Retenues sur salaire : 15 juin 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00754

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Retenues sur salaire : 15 juin 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00754

OM/CH

S.A.S. FIDUCIAL SÉCURITÉ HUMAINE venant au droits de la Société PROSEGUR SÉCURITÉ HUMAINE

C/

[D] [U] [C] [R]

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 15 JUIN 2023

MINUTE N°

N° RG 21/00754 – N° Portalis DBVF-V-B7F-F2ES

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MACON, section Activités Diverses, décision attaquée en date du 07 Octobre 2021, enregistrée sous le n° 20/00142

APPELANTE :

S.A.S. FIDUCIAL SÉCURITÉ HUMAINE venant au droits de la Société PROSEGUR SÉCURITÉ HUMAINE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Ibrahim ABDOURAOUFI de la SELARL RATIOS & STANDARDS LEGAL, avocat au barreau de LYON substitué par Me Sylvain CHAMPLOIX, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉ :

[D] [U] [C] [R]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Georges BUISSON de la SELARL CABINET COTESSAT-BUISSON, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES, et Me Jean-Philippe BELVILLE de la SELARL JEAN PHILIPPE BELVILLE, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Mai 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Olivier MANSION, Président de chambre chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [R] (le salarié) a été engagé par contrat à durée indéterminée en qualité d’agent de sécurité par une société puis ce contrat a été transféré, le 1er janvier 2017, à la société Proségur aux droits de laquelle vient la société Fiducial sécurité humaine (l’employeur).

Il a été licencié le 2 avril 2021.

Estimant être créancier de rappel de salaire et avoir été victime de harcèlement, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes qui, par jugement du 7 octobre 2021, a condamné l’employeur au paiement d’un rappel de salaire, à des dommages et intérêts mais a rejeté les autres demandes.

L’employeur a interjeté appel le 17 novembre 2021, après notification du jugement le 2 novembre 2021.

Il conclut à l’infirmation partielle du jugement sur les condamnations prononcées à son encontre et sollicite le paiement de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le salarié demande la confirmation partielle du jugement sauf à obtenir le paiement des sommes de :

– 15 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice financier,

– 40 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

– 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

et réclame le bénéfice de l’exécution provisoire : « sous astreinte journalière de 600 euros ».

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties échangées par RPVA les 10 février et 9 mai 2022.

MOTIFS :

Il sera constaté que la société Fiducial sécurité humaine a conclu aux lieu et place de la société Proségur sécurité humaine.

Sur le rappel de salaire :

1°) Le salarié conteste les retenues sur salaire opérées par l’employeur dès lors qu’il n’était pas en absence injustifiée.

L’employeur répond que le contrat de travail prévoit une affectation sur différents sites et que le salarié a refusé de se présenter sur ceux-ci sauf le site Schneider à [Localité 4].

Il ajoute que l’affectation au magasin Décathlon de [Localité 5] est régulière et que le refus du salarié est incohérent dès lors qu’il se plaint de ne pas avoir 151 heures de travail par mois mais refuse l’affectation prévue.

Le consentement du salarié doit être recherché lorsque l’employeur décide de modifier un élément contractuel alors qu’il peut imposer un simple changement de ses conditions de travail en vertu de son pouvoir de direction.

Par ailleurs, une clause de mobilité est valable à condition de définir de façon précise sa zone géographique d’application et ne doit pas conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée.

En l’espèce, le contrat de travail stipule dans son article 8 que le salarié effectue sa prestation de travail sur les différents sites des clients en fonction des besoins de ces derniers. Il est précisé que le salarié pourra être affecté indifféremment sur ou plusieurs sites clients de la société compris dans le secteur géographique couvrant une zone d’un rayon de 60 km autour de son domicile et 60 km autour de sa première affectation.

L’article 9 prévoit que la mobilité s’exerce sur l’un des départements suivants : 69, 01, 38, 42, 73 et 74.

Ici, le salarié a été affecté en décembre 2019 à un site situé à [Localité 5], soit dans le département du Rhône et dans le rayon de 60 km du domicile du salarié lequel réside à [Localité 4], dans la limite de 40 heures, en plus du site Schneider de [Localité 4] lequel portait également sur une durée limitée.

Il en résulte que la mise en oeuvre de la clause est licite.

La lettre du 4 novembre émanant du salarié vaut refus de programmation du travail sur le site de [Localité 5].

Le salarié ne conteste pas les absences mais seulement leur caractère injustifié dès lors qu’il soutient avoir refusé la planification supplémentaire dans le délai imparti.

Il en résulte que les absences sont établies.

Il reste à déterminer si elles sont ou non injustifiées.

Le salarié se reporte aux articles L. 3123-21 du code du travail, 3 et 4 de l’accord du 18 mai 1993 relatif à la durée et à l’aménagement du temps de travail.

L’employeur répond qu’il a respecté les stipulations de l’article 3.1.1.3 de l’accord.

Il sera relevé que l’article L. 3123-21 précité, dans sa rédaction alors en vigueur, ne concerne que le contrat de travail à temps partiel.

Par ailleurs, l’article 3 de l’accord précité stipule que : « Les plannings de vacation sont établis par référence à la durée du travail sur la base d’un horaire nominatif et individuel.

Toute modification doit être portée par écrit, sur un document identifiant l’entreprise, à la connaissance du salarié au moins 1 semaine avant son entrée en vigueur.

Cette modification ne remet pas en cause l’application des dispositions du présent accord.

Le délai spécifié de 1 semaine pourra être réduit avec l’accord exprès du salarié concerné, notamment dans les cas suivants :

1. Remplacement d’un salarié absent, notamment pour cause de :

‘ maladie, accident du travail ;

‘ absences inopinées ;

‘ congés pour événements familiaux ;

‘ congé mutualiste ;

‘ congé de représentation ;

‘ congés statutaires pour les représentants des organisations syndicales ;

‘ congés dans le cadre de la formation professionnelle continue ;

‘ heures de délégation pour les représentants du personnel.

Cette modification n’entraîne pas, pour des absences de courte durée, de changement au planning normal ; le salarié absent retrouve à son retour son poste de travail.

2. En cas de prestation supplémentaire demandée par le client :

‘ dans ce cas, l’accord du salarié intervenant en supplément doit être confirmé et formalisé par écrit. Un exemplaire contresigné est remis au salarié. Le refus d’un salarié d’assurer ce ou ces services supplémentaires ne pourra entraîner de sanctions d’aucune nature, toute disposition contraire étant nulle de plein droit.

Tout service supplémentaire ne pourra être compensé, dans le cadre de la durée du travail, par la suppression d’un service équivalent prévu au planning, sauf demande du salarié. »

L’article 4 précise : « En cas de prestation demandée par un nouveau client et présentant un caractère exceptionnel et d’urgence en raison d’un service de nature à préserver les biens et les personnes, l’employeur peut demander à un salarié d’effectuer un service supplémentaire sous condition qu’entre ces deux services le temps de repos de 12 heures soit respecté.

L’accord du salarié doit être formalisé par écrit. Un exemplaire est remis au salarié. Cet accord comporte obligatoirement une contrepartie financière spécifique qui ne pourra pas être inférieure à la rémunération que perçoit le salarié en raison des heures effectuées.

Seule la première vacation ouvre droit à une contrepartie financière.

Le refus du salarié d’assurer cette prestation supplémentaire n’entraîne aucune sanction et ne peut faire l’objet d’une procédure de licenciement. »

L’article 3.1.1.3 que vise l’employeur ne correspond à aucun article de l’accord.

Par ailleurs, l’employeur indique que le planning de novembre 2019 a été modifié le 31 octobre 2019 et il s’agissait bien d’une modification au regard du planning initial de novembre 2019 communiqué par le salarié (pièce n° 6).

Le salarié a reçu cette nouvelle affectation le 2 novembre pour une prise de poste le 4 novembre, date à laquelle il a refusé de se rendre sur le site d’affectation.

L’employeur ne démontre pas plus que les conditions prévues à l’article 4, à savoir le caractère exceptionnel et d’urgence en raison d’un service de nature à préserver les biens et les personnes, ait été remplies.

Il en résulte que le refus du salarié d’être affecté à un site ne peut donner lieu, dans la présente espèce, à aucune sanction d’aucune nature ce qui vise la retenue sur salaire en raison de l’absence du salarié.

Un rappel de salaire est dû en conséquence.

Le salarié demande la confirmation du jugement qui a accordé la somme de 23 788,74 euros sur la période de novembre 2019 à septembre 2021 sur la base d’un salaire mensuel de 1 560 euros, soit 1 672,32 euros brut.

Ce rappel doit tenir compte des sommes versées au titre de l’activité exercée sur [Localité 4], des salaires versés tels que figurant sur les bulletins de paie communiqués sur la période considérée, des sommes payées en exécution d’une décision de référé et du licenciement intervenu le 2 avril 2021 pour faute grave.

Il en résulte que le rappel de salaire sera chiffré à 3 003 euros et 300,30 euros de congés payés afférents, ce qui implique l’infirmation du jugement sur ce point.

2°) Le salarié soutient que l’employeur a modifié le contrat de travail en substituant des horaires variables à un horaire continu et qu’il en est résulté un préjudice.

Cependant, il sera relevé que nonobstant la discussion relative à la modification des horaires, le salarié ne demande que la réparation de préjudices financiers et n’invoque pas un dépassement du temps de travail.

De plus, ces préjudices qui ne sont pas déterminés ne sont pas plus démontrés.

La demande sera donc rejetée et le jugement infirmé sur ce point.

Sur le harcèlement moral :

En application des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de la loi. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements indiqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, le salarié semble indiquer dans ses conclusions que l’employeur procédait à une gestion catastrophique de ses agents, qu’il a subi une dégradation de ses conditions de travail quant aux modifications des plannings en dépit de son refus et des sanctions pécuniaires sur son salaire, ce qui porte atteinte à ses droits et relève du harcèlement moral.

Cependant, le salarié ne fournit aucun élément et le rappel de salaire accordé ne permet pas de retenir une dégradation des conditions de travail ni une atteinte au droit faisant supposer un harcèlement moral.

La demande sera rejetée et le jugement confirmé.

Sur les autres demandes :

1°) Il sera rappelé que l’exécution provisoire est sans objet devant la cour d’appel dès lors qu’un éventuel pourvoi en cassation n’est pas suspensif de l’exécution de l’arrêt.

Au surplus, l’astreinte ne peut être attachée à l’exécution provisoire d’une décision de justice dès lors qu’elle ne peut, en exécution des dispositions de l’article L. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution, sanctionner que l’exécution d’une obligation devenue exécutoire.

La demande sera donc rejetée.

2°) Les demandes formées au visa de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

L’employeur supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :

– Constate que la société Fiducial sécurité humaine intervient aux lieu et place de la société Proségur sécurité humaine ;

– Infirme le jugement du 7 octobre 2021 sauf en ce qu’il rejette la demande de M. [R] en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

– Condamne la société Fiducial sécurité humaine à payer à M. [R] les sommes de :

* 3 003 euros de rappel de salaire,

* 300,30 euros de congés payés afférents ;

– Rejette les autres demandes de M. [R] ;

Y ajoutant :

– Rejette la demande de M. [R] d’exécution provisoire assortie d’une astreinte ;

– Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

– Condamne la société Fiducial sécurité humaine aux dépens d’appel.

Le greffier Le président

Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION

 


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