction disciplinaire dont elle a fait l’objet. Que cela soit le prétendu non-respect de la prescription du médecin psychiatre concernant un usager le 27 janvier 2021, ou la supposée non-référence à l’ordonnance du médecin généraliste concernant la délivrance d’un antibiotique pour un usager le 23 février 2021, elle indique qu’aucun de ces griefs n’est établi, relevant qu’elle travaillait en tout état de cause avec un binôme.

Aux termes de ses écritures du 1er décembre 2022, la FONDATION JACQUES CHIRAC demande à la cour de :

– débouter Mme [J] de son appel déclaré mal fondé ;

– confirmer, en conséquence, le jugement attaqué ;

– subsidiairement, diminuer le montant des dommages-intérêts pour préjudice moral ;

– condamner en toute hypothèse Mme [J] à lui verser une indemnité de 1 500 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la débouter de sa demande fondée sur le même texte ;

– condamner Mme [J] aux dépens d’appel en accordant à Maître DURAND-MARQUET, avocat, le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

La FONDATION JACQUES CHIRAC soutient que la sanction disciplinaire prise à l’égard de Mme [J] est parfaitement fondée au regard des manquements commis par celle-ci le 27 janvier et le 23 février 2021, manquements constituant une véritable faute professionnelle.

En tout état de cause, elle fait valoir que la procédure disciplinaire n’a causé aucun préjudice à la salariée.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l’article L 1331-3 du code du travail :

« Constitue une sanction disciplinaire toute mesure, autre que les observations verbales prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ».

L’article L 1333-1 du même code précise :

« En cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. »

Quant à l’article L 1333-2 du code du travail il ajoute que :

« Le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise ».

L’annulation fait disparaître rétroactivement la sanction.

L’article 19 du règlement intérieur prévoit la mise à pied disciplinaire sans rémunération d’une durée de 1 à 3 jours. Cette sanction constitue une exclusion temporaire de la Fondation, entrainant la privation de la rémunération correspondante.

Madame [J] s’est vue notifier le 22 mars 2021 une mise à pied disciplinaire de 3 jours aux motifs du « non-respect de la prescription du médecin psychiatre concernant un usager du Centre d’Habitat en date du 27 janvier 2021 » et de la « non référence à l’ordonnance du médecin généraliste concernant la délivrance d’un antibiotique concernant un usager du Foyer Occupationnel le 23 février 2021 ».

1. Sur le grief de non-respect de la prescription du médecin psychiatre concernant un usager du Centre d’habitat en date du 27 janvier 2021 :

Il résulte d’un rapport établi le 24 février 2021 par Mme [E] [P], chef de service, que M. [C] [R], travailleur handicapé de l’ESAT et résident du Centre d’Habitat, a été vu en consultation le 27 janvier 2021 par le Docteur [F], médecin psychiatre, en présence de Mme [S] [I], infirmière de l’Institution. Le Docteur [F] a interrogé le résident sur son traitement nouvellement mis en place lors de la précédente consultation du 23 décembre 2020, à la suite de problèmes comportementaux.

Ce traitement consistait notamment à prendre un cachet matin et soir, voire midi en cas de sortie de l’Etablissement.

Le résident lui a répondu que le « cachet blanc » en question n’était pas présent dans son semainier, préparé par l’infirmière de l’Institution, Mme [G] [J]. Le Docteur [F], pour vérifier la véracité des propos du résident, lui a demandé d’apporter son semainier préparé par Mme [J], ce qui lui a permis de constater la réalité de l’absence de ce médicament. Ce médecin a alors déclaré qu’il s’agissait de pratiques inacceptables qui constituaient une véritable faute professionnelle.

Mme [E] [P], chef de service, a attesté, dans les formes légales, qu’elle était la signataire de ce rapport et en a reproduit la teneur.

C’est sans intérêt que Mme [J] soutienne qu’il était impossible que le « résident ait pu la voir préparer précisément son semainier » dès lors que ce fait ne résulte ni du rapport ni de l’attestation rédigée par Mme [P].

Mme [J], infirmière de l’Etablissement, était chargée de préparer les piluliers et lors de plusieurs réunions de service, il a été rappelé par la Direction la nécessité impérieuse de tenir à jour le dossier médical de chaque usager et la traçabilité des préparations des piluliers par unité de vie.

Mme [J] ne produit aucun élément susceptible de mettre en cause la réalité des faits ainsi relatés. Le défaut de respect de la prescription du médecin psychiatre doit être considéré comme établi.

La réalité des faits sanctionnés et leur imputabilité à Mme [J] doivent être considérés comme établies.

2. Sur le second grief de non-référence à l’ordonnance du médecin généraliste concernant la délivrance d’un antibiotique pour un usager du Foyer occupationnel

Le 23 février 2021, la cheffe de service s’est rendue à l’unité de vie du Foyer occupationnel où elle a rencontré Mme [A] [U] qui se déplaçait en fauteuil roulant ; sa jambe était violacée. Mme [U] avait été vue la veille par

le Docteur [B] lequel lui avait prescrit un traitement spécifique. La cheffe de service a alors interpellé les professionnelles présentes lesquelles ont confirmé avoir informé Mme [J] de l’état de Madame [U] qui ne s’améliorait pas. Or Mme [J] n’a pas retrouvé l’ordonnance de ce Docteur et ne savait pas quel antibiotique lui avait été prescrit alors que la prescription était rangée dans le classeur de Mme [U] et que la transmission avait été effectuée selon la procédure, ce dont Mme [I], infirmière, a attesté, dans les formes légales.

Ces faits ont été décrits dans un rapport établi par la cheffe de service, Mme [E] [P], qui les a confirmés dans une attestation établie dans les formes légales. Mis à part ses propres déclarations, Mme [J] n’apporte aucun élément pour les contredire, d’autant que l’existence de la transmission manuscrite de Mme [I] indiquant « [U] V est sous ATB pdt 8 jours dans le pilulier» est produite. Mme [I] a également précisé par écrit que cette transmission ‘était laissée sur le bureau de l’infirmière le 22/02/2021 au soir pour sa prise de service le 23/02/2021 au matin, au sujet de Mme [U] [A].’. Si Mme [J] n’avait pas trouvé cette prescription médicale Il lui incombait d’interroger sans délai la cheffe de service, ce qu’elle n’a pas fait.

Par ailleurs, au vu de ces explications et de l’état de santé de la résidente, Mme [P] indique avoir demandé à Mme [J] de contacter le Docteur [B] afin de convenir d’un rendez-vous et précise qu’elle a dû renouveler cette demande à trois reprises. Or, il incombait à Mme [J], en sa qualité d’infirmière, de prendre contact avec le Docteur [B] afin de lui décrire l’état clinique de la résidente. C’est à tort que Mme [J] prétend qu’il s’agissait d’une demande qui contrevenait aux dispositions contenues dans le projet d’Etablissement, alors que les dispositions auxquelles elle se réfèrent et qui citent l’équipe éducative sont celles relatives à l’accompagnement des résidents chez le généraliste et non à la prise de rendez-vous.

Ainsi, il a y a lieu de considérer comme établie la réalité des faits, objet de ce second grief.

3. Sur la justification de la sanction

Compte tenu des caractéristiques des deux fautes commises par Mme [J], révélant un manque de rigueur répété dans un domaine vital, s’agissant de la connaissance et du respect des prescriptions médicales, la sanction prononcée d’une mise à pied disciplinaire d’une durée de 3 jours apparaît justifiée et non disproportionnée.

Le jugement déféré mérite d’être confirmé dans toutes ses dispositions.

4. Sur les demandes annexes

Mme [J] qui n’obtient pas gain de cause en appel supportera la charge des dépens de cette instance conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile mais l’équité commande de débouter la FONDATION JACQUES CHIRAC de sa demande de condamnation de Mme [J] à lui verser une indemnité de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré rendu par le conseil de prud’hommes de Tulle le 11 mai 2022 ;

Y ajoutant ;

CONDAMNE Mme [G] [J] à prendre en charge les dépens de l’instance d’appel ;

Vu les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la FONDATION Jacques CHIRAC de sa demande en paiement ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sophie MAILLANT Pierre-Louis PUGNET

 


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